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<< Toutes les sections étaient d'accord pour l'admis>>sion de tous les Belges à tous les emplois; mais, dans >> plusieurs sections on désirait que seuls ils fussent >> habiles à les exercer. Cette opinion a été vivement » débattue dans la section centrale; ses partisans >> craignaient que, sans une pareille condition, les >> étrangers n'envahissent, comme sous le régime hol» landais, les places lucratives; les autres, au contraire, >> trouvaient que c'était priver le pays d'hommes utiles, » peut-être nécessaires... Enfin l'exclusion des étran»gers a été admise en règle, avec des exceptions aban» données à la législature » (1).

On doit conclure de ce commentaire que l'article 6 de la Constitution ne concerne que les emplois lucratifs, c'est-à-dire salariés.

D'autre part le texte de l'article 6 ne s'applique qu'aux emplois civils et militaires, ce qui exclut les fonctions sacerdotales. « La section centrale, disait le rapporteur, » estime qu'il faut abandonner à l'Église le choix de ses » ministres, sans y mettre la moindre restriction. »>

Ainsi tous les emplois salariés autres que les emplois ecclésiastiques doivent être réservés aux Belges, sauf les exceptions établies par la loi.

Le législateur peut déroger à la règle générale énoncée à l'article 6 de la Constitution et admettre les étrangers à remplir certains emplois déterminés.

Citons comme exemple la loi du 27 septembre 1835, en vertu de laquelle le Gouvernement est autorisé à confier les chaires de professeurs dans les Universités de l'État à des étrangers d'un talent éminent, lorsque l'intérêt de l'instruction publique réclame cette mesure. (1) HUYTTENS. Discussions du Congrès national, IV, 59.

TITRE VI

INVIOLABILITÉ DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

§ 231.

Tout homme a le droit naturel de pourvoir à sa conservation et, par conséquent, le droit de se procurer par son travail les choses nécessaires à son existence et de les conserver après les avoir produites.

Le travail est donc le fondement du droit de propriété.

§ 232.

Sous l'ancien régime il n'y avait à l'égard des meubles, qu'une seule espèce de propriété, savoir la propriété romaine, qui comprenait le jus utendi, fruendi et abutendi.

Il en était de même à l'égard des immeubles ou héritages qui étaient en franc aleu.

Mais à l'égard des héritages tenus en fief ou en censive on distinguait deux espèces de domaine: le domaine direct et le domaine utile.

Le domaine direct qu'avaient les seigneurs sur les héritages qu'ils avaient concédés en fief ou en censive, était un débris du domaine ancien et primitif, dont on avait détaché le domaine utile. Le domaine direct, ou la directe était le droit qu'avait le seigneur de se faire reconnaître comme tel par les proprétaires et posses

seurs des héritages tenus d'eux, et d'exiger certaines redevances récognitives de leur seigneurie.

Le domaine utile d'un héritage renfermait tous les droits utiles dérivant de la propriété, comme d'en user, d'en percevoir les fruits, d'en disposer, mais à la charge de reconnaître comme seigneur celui qui en avait le domaine direct.

Par son décret du 4 août 1789, qui a été publié en Belgique, l'Assemblée nationale de France détruisit entièrement le régime féodal et décréta que les droits et devoirs féodaux et censuels qui tenaient à la mainmorte réelle ou personnelle et à la servitude personnelle, et ceux qui représentaient ces droits étaient abolis sans indemnité.

Ce décret a eu pour effet de mettre à néant le domaine direct des anciens seigneurs féodaux, et n'a laissé subsister que le domaine utile. C'est ce domaine utile qui s'appelle aujourd'hui droit de propriété.

§ 233.

L'étendue du droit de propriété est définie par l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus >> absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé >> par les lois ou par les règlements. »

Le droit du propriétaire n'est donc pas absolu. Il ne peut user, jouir et disposer de son bien, que sous la condition d'observer les lois et règlements qui restreignent cette triple faculté dans l'intérêt public et qui en constituent les limites normales.

La loi défend, par exemple, aux propriétaires des

terrains limitrophes des chemins de fer d'élever sur ces terrains des constructions ou d'y faire des plantations dans une zone déterminée. Cette restriction n'est pas une atteinte au droit de propriété, elle n'en est que la limite légale. Le propriétaire qui la subit n'a donc droit à aucune indemnité. (Cass., 27 juin 1845.)

§ 234.

Le droit de propriété n'est pas moins sacré et inviolable que la liberté individuelle, dont il est la plus sûre garantie.

L'histoire nous apprend qu'aux époques où sévissait la tyrannie, l'autorité ne manquait jamais de confisquer les biens de ceux qu'elle dévouait à l'exil ou à la mort.

Il était de règle dans les anciens Pays-Bas que toute condamnation à mort entraînait la confiscation des biens. (Ordonn. crim. du 9 juillet 1570, art. 50.)

De droit les enfants perdent les biens de leur père, dit à ce sujet Damhouder, à cause qu'ils sont créés de sang improbe et que le crime du sang suit les héritiers.

Le code pénal de 1810 avait, par son article 7, maintenu la confiscation générale à titre de peine.

En Belgique, la confiscation générale a été abrogée par la loi fondamentale de 1815, art. 171, et, de nouveau, par la Constitution de 1831, article 12, qui dispose: « La peine de la confiscation des biens ne peut >> être établie. »>

La code pénal de 1867 n'autorise plus que la confiscation spéciale des choses formant l'objet de l'infraction et de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, ainsi que des choses qui ont été pro

duites par l'infraction. (Code pénal, art. 42 et 43.) En même temps qu'on supprimait la peine de la confiscation générale on a effacé de nos codes la mort civile, qui n'est qu'une forme déguisée de la confiscation. « La mort civile est abolie, dit la Constitution, >> article 13, elle ne peut être rétablie. »

L'état de mort civile répugne tellement aux principes de notre droit public qu'on ne pourrait, sans blesser la pensée morale et politique qui a inspiré l'article 13 de la Constitution, invoquer ses effets sur le territoire belge, même à l'égard d'un étranger à qui cette mort fictive aurait été infligée par les tribunaux de son pays.

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