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MINIATURE ET LETTRES ORNÉES

DU MOYEN AGE

La miniature et les dix-huit lettres ornées dont nous présentons la reproduction sont tirées de divers feuillets en parchemin appartenant aux Archives de la Haute-Vienne (Série I, n° 2 et 3).

L'enluminure n'a pas la valeur artistique des œuvres qui sortaient des bonnes écoles du plein moyen âge; cependant elle méritait d'être reproduite, étant donné sa naïveté et sa simplicité archaïques, caractères d'époque fort significatifs.

Quant aux lettres, si l'on veut bien se rappeler celles que nous avons figurées dans le tome LV du Bulletin, on reconnaitra, sans doute, que, provenant d'une époque plus ancienne, elles présentent la gothique à son état de pureté et d'élégance; on n'y trouvera pas cette surcharge et cet excès de complication, qui souvent, à une époque de décadence, gâtent la forme propre de la lettre au lieu de l'orner.

Il est difficile de dire si ces divers dessins sont l'œuvre d'artistes ou de scribes limousins. La chose est après tout possible. Ces feuilles éparses n'ont pour marque d'origine que d'avoir servi à des notaires limousins pour enfermer des dossiers et des lièves, comme le montrent les suscriptions. Laurent Dupin, notaire à Limoges, dans le cours du XVIe siècle, avait utilisé la double feuille, qui nous a fourni la planche II, pour contenir des reconnaissances de rente appartenant au couvent de Saint-Augustin. Une autre feuille (lettres de la planche C) porte ces mots : Table des contrats qu'a reçus le sieur Dupuy, notaire à S'-Ibars, depuis 1630 jusqu'en 1638. Sur la feuille d'où sont tirées les lettres de la planche B, on lit: Liève de plusieurs villages... Liève de l'année 1653. Planche E en marge de la dernière feuille, figure une inscription beaucoup plus récente Mariage de l'an 5me.

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PLANCHE A

Feuille détachée d'un Bréviaire; première page de la Passion des saints Abdon et Sennen, que l'Église célèbre le 30 juillet.

La première lettre de la page est une majuscule allongée en forme de croix patriarcale irrégulière, qui représente la lettre I, tête de chapitre de cette passion :

In diebus illis (en ce temps-là).

A la gauche de cette capitale, verticalement, comme dans les productions byzantines et romanes, dans des compartiments carrés, sur fond noir, les autres lettres des trois mots se détachent en blanc, le contour étant limité d'un mince filet rouge:

N DIEBUS ILLIS, en capitales romanes.

L'écriture du texte est de la minuscule romane du XIIe siècle. Comparée au manuscrit de saint Jérome, conservé à la Bibliothèque nationale, daté de 1114 et publié par M. Lecoy de la Marche dans son ouvrage sur les Miniatures et Manuscrits, elle confirme la date que l'on peut assigner à la miniature, qui elle-même répond par son dessin et sa facture à cette période du moyen âge. On peut seulement dire que le texte que nous reproduisons est plutôt de la fin que du début du XIIe siècle limousin.

La lettre I, de grande dimension (0,180 de haut sur 0,105 de large), est décorée d'une miniature représentant un séraphin aux six ailes.

Sur un fond bleu indigo clair, bleu ordinairement employé par les enlumineurs, se détache la figure du personnage, représenté debout dans la position de la prière, les bras demi-étendus, les mains ouvertes, et dans la supination.

Très élancé de proportion, le dessin en est très archaïque. La tête, longue et étroite, est coiffée d'une chevelure longue, moitié plate, moitié ondulée, coloriée de traits roux.

Un large nimbe jaune entoure la tête et est lui-même contrenimbé d'un cercle rouge. Le cou est haut et large à la base.

Les mains sont ouvertes; les doigts, étendus, sont maigres et d'une longueur disproportionnée, comme les pieds.

Ces derniers sont représentés en géométral, représentation qui caractérise les productions sculpturales et picturales antérieures au XIIIe siècle. Ils foulent un animal allongé sur le sol, sorte de

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félin qui doit représenter quelque mauvais génie; cet animal est blanc, modelé de bistre.

Les carnations, à la face, au cou, aux mains et aux pieds, laissent voir des traces du rouge dont elles étaient enluminées.

Ce seraphin est revêtu des ornements sacerdotaux.

Il porte une étole de couleur jaune autour du cou et nouée sur la poitrine. La chasuble flottante des premiers siècles de la chrétienté, de couleur vert émeraude, porte sur les épaules des lignes symétriques représentant les plis.

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A sa partie inférieure, elle s'orne d'une bande blanche fendue dans le bas, formant des plis, et qui, tombant de chaque côté des mains, ressemble à deux manipules.

La tunique rouge, ornée à sa partie inférieure d'une bande blanche (qui devait être jaune), en plus de ses plis, laisse apercevoir le dessin des jambes.

Les ailes, au nombre de trois paires, sont rouges; mais dans toutes, l'extrémité ou dernier rang de plumes est blanche et ornée de cercles modelés en bistre.

La paire d'ailes supérieure se croise derrière la tête et apparait à la partie supérieure du nimbe.

La paire d'ailes médiane est étendue horizontalement; elle meuble les croisillons les plus grands de la croix patriarcale.

L'autre paire d'ailes descend des épaules et vient se croiser sur la poitrine, en avant de la chasuble.

PLANCHE B

Lettres ornées, placées au début des portées d'un Graduel
du XIVe siècle (?)

Ce graduel contient la notation des morceaux chantés durant la messe, après le chant de l'épitre. La première partie de la page est presque illisible; la rubrique du milieu permet de se retrouver. Ce feuillet contient deux proses communes en l'honneur de la Sainte-Vierge l'une Inviolata, qui se chante encore; l'autre Veni virgo virginum.

Au bas de la troisième page, la rubrique annonce la messe des morts, dont la notation est à peu près identique à celle qui se chante encore; on retrouve l'introït, le graduel et le premier mot du trait.

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