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d'amitié et de commerce, parfaitement libres sous le pavillon de l'Angleterre.

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« On ne prétendra pas sans doute qu'ils pouvaient être considérés comme contrebande de guerre. Ce qui constitue la contrebande de guerre n'est pas encore, il est vrai, précisément fixé; les limites. n'en sont pas absolument les mêmes pour tout le monde; mais en ce qui se rapporte aux personnes, les stipulations spéciales qu'on rencontre dans les traités concernant les gens de guerre définissent nettement le caractère de celles qui peuvent seules être saisies par les belligérants. Il n'est pas besoin de démontrer que MM. Mason et Slidell ne sauraient être assimilés aux personnes de cette catégorie. « Il ne resterait dès lors à invoquer pour expliquer leur capture que ce prétexte qu'ils étaient porteurs de dépêches officielles de l'ennemi. Or c'est ici le moment de rappeler une circonstance qui domine toute cette affaire et rend injustifiable la conduite du croiseur américain. Le Trent n'avait pas pour destination un point appartenant à l'un des belligérants. Il portait en pays neutre sa cargaison et ses passagers, et c'était de plus dans un port neutre qu'il les avait pris. S'il était admissible que dans de telles conditions le pavillon neutre ne couvrit pas complètement les personnes et les marchandises qu'il transporte, son immunité ne serait plus qu'un vain mot; à chaque instant le commerce et la navigation des puissances tierces auraient à souffrir de leurs rapports innocents ou même indirects avec l'un ou l'autre des belligérants; ces derniers ne se trouveraient plus seulement en droit d'exiger d'un neutre une entière impartialité, de lui interdire toute immixtion aux actes d'hostilité; ils apporteraient à sa liberté de commerce et de navigation des restrictions dont le droit international moderne s'est refusé à admettre la légitimité. On en reviendrait, en un mot, à des pratiques vexatoires, contre lesquelles à d'autres époques aucune puissance n'a plus vivement protesté que les États-Unis.

« Si le cabinet de Washington ne voulait voir dans les deux personnes arrêtées que des rebelles qu'il est en droit de saisir, la question, pour se placer sur un autre terrain, n'en saurai! être résolue davantage dans un sens favorable à la conduite du commandant du San Jacinto. Il y aurait en pareil cas méconnaissance du principe qui fait d'un navire une portion du territoire de la nation dont il porte le pavillon, et violation de l'immunité qui s'oppose à ce qu'un souverain étranger y exerce par conséquent

Critique de la note de

et des sug

sa juridiction. Il n'est pas nécessaire sans doute de rappeler l'énergie avec laquelle en toute occasion le gouvernement des États-Unis a défendu cette immunité et le droit d'asile, qui en est la conséquence.

<< Ne voulant pas entrer dans une discussion plus approfondie des questions soulevées par la capture de MM. Mason et Slidell, j'en ai dit assez, je crois, pour établir que le cabinet de Washington ne saurait, sans porter atteinte à des principes dont les puissances neutres sont également intéressées à assurer le respect ni sans se mettre en contradiction avec sa propre conduite jusqu'à ce jour, donner son approbation aux procédés du commandant du San Jacinto. En cet état de choses il n'a évidemment pas, selon nous, à hésiter sur la détermination à prendre. Lord Lyons est chargé de présenter les demandes de satisfaction que le gouvernement anglais est dans la nécessité de formuler. Le gouvernement fédéral s'inspirera d'un sentiment juste et élevé en déférant à ces demandes... »

§ 2541. Le document dont nous venons de reproduire les princiM. Thouvenel paux passages nous semble loin de résoudre d'une manière satisgestions pré- faisante la question qu'il traite. Son côté le plus faible est, suivant les puissances nous, l'argument qu'il puise dans les traités particuliers, qui ne sau

sentées par

européennes.

Considérations générales sur

question de

par l'affaire du Trent.

raient évidemment être obligatoires que pour les États qui les ont conclus. D'un autre côté, en n'adoptant pas comme base indiscutable la présomption légale qui convertit le navire en une portion du territoire dont il porte le pavillon, le ministre français s'est plutôt placé dans la sphère de la fiction et de la métaphore que dans celle de la réalité et de la logique..

Les observations que les États secondaires d'Europe firent parvenir à la même époque au cabinet de Washington n'offrent rien de saillant la question débattue y est envisagée bien plus au point de vue de la politique et des convenances qu'à celui du droit international strict; aussi n'avons-nous pas cru devoir les analyser ici.

S 2542. Sur le terrain du droit maritime international le conflit la occasionné par l'affaire du paquebot-poste le Trent constitue un droit soulevée précédent d'une très-grande valeur à l'appui des droits inhérents à la neutralité; ainsi l'Angleterre et les États-Unis ont reconnu à cette occasion qu'un navire de guerre appartenant à une nation belligérante n'a point le droit de s'emparer en pleine mer des personnes qui se trouvent à bord d'un navire neutre, quels que soient les

droits que puisse avoir sur ces personnes leur propre gouvernement. Mais les procédés du commandant du San Jacinto à l'égard du Trent présentent encore d'autres aspects non moins importants et instructifs. Dana, en voulant examiner la question à fond, s'est placé à trois points de vue différents, savoir: 1° celui de la difficulté d'appliquer dans l'espèce la procédure ordinaire des tribunaux de prises; 2° celui des écrits qu'a suscités l'affaire du Trent; 5° celui de la marche suivie par le gouvernement anglais pour faire valoir sa réclamation, et des circonstances qui s'y rattachent.

Pour bien comprendre la difficulté signalée par le savant commentateur de Wheaton il faut admettre l'hypothèse que le capitaine Wilkes se serait emparé du Trent et aurait déféré cette capture au jugement d'une cour de prises. S'il avait agi ainsi, il devenait impossible d'instruire l'action contre les personnes trouvées à bord; le navire seul pouvait être mis en cause, et les juges n'auraient eu à décider que la question de savoir si le Trent était ou non passible de confiscation. Si ce paquebot avait été condamné soit pour s'être opposé à la visite, soit pour avoir caché des personnes ou des papiers hostiles, soit enfin pour une faute quelconque imputable à son capitaine, le jugement n'aurait pas plus résolu la question des personnes que si l'on avait ordonné sa mise en vente ou si les propriétaires avaient repris la libre disposition du navire en fournissant caution. Toutefois, dans le cas où il fut intervenu une sentence de confiscation fondée sur ce que le Trent transportait des individus dangereux, les États-Unis auraient au moins pu invoquer pour retenir les personnes arrêtées l'opinion favorable de leurs propres juges.

Ce qu'il est permis de supposer, c'est que dans un cas semblable un tribunal de prises résoudrait la question de propriété en décidant si la conduite d'un navire neutre transportant des sujets en-nemis est ou non licite, en d'autres termes si un service de ce genre peut être assimilé à une opération de contrebande de guerre. Pareille sentence serait d'un grand prix; car elle concilierait bien des opinions divergentes et préviendrait plus d'un acte illégal de la part des capteurs. Mais dans quel sens se serait prononcée une cour de prises nord-américaine, si on lui avait déféré l'affaire du Trent? On ne se tromperait guère en supposant qu'elle aurait, subordonnant la légalité intrinsèque de la visite à la complicité imputable au capitaine du navire capturé, admis le droit de visi

Stipulations

conventionnelles

sur cette matière.

Traité de

1675 entre la

Pays-Bas.

ter des navires neutres porteurs ou non de passagers ou de dépêches. 'Faute de pouvoir la résoudre, elle n'aurait sans doute qu'effleuré la question de savoir si les personnes arrêtées et les papiers dont elles étaient porteurs avaient droit aux immunités diplomatiques. Ce dernier point en effet ne laissait pas que d'être délicat, puisque sa solution impliquait la reconnaissance extérieure de l'indépendance des États Confédérés et du caractère de leurs agents, lesquels n'avaient rigoureusement droit à aucune exemption, si l'on s'en tient à la distinction, établie par Vattel et Sir W. Scott, entre l'ambassadeur du belligérant déjà admis dans une cour neutre et le ministre d'une nation ennemie qui se rend à son poste pour y présenter ses lettres de créance.

La question du Trent a donné naissance à une foule d'écrits, rédigés les uns au point de vue américain, les autres revendiquant énergiquement, comme l'Angleterre, le respect absolu du pavillon neutre en pleine mer; parmi les plus notables nous citerons ceux de Hautefeuille, de Giovanni de Gioannis, et des professeurs Montague Bernard et Harcourt *.

2543. Les difficultés suscitées à propos du droit revendiqué par les belligérants de s'emparer à bord de navires neutres des personnes qu'ils considèrent comme dangereuses proviennent en grande partie de l'ambiguité des stipulations conventionnelles relatives à cette matière.

S 2544. Le traité conclu en 1675 (1) entre la Suède et les PaysSuède et les Bas portait que les deux parties contractantes pourraient respectivement transporter à bord de leurs navires les sujets de l'ennemi de l'une ou de l'autre, et qu'elles renonçaient à tout droit de s'en emparer, à moins qu'il ne s'agit de chefs supérieurs ou d'officiers de l'armée. § 2545. Le dernier alinéa de l'article 22 du traité signé à Nimègue 'Espagne, la en 1678 (2) entre l'Espagne, la France et la Hollande stipule égaleHollande. ment que les personnes ou les marchandises embarquées sous le

Traité de 1678 entre

France et la

Hautefeullle, Questions, pp. 277 et seq.; Gessner, pp. 110, 111; Cauchy, t. II, pp. 428-432; Vattel, Le droit, liv. III, § 118; Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 1, § 4; Lawrence, Elem. by Wheaton, app., no 3; Dana, Elem. by Wheaton, note 228; Ortolan, Règles, t. II, pp 241, 242, app., pp. 511 et seq.; Bluntschli, § 817; Fiore, t. II, pp. 487, 488; Kent, v. I, p. 153, note 1; De Gioannis, Questione del Trent ; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 460, 461; Montague Bernard, Neutrality of Great Britain during american civil war, p. 192, 213; Torres Caicedo, Mis ideas y mis principios, t.III, p. 120.

(1) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 316.

(2) Dumont, t. VII, pte. 1, pp. 357, 365; Léonard, t. V.

pavillon d'un État demeuré étranger aux hostilités ne pourront être capturées que dans le cas où elles auraient un caractère militaire ou seraient directement employées au service de l'adversaire.

et traités divers, de 1679 à 1851.

$ 2546. La même stipulation se rencontre dans le traité suédo- Conventions hollandais de 1679 (1), dans les traités de 1713 (2) et de 1759 (3) entre la France et les Provinces-Unies, ainsi que dans la convention maritime de 1769 entre la France et la ville libre de Hambourg (4). Pour compléter cette énumération, mentionnons encore les conventions de 1778 (5) entre les États-Unis et la France, de 1782 (6) entre les États-Unis et la Hollande, de 1783 (7) entre les ÉtatsUnis et la Suède, de 1785 (8) entre les États-Unis et la Prusse, de 1786 (9) entre la France et l'Angleterre, de 1795 (10) et de 1819 (11) entre les États-Unis et l'Espagne, enfin les traités conclus par les États-Unis en 1824, en 1825, en 1828, en 1831, en 1832, en 1836 et en 1851 avec la Colombie (12), l'Amérique centrale (15), le Brésil (14), le Mexique (15), le Chili (16), le Vénézuéla (17) et le Pérou (18).

(1) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 437.
(2) Dumont, t. VIII, pte. 1, p. 377.

(3) Wenck, t. I, p. 414.

(4) De Clercq, t. I, p. 111; Wenck, t. III, p. 752; Martens, 1re édit., t. I, p. 248; 2o édit., t. I, p. 634.

.

(5) Elliot, v. I, p. 34; State papers, v. V, p. 6; Martens, 1re édit., t. I, p. 685; 2e édit., t. II, p. 587.

(6) Elliot, v. I, p. 134; Martens, 1re édit., t. II, p. 242; 2e édit., t. III, p. 426. (7) Elliot, v. 1, p. 168; Martens, 1re édit., t. II, p. 328; t. VII, p. 52; 2e édit., t. III, p. 565.

(8) Elliot, v. II, p. 334; State papers, v. XV, p. 885; Martens, 1re édit., t. II, p. 566; 2e édit., t. IV, p. 37.

(9) De Clercq, t. I, p. 146; State papers, v. III, p. 342; Martens, 1re édit., t. II, p. 680; 2e édit., t. IV, p. 155.

(10) Calvo, t. IV, p. 113; Elliot, v. I, p. 390; Cantillo, p. 665; State papers, v. VIII, p. 540; Martens, 1re édit., t. VI, p. 561; 2e édit., t. VI, p. 143.

(11) Calvo, t. VI, p. 142; Elliot, v. I, p. 414; Cantillo, p. 819; State papers, v. VIII, p. 524; Martens, Nouv. recueil, t. V, p. 328.

(12) Elliot, v. II, p. 18; Martens, Nouv. recueil, t. VI, p. 984; Nouv. suppl., t. II, p. 412.

(13) Elliot, v. II, p. 41; State papers, v. XIII, p. 838; Martens, Nouv. recueil, p. 826.

t. VI,

(14) Elliot, v. II, p. 66; State papers, v. XV, p. 944; Martens, Nouv. recueil, t. IX, p. 54.

(15) Elliot, v. II, p. 81; State papers, v. XIX, p. 209; Martens, Nouv. recueil, t. X, p. 322.

(16) State papers, v. XXII, p. 1353; Martens, Nouv. recueil, t. XI, p. 438. (17) State papers, v. XXIV, p. 746; Martens, Nouv. recueil, t, XIII, p. 544. (18) State papers, v. XL, p. 1095; Martens-Samwer, t. III, pte. 1, p. 120.

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