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Règle qu'on doit suivre.

S 2547, En résumé, quels que soient l'esprit et le caractère de ces divers traités et de leurs stipulations, il faut reconnaître qu'en cas de doute sur leur portée véritable, les progrès réalisés par le droit des gens ne permettent pas d'en interpréter le texte autrement qu'en faveur de la liberté des personnes et des droits du pavillon des neutres.

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Hautefeuille, Questions, p. 282; Lawrence, Elem. by Wheaton, app. no3; Dana, Elem. by Wheaton, note 228; Bluntschli, § 817.

LIVRE V

DES SIEGES ET DES BLOCUS

SECTION I.

DU BLOCUS EFFECTIF ET DE SES EFFETS.

2548. Les siéges et les blocus sont des opérations de guerre qui, par l'emploi de forces de terre ou de mer, sont destinées à empêcher l'accès et la sortie ou à amener la reddition d'une ville, d'une forteresse ou d'un port.

Le siége se dit plus particulièrement de l'ensemble des opérations que fait une armée dans le but d'attaquer une place et de la prendre, à l'aide de travaux de terrassements combinés avec l'usage des armes.

Le blocus se limite à entourer la place de manière à couper entièrement, autant que peuvent le faire les forces humaines, les relations et la correspondance au dehors, afin que l'ennemi qui y est renfermé ne puisse recevoir de secours d'aucune sorte, soit en renforts d'hommes, soit en munitions, soit en vivres.

Le siége a généralement pour objectif les villes, les places fortes, les forteresses des frontières terrestres ou de l'intérieur, dont leur position rend praticable l'investissement de toutes parts, tandis que le blocus s'applique surtout aux ports, qui ne sont alors investis que du côté de la mer ou du fleuve qui y donne

accès.

On conçoit aussi qu'une même place soit en même temps assiégée par terre et bloquée par mer.

En tout cas le siége et le blocus ont un objet commun, celui

Définition.

Garden.

Halleck.

Klüber.

Heffter.

Massé,

Twiss.

d'amener l'ennemi à se rendre, en cédant, dans le premier cas, à la force; dans l'autre, aux privations, sinon à la famine.

Ces quelques développements résument, selon nous, les différentes définitions que les publicistes nous donnent du siége et du blocus.

S2549. Une place, dit de Garden, est en état de siége quand elle est investie et que le canon ennemi peut l'atteindre. Elle est seulement bloquée quand l'ennemi se borne à cerner tellement les issues et les avenues qu'on ne peut y pénétrer ni en sortir. Ainsi le blocus sur mer comme sur terre n'a et ne peut avoir d'autre objet que de resserrer une place de manière qu'il ne puisse y entrer ni secours ni subsistance, et de forcer par là l'ennemi de se rendre pour se soustraire à la famine. »

$2550. Halleck donne cette définition du siége et du blocus : « Un siége est l'investissement militaire d'une place de manière à intercepter ou à rendre dangereuse toute communication entre les occupants et les personnes en dehors de l'armée assiégeante; la place est dite bloquée quand les communications par eau sont entièrement interceptées ou rendues dangereuses par la présence d'une escadre de blocus. >>

§ 2551. Pour Klüber, « un lieu bloqué, que ce soit un port, une place forte, une ville, un camp, une côte, etc., est celui où il y a, en raison des dispositions prises par la puissance qui l'attaque avec des troupes ou avec des vaisseaux stationnés et suffisamment proches, danger évident à entrer sans le consentement de cette puis

sance. >>

$ 2552. Selon Heffter, le blocus consiste dans « l'emploi de forces régulières suffisantes pour empêcher toute communication d'une côte, d'un ou de plusieurs ports avec le dehors. »

$ 2553. « Dans le langage ordinaire et usuel, dit Massé, une place non maritime bloquée est une place tellement investie que personne ne puisse y entrer ni en sortir sans danger d'être pris : ce qui suppose que toutes les avenues en sont gardées par des forces. permanentes. Par la même raison, une place maritime ou un port bloqué est celui dont toutes les entrées et les sorties sont occupées et fermées par des forces maritimes et permanentes. On bloque une place pour la réduire par la famine, quand on ne peut réussir à la prendre de vive force... »

S 2554. Twiss se borne à dire que le but du blocus est de réduire l'ennemi à se rendre en lui coupant ses approvisionnements

En qui réside la faculté déclarer les siéges et

de toute espèce; et Phillimore, que « l'objet du blocus est de couper Phillimore. toutes les communications de commerce avec la place bloquée *. $2555. La déclaration d'un siége ou d'un blocus étant un acte du pouvoir souverain, il est clair qu'elle doit émaner du gouver- de nement lui-même ou de l'autorité à laquelle cette faculté a été les blocus. expressément déléguée. Le commandant d'une escadre ou le chef supérieur d'une armée n'ont pas, généralement parlant, le pouvoir d'établir un siége ou un blocus, ni d'étendre à une place voisine celui qui existe déjà contre une autre et a été régulièrement déclaré; mais s'il s'agit d'un général ou d'un chef d'escadre opérant dans des régions lointaines, il faut admettre qu'ils sont investis virtuellement de tous les pouvoirs nécessaires pour la réussite de l'entreprise militaire dont ils sont chargés.

§ 2556. C'est en se fondant sur ces considérations que dans l'affaire du navire le Rolla l'amirauté britannique décida que le commandant en chef d'une station éloignée du siége du gouvernement ne subit d'autre restriction dans l'exercice de son autorité souveraine que celle qui découle de la mission spéciale qui lui est confiée.

Jurisprudenl'affaire du na

ce suivie dans

vire le Rolla.

Mandat spécial pour blocus.

$ 2557. Quelques auteurs contestent cette théorie de la force majeure ou de l'éloignement, et soutiennent que pour les siéges déclarer le comme pour les blocus la nécessité d'un mandat spécial émanant d'un pouvoir central est indispensable, et que le chef de forces armées de terre ou de mer peut être contraint d'exhiber ses instructions, s'il s'élève des doutes sur les pouvoirs en vertu desquels il a agi. C'est là, suivant nous, une prétention excessive; c'est investir les neutres d'un droit qui ne leur appartient pas.

D'un autre côté, un chef de corps n'est responsable de ses actes qu'envers le gouvernement dont il est le délégué; et parfois, quand même il le voudrait, des circonstances de force majeure ou des raisons de haute convenance le mettraient dans l'impossibilité de révéler les ordres qui lui ont été donnés. Enfin il peut se faire aussi qu'une mesure prise d'urgence sans autorisation formelle reçoive après coup la sanction de l'autorité compétente. Par contre, lorsque l'État belligérant désapprouve les dispositions prises sans son assentiment, ou lorsqu'il est suffisamment prouvé qu'il y a eu abus de pouvoir, il est clair que ceux qui ont pu en

'Garden, Traité, t. II, p. 397; Halleck, ch. 23, § 3; Klüber, Droit, § 297; Heffter, § 154; Massé, t. I, § 286; Twiss, War, § 99; Phillimore, Com., v. III. § 285; Duer, v. I, lect. 7, § 24; Ortolan, Règles, t. II, pp. 327, 328; Fiore, t. II, p. 447; Riquelme, lib 1, tit. 2, cap. 18; Littré, Dictionnaire de la langue française.

Caractères qui

les blocus.

souffrir sont fondés à protester et à repousser les conséquences juridiques qu'on tenterait de faire peser sur eux. Tel serait, par exemple, le cas d'un capitaine qui, même après en avoir reçu l'avertissement écrit, chercherait à forcer la ligne d'un blocus arbitrairement étendu au delà des limites prescrites par l'État belligérant *.

§ 2538. La plupart des publicistes s'accordent à regarder le distinguent blocus, et notamment le blocus maritime, restreint dans de justes bornes, comme un progrès du droit international au point de vue. de l'humanité, comme un moyen de guerre en quelque sorte pacifique et naturel; en effet il n'entraîne comme conséquences immédiates ni effusion de sang ni aucune de ces terribles catastrophes qui accompagnent inévitablement les batailles et les bombardements de villes : c'est, selon la judicieuse remarque de Cauchy, « un moyen de forcer l'ennemi à se rendre sans le détruire ».

Cauchy.

Fiore.

Mais la question change d'aspect, si on l'envisage au point de vue commercial: alors l'auteur que nous venons de citer considère le blocus comme <«< la plus grave atteinte qui puisse être portée par la guerre au droit des neutres ».

<< Les autres modes de guerre, fait-il observer, pèsent quelquefois exclusivement, mais toujours principalement et directement, sur l'ennemi; quant au blocus, on peut dire qu'il pèse presque autant sur les neutres que sur le belligérant bloqué; car dans la prohibition de commerce qui en résulte, le navire neutre, chargé de marchandises neutres et inoffensives, est mis, quand il viole le blocus, absolument sur la même ligne que le navire ennemi ou le navire chargé de contrebande de guerre pour le compte de l'ennemi... La contrebande de guerre ne frappe que certaines natures de marchandises, dont la liste tend toujours à se restreindre... La prohibition résultant d'un blocus s'applique aux marchandises comme aux denrées de toute provenance et de toute nature. »>

C'est ce que Fiore explique dans des termes à peu près identiques. « Le blocus, dit-il, est odieux et contraire à l'indépendance naturelle des peuples neutres, parce qu'il n'empêche pas seulement le commerce de certaines matières déterminées, comme la contrebande de guerre; mais il détruit toute espèce de comGessner, pp. 179; Bluntschli, § 831; Phillimore, Com., v. III, § 288; Duer, v. I, lect. 7, §§ 21 et seq.; Wildman, v. II, pp. 178, 179; Halleck, ch. 23, § 2; Bello, pte. 2, cap. 8, § 5.

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