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LES MÉDAILLES MÉDICALES

DU LIMOUSIN

La médaille est un document important pour l'histoire des hommes et des institutions; elle serait d'une consultation des plus fructueuses si elle était plus répandue, si elle ne constituait pour ainsi dire une information de luxe consacrée presque exclusivement à la commémoration des grands hommes et des grandes choses. Instructive comme tous les monuments sciemment prémédités, ingénieusement inspirés, savamment combinés pour la mise en relief de toutes les précisions de l'information et de toutes les délicatesses d'un art profondément observateur, elle serait la source historique de choix si ses indications s'étaient en tout temps mises au service de tous les mérites et de toutes les causes. Sa restriction à l'expression de quelques souvenirs seulement l'a rendue un peu partout, dans le Limousin surtout, accidentelle ou exceptionnelle : elle n'en mérite pas moins une grande attention, l'attention qui est due aux actes qui ont voulu dépasser leur temps pour porter à d'autres âges le reflet d'impressions jugées dignes de survivre à une époque ou à une génération. C'est à ce titre qu'il m'a paru intéressant de noter, moins encore pour le présent que pour l'avenir, car tout-même la médaille meurt avec le temps, ære perennius, ce que la grande et la petite patrie ont fait pour la reconnaissance, dans la région limousine, d'une des expressions les plus intéressantes et les plus fécondes de l'activité humaine, de la médecine. L'entreprise sera modeste comme toutes les entreprises limitées par un sujet restreint, mais elle aura un mérite si elle peut par la plume, ou pour mieux dire par une mention dans les archives de la Société archéologique du Limousin, sauver du naufrage quelques figurations artistiques rares menacées de l'oubli dans le renouvellement incessant des idées, des hommes et des choses.

T. LVII

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MÉDECINS.

Les médecins ont été nombreux dans le Limousin, si nombreux que peu de régions sans doute peuvent se vanter d'avoir eu une pléiade si riche de guérisseurs de tout ordre. Cette impression se dégage des données du Dictionnaire des médecins du Limousin de M. René Fage et des biographies diverses qui l'ont suivi pour les médecins du XIX siècle non compris dans le premier inventaire (1).

Bien que les mérites de tous les praticiens signalés n'aient pas brillé d'un même éclat, il a été compté sous divers noms tant de titres scientifiques, littéraires, humanitaires et politiques, que la médaille aurait eu tout droit de rappeler avec quelque profusion des figures et des actes dignes de vivre dans l'admiration du pays qui les avait vu naître. En fait, la glorification métallique a manqué aux célébrités professionnelles des XV, XVI, XVIIe et XVIIIe siècles, et n'est revenue que fort discrètement aux célébrités du XIX, cela sans doute parce que l'exaltation des vertus provinciales a de tout temps paru excessive et que l'art du modelage n'a eu que de rares interprètes en dehors de Paris. La gravure sur pierre ou sur bois a été plus généreuse en valant à Chabodie, à Cabanis, à Boyer, à de Chamberet, à Guisard, à Joullietton, à Delavalade, à Ducoux, à Donnet et à quelques autres des hommages plus ou moins justifiés (2); la sculpture, elle, est restée plus avare de ses largesses pour rappeler que dans le Limousin, comme dans bien d'autres endroits, le mérite en mal de renommée suffisait mal à sa gloire loin des maitres de l'ébauchoir.

Les médecins antérieurs au XIXe siècle n'ont laissé d'autres souvenirs artistiques personnels que ceux qui rappelaient leurs armes et encore ces derniers nous sont-ils parvenus moins comme des legs intentionnels des intéressés que comme des appoints banaux de recueils héraldiques. Telles ont été les révélations du Recueil d'armoiries limousines de Philippe Poncet, peintre et émailleur, publié par A. Lecler et Louis Guibert, révélations qui nous ont valu les savoureuses armoiries de « Messieurs les médecins docteurs agrégés de Limoges », d'Avril, David, Meynard de Favelon,

(1) Dictionnaire des médecins du Limousin jusqu'à la fin du XVIII siècle. - Tulle, impr. Crauffon, 1905.

(2) FRAY-FOURNIER, Catalogue des portraite limousins et marchois. Limoges, V. Ducourtieux, 1896.

Lacroix, Guilhot et Decubes de Ferrant et, au-delà, des maîtreschirurgiens Etienne Boudet (1642), Jean Gueyton (1644), et des apothicaires Gérald Mercier (1640), Jean Raby (1644) et Fougeras (1679).

Au demeurant, les seules médailles à mentionner en l'honneur ou au nom des médecins sont celles de Dupuytren, Bardinet, Fonssagrives, Cruveilhier, d'Arsonval et Chénieux, hommage assurément de beaucoup au-dessous des mérites qu'ont affirmé non seulement dans l'art de guérir, mais encore dans l'art de penser, de parler et d'écrire, plus d'un millier d'activités alertes et généreuses vouées au bien public sous le couvert de la médecine et de la chirurgie.

Cette courte nomenclature aurait dû se compléter au moins du nom des médecins limousins que l'ancienne Faculté de médecine de Paris a placés à sa tête, car il a été d'usage, dans cette Compagnie, de perpétuer le souvenir des doyens par des jetons; mais, en fait, Pierre et Jean de Limoges, doyens de 1267 et de 1343, ont exercé leur charge si loin de l'année 1638, qui a vu l'inauguration de la mode des jetons décanaux, que cette étude n'a eu aucun monument à glaner dans la galerie métallique de l'ancienne Faculté de Paris, si intéressante à tant de titres (1).

Dupuytren.

DUPUYTREN (GUILLAUME), fils de Jean-Baptiste Dupuytren, avocat au Parlement, né à Pierrebuffière, le 5 octobre 1777 (ancien élève du collège de Magnac-Laval); mort à Paris, le 8 février 1835.

Premier prosecteur de l'Ecole de Santé et chef des travaux anatomiques en 1801, docteur en chirurgie en 1803, inspecteur général de l'Université en 1808, professeur de médecine opératoire en 1812, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu et professeur de clinique chirurgicale en 1815, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, officier de la Légion d'honneur et baron en 1816; membre de l'Institut en 1820. Chirurgien consultant de Louis XVIII et premier chirurgien de Charles X.

Deux médailles ne diffèrant que par la composition de l'inscription du revers et un médaillon.

1. Buste à droite, tête et col nus. En périgraphe :

DUPUYTREN. Sous le cou: CAUNQIS F.

Rv. Inscription de huit lignes, séparée par un trait : NÉ A
BUFFIÈRE HAUTE-VIENNE LE 5 OCTOBRE 1778
CÉLÈBRES

-

IXE SIÈCLE

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1821.

Diamètre: 41mm. Tranche lisse. (Pl. I, no 1.)

GUILLAUME

-PIERRE

MÉDAILLIER FRANÇAIS

(1) De 1638 à 1792 se sont succédé à la Faculté de médecine de Paris, presque tous figurés par des jetons à armes ou à portraits, soixante-cinq doyens originaires de nombreuses provinces du royaume, mais non du Limousin.

2. Même avers que celui du no 1.

Rv. BUFFIÈRE

Inscription de neuf lignes, séparée par un trait : NÉ A

HAUTE-VIENNE LE 5 OCTOBRE 1778

8 FÉVRIER 1835 MÉDAILLIER

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FRANÇAIS CÉLÈBRES

Diamètre comme au no 1. (P. I, no 2.)

MORT A PARIS

IXE SIÈCLE.

PIERRE

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Ces deux médailles font partie de la série de médailles des Français célèbres et sont du graveur Caunois (1), artiste d'assez grand renom du siècle dernier.

3. Buste à droite, tête et cols nus. En inscription, gravée sur trois lignes concentriques, en lettres cursives: Guillaume Dupuytren (le baron) l'un des plus grands chirurgiens du XIXe siècle - Né en 1778; m. 1838. Avril 1853. L. Ysabeau.

Sur le revers fruste, en relief: ECK ET DURAND (noms des fondeurséditeurs).

Médaillon uniface de 130 millimètres. (P. I, no 3).

Ce médaillon, d'un beau caractère, d'une facture agréable, quoique un peu sèche, est, comme l'indique la signature, l'œuvre de Louis-Guillaume Ysabeau, médailleur parisien, qui a exposé aux Salons, de 1835 à 1850, et qui a produit plusieurs médaillons du même type, notamment ceux de Cuvier, Lavoisier et Parmentier.

Ces médailles à portrait sont nées de l'admiration publique pour la maîtrise chirurgicale et professorale du grand homme; elles n'ont été que la glorification métallique d'une renommée consacrée d'ailleurs par une statue à Pierrebuffière, plusieurs bustes à Paris et dans la Haute-Vienne, notamment à Limoges (décor extérieur de l'Ecole de Médecine), un musée Dupuytren, des rues, places et marchés Dupuytren, sans compter de multiples hommages de la gravure dans des illustrations périodiques et des éditions spéciales.

Jean Cruveilhier.

CRUVEILHIER JEAN), né à Limoges le 9 février 1791, mort à Sussac (Haute-Vienne) le 6 mai 1874. Docteur en médecine de 1816. Médecin de la Maternité, de la Salpêtrière et de la Charité; professeur d'anatomie pathologique (chaire créée par Dupuytren à la Faculté de médecine de Paris en 1835; membre de l'Académie de médecine en 1836; commandeur de la Légion d'honneur le 14 août 1867.

(1) CAUNOIS (François-Augustin), né à Bar-sur-Ornain (Meuse), en 1787, mort à Paris en 1859. Elève de l'Ecole des Beaux-Arts, 2° prix du concours de Rome en 1813. Auteur de plusieurs médailles et médaillons exposés aux Salons, de 1819 à 1851; auteur en particulier de la médaille de Parmentier, commandée par l'administration des Monnaies, et des bustes d'Horace Vernet (Musée de Rouen) et de Poniatowski (Musée de Versailles).

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