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Elle s'applique aux prêtres en tant que ceux-ci restent prêtres. Ils ne sont pas dépouillés de leurs droits d'hommes et de citoyens, lesquels se retrouvent intacts le jour où ils sortent du ministère ecclésiastique pour rentrer dans le droit commun. C'est ce qui a été jugé par la Cour de cassation de France le 25 janvier 1888.

En Belgique l'affirmative a toujours été admise depuis 1831. Elle dérive nécessairement des articles 14 et 15 de la Constitution, portant que les cultes sont libres et que nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes d'un culte déterminé (1).

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§ 248.

L'édit du 10 mai 1786, émané de Joseph II, disposait: <<< ARTICLE PREMIER. Outre les Rogations ordinaires » il ne pourra y avoir dans chaque paroisse que deux >> processions par an, dont l'une au jour de la Fête-Dieu >> et l'autre à quelque autre jour de fête à désigner par >> l'Ordinaire, notre intention étant qu'il ne puisse se » se faire aucune procession le jour de dimanche, pour » ne point déranger le service paroissial.

» ART. 2. On ne pourra plus porter de statues, ni » d'images quelconques, non plus que des enseignes de » métiers, vêtements extraordinaires ou autres bigar>> rures semblables dans les processions, ni les faire >> accompagner d'aucune musique. »>

Le roi des Pays-Bas, Guillaume I, suivit l'exemple de Joseph II. Il décida, le 29 mai 1819, qu'à l'avenir il ne pourrait plus être fait, dans chaque paroisse, que deux

(1) Discours de M. Nothomb au Congrès, HUYTTENS, I, 597. Voyez un jugement du tribunal de Gand, du 3 avril 1850, Belg. jud., VIII, 457

processions publiques par an; l'une était fixée au dimanche qui suit la Fête-Dieu, et la seconde devait avoir lieu au jour choisi par l'évêque (1).

Cet arrêté constituait une invasion manifeste dans le domaine de la discipline ecclésiastique.

Il a été abrogé par l'article 14 de la Constitution de 1831, aux termes duquel l'exercice public des cultes est garanti.

Le projet de Constitution contenait une disposition ainsi conçue « L'exercice public d'aucun culte ne peut >> être empêché qu'en vertu d'une loi; et seulement » dans le cas où il trouble l'ordre et la tranquillité >> publique. >>

M. de Theux fit remarquer combien ce texte était vague et prêtait à l'arbitraire. Supposons, disait-il, que des ministres d'un culte aient, par des processions, occasionné du trouble dans certaines circonstances; s'ensuit-il qu'on puisse raisonnablement défendre indéfiniment et dans tout le royaume les processions ou autres actes semblables?

L'observation de M. De Theux fut écoutée, et l'on substitua à la rédaction critiquée par lui celle qui fait l'objet de l'article 14 de la Constitution.

On doit conclure de là que ni l'autorité communale, ni le Gouvernement, ni le législateur, ne pourraient, sous prétexte de police, entraver l'exercice public d'un culte par des mesures préventives générales et perma

nentes.

L'autorité communale peut-elle au moins, en se fondant sur la loi des 16-24 août 1790, qui confie à la

(1) Annales parlement., Chambre des représentants, 23 juillet 1885, P. 1629.

vigilance des municipalités le soin de faire respecter l'ordre dans les lieux publics, interdire la sortie d'une procession par mesure de circonstance exceptionnelle et passagère, quand le maintien de la tranquillité publique lui paraît commander cette mesure?

La liberté de manifester ses opinions est garantie à chacun par l'article 14 de la Constitution; mais ceux qui, pour manifester leurs opinions, forment des rassemblements en plein air, demeurent, aux termes de l'article 19, entièrement soumis aux lois de police. Quiconque descend dans la rue se soumet à la police de la rue.

Or l'article 14 de la Constitution dispose que la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties.

Il établit donc une assimilation complète entre la liberté de manifester ses opinions et la liberté des cultes, qui n'est qu'une variété de la première de ces deux libertés.

Il est dès lors impossible, à moins d'accorder aux manifestations religieuses un véritable privilège, contrairement à la volonté du Congrès, de permettre aux ministres des cultes de se soustraire à l'application des lois de police quand ils font des processions en plein air.

Ces principes ont reçu leur application en 1875 dans la ville de Liége. Une procession, dite jubilaire, devait sortir de l'église cathédrale le 18 novembre 1875. Le bourgmestre, estimant qu'il y aurait imprudence grave, en présence de la surexcitation de l'esprit public, à permettre cette manifestation, prit, en exécution de la loi des 16-24 août 1790 et de l'article 94 de la loi com

munale, une ordonnance ainsi conçue : « Les proces>>sions dites jubilaires sont provisoirement interdites » dans la commune de Liége. »

M. de Montpellier, évêque de Liége, assigna le bourgmestre en justice pour voir dire que cette interdiction était illégale et inconstitutionnelle et s'entendre condamner en 20,000 francs de dommages-intérêts. Mais son action fut repoussée par un arrêt de la Cour d'appel de Liége, du 4 avril 1877, et par un arrêt de la Cour de cassation, du 23 janvier 1879. (Pasic. 1879, I, 75).

CHAPITRE V

DU DROIT QU'ONT LES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES

DE S'ORGANISER LIBREMENT

§ 249.

La Constitution dispose, article 16, que l'État n'a le

droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque.

Il suit de ce texte que les communautés religieuses ont le droit de s'organiser librement, sans l'intervention de l'autorité civile.

Nous reviendrons sur ce point ci-après, lorsque nous examinerons quels sont les rapports de l'Eglise avec l'État.

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