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donner la vente des journaux dans les lieux publics à une autorisation préalable, mais seulement dans le but d'assurer la tranquillité des rues et de protéger les passants contre des importunités ou des désagréments.

Est donc légal le règlement d'Eecloo, qui subordonne la faculté de vendre des imprimés sur la voie publique à l'autorisation du bourgmestre, et dont le préambule justifie cette mesure par la nécessité de prévenir le désordre et d'empêcher que la paix publique soit troublée. (Cass., 18 janvier 1892.)

Si l'application d'un pareil règlement donne lieu à des abus d'autorité, il appartient au roi de réprimer cet arbitraire en annulant, soit le règlement lui-même, soit les mesures d'application décrétées par le bourg

mestre.

Lorsqu'un règlement communal subordonne le colportage des imprimés à une autorisation administrative dans le but avoué d'empêcher la diffusion des idées subversives ou immorales, ce règlement porte sur un objet qui n'est pas confié à la vigilance des corps municipaux, et les tribunaux ont le devoir d'en refuser l'application. (Cass., 18 janvier 1892.)

§ 266.

La liberté des théâtres, qui est un corollaire de la liberté de la presse, a été consacrée par l'arrêté du 21 octobre 1830, dont le préambule porte que la manifestation publique et libre de la pensée est un droit reconnu, et qu'il y a lieu de faire disparaître, au théâtre comme ailleurs, les entraves par lesquelles le pouvoir en a gêné l'exercice.

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L'autorité n'intervient dans la construction et l'exploitation des théâtres qu'au point de vue de la police.

Elle en surveille l'aménagement dans le but de prévenir les catastrophes qui résulteraient d'un écroulement ou d'un incendie.

Les théâtres sont rangés par l'arrêté royal du 31 mai 1887 dans la deuxième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, soumis au régime de police institué par l'arrêté royal du 29 janvier 1863. Ils ne peuvent être mis en exploitation qu'en vertu d'une autorisation délivrée par l'administration communale.

Les représentations dramatiques ne sont soumises au contrôle de la police que lorsqu'elles mettent en péril l'ordre public « Le collège échevinal peut, dans les >> circonstances extraordinaires, interdire toute repré»sentation pour assurer le maintien de la tranquillité » publique. » (Loi comm., art. 97.)

Le danger qu'une représentation dramatique peut faire courir à l'ordre public n'est pas, en général, inhérent à la pièce même. Il naît des circonstances accidendentelles, il se produit dans les moments où l'esprit public, surexcité par les passions politiques, s'enflamme facilement aux illusions de la scène.

Voilà les circonstances extraordinaires que vise l'article 97 de la loi communale.

Mais le collège échevinal n'a pas le droit de scruter les tendances irréligieuses ou immorales d'une pièce de théâtre et de l'interdire sous le prétexte qu'elle est contraire aux bonnes mœurs.

Ce serait l'exercice d'un droit de censure qui est implicitement réprouvé par l'article 14 de la Constitution.

TITRE XII

LA LIBERTÉ DE L'ENSEIGNEMENT

§ 267.

Dans les anciens Pays-Bas l'enseignement public était tout entier aux mains de l'Église et des corporations qu'elle avait fondées.

L'Université de Louvain avait le monopole de l'enseignement superieur. Marie Thérèse avait défendu à tous ses sujets de suivre des cours de philosophie dans une autre Université, à peine d'être déclarés à tout jamais incapables de remplir aucun emploi ou office public et d'exercer la profession de médecin.

La Constitution de l'an III, qui était en vigueur au moment de l'annexion de la Belgique à la France, disposa qu'il y aurait des écoles primaires et supérieures de l'Etat; mais elle reconnut en même temps aux citoyens le droit de former des établissements d'éducation et des sociétés libres pour concourir au progrès des sciences, des lettres et des arts.

Les lois du 10 mai 1806 et du 18 mars 1808 fondèrent et organisèrent l'Université de France, vaste corporation qui fut chargée de l'enseignement public dans tout l'empire.

Les membres de ce corps enseignant formaient entre eux une véritable société, envers laquelle ils contractaient des obligations au moins temporaires.

Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction ne pouvait être formé hors de l'Université et

sans l'autorisation de son chef, qui portait le titre de grand maître de l'Université.

Nul ne pouvait ouvrir une école ou enseigner publiquement, sans être membre de l'Université et gradué par l'une de ses Facultés.

La loi fondamentale de 1815 ne reconnaissait pas la liberté d'enseignement. Elle disposait seulement que l'instruction publique est un objet constant des soins du Gouvernement.

Le Roi des Pays-Bas s'arrogea, en se fondant sur ce texte, le droit de régler l'enseignement comme il l'entendait par voie de simples arrêtés.

Il défendit, par son arrêté du 25 juillet 1822, d'exercer l'état d'instituteur à toute personne qui n'était pas brevetée par une commission provinciale d'instruction.

En 1825 le roi chercha à s'emparer de la direction des études ecclésiastiques. Il fonda, sous le nom de Collège philosophique, un établissement d'instruction préparatoire pour les jeunes gens catholiques qui se destinaient à la prêtrise. Il se réserva la nomination des professeurs, même des professeurs de droit canon, et fit défense aux évêques d'admettre dans leurs séminaires aucun élève qui n'aurait pas achevé son cours d'études dans le nouveau collège.

§ 268.

La liberté complète de l'enseignement a été enfin proclamée par l'arrêté du 16 octobre 1830, portant qu'il importe de faire disparaître à jamais les entraves par lesquelles le pouvoir a précédemment enchaîné la pensée dans son expression, sa marche et ses dévelop

pements, et qu'en conséquence il est libre à tout citoyen de professer ses opinions comme il l'entend et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction.

L'article 17 de la Constitution a reproduit ce principe en ces termes : « L'enseignement est libre; toute mesure » préventive est interdite; la répression des délits n'est » réglée que par la loi. »

Il ajoute que l'instruction publique donnée aux frais de l'État est réglée par la loi.

Il est dans les voeux du législateur constituant qu'il y ait, à côté de l'enseignement libre, un enseignement donné par l'État.

L'enseignement public est dû par l'État. Toujours l'État a considéré cet enseignement comme une dette sacrée.

Cependant il existe un courant d'opinion d'après lequel l'Etat est constitutionnellement destitué de tout pouvoir en matière d'enseignement. C'est la thèse qu'a soutenue M. Jacobs devant la Chambre des représentants le 20 novembre 1878.

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