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Plus tard, vers le commencement du XVe siècle (Louis Guibert l'a établi), une transformation radicale s'opéra dans un certain nombre de métiers (1). Pour se réserver le monopole de fabrication, les selliers, les cordonniers, les fourbisseurs se firent octroyer par les autorités locales, consuls d'abord, vicomtes ensuite, des statuts réglant la durée de l'apprentissage, les droits d'entrées, la confection du chef-d'oeuvre; en un mot créèrent leurs corporations.

A la suite de mes recherches, il me parait au contraire définitivement démontré que les boulangers restèrent fidèles à la conception traditionnelle du métier libre jusqu'à la seconde moitié du XVII® siècle. Leurs statuts originaires, rédigés et signés le 10 juin 1677, à Limoges, en l'étude de Me Joseph Nadaud, notaire royal, furent seulement homologués par Louis XIV, à Versailles, au mois d'août suivant.

Je n'ai pu consulter le registre du Parlement de Bordeaux (2), sur lequel ces lettres patentes ont été transcrites suivant l'usage, afin de devenir exécutoires. Mais j'ai reproduit ci-dessous une copie imprimée de ces statuts conservés dans la collection Rondonneau, aux Archives Nationales, à Paris, sous la cote AD + 457.

Statuts des Maistres Boulangers de la Ville de Limoges
sous le Bon Plaisir de Sa Majesté

1. Qu'il sera élu chaque année le lendemain de Nostre-Dame d'Aoust quatre Bailles, par les dits Maistres Boulangers, lesquels seront convoquez pour la dite nomination, et, la dite nomination faite, les dits Bailles seront tenus de prester le serment en présence de Monsieur le Procureur du Roy, par devant Monsieur le Lieute

crois cette opinion aventureuse et insoutenable. J'adopte très volontiers les conclusions de Louis Guibert, dans Les Anciennes corporations de métiers en Limousin. Limoges, Ducourtieux, 1883, in-8° p. 2.

(1) Voir leur liste complète avec références bibliographiques dans Alfred Leroux, Les sources de l'histoire du Limousin, Limoges, Ducourtieux, 1893, in-8°, chap. XXIII bis, p. 157.

(2) Dans sa lettre du 7 avril 1906, M. Brutails, archiviste du département de la Gironde, m'informe en effet, « qu'il existe dans les enregistrements du Parlement une lacune de 1675 à 1688 ».

Je tiens, avant de commencer mon étude, à adresser mes plus chaleureux remerciements à M. Leroux qui m'a indiqué ce sujet et guidé mes recherches et à M. Georges Bac qui m'a judicieusement aidé dans le dépouillement des dossiers.

nant Général du dit Limoges, de bien et fidellement verser dans la dite baillie.

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2. Ne pourront les dits Bailles recevoir aucun maistre dudit. mestier de boulanger que du consentement desdits Maistres ou de la majeure d'iceux, que de préalable celui qui se présentera en ladite maistrise n'ait fait son chef-d'œuvre et fait quatre fournées de pain ez présence desdits Bailles et autres Maistres qui y pourront estre appelés; et, s'il est jugé capable par les dits Bailles et Maistres du dit mestier, et que le dit chef-d'œuvre soit bien fait, les dits Bailles et Maistres se retireront en mettant dans la boîte six livres huit sols pour l'obtention et observation des statuts.

3. Après que la ditte réception sera faitte, celuy qui sera receu à la dite maistrise sera obligé de se faire recevoir par devant le dit sieur Lieutenant Général de Limoges du consentement du dit Sieur Procureur du Roy et non autrement, lequel ne pourra lever boutique ny icelle ouvrir qu'il ne soit receu par les dits Sieurs, à peine de cinquante livres d'amande.

4. Auparavant d'admettre ni parler de recevoir aucun maistre, les dits Bailes seront tenus d'en advertir lesd. Sieurs LieutenantGénéral et Procureur du Roy, aprez quoy ils pourront faire convoquer les maistres dud. mestier pour prendre leur avis.

5. Le chef-d'œuvre estant fait, sera loisible aux dits Bailles et Maistres dudit mestier de visiter le pain et en faire leur rapport au vray au dit sieur Procureur du Roy, et, s'il se trouve capable et suffisant, il sera receu, sinon il sera renvoyé par les dits Maistres.

6. Chaque maistre du dit mestier sera tenu d'avoir une marque plombée et différante de chaque Maistre, laquelle sera mise à un tableau de plomb qui sera attaché dans la maison de ville de Limoges.

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7. Ne pourront les Maistres faire aucun pain à vendre qu'il ne soit marqué de leur marque qui contiendra leur nom à peine de confiscation d'icelluy qui sera converty à la nourriture des pauvres de l'Hôpital Général de la ditte ville, et, où il se trouverait une contravention, celuy qui se trouvera avoir contrevenu, sera tenu de payer trois livres d'amande qui sera appliquée la moitié à l'Hôpital et l'autre moitié aux Bayles et à celuy qui aura dénoncé.

8. S'il se trouve aucun qui ait cuit du pain à vendre en la ditte ville s'il n'est maistre receu à la ditte mestrise, il sera condamné sans autre forme ny figure de procez à dix livres d'amande applicable la moitié à la ditte Hôpital, l'autre moitié à la dite Balie et à celui qui aura dénoncé.

9. Les dits maistres boulangers seront tenus pourvoir et

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fournir la ville de pain bien conditionné, bon et marchand, au Forléal qui sera fait tous les mois et rapporté au dit sieur Procureur du Roy toutes les semaines par les dits bailles dudit mestier à peine de trois livres d'amande le pain bis appellé tourte de la pesanteur de dix livres et le pain blanc appelé pain d'ôtel de la pesanteur de deux livres un quart et quatre grains.

10. Si aucun des maistres boulangers receus délaissent à continuer de cuire et faire du pain, ne pourront les dits maistres uzer du dit Mestier, si ce n'est qu'il eut empeschement de maladie, infortune ou autre cas fortuit, ou empeschement légitime; ce qu'il sera obligé de faire connoistre au dit sieur Procureur du Roy et aux Bailles dudit Mestier.

11. — Et, d'autant que les Meûniers des environs de la ditte ville de Limoges achettent du blé puant et gatté et qui n'est bon ny marchand, lequel ils meslent avec le bon bled, est très expressément deffendu aux Meusniers d'en achetter qui ne soit bon et marchand à peine de la perte dudit bled et du pain qui se trouvera cuit et d'amande de dix livres qui sera payée par le Meusnier et condamnée sur la visitte qui sera faite par les dits Bayles dud. bled et quant en présence du dit sieur Procureur du Roy seul, laquelle amande viendra au profit de ce qui sera jugé à propos par le dit sieur Procureur du Roy.

12. Est défendu aux Mres de n'avoir aucun compagnon pour le pain qui soit taché d'aucune maladie contagieuse, ni autrement, ains sera sain et net de son corps à peine de punition contre ledit compagnon et de dix livres d'amande contre le maistre pour estre distribué comme dessus.

13. Et parce qu'aux tabliers des Maistres Boulangers il s'expose en vante à leur boutique du pain, il sera mis au-dessus d'iceluy un linge blanc et net à peine de quinze sols d'amande pour chaque fois qu'il sera trouvé contrevenant.

14. Est deffandu aux meuniers et boulangers d'aller au devant des voituriers qui amèneront le bled en la ville et d'iceluy acheter auparavant qu'il soit posé au Cloistre de la dite ville à peine de dix livres d'amande contre le maistre pour estre distribuée comme dessus, qui sera payé sur l'ordre dudit sieur Procureur du Roy et sur le rapport de celuy qui luy aura dénoncé, la moitié à l'Hôpital Général, l'autre moitié aux Bailles et aux dénonciateurs.

15. Est deffandu aussi aux dits meuniers d'entrer dans le Cloistre que l'heure de dis heures ne soit frappée des orloges de la ditte ville à peine de 40 livres.

16. Deffanse faite aux dits Mestres Boulangers de vendre leurs pains à leurs serviteurs et Servantes lesquels rendront bon et bien

conditionnés sur leur tablier bien honnestement avec un linge blanc, où il n'y aura aucun linge ou chandelle ni autre chose qui puisse douner mauvaise haudeur, à peine de la prise du pain.

17. Ne pourront aucuns marchands Estrangers vendre ni debiter aucun Bled dans la Cité de la dite ville que de préalable il n'ait esté conduit dans le Marché et Cloistre de la ditte ville à peine de la pure perte d'icelluy.

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18. Les veuves et enfants des maistres du dit Mestier estant décédés, aprez leur décez tous ensemble pourront tenir boutique ouverte et faire du pain bien conditionné pendant le temps que la veuve et les enfants seront ensemble jusques à l'âge lesd. enfants de seze ans aprez lesquelz ils pourront se faire recevoir à la dite maistrise et mettront, comme dit est, six livres huit sols dans la boite sans estre tenus de faire chef-d'oeuvre.

19. Si la veuve du dit Maistre ne se peut accorder avec ses enfants et si elle convole en secondes nopces, elle ne pourra tenir boutique ouverte, ains luy est défandu de cuire aucun pain à peine de cinquante livres d'amande et ne pourront tenir les enfants boutique que en compagnie de leur dite mère ou estant receus au dit mestier.

20. Nul ne pourra estre receu en icelluy qu'au préalable il n'ait fait son apprentissage pendant trois ans chez un maistre boulanger, lequel sera tenu d'apporter son contral et quittance d'apprentissage, et tout apprentif entrant chez un maistre sera obligé de mettre dans la boette trois livres quatre sols pour servir à la conservation de lad. Baillie et faire garde des Statuts.

21. Comme aussi ne pourra faire aucun Maistre de pain qu'il n'ait esté receu maistre boulanger ny le faire faire par compagnon, et s'il y a un autre mestier, il sera tenu de le faire sans pouvoir user du dit mestier de Boulanger.

22. Nul maistre ne pourra prendre compagnon dudit mestier se retirant d'un autre mestre que de préalable le mestre d'où le dit compagnon sortira ne soit entièrement satisfayt de lui, et en cas qu'il le reçoive dans sa maison, sans avoir satisfait son maistre, le dit maistre rendant sa plainte au dit sieur Procureur du Roy, il sera deffendu à iceluy maistre de retirer le dit compagnon et condamné pour la façon de faire en dix livres d'amande, et, en ce que le dit maistre affirmera luy estre deub par le dit compagnon, ce qu'il sera tenu de payer sans autre forme ny figure de procez, ny qu'il en puisse appeler.

23. Les dits compagnons seront tenus de bien et fidellement servir les dits maistres le temps et espace qui sera entre eux arresté à peine d'amande arbitraire.

T. LVII

14

24.

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Ne pourront les dits bailles faire aucune visite qu'ils n'ayent appellé les dits sieurs Lieutenant Général et Procureur du Roy, laquelle visite se fera un jour de chaque semaine par le dit sieur procureur du Roy et les dits quatre Bayles où le dit sieur Lieutenant-Général assistera si bon lui semble.

25. Nulle réception des dits maistres boulangers ne sera faite que par les dits Sieurs Lieutenant-Général et Procureur du Roy, à peine de nullité de la dite réception.

26. — Défenses faites à toutes sortes de personnes de telles conditions qu'ils soyent de vendre ny debiter, ny cuire de pain pour vendre que lesdits Maistres ou Maistresses, sur peine de cinquante livres d'amande, applicable comme dit est aux articles cy-dessus. 27. Les dits Maistres Boulangers ne pourront faire autre pain que le pain blanc de segle et le pain noir suivant la coutume de Limoges, sans qu'il puisse y estre mélé aucun froment, et, en cas de contravention, et que les dits Bayles aient fait visite dudit pain, s'il se trouve du froment meslé, au dit cas, il sera condamné en la somme de 10 livres d'amande et confiscation du pain aux pauvres de l'Hôpital Général.

28. Aucun maistre boulanger de la dite ville de Limoges ne pourra cuyre d'autre pain que celui sus-especiffié, ou s'il cuit du pain blanc de froment, il sera tenu de porter ou de faire l'un ou l'autre, à peine de confiscation dudit pain, s'il se trouve chargé de l'un et de l'autre et de trois livres d'amande applicable comme est dit cy-dessus.

29. Est deffendu aussy aux Meûniers de cuire aucun pain pour vendre et débiter en la dite ville de Limoges, Cité, Fauxbourgs et Banlieue, si ce n'est pour leur service, à peine contre les dits contrevenans de dix livres d'amande et de confiscation du pain dont ils se trouveront chargez qui sera délivré pour la nourriture des pauvres dudit Hôpital Général et l'amande aux dits Pauvres et Bailes de la ditte maistrise et aux dénonciateurs.

30. Ne pourront les dits Maistres Boulangers ouvrir boutique les jours de Dimanches et Festes qui sont de commandement.

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31. Et, afin que les dits Statuts, soient ponctuellement gardez et observez, pour prendre soin les dits maistres ont nommé Maistre Joseph Nadaud, notaire royal, pour leur sindic de la dite Maistrise, lequel prendra un soin particulier pour l'observation d'iceux, auquel les dits bailes donneront le Forléal tous les mois, pour le rendre au dit sieur Procureur du Roy, lequel sindic sera appellé à toutes les assemblées et réceptions des dits Mes boulangers qui se feront, et retirera et fera tous actes requis et nécessaires concernant la dite Maistrise dont il sera tenu registre.

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