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placées dans un panneau cintré, proviennent probablement de cet autel, ainsi que les deux plaques de cuivre émaillées conservées au Musée de Cluny, se rapportant l'une à la vie de saint Etienne, l'autre à la vie de Notre-Seigneur (1).

La première, dont on voit ici la reproduction, représente saint

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(1) Bull. Soc. arch. Lim., t. XXXV, p. 204; - t. XXXVI, p. 51.

Etienne de Muret parlant avec saint Nicolas de Myre. Cette plaque, qui a 026 sur 018, porte une légende en langue romane faisant connaître le sujet représenté NICOLAZ ERT PARLA A MNE ETEVE DE MURET (Nicolas était parlaut au moine Etienne de Muret) (1).

La seconde, dont nous donnons aussi la reproduction, a exacte

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ment la même grandeur et la même ornementation que la précédente, mais elle n'a pas de légende. Elle se rapporte à l'Adoration des Mages. Sur ces deux plaques, le bleu foncé, le bleu clair, le vert dominent dans les colorations; un peu de rouge, très peu de jaune complètent la gamme des couleurs. Les colonnes et les voussures des arcades sont décorées de ces bandes ondées d'émaux qu'on retrouve sur beaucoup de châsses limousines de la fin du XIIe siècle et du siècle suivant. Ces émaux sont les seuls restes que l'on connaisse du grand autel consacré en 1166.

Notons enfin, à propos de cette église de Grandmont, que presque toutes celles qui ont été construites par les religieux de cet Ordre sont formées d'une seule nef très allongée, couverte d'une voûte très élevée et éclairée au levant par les trois fenêtres symboliques.

Ce fut en la même année 1166 que Gilbert, comte de Nevers, donna 10 livres de rente annuelle pour entretenir nuit et jour une chandelle de cire devant le grand autel de cette nouvelle église, et à son exemple plusieurs autres dans la suite firent une semblable donation.

Au chapitre général assemblé à Grandmont en 1167, il fut arrêté qu'on ferait la fête de la translation des reliques de saint Etienne le 25 juin. C'est ce qu'on a commencé à observer cette année même et qui s'est toujours pratiqué depuis. Dieu témoigna avoir pour agréable cette institution, car un religieux de l'Ordre, nommé Guillaume, fut guéri de sa surdité en mettant dans ses oreilles quelques morceaux des souliers (sotulares) de saint Etienne, qu'il avait arrachés dans le temps qu'on faisait la procession des reliques du saint autour du cloître. Gérald, évêque de Limoges, était présent à ce miracle. Quelque temps après un très honorable gentilhomme du Limousin, affligé de cette maladie incurable qu'on appelait alors le feu d'enfer, qui rongeait et consumait peu à peu tout le corps, se fit porter à Grandmont et demanda au Prieur de lui donner quelque remède à son mal; celui-ci lui fit répondre qu'il n'était pas médecin et qu'il ne pouvait pas guérir ses infirmités. Le gentilhomme lui répliqua qu'il ne demandait qu'à voir des reliques de saint Etienne, et que la confiance qu'il avait en leur pouvoir lui donnerait quelque soulagement. Mais le Prieur, animé de l'esprit de ses prédecesseurs, lui dit que personne ne voyait les reliques du saint. Permettez-moi du moins, insista le gentilhomme, que je fasse mes prières sur son tombeau »; ce qu'on lui accorda après bien des importunités, et d'abord qu'il eut arrosé sa plaie de l'eau. dont il avait lui-même lavé le tombeau du saint, il se trouva rétabli en aussi bonne santé qu'il s'en retourna à pied, suivant fort bien ceux qui l'avaient apporté.

Le Prieur Pierre Bernard se fit connaître à la cour par des actions de piété et de religion. Il fut un des principaux médiateurs de la paix conclue entre Philippe-Auguste et Henri II, roi d'Angleterre. Il fut encore employé par le pape Alexandre III en l'affaire de saint Thomas de Cantorbéry, par lettre datée de Bénévent, le 25 mai 1169. Personne n'était plus propre, pour manier une affaire délicate, qu'un religieux de Grandmont, comme en témoigne Jean de Sarisberi dans ses lettres; mais quelque amour que le roi Henri portât à l'Ordre de Grandmont, il affectionnait spécialement frère Bernard. Celui-ci avait suspendu pendant quelque temps la vivacité du zèle de saint Thomas, par les promesses qu'il lui faisait de la part du roi ; ce qui fit prendre à ce Prieur la sainte hardiesse de lui écrire au sujet de la mort de ce saint prélat différentes lettres, dont une commence par ces mots : Ut inmunerabilia sunt tuæ benevolentiæ argumenta nimium quantum nescio quid, etc. Une autre est rapportée un peu plus loin.

Ce même Prieur vit deux fois le roi d'Angleterre, suivant l'ordre qu'il en avait; mais ni en l'une ni en l'autre occasion il n'avança rien. Simon, Prieur de la chartreuse du Mont-Dieu, envoyé avec lui pour le même fait, rendant compte au pape de cette commission, dit ces paroles remarquables : « Nous avons prié le frère Bernard de vous écrire, comme nous, sur cette affaire; mais il nous a répondu que dans son Ordre il est défendu à aucun des frères d'écrire pour aucune affaire à vous ni à d'autres ». Telle était la sévérité de l'Ordre de Grandmont.

Pierre de Bernard tint son chapitre général à Grandmont en 1164. Les historiens disent qu'il ne cédait en rien au mérite de ses prédécesseurs; qu'il fut doué de mérite, de foi, d'espérance et de charité; sévère pour les pécheurs, prodigue pour les pauvres, exact à faire observer la discipline monastique, sobre dans son boire et dans son manger, cruel dans les châtiments qu'il exerçait sur sa chair. Il eut toujours un amour très ardent pour son Dieu et pour son prochain. Enfin Rigord, dans la Vie de Philippe-Auguste, l'appelle « un homme saint et religieux », et Etienne de Tournay dit qu'il «< était simple et craignant Dieu, s'écartant du mal », etc.

L'an 1168, fut fondée la celle de Macheret, dans le diocèse de Troyes (1), et l'année suivante celle de Arvico ou des Isles, près cette ville (2). Celle de Château-Villain en Bassigni, diocèse de

(1) Marcheret, dans la commune de Saint-Just, canton d'Anglure (Marne). — Voir L. GUIBERT, Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. XXV, p. 186.

(2) Arvy ou Ervy, dans la commune de Cormot, canton de Bouilly (Aube). — Voir idem, p. 219.

Langres (1), le fut en 1194; celle de Mastonis, près la ville de Joinville, au diocèse de Châlon-sur-Marne (2), en 1180; elles furent toutes trois unies à Macheret.

Raroi, monastère fondé vers la fin du XIIe siècle par Simon, vicomte de Meaux, et par Ade, sa femme, à quatre ou cinq lieues au Nord-Est de la ville même de Meaux, assez près de la rivière d'Ourcq (3). Les fondateurs le donnèrent aux religieux de l'Ordre de Grandmont, appelés alors Bons-Hommes, qui s'y établir ententre les années 1164 et 1171. En 1317, le pape Jean XXII érigea cette maison en prieuré et lui unit Vaissin (4) et Savigni (5), deux autres petits monastères du diocèse de Soissons. D'après la bulle, il devait y avoir seize frères. Sur la fin du XVIe siècle, les Jésuites voulurent se l'approprier; leur tentatives furent inutiles, et au commencement du XVIIe siècle ce monastère, qui était tombé en ruines, fut donné au Feuillants, qui en prirent possession par lettres patentes du mois de janvier 1615. Mais n ayant pu y subsister et voyant que tout était ruiné dans la maison, ils en sortirent au bont de trois mois et remirent le prieuré entre les mains du duc de Gesvres, de qui ils l'avaient reçu. Ce seigneur le proposa à M. de Bérulle, depuis cardinal, supérieur général de la Congrégation de l'Oratoire, qui l'accepta dans le dessein de rétablir dans ce monastère le service divin, en y établissant sa Congrégation alors naissante. Nicolas Le Sage, alors abbé de Saint-Martin-de-Laon et titulaire de ce prieuré, s'en démit le 28 octobre 1619, entre les mains du pape, en faveur de cette union, et l'abbé de Grandmont ayant pareillement consenti, de même que les Feuillants, les bulles furent poursuivies en cour de Rome et obtenues, et depuis ce temps-là cette maison dépend de celle de i'Oratoire de Paris. Le duc de Gesvres prit la qualité de fondateur, avec la haute, moyenne et basse justice de tout le territoire. Les Pères de l'Oratoire de Raroi payèrent toujours, tous les ans, la pension d'un oblat ou d'un religieux lai aux Invalides, suivant l'arrêt du Conseil d'Etat du roi du 6 mai 1713.

(1) Châteauvillain, près le chef-lieu de canton de ce nom (HauteMarne). Voir idem, p. 239.

(2) Mathon ou Mathan, près Joinville, chef-lieu de canton de ce nom (Haute-Marne). — Voir idem, p. 258.

(3) Raroi, commune de Crouy-sur-Ourcq, canton de Lizy (Seine-etMarne). Voir idem, p. 208.

(4) Vaissin, probablement Vassens, canton de Coucy (Aisne). — Voir idem, p. 273.

(5) Savigni, probablement une des localités de ce nom, située dans le nord du département de la Seine-et-Marne. Voir idem, p. 271.

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