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Histoire de l'abbaye de Grandmont

INTRODUCTION

Grandmont. Ce nom qui occupe une grande place dans l'histoire de notre province, éveille aussi de tristes et d'amers souvenirs. Au sommet d'une des montagnes les plus élevées du Limousin, sur une pente qui regarde le Midi, s'élevait, en 1790, la reine des abbayes limousines. Les disciples de saint Etienne de Muret, abandonnant les lieux qu'ils avaient fertilisés près de la tombe de leur saint fondateur, « avaient trouvé un asile sur ce sommet désert, dont personne n'avait pris possession, à cause de sa froidure et de son aridité. Leurs travaux curent bientôt tranformé ces montagnes. Des digues emprisonnèrent les eaux marécageuses des vallées. Des tapis de verdure, des moissons abondantes couvrirent la terre inculte auparavant, et tout près des sommets glacés, des vergers parés de fruits et des vignes fécondes, montrèrent la puissance de l'homme dont la prière sanctifie le travail. Le serviteur inséparable de la foi des vieux âges, l'art vint à son tour embellir cette solitude. Un grand monastère, une belle église s'élevèrent par le travail des moines (1) ».

Aujourd'hui tout a disparu, et le touriste et l'archéologue qui cherchent les restes de ce vaste établissement ne trouvent même pas une ruine. Grandmont est redevenu un désert.

La fondation de l'ordre de Grandmont par saint Etienne de Muret eut lieu en 1076; elle est antérieure, si on en excepte Cluny, à celles des autres ordres religieux de France, car celle des Chartreux remonte seulement à 1084 ou 1086, celle de Fontevrauld à 1113, celle des Prémontrés à 1120 ou 1129, celle des Génovéfains à 1147, celle des Mathurins à 1198, celle des Franciscains à 1209, celle des Dominicains à 1216, celle de la Mercie à 1218, celle des Carmes à 1238, celle des Célestins à 1244, etc.

(1) Texier, Dictionnaire d'orfèvrerie, p. 823.

Saint Etienne de Muret, d'abord seul, puis avec les disciples attirés par la renommée de ses vertus, mena une existence semblable à celle des anciens solitaires de la Thébaïde. Ils vivaient séparés comme autrefois les solitaires des laures, et ne se réunissaient que pour prier et chanter les louanges de Dieu. Le roi Henri I d'Angleterre fut un des principaux bienfaiteurs de Grandmont. L'impératrice Mathilde combla de ses largesses les religieux qui s'y consacrèrent à Dieu. Son fils Henri II, vint à Grandmont à plusieurs reprises, et s'y bâtit même une résidence. Richard Coeurde-Lion suivit les traces de sa famille. Plus tard le pape Clément V y séjourna avec sept cardinaux et la cour pontificale. Le vicomte de Ventadour donna à Grandmont tout ce qu'il possédait pour s'y faire religieux. Hugues Le Brun, prince de Lusignan, comte de la Marche, vint aussi s'y consacrer à Dieu à son retour des croisades. La liste des personnages considérables attirés en ce lieu par la sainteté des religieux est fort longue.

L'Ordre de Grandmont ne compte dans toute son existence aucune période comparable aux soixante années qui suivirent la mort de son fondateur. C'est l'âge héroïque et glorieux où les papes, les rois, les reines, les grands seigneurs le comblent à l'envie de leurs largesses, sans que l'austérité de l'observance en soit relachée, et de marques de vénération sans que l'humilité des pieux religieux en ressente aucune atteinte. Pendant cette période l'ordre était gouverné par les prieurs dont voici la liste :

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1. Saint Etienne de Thiers, né en 1045, s'établit à Muret vers 1076, mort le 8 février 1124.

2. 1137.

3.

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Pierre I, dit de Limoges, élu en 1124, mort en janvier

Pierre II de Saint-Christophe, élu en janvier 1137, mort vers le mois de juin 1139.

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Etienne Il de Liciac, élu le 6 juillet 1139, mort en janvier

5. Pierre III Bernard, élu le 7 février 1153, mort le 10 juillet 1170.

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Guillaume I de Treignac, élu en 1170, résigne en 1189 et meurt le 18 novembre 1189.

6.

7. Gérald I Ytier, élu le 29 septembre 1189, résigna en décembre 1198 et mourut le 19 mai 1199.

8. Adémar I de Friac, élu le 1er janvier 1198 v. st. (1199), mort le 6 mars 1216.

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Caturcin, élu en 1216, résigna en 1228 (peut-être 1229), mort vers 1238.

9.

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10. Elie I Arnaud, élu le 7 mars 1228 (peut-être 1229), déposé en juin 1238, mort le 9 août 1239.

11. Jean I de l'Aigle, élu au commencement de juin 1239, résigne en 1242, meurt en juillet 12...

12. Adémar II de la Vergne, élu fin novembre 1242, mort le 27 janvier 1245.

13. Guillaume II d'Ongres, élu en 1245, résigne en 1248.

14. Itier Merle, élu en 1248, était en fonctions en juillet 1260, résigna à une date inconnue.

15. Gui I Archer, succède à Itier Merle et résigne en

1269.

16.

Foucher Grimoard, élu vers le 25 septembre 1269, mort le 26 septembre 1281.

17. Pierre IV de Causac, élu en 1281 ou 1282, déposé injustement et remplacé par l'intrus Bernard de Rissa, puis rétabli (en 1289?) par les commissaires du Saint-Siège, résigne en 1290 ou 1291.

18.

Bernard de Gandalmar, élu le 22 février 1291, mort le 23 mars 1291.

19. Gui Il Foucher, élu en avril 1291, résigna la veille de la Pentecôte en 1306, et mourut le 22 septembre 1318.

20. Guillaume III de Prémaurel, élu en 1306, mort en mars 1312.

21.

Jourdain de Rapistang, élu en 1312, déposé en 1316. 22. Elie II Adémar, élu par le chapitre, le jeudi après la Saint-Mathias 1316.

Le pape Jean XXII, par bulle du 15 des calendes de décembre 1317, transforma profondément l'organisation de l'ordre de Grandmont. Des cent quarante-deux maisons occupées alors par les religieux il n'en conserva que trente-neuf, auxquelles il donna le titre de prieuré, et le monastère de Grandmont, chef-lieu de l'ordre, fut érigé en abbaye. Par la même bulle la règle primitive fut aussi mitigée. Pendant cette nouvelle période l'ordre fut gouverné par des abbés généraux élus par les religieux dont voici la liste. 23. Guillaume IV Pellicier, nommé par la bulle pontificale du 17 novembre 1317, mort le 29 janvier 1336.

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Pierre Aubert, élu en 1336, mort le 19 mars 1347.

Jean II Chabrit, élu le 11 avril 1347, mort vers le 6 janvier

26. — Ademar III Crispi (?), élu en janvier 1355, mort le 18 mars 1378.

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Aimeric Fabri, élu en 1378, mort le 7 juin 1385.

Ramnulfe Itier, élu en juillet 1385, mort le 1er avril 1388.

29. 1437.

Pierre VI Redondaud, élu en 1388 (?), mort le 11 mars

30. Guillaume V de Fumel, élu en 1437 et confirmé après un schisme, résigna en 1470 ou 1471 en faveur de Charles de Bourbon.

Pendant la guerre d'Edouard, roi d'Angleterre, vers 1370, l'abbaye de Grandmont souffrit de très grands dégats; les bandes commandées par Knolles, général anglais, s'en emparèrent, pillèrent l'église et ravagèrent une partie du monastère.

Outre ce premier désastre un autre fléau vint s'abattre sur l'ordre de Grandmont. La commende y fit invasion. Pendant plus de cent ans, les commendataires qui possédèrent cette abbaye, la plupart cardinaux, n'y résidèrent pas. Les conséquences ordinaires de la commende y furent cependant atténuées, au spirituel comme au temporel, par le cardinal Guillaume Briçonnet, qui s'occupa des intérêts de ses monastères et releva de leurs ruines ceux qui avaient eu le plus à souffrir des malheurs du temps.

Les huit abbés commendataires de Grandmont furent :

31. Charles 1 de Bourbon, archevêque de Lyon, premier abbé commendataire, eut ses provisions le 30 avril 1471; il résigna en faveur du suivant en 1477.

32. Antoine I Lallemand, évêque de Cahors, nommé évêque de Clermont, obtint, en échange de sa renonciation à ce dernier évêché, l'abbaye de Grandmont dans les premiers mois de 1477, et prit possession en avril; il mourut le 22 décembre 1495.

33. Guillaume VI Briçonnet, cardinal, archevêque de Reims, antérieurement évêque de Saint-Malo, eut ses provisions en 1496, et résigna en septembre 1507.

34. Sigismond de Gonzague, cardinal, 1507, résigna le 12 août 1513.

35. — Charles II de Carrect de Final, cardinal, 1513, résigna le 11 août 1515.

36. 1519. 37.

Nicolas de Flisco, cardinal, 1515, résigna le 26 novembre

Sigismond de Gonzague, pour la seconde fois, 1519, résigna en 1525.

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38. François I de Neufville, pourvu par le pape, le 13 octobre 1525, avec défense aux conventuels de Grandmont de se réunir pour élire un abbé, fut reçu à Grandmont en septembre 1526, résigna en 1561.

39.

François Il de Neufville, reçu le 18 mai 1561, mort le 10 mai 1596.

Enfin les religieux, débarrassés de la commende purent élire

leurs abbés réguliers et l'ordre de Grandmont eut le bonheur d'être gouverné de nouveau par des abbés véritables. La régularité, sous une discipline adoucie, refleurit dans les monastères, et il en fut ainsi jusqu'à la destruction de l'ordre. Ces abbés furent :

40. François III Marand, élu le 11 mai 1596. Il fut obligé de remettre l'abbaye au seigneur de Saint-Germain-Beaupré, mais son élection fut confirmée par arrêt du Parlement du 27 juillet 1599; il résigna en 1603 et mourut en 1605.

41.

1631.

42.

Rigaud de Lavaur, élu le 28 mai 1603, mort le 9 avril

François IV de Tautal, élu le 15 avril 1631, bėħi par Mgr de Lafayette le 6 juillet 1632, mort le 2 octobre 1635.

43. Georges Barny, élu le 4 octobre alias le 4 décembre 1635, mort en juillet 1654. C'est lui qui approuva, en 1642, la Réforme du P. Charles Frémon, qui prit le nom de Stricte Observance de Grandmont. Elle a formé une branche de l'Ordre dans laquelle les religieux pratiquaient toutes les austérités des premiers disciples de saint Etienne. Elle a existé jusqu'à la destruction de l'Ordre. L'abbé de Grandmont en a toujours eu la haute direction, mais il lui nommait un supérieur particulier, auquel il donnait le titre de vicaire général.

44. Antoine II de Chavaroche, élu en concurrence avec Etienne Talin; il fut tranquille possesseur après la cassation de l'élection de ce dernier par le Grand Conscil, et mourut en 1677.

45. - Alexandre Frémon, élu en 1678, mort en 1687. 46. Henri de la Marche de Parnac, élu le 9 septembre 1687. 47. René-François de la Guérinière, élu le 18 mars 1716, confirmé le 24 avril, bénit le 21 juin, mort au collège Mignon, à Paris, le 30 septembre 1744.

48. 49.

Raymond Garat, élu en 1744, mort en 1748.

François-Xavier Mondain de La Maison-Rouge, né en 1706, élu le 26 mai 1748, bénit le 15 décembre de la même année, fut le dernier abbé de l'Ordre et mourut le 11 avril 1787.

Dans un ouvrage du plus haut intérêt, M. Louis Guibert a publié en 1875 l'Histoire de la Destruction de l'Ordre de Grandmont (1), mais il ne s'est pas occupé de l'histoire et de la chronologie des prieurs et des abbés, dont nous donnons ici la liste. C'est cette histoire que nous allons faire dans les pages suivantes, en groupant dans les chapitres consacrés à chacun d'eux, les faits historiques et les détails de leur administration qui sont venus à notre connaissance. Pour cela nous utilisons particulièrement les mémoires encore

(1) Bulletin de la Société archéologique du Limousin, t. XXIII.

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