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qui que soit qu'il n'y a pas moyen d'être trèsrassuré sur l'avenir; et ce n'est pas sur des accidens, mais sur l'examen des conditions. nécessaires à l'ordre social que je fonde mes idées, ayant toujours professé qu'il n'est pas au pouvoir des hommes de déranger la vérité que Dieu a mise dans les choses; proposition qui, jusqu'ici, n'a été niée que par M. Marchangy. Mais enfin, si les craintes se sont augmentées sans proportion au moment où la France cessoit d'être sous la tutelle armée des étrangers, on auroit tort de croire que leur retraite y soit pour quelque chose. La plus grande preuve de force que puisse donner la France est pour l'observateur attentif dans le foible intérêt qu'elle met à tout ce qui se passe au-dehors, et dans l'intérêt actif qu'elle attache à tout ce qui se passe dans son sein. L'époque de la retraite des étrangers étoit aussi l'époque des élections, et les élections ont plus occupé les esprits que les conférences d'Aix-la-Chapelle. En France, on ne pourroit imprimer pourquoi; en Angleterre, on le dira à la tribune. Beau et noble sujet pour l'Opposition dans un pays qui ne souffriroit pas qu'on mît sous une garantie étrangère la légitimité du trône, et les formes constitutionnelles de son gouvernement!

Le ministère ne fut pas aussi effrayé qu'on le suppose de sa déconfiture dans quelques colléges électoraux, ear enfin il faut admettre ou qu'il est bien léger, ou qu'il ne croyoit pas sérieusement que les préfets feroient toutes les élections sans que les électeurs y fussent parfois pour quelque chose. On pourroit croire qu'il est léger, puisqu'il a fini par louer cordialement ceux qu'il avoit insultés de tout son cœur; et s'il les louoit, sans doute il n'en avoit pas peur. Pourquoi donc a-t-il montré tant d'alarmes?

N'ayant qu'un intérêt, sa conservation, qu'un but, l'établissement du pouvoir absolu sur les ruines de toutes les libertés, ainsi qu'il l'avoit vu faire à Buonaparte, le ministère se seroit fort bien arrangé des élections telles qu'elles étoient. Dès qu'il sentoit qu'il ne pouvoit pas aller seulement avec des ministériels, ce qui auroit été infiniment plus commode, peu lui importoit de marcher avec les indépendans ou avec les royalistes. Toute sa politique consistoit à faire peur aux uns des autres, dans l'espoir qu'un des deux partis se jetteroit dans ses bras sans condition.

Les, royalistes de salon, faciles à alarmer, montrèrent en effet une telle frayeur du résul

tat de la loi nouvelle des élections, que le ministère se persuada qu'il pourroit tirer parti de cette disposition; il la seconda de tous ses moyens; et les journaux, absolument sous l'influence de la police, nous donnèrent le tableau des nominations si en raccourci, qu'aujour d'hui encore il est permis de croire que les royalistes n'ont pas obtenu une seule voix, tant on a eu soin de ne laisser paroître que la concurrence établie entre les indépendans et les ministériels. Quelle sentence pour ces pauvres royalistes qui aiment à apprendre, au coin du feu, qu'ils forment la majorité, et qui ne se dérangent à Paris que pour aller voter en faveur de M. Ternaux, quand ils ne sont pas assez heureux pour obtenir M. Bonnet! N'ont

ils

pas dû se croire proscrits par tous les électeurs d'un bout à l'autre de la France? N'ont-ils pas dû penser que leur salut tient à la réforme de la loi des élections; leur perte à la conservation de cette loi qui ne profite qu'aux habiles, ce qui n'arrive apparemment que pour cette loi? Plus les royalistes inactifs montrèrent de craintes, plus le ministère parut vouloir les sacrifier. On inventa même des conspirations royalistes, dans l'espoir de leur apprendre à redouter jusqu'à la justice; c'étoit trop. Pendant

quinze jours on n'entendit parler dans le monde que de propositions ministérielles faites aux indépendans, que de la nécessité sentie par le ministère de ne pas se séparer de ses amis de l'année passée, de marcher avec eux partout où ils voudroient l'entraîner. Que de malheurs on prévoyoit de l'aveuglement du ministère!

Cependant il attendoit avec une secrète inquiétude que les royalistes éperdus, tremblant pour la monarchie, pour leurs châteaux, s'il leur en reste, et pour leur existence, accourussent se livrer sans réserve à l'autorité; que souples, obéissans, ils vinssent implorer leur salut d'un ministère qui, avec eux, feroit enfin ce despotisme, objet constant de tous les efforts tentés depuis trois ans pour rajeunir les vieilles passions, et de ces mouvemens de bascule opérés pour écrasér alternativement les partis.

D'un autre côté, on espéroit se servir de la crainte qu'un rapprochement entre le ministère et les royalistes peut inspirer aux indépendans, pour rendre ceux-ci d'une composition plus facile; on alarmoit les intérêts moraux de la révolution pour les amener à croire que leur plus grande sûreté seroit dans l'établissement d'un pouvoir absolu qui les mettroit à l'abri de toute chance. En un mot, plus il entroit de

frayeurs dans les esprits, plus le ministère devoit, dans ses idées, se croire au moment du triomphe.

Vains calculs! Le ministère est jugé par les royalistes et par les indépendans; en passant alternativement d'un côté à un autre, en se montrant à la fois à tous les partis comme un sauveur, il n'a réussi qu'à mettre à découvert la foiblesse de sa politique, l'absence de toutes vues générales, et cette jeunesse de pouvoir qui déplaît à tous les hommes capables de réflexion. Le ministère n'est plus soutenu aujourd'hui que par quelques ambitieux sournois qui voudroient le maintenir jusqu'à ce qu'ils fussent en mesure de le remplacer. Les indépendans n'en veulent que comme une machine que seuls ils feroient mouvoir, ou ne le tolèrent que par haine contre les successeurs possibles; et ils ne s'en cachent pas. Tout s'imprime depuis que nous n'avons plus la liberté de la presse, tant il est vrai qu'elle résulte bien plus de d'état de la société que des lois, quand les lois sont hostiles. Les royalistes, je parle ici des royalistes actifs, qui ne sont pas si royalistes d'autrefois qu'on voudroit bien qu'ils le fussent; de ces royalistes qui ont vu mieux que la fumée de Londres et les brouillards de Hambourg', qui ont

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