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main, partant pour Saint-Benoit-du-Sault, il incendia la ville en guise d'adieu! Par ce que l'on sait des habitudes du prince, on peut assurer que Guy IV de la Trémoille, alors s' de Lussac, tenait le parti du roi de France.

Pour des temps plus modernes M. l'abbé Nadaud, curé-doyen de Lussac, nous a confié un nouveau registre révolutionnaire qui comble en partie les lacunes de notre récit pour cette période (1).

Ce registre renferme les délibérations du corps municipal du 12 pluv. an II au 5 messid. an III. Les questions si importantes des subsistances tiennent dans ses pages une place considérable.

Nous analyserons sommairement les principales délibérations. Le 12 pluv. an II, la municipalité arrête que le nom superstitieux de Lussac-les-Eglises sera remplacé par celui de Lussac-laPatrie.

Un arrêté du 9 de ce mois du département de la Creuse, qui était, comme la Haute-Vienne, en proie à la disette, avait désigné Lussac et Châteauponsac comme entrepôts pour les grains achetés dans la Vienne; le 3 ventôse, la municipalité met à la disposition des commissaires envoyés par la Creuse le château de L'Age-Bernard pour leur servir de magasin.

Le 28 vent., on procède au recensement des pauvres de la commune; ils sont au nombre de 117, dont 68 adultes.

Le 16 germinal, un atelier de salpêtre est établi par Luc Deguercy, agent général du salpêtre pour le district, dans la ci-devant chapelle d'Etienne; 12 barriques sont disposées pour laver les terres et les cendres.

Cet atelier, comme, du reste, tous ceux de la région, ne donna que des déboires; ce n'était pas cependant par la faute de Deguercy, qui gourmandait les maires de leur peu d'empressement, témoin sa lettre-circulaire adressée le 15 frim. an III aux municipalités : << La Providence, y dit-il, nous a favorisé de trouver le salpètre pour détruire nos ennemis; elle nous a, en même temps, procuré le moyen de les réduire en poudre par le moyen des cendres; cette matière précieuse se trouve dans la majeure partie de la République, mais en vain, puisque vous en faites un mépris. La Nation, la Convention, la commission des armes ne cessent de vous demander des cendres pour vous conserver; vous êtes sourds à toutes ces réclamations ». Il poursuit en leur indiquant les moyens pra

(1) Nous avons alors fait remarquer qu'il existait dans notre récit une lacune allant du 30 fruct. an II au 19 brum. an IV; cette communication en comble une grande partie : il ne nous manque plus que les trois derniers mois de l'an III et vendém. an IV.

tiques pour recueillir les terres salpêtrées, puis termine : « Cette lettre n'est autre chose que pour vous préserver de vos ennemis et conserver nos propriétés (1) ».

La disette de l'an II entraina une hausse de la main d'œuvre agricole le 27 prairial an II, la municipalité décide que le tarif des salaires arrêtés en 1790 sera uniformément augmenté d'un tiers. Ce tarif de 1790 était tel: faucheurs, 20 s.; faneurs, 12 s.; faneuses, 4 s.; pour battre, jusqu'à la Saint-Martin: hommes, 15 s.; femmes, 8 s.; pareils prix pour les moissonneurs; ensemencements, 15 s.; tous ces salaires s'entendent les ouvriers nourris. Charrois à 1/4 de lieue, 20 s. D'une autre délibération de ce mois, il résulte que dans les ateliers de charité les hommes touchaient 10 s. par jour, les femmes 6 et les enfants 4. Les paveurs sont payés 30 s.

Nous avons vu précédemment qu'il n'existait à Lussac qu'un seul four, auquel, en vertu du droit féodal, tous les habitants étaient tenus de porter leur pain en payant une redevance au profit du seigneur. Il est curieux de constater que la suppression de la féodalité ne changea en rien les habitudes de la population, qui continua à porter son pain en payant la même rétribution au particulier qui avait acquis de la Nation le four banal confisqué sur le s'. En frimaire an III, à la suite d'un changement de propriétaire, le bruit se répandit que le nouvel acquéreur avait l'intention de fermer le four, d'où grand émoi chez les habitants, qui portent leurs doléances à la municipalité. Celle-ci, réunie le 10 frim., considérant qu'il est instant qu'il n'y ait pas d'interruption dans la cuisson du pain, qui serait exposer le bourg à la famine, si on fermait le four, les particuliers n'ayant pas eu le temps d'en faire construire, arrête. que l'acquéreur le tiendra ouvert pendant six mois en percevant la rétribution ordinaire augmentée d'un tiers; vu l'urgence, elle nomme d'office un fournier.

Le 20 floréal an II, la municipalité, toujours hantée par la peur de la famine, prend des mesures sévères pour protéger les récoltes en chargeant les gardes-messiers de poursuivre avec les dernières rigueurs les propriétaires des bestiaux en agat.

Le 22 du même mois, la garde nationale du canton est réorganisée par le juge de paix. On forme cinq compagnies, plus une section et une escouade.

(1) Le 23 vent. an III, le district considérant que les terres salpêtrées sont rares dans le pays, que depuis un an tous les ateliers n'ont pu produire que 7.676 1. de salpêtre, qui est revenu à 72 s. la livre, tandis que le prix fixé par la loi est de 24 s., ordonne la fermeture de ceux-ci (L. 551).

A une réquisition des prunes, il est répondu le 1er prair. qu'il n'en existe plus, qu'elles ont été consommées pendant qu'on manquait de pain.

Le 22 fruct. an II, on procède à un recensement des grains, et comme des renseignements recueillis on prévoit une nouvelle disette, la municipalité crée un comité de subsistances qui aura pour mission de rechercher les denrées et de les distribuer.

Dans la peur de manquer, chacun conservait jalousement son grain, et dès le commencement de vendém. an III, on constate que, malgré les arrêtés du Comité de salut public, les marchés sont déserts. Aussi, la réquisition de 242 quintaux de seigle, faite pour La Souterraine à cette époque, fut-elle accueillic par un refus général. Après avoir employé la persuasion et les menaces, la municipalité, sous la pression du district, dut recourir à la force. Un détachement de la garde nationale est chargé, le 1er niv. an III, de passer chez les propriétaires pour se faire livrer les quantités qu'ils doivent fournir d'après l'état de répartition; la résistance avait duré plus de trois mois.

Cette résistance était justifiée : le 5 du mois suivant, la municipalité constate que les particuliers ont à peine de quoi fournir à la subsistance de leurs familles pendant un mois. On décide de s'adresser aux voituriers qui ont coutume d'approvisionner le marché pour les prier d'amener tous les grains qu'ils pourront; on fait appel également aux bons citoyens qui peuvent disposer de quel ques quantités à tous on promet que la garde nationale mobilisée protégera l'arrivée et la vente.

Le lendemain, on apprend que des voituriers sont arrivés avec un chargement de blé pour éviter des accaparements, on les requiert d'attendre au septidi, jour de marché, à midi, pour le mettre en vente; de plus, on tiendra registre de ceux qui achèteront.

Quelques jours après, le corps municipal enregistre les plaintes des cultivateurs, qui se plaignent de manquer d'instruments aratoires en fer; la semence de mars, disent-ils, va subir un grand retard si le district ne leur fournit pas ces outils.

Nous avons indiqué plus haut que le clocher de Lussac ne renferme qu'une cloche datée de 1789; les autres, pour obéir à la loi, furend descendues en floréal an II; elles pesaient 1,700 1., 300 et 160 L., plus une cloche de 60 1. provenant de Saint-Etienne; elles furent conduites ensuite au Dorat, mais l'une d'elle, celle de 300 1., s'égara sans doute, car elle se trouve actuellement dans le clocher de Saint-Léger. Si l'on compare l'inscription publiée par M. l'abbé Lecler avec ce que nous avons dit sur la fonte des cloches de Lussac en 1789, on se rendra compte qu'il s'agit de la moyenne cloche.

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