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Reprise du

navire portu

Cruz.

Opinion de Sir W. Scott.

$2998. A l'occasion de la reprise du navire portugais Santa gais Santa Cruz par un croiseur anglais en 1796 Sir William Scott, en l'absence d'un principe général à invoquer quant au titre juridique de cette sorte de propriété, s'exprime ainsi : « Il serait bon qu'il y eût à ce sujet quelque règle : que ce fût la règle de la possession de nuit et des vingt-quatre heures, ou celle du transport intra præsidia, ou la demande d'une sentence réelle de condamnation; l'une ou l'autre alternative suffirait à la pratique générale, quoique en théorie l'une paraisse peut-être plus juste que l'autre ; mais le fait est qu'en pratique il n'existe pas de semblable règle. A la vérité les nations s'accordent en principe à reconnaître comme titre sérieux la possession ferme et assurée; mais ces règles d'évidence à l'égard de cette possession sont si peu d'accord et conduisent à des conclusions si opposées que la simple unité de principe n'établit pas de règle uniforme pour constituer la pratique générale. L'opinion publique de tous les États de l'Europe füt-elle plus distinctement d'accord sur un principe quelconque propre à établir la règle du droit des gens sur ce sujet, il ne s'ensuivrait en aucune manière qu'un État fût obligé de l'observer. Cette obligation ne pourrait résulter que d'une réciprocité de pratique chez les autres nations; car par le fait même de la prédominance d'une règle différente chez les autres nations il deviendrait non seulement légal, mais nécessaire pour cette nation isolée de suivre une conduite différente. Par exemple, si les autres nations faisaient prévaloir une règle en vertu de laquelle la possession immédiate et le simple acte de la capture suffiraient pour dépouiller de son droit le propriétaire originaire, il serait absurde de la part de l'Angleterre d'agir envers ces nations d'après un principe plus large et de poser comme règle générale qu'emmener la capture intra præsidia (quoique ce soit probablement la vraie règle) serait dans tous les cas de reprise jugé nécessaire pour dépouiller le propriétaire originaire de son droit. Suivre la même marche causerait un tort grave aux sujets anglais; car une règle dont l'application pratique doit entraîner une réelle injustice ne peut jamais être la véritable base du droit entre les nations indépendantes..... Si l'on me demande, en présence de la diversité connue de la pratique à ce sujet, quelle est la règle qu'il convient à un État d'appliquer à la propriété de ses alliés qui a été reprise, je répondrai que le procédé libéral et rationnel serait d'appliquer en premier lieu la règle du pays auquel la propriété reprise appartient. J'admets

que ce n'est pas là la pratique des nations; mais je pense qu'une pareille règle serait à la fois juste et libérale. Pour le propriétaire du navire repris, elle lui présente son consentement implicitement contenu dans la sagesse législative de son propre pays; pour celui qui opère la reprise, cette règle ne peut être considérée comme préjudiciable, lorsque la règle du pays du propriétaire dont le bâtiment a été repris porterait condamnation, tandis que la règle qui prévaut parmi les concitoyens de celui qui a opéré la reprise ordonnerait la restitution de la capture. Cette règle lui offre un avantage manifeste, et même dans le cas de restitution immédiate, d'après les règles du pays du vaisseau repris, le pays de celui qui opère la reprise pourrait être sûr en toute confiance de recevoir une justice réciproque à son tour. On peut dire : Qu'arrivera-t-il si cette confiance est déçue? On doit alors chercher réparation dans les représailles... Mais il est bien plus important d'examiner quelle est la règle positive du droit maritime de l'Angleterre sur cette matière. Je crois que voici clairement en quoi elle consiste la loi maritime de l'Angleterre, ayant adopté une règle très-libérale quant à la restitution ou au sauvetage des propriétés reprises de ses sujets, fait partager le bénéfice de cette règle à ses alliés tant qu'il n'apparaît pas que ceux-ci agissent à l'égard des propriétés anglaises d'après un principe moins libéral; dans le cas contraire elle adopte leur règle et les traite suivant la mesure de leur justice. Je regarde ceci comme étant la véritable disposition de la loi anglaise sur ce point. C'est ainsi qu'elle fut clairement reconnue dans le cas du San Yago, qui ne fut pas jugé dans des circonstances particulières, comme on l'a insinué, ni d'après des principes nouveaux, mais d'après des principes d'usage établi et en autorité dans la jurisprudence du pays..... >>

En résumé on peut dire que la jurisprudence anglaise reconnaît en principe général que les reprises doivent être restituées au propriétaire primitif moyennant paiement par lui d'un droit de recousse, et pourvu que les navires recous n'aient pas été déclarés de bonne prise par un tribunal du pays ennemi.

$ 2999. La législation espagnole est entièrement conforme à la Législation

· Phillimore, Com., v. III, § 418; Twiss, War, § 174; Manning, pp. 142, 143; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 12; Kent, Com., v. I, p. 117; Halleck, ch. 35, § 15; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 381 et seq.; Gessner, pp. 347, 348; Massé, t. I, § 423; Dana, Elem. by Wheaton, note 176; Marshall, On insurance, b. 1, ch. 12, §8; Martens, Erzahlungen, t. I, p. 292; Robinson, Adm. reports, v. I, p. 50.

espagnole.

Législation portugaise.

Législation hollandaise.

jurisprudence française quant aux prises faites par les corsaires. Pour celles qu'opèrent les bâtiments de guerre la restitution complète et sans retenue est prescrite en termes formels par l'ordonnance royale de 1653, à moins que la prise n'ait été en la possession de l'ennemi durant vingt-quatre heures".

$3000. Le Portugal avait adopté les lois de la France et de l'Espagne dans ses ordonnances de 1704 et de 1796; mais un an plus tard, après la capture du Santa Cruz et avant même que l'amirauté britannique eût statué sur l'affaire, ce pays abrogea la règle des vingt-quatre heures et autorisa après l'expiration de ce délai la restitution au propriétaire moyennant le paiement, à titre de droit de sauvetage, du huitième de la valeur du navire dans le cas où la reprise est due à un bâtiment de la marine royale, et du cinquième lorsqu'elle a été faite par un corsaire. C'est cette circonstance qui dans l'espèce du Santa Cruz obligea Sir William Scott à établir une distinction entre les captures antérieures et les captures postérieures à l'ordonnance de 1797; les premières furent condamnées toutes les fois que le navire était demeuré plus de vingt-quatre heures au pouvoir de l'ennemi, et les secondes furent traitées d'après les règles consacrées par le Portugal lui-même“. S 3001. La Hollande a reconnu les mêmes principes que la France et l'Espagne relativement aux reprises effectuées dans le délai de vingt-quatre heures. L'édit des États-Généraux du 6 juin 1702 concernant la rémunération des croiseurs, article 8; celui de 1747, art. 7; celui de 1781, article 7, et celui de 1793, art. 7, sont unanimes à déclarer que si un navire ou des marchandises appartenant à des habitants de ces États sont pris par l'ennemi et repris par un corsaire, un navire ou autre bâtiment armé aux frais particuliers des habitants de ces États, le recapteur aura droit à un cinquième de la valeur, si la reprise a eu lieu dans les quarante-huit heures; à un tiers, si elle s'opère dans les quatre-vingtseize heures, et après un temps plus long à la moitié. Les vaisseaux de guerre ont droit à la même prime de recousse que des

armateurs.

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Abreu y Bertodano, Coleccion, pte. 2, p. 371; Negrin, Estudios, pp. 187 et seq.; Gessner, p. 350; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 380, 381; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 12; Phillimore, Com., v. III, § 412; Twiss, War, § 175; Halleck, ch. 35, § 17; Massé, t. I, § 423; Martens, Essai, § 62, p. 169; Dana, Elem. by Wheaton, note 179.

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Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 12; Twiss, War, § 175; Halleck, ch. 35, § 17.

Les lois que nous venons de citer n'ont trait qu'à la reprise de navires appartenant aux sujets hollandais; elles ne renferment aucune règle relative à celle de propriétés neutres; à cet égard un autre édit du 28 juillet 1705, art. 18, porte qu'en cas de reprise de navires alliés ou neutres les corsaires doivent se contenter de la rémunération fixée par les conventions internationales *.

danoise.

$ 3002. L'ancienne législation danoise se basait sur des prin- Législation cipes identiques. Elle allouait au recapteur la moitié pour une reprise faite avant l'expiration d'une journée, et la totalité lorsque ce terme était dépassé. Une ordonnance du 28 mars 1810 prescrit la restitution de la propriété nationale ou alliée du Danemark reprise, moyennant paiement du tiers de la valeur, sans égard à la durée de la possession par l'ennemi"*.

prussienne.

S3003. Les dispositions du code maritime prussien sont basées Législation sur celles du Consulat de la mer. « Cn considère, y est-il dit, comme perdus les biens et les navires capturés par des corsaires, lorsqu'ils ont été conduits dans un port ennemi ou neutre; mais si, avant que cela ait lieu, la reprise en est opérée par un bâtiment armé en course, la restitution en sera faite, sauf déduction du tiers de la valeur à titre de droit de recousse au bénéfice des recapteurs ***. »

suédoise.

§ 3004. La jurisprudence suédoise repousse toute distinction de Législation temps. Une ordonnance de Charles XI (1667) portait que lorsqu'un navire appartenant à des sujets suédois serait repris sur l'ennemi, le recapteur recevrait les deux tiers de sa valeur, et le propriétaire le tiers restant, abstraction faite du temps pendant lequel le navire serait demeuré entre les mains de l'ennemi.

En 1788 est intervenue une nouvelle ordonnance qui a modifié. la proportion du droit de recousse, en allouant une moitié seulement au recapteur et l'autre au propriétaire

***

* Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 5; Azuni, t. II, p. 385; Martens, Essai, §§ 66, 68; Hautefeuille, Des droits, t. III, p. 381; Gessner, p. 350; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 2, § 12; Phillimore, Com., v. III, § 413; Twiss, War, § 175; Halleck, ch. 35, § 17; Manning, p. 142; Massé, t. I, § 423; Dana, Elem. by Wheaton, note 180.

"Martens, Essai, § 68; Phillimore, Com., v. III, § 414; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 12; Twiss, War, § 175; Gessner, p. 351; Halleck, ch. 35, § 17; Hautefeuille, Des droits, t. III, p 381; Manning, p. 142.

Gessner, pp. 346, 347.

Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 12; Phillimore, Com., v. III, § 415; Twiss, War, § 175; Gessner, p. 351; Hautefeuille, Des droits, t. III, p. 381; Martens, Essai, S$ 68, 70; Halleck, ch. 35, § 17; Manning, p. 142.

Législation

nord

$3005. Les États-Unis ont pris pour règle de restituer le naaméricaine. vire recous toutes les fois qu'au moment de la reprise une sentence judiciaire ne l'a pas condamné et adjugé comme de bonne prise. Si le navire repris appartient à des personnes qui résident sur le territoire de l'Union ou se trouvent sous sa protection, la restitution a lieu contre paiement des frais judiciaires et d'une somme arbitrée par une cour de justice à titre de dommages et intérêts. La même chose a lieu lorsque le bâtiment repris est la propriété de sujets d'une nation en paix avec la république. Les États-Unis appliquent la règle de réciprocité dans sa portée la plus étendue *. $ 5006. Comme on le voit d'après cet examen succinct de la législation des principales nations maritimes, on peut regarder comme généralement admis les règles et les principes suivants :

Règles généralement admises.

Condition nécessaire

pour

la reprise.

Opinion de

La reprise n'est possible que si la prise n'a pas encore été adjugée; jusqu'à ce qu'un tribunal ait prononcé le sort de la prise est incertain ni le capteur ni le gouvernement duquel il dépend n'ont de droits sur le navire ou sur son chargement; et comme la prise ne repose que sur le droit du plus fort, elle peut être annulée par la force; la reprise peut donc, par application spéciale du droit de postlininie, annuler la capture primitive.

Mais une fois qu'un jugement a été prononcé la prise devient légalement la propriété de celui auquel elle est attribuée; et si le navire est repris plus tard par l'ennemi, c'est absolument comme s'il s'agissait d'une nouvelle prise. Toutefois la reprise ne confère pas au recapteur les droits du capteur: elle a des effets essentiellement négatifs. Le recapteur est tenu de respecter les biens qu'il a sauvés des mains de l'ennemi, sauf à réclamer pour ses peines et ses sacrifices une rémunération, dont le chiffre varie selon la législation particulière des différents pays en cette matière.

$ 5007. Une condition essentielle pour qu'il y ait lieu à reprise et par suite à l'exercice du droit de recousse, c'est que la prise soit réellement au pouvoir de l'ennemi ou qu'elle soit dans une condition tellement précaire que la capture en soit considérée comme inévitable.

S3008. Dans l'affaire du Franklin Sir William Scott déclara Sir W. Scott. qu'il n'avait connaissance d'aucun cas dans lequel on aurait accordé le droit de recousse alors que la propriété n'était pas en la

Kent, Com., v. I, pp. 117, 118; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 2, § 12; Phillimore, Com., v. III, § 419; Twi-s, War, § 174; Halleck, ch. 35, § 15; Dana, Elem. by Whetton, notes 175, 177; Gessner, p. 351; Manuing, p. 142.

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