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TITRE XIII

LA LIBERTÉ DE RÉUNION

§ 269.

La Constitution dispose, article 19: « Les Belges ont >> le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en » se conformant aux lois, qui peuvent régler l'exercice » de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une >> autorisation préalable.

» Cette disposition ne s'applique point aux rassem»blements en plein air, qui restent entièrement soumis >> aux lois de police. »

Le droit de s'assembler ne s'entend que des réunions dans un lieu couvert et fermé.

Les réunions purement privées, auxquelles n'assistent que les individus invités personnellement par celui qui les organise, échappent à toute mesure réglementaire, par le motif que le domicile de chaque citoyen est inviolable et que la police n'y peut exercer aucune surveillance.

Il en est autrement des réunions qui ont un caractère public, où tout le monde peut pénétrer soit librement, soit en payant un droit d'entrée.

On doit considérer comme publiques les réunions où l'on n'est admis qu'en présentant une carte d'invitation, quand ces cartes se donnent ou se vendent à toute personne qui en fait la demande.

Chacun est libre de convoquer des réunions publiques

dans un local clos et couvert, pourvu qu'elles soient paisibles et que les assistants ne soient pas armés.

Ce droit ne peut être soumis à la nécessité d'une autorisation préalable, ni, par conséquent, être interdit d'une manière permanente.

Mais l'exercice du droit de s'assembler peut être réglé par les lois.

Le législateur peut, notamment, reconnaître à l'autorité qui exerce la police le droit de pénétrer dans les locaux où se tiennent des réunions publiques, à l'effet de veiller au maintien de l'ordre et à la sécurité des per

sonnes.

En fait ce droit est dès à présent consacré par plusieurs dispositions législatives et spécialement par la loi du 16-24 août 1790, titre XI, art. 3.

Quant aux rassemblements en plein air, ils restent entièrement soumis aux lois et règlements de police.

Est donc légal le règlement communal qui interdit les attroupements et les manifestations de nature à ameuter les citoyens et à causer du désordre.

Le bourgmestre peut également, en vertu de l'article 94 de la loi communale, interdire d'urgence un rassemblement en plein air qui lui paraîtrait menaçant pour l'ordre public.

TITRE XIV

LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION

§ 270.

La liberté d'association implique le droit de se réunir et de former des assemblées; elle diffère du droit de réunion par la permanence du lien qui attache les associés l'un à l'autre.

Une réunion a un caractère accidentel et momentané; les assistants se séparent quand l'assemblée a eu lieu, et leurs relations cessent aussitôt.

Les associés, au contraire, entretiennent des relations suivies pour atteindre le but qu'ils poursuivent en com

mun.

Le droit d'association était traité avec défaveur par les anciennes législations. Le code pénal de 1810, art. 291, disposait que : « Nulle association de plus de >>> vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous >> les jours ou à certains jours marqués, pour s'occuper » d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne >> pourra se former qu'avec l'agrément du gouverne

>>ment. >>

Cette disposition n'est pas reproduite dans le code pénal de 1867.

Aujourd'hui les Belges ont le droit de s'associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. (Constit., art. 20.)

Le projet de Constitution reconnaissait le droit de s'associer non seulement aux Belges, mais encore à tous.

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les habitants de la Belgique. La rédaction définitivement adoptée a restreint aux Belges le bénéfice de ce principe. La liberté d'association pourrait donc être restreinte législativement à l'égard des étrangers.

Il résulte des discussions parlementaires que le droit de s'associer n'implique pas le droit de créer des personnes civiles. La personnification civile est un privilège que le législateur seul peut octroyer.

Rappelons à ce sujet qu'aux termes du décret du 3 messidor an XII aucune aggrégation ou association d'hommes ou de femmes ne pouvait se former, sous prétexte de religion, à moins qu'elle n'eût été formellement autorisée par le Gouvernement.

Ce décret est évidemment abrogé par l'article 20 de la Constitution belge. Aujourd'hui les religieux et les religieuses de toutes catégories peuvent s'associer et mener la vie conventuelle. Mais ces congrégations ne constituent pas des personnes juridiques; ce sont de simples agrégations d'individus jouissant, ut singuli, de tous les droits civils.

Il n'y a d'exception qu'en faveur des Congrégations hospitalières de femmes, lesquelles obtiennent la personnalité civile lorsque leurs statuts ont été approuvés par le Roi.

§ 271.

En fait certaines associations religieuses, et même plusieurs associations laïques possèdent des biens qu'elles ont acquis par personnes interposées.

A qui ces biens appartiennent-ils légalement? La jurisprudence décidait autrefois que quand des religieux entendent acquérir, non pour eux-mêmes,

mais pour leur couvent, les acquéreurs apparents, ayant fait l'acquisition au profit d'un être de raison, d'une personne imaginaire, demeurent personnellement propriétaires des immeubles qu'ils ont achetés, à cause de l'impossibilité légale de les transmettre à l'être fictif auquel ils ont servi de prête-nom. (Cass., 24 septembre 1869.)

Il est à remarquer que cette solution est en harmonie avec les lois romaines. Supposez, dit Ulpien, que le propriétaire d'un objet en fasse tradition à mon mandataire avec l'intention de m'en transférer la propriété, qué mon mandataire exprime ostensiblement l'intention d'acquérir pour moi, mais qu'il ait l'intention secrète d'acquérir pour lui-même, cette intention secrète ne produira aucun effet juridique. On ne prendra en considération que l'intention exprimée et manifestée par les parties. (Voy. Dig., livre XXXIX, tit. 5, fr. 13.)

D'après un autre système, qui prévaut actuellement, lorsqu'un individu achète des biens, en apparence pour son propre compte, mais en réalité pour une corporation qui n'a pas d'existence légale, ces biens n'entrent pas dans son domaine propre; il ne s'opère à son profit personnel aucune translation de propriété, car il n'a pas acquis ces biens à titre de maître, animo domini.

La Cour de cassation s'est prononcée dans ce sens par deux arrêts en date du 20 décembre 1877 et du 16 mars 1878.

Dans ce système les biens vendus, sous le couvert d'une personne interposée, à une corporation religieuse, n'appartiennent ni à la corporation, laquelle n'a pas de capacité juridique, ni à l'acquéreur fictif, lequel n'a pas eu l'intention d'acquérir pour lui-même.

Ils demeurent donc la propriété du vendeur.

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