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TITRE X

INVIOLABILITÉ DU SECRET DES LETTRES

§ 250.

La liberté de la pensée et de la conscience ne serait qu'un vain mot si le secret des correspondances et des lettres missives n'était pas entouré d'une inviolabilité absolue.

Ces deux libertés dérivent l'une de l'autre et se confondent même entièrement.

Le principe de l'inviolabilité des lettres avait été A reconnu en France par une déclaration du roi, en date du 25 septembre 1742, qui édictait la peine de mort ou les galères contre les courriers, facteurs et autres employés qui auraient intercepté ou décacheté des lettres confiées à la poste.

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Néanmoins le roi Louis XV avait institué, en violation de son propre édit, un cabinet noir ou cabinet de la poste, dans lequel on ouvrait les lettres pour montrer au roi ce que les particuliers s'écrivaient avec confiance par la poste.

Le principe du secret des lettres a été de nouveau reconnu par les décrets du 5 décembre 1789 et du 10 août 1790, portant: que le secret des lettres doit être constamment respecté; que le secret des lettres est inviolable et que, sous aucun prétexte, il ne peut y être porté atteinte par les individus ni par les corps.

Il a été enfin consacré par la Constitution belge, qui dispose:

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<< ART. 22. Le secret des lettre sest inviolable. La » loi détermine quels sont les agents responsables de la >> violation du secret des lettres confiées à la poste. »

Le code pénal, articles 149, 150 et 460, punit non seulement les employés du service des postes qui ouvrent ou suppriment les lettres confiées à leurs soins, ou qui en révèlent le contenu, mais encore les particuliers qui suppriment les lettres ou qui les ouvrent pour en violer le secret.

La loi du30 mai 1879 a étendu ces garanties en faveur des cartes postales et des autres envois confiés à la poste. La loi punit également les dépositaires des dépêches télégraphiques qui en révèlent l'existence ou le contenu. (Loi du 30 mai 1889, art. 54.)

§ 251.

Le transport des lettres missives est un monopole que , l'Etat s'est réservé.

La loi du 30 mai 1879, article 2, excepte de ce monopole les correspondances que des particuliers s'expédient par des personnes attachées à leur service ou celles qu'ils font prendre ou porter à la poste, ainsi que les correspondances qu'un particulier transporte pour son propre service.

§ 252.

En s'attribuant le monopole du transport des lettres missives, l'État s'oblige évidemment, par un contrat tacite, à respecter le secret de ces lettres.

Peut-il violer ce principe de haute morale en per

mettant aux magistrats instructeurs de fouiller dans les bureaux de poste et d'ouvrir les lettres cachetées, à l'effet d'y trouver la preuve d'un crime ou d'un délit?

La doctrine et la jurisprudence décident unanimement que la justice a le droit de pénétrer dans tous nos secrets domestiques. Il n'est pas un seul de nos papiers, quelque confidentiel qu'il soit, dans lequel elle n'ait le droit souverain de fouiller pour y chercher la vérité qui importe à la Société.

De là dérive pour les magistrats instructeurs le droit de saisir les lettres qui sont en la possession d'une personne prévenue d'un crime ou d'un délit, même celles que cette personne a écrites ou que des tiers lui ont adressées, et qui se trouvent actuellement déposées ou cachées dans un bureau de poste (1).

Ce droit est implicitement reconnu par les articles 87 et 88 du code d'instruction criminelle.'

L'article 22 de la Constitution n'y fait pas obstacle. Il ne régit que les rapports des citoyens avec le pouvoir exécutif et n'a d'autre objet que de faire cesser l'arbitraire administratif et les abus du cabinet noir (2).

Le juge d'instruction ne peut, dans son arrondissement, déléguer pour procéder à la perquisition de papiers, titres ou documents, que le juge de paix, le bourgmestre ou le commissaire de police. Il fait cette délégation par ordonnance motivée, et en cas de nécessité seulement. Toute subdélégation est interdite. (Loi du 20 août 1874, art. 2.)

(1) FAUSTIN HÉLIE, Instr. crim., I, p. 343.

(2) Quelques auteurs sont d'avis que les lettres déposées à la poste ne peuvent pas être saisies par le juge d'instruction. Voyez Verhaegen, Etudes de droit public, p. 249, et des Cressonnières, Belgique jųd., numéro du 29 janvier 1889.

TITRE XI

LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

§ 253.

Durant les quarante premières années de l'industrie. typographique l'autorité ne songea pas à entraver ses progrès.

I Mais en 1501 le pape Alexandre VI institua la censure des livres et défendit de publier ceux que le clergé n'aurait pas approuvés.

L'Eglise a toujours considéré avec défaveur la liberté de la presse et de la librairie. L'encyclique Mirari vos, du 15 août 1832, l'a condamnée dans les termes suivants :

«La constante sollicitude avec laquelle le Saint-Siège » s'est efforcé, dans tous les temps, de condamner les >> livres suspects et nuisibles et de les retirer des mains » des fidèles, montre assez combien est fausse, témé» raire, injurieuse pour le Saint-Siège et féconde en >> maux pour le peuple chrétien la doctrine de ceux qui » non seulement rejettent la censure des livres comme >> un joug trop onéreux, mais en sont venus à ce point >> de malignité qu'ils la représentent comme trop oppo»sée aux principes du droit et de l'équité, et qu'ils » osent refuser à l'Église le droit de l'ordonner et de >> l'exercer. »

Cette condamnation a été confirmée par l'Encyclique

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Quanta cura, du 8 décembre 1864, et par le § LXXIX du Syllabus qui en est l'annexe.

Les gouvernements séculiers ont suivi l'exemple donné par l'Eglise et une censure laïque a été établie à côté de la censure ecclésiastique.

Cette double censure fonctionna avec une sévérité extraordinaire sous Charles-Quint et Philippe II.

Les livres, chansons, almanachs, images, etc., étaient soumis au contrôle le plus sévère. Nul ne pouvait les imprimer ou les vendre qu'après avoir obtenu du Prince ou de ses délégués un octroi spécial. L'impression devait être confiée à des imprimeurs brevetés et assermentés.

Le gouvernement autrichien ne fut guère favorable non plus à la liberté de la presse. Sous Marie-Thérèse nul ne pouvait exercer la profession d'imprimeur ou de libraire sans être muni d'un certificat d'orthodoxie, et aucun livre ne pouvait être imprimé sans l'autorisation. des censeurs royaux et épiscopaux.

Les publications périodiques étaient particulièrement soumises à une censure méticuleuse.Voici les conditions qui furent imposées en 1761 à l'éditeur du Mercure des Pays-Bas « 1° L'auteur du Mercure évitera de prôner >> les auteurs de systèmes, d'opinions ou de maximes >> contraires à la religion et à l'État; 2° il évitera de » traiter de matières abstraites de théologie ou de méta>> physique, à moins que ce qu'il en dira ne soit notoi>>rement orthodoxe; 3o chaque Mercure sera soumis, >> avant l'impression, à l'examen du censeur, qui para>> fera toutes les feuilles qu'il aura examinées; 4o le » Mercure ne pourra être rendu public qu'après que le >> censeur l'aura confronté avec les feuilles par lui cen

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