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remontait jusqu'au Gouvernement, ce qui la rendait

illusoire.

Le roi des Pays-Bas décida, par un arrêté en date du 4 février 1816, que « par l'acceptation de la loi fonda» mentale le principe de la législation française, d'après >> lequel les fonctionnaires de l'ordre administratif ne >> peuvent être poursuivis, pour délits commis dans leur >> qualité respective, qu'en vertu d'une décision du Conseil » d'État, avait cessé d'être applicable et obligatoire. >>

Les résistances que plusieurs tribunaux apportèrent, à différentes reprises, à ses volontés, le déterminèrent, quelques années plus tard, à remettre en honneur les traditions autoritaires du Gouvernement impérial. Il déclara par un arrêté en date du 5 octobre 1822, que la loi fondamentale « l'avait constitué le juge supérieur et >> en dernier ressort des actes gérés par les administra>>teurs dans l'exercice de leurs fonctions, » et, en conséquence, il chargea les gouverneurs de province de soulever des conflits d'attributions chaque fois que «< des >> administrateurs seraient cités devant les tribunaux >> du chef de leurs faits ou actes administratifs. >>

Il résultait de là qu'en fait les fonctionnaires publics échappaient à la responsabilité de leurs actes et que les droits des citoyens n'étaient plus garantis suffisamment.

Pour mettre fin à cet arbitraire la Constitution de 1831, article 24, a disposé que : « Nulle autorisation » n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre » les fonctionnaires publics pour faits de leur admi»nistration, sauf ce qui est statué à l'égard des » ministres.»s

Les ministres ne peuvent donc plus attirer sur euxmêmes la responsabilité des actes de leurs agents. La

responsabilité civile et pénale des actes illégaux pèse directement et immédiatement sur les fonctionnaires qui les ont ordonnés ou exécutés,

Ce principe admet, toutefois, un tempérament qui va être signalé.

§ 277.

L'article 260 du code pénal est ainsi conçu :

<< Lorsqu'un fonctionnaire ou officier public aura » ordonné ou fait quelque acte contraire à une loi ou à » un arrêté royal, s'il justifie qu'il a agi par ordre de » ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci » et sur lesquels il leur était dû une obéissance hiérar>> chique, il sera exempt de la peine, qui ne sera, dans » ce cas, appliqué qu'aux supérieurs qui auront donné » l'ordre. »

L'agent inférieur est donc exempt de peine lorsqu'il s'est borné à exécuter l'ordre de son supérieur, parce qu'il est censé avoir obéi à une contrainte morale. Mais pour que sa justification soit admise, plusieurs conditions sont nécessaires

A. Il faut qu'il rapporte l'ordre de son supérieur. Cette preuve peut résulter des circonstances. Il a été jugé, par exemple, que quand une réquisition de l'administrateur de la sûreté publique porte qu'elle a eu lieu sur l'ordre du ministre, la sincérité de cette énonciation est suffisamment prouvée si le ministre a opposé son parafe sur la réquisition.

L'approbation donnée par le ministre postérieurement à l'acte incriminé ne suffit pas pour dégager la responsabilité de l'agent. L'impunité et l'irresponsa

bilité de ce dernier n'existent que s'il a été l'instrument passif d'une volonté supérieure à laquelle il était forcé d'obéir. Mais, s'il a agi spontanément, l'approbation postérieure de son chef ne le met pas à l'abri des poursuites de la partie lésée.

BII faut que l'ordre du supérieur se rattache à ses fonctions légales.

On sait, par exemple, que le droit d'arrêter les citoyens qui ont commis un délit rentre, en vertu de l'article 7 de la Constitution, dans les attributions exclusives du pouvoir judiciaire, et non dans celles de l'autorité administrative. Un commissaire de police n'est donc pas tenu d'obéir à l'ordre que lui donne le Collège échevinal d'arrêter un citoyen et de le conduire devant le juge d'instruction. S'il exécute cet ordre, il s'expose à être condamné personnellement à des dommagesintérêts. En fait, le commissaire de police de Schaerbeek a été, en 1861, condamné à 150 francs de dommagesintérêts envers un nommé Mercier, qu'il avait arrêté et entraîné les menottes aux mains au bureau du commissariat, par ordre du Collège échevinal.

C Il faut que le fonctionnaire qui a donné l'ordre exerce sur l'agent subalterne une autorité immédiate et directe.

Il y a une mesure dans l'obéissance à laquelle les fonctionnaires sont hiérarchiquement astreints. Le soldat est un instrument passif qui exécute, sans délibérer, les ordres de ses chefs. La subordination des autres fonctionnaires est plus ou moins rigoureuse, suivant le caractère de leurs attributions.

DJ On lit dans le rapport de M. Haus sur le livre II, titre II, du Code pénal, qu'il faut enfin que le subor

donné n'ait pas connu l'illégalité de l'ordre. L'inférieur qui connaît l'illégalité de l'ordre donné et qui, néanmoins, se détermine à y obéir est coupable aux yeux de la morale et de la loi positive.

Ces propositions ne doivent être admises qu'avec le tempérament que Cambacérès formulait dans les termes suivants : « On ne doit pas absoudre celui qui a agi par >> l'ordre de son supérieur, lorsque l'acte qu'il a fait est » évidemment défendu par les lois. >>

Lorsqu'un acte arbitraire est déclaré excusable par application de l'article 260 du Code pénal, l'auteur de cet acte est exempt de toute peine, par le motif qu'il est censé avoir agi sous la pression d'une contrainte à laquelle il n'a pu résister. N'ayant, aux yeux de la loi, commis aucune faute, il est également à l'abri de toute poursuite en dommages-intérêts. Il échappe à la responsabilité civile en même temps qu'à la responsabilité pénale.

TITRE XVIII

LE DROIT DE RÉSISTANCE A L'OPPRESSION

§ 278.

Est-il permis de repousser par la force l'exécution d'un ordre illégal de l'autorité?

Le droit de résister individuellement aux actes oppressifs est de la même nature que le droit d'insurrection collective qui appartient aux peuples opprimés par leur Gouvernement, «< ce droit délicat et terrible, » disait M. de Broglie, qui sommeille au pied de toutes » les institutions humaines comme leur triste et der>>nière garantie. >>

Si l'on se place dans le domaine de la spéculation pure le droit d'insurrection ne saurait exister, attendu que le souverain est censé résumer en soi la somme de toutes les intelligences et de toutes les volontés individuelles et qu'il n'est, par conséquent, jamais permis de lui résister.

L'idée de la souveraineté, dit Kant, c'est-à-dire l'idée d'une volonté collective se donnant à elle-même des lois, est une chose sainte. Cette idée est réalisée, quoique imparfaitement, par un peuple réuni par des lois sous une autorité supérieure, quelle qu'elle soit, et la représentation de cette idée est sacrée, comme l'idée ellemême. Car tout objet d'expérience étant toujours infiniment inférieur à l'idée qui en est la forme, il n'y a pas une seule constitution qui ne pût être renversée comme

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