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A Messieurs les membres du Conseil municipal de Paris,

A tous ceux d'entre eux, spécialement, qui font partie de la Commission d'histoire de Paris pendant la Révolution et de la Commission de contrôle :

Pour leur indépendance d'esprit, pour leur haut et ferme libéralisme philosophique :

Très dévoué et très sincère hommage de l'Auteur.

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48 Mars 1896.

Outre les grandes sources de renseignement, Archives nationales, Bibliothèque nationale, Bibliothèque Carnavalet, nous nous sommes particulièrement servi, pour ce travail, des ouvrages déjà parus dans la Collection municipale de documents sur l'histoire de Paris pendant la Révolution, notamment ceux de MM. Monin, Robiquet, Chassin, Étienne Charavay, Aulard et Sigismond Lacroix; ainsi que des précieux répertoires de MM. Tuetey et Maurice Tourneux. Il en est de même, pour ce qui concerne les séances de l'Assemblée constituante et ses travaux, du grand ouvrage de MM. Émile Laurent et Mavidal : les Archives parlementaires.

R.

INTRODUCTION

Il aurait été surprenant, inexplicable même, que la Révolution qui procédait, au point de vue effectif ou d'application des principes antérieurement élaborés, du besoin de plus en plus vif et irrésistible de sortir des entraves et des abus de l'ancien ordre social (catholicisme et féodalité), n'eût éprouvé aucune envie de s'affranchir de la tutelle religieuse et qu'elle s'en fût prise seulement à la royauté. Car le mouvement révolutionnaire résultait précisément de la modification qui s'était produite, avec le temps, dans les opinions et les sentiments, par suite des contacts cosmiques et sociaux, industriels, politiques, religieux, par la culture et la propagation des lettres, des arts et des beaux-arts, par la marche et la divulgation des sciences principalement, en un mot, par la méditation et la critique des anciennes croyances et leur comparaison avec les connaissances et les idées nouvelles. Et l'effort combiné qui enleva si vaillamment et si vite la transformation économique et administrative de notre pays, de 1789 à 1791, résultat du long travail à la fois critique et organique qui l'avait devancée et déterminée, depuis la fin du moyen âge, au xm° siècle, jusqu'à cette crise finale, avait été beaucoup plus prononcé et plus décisif contre l'Église que contre le Roi, qui conserva tout d'abord plus de sympathie, de confiance et de respect.

Il était donc impossible que la Révolution, aboutissant nécessaire d'un pareil mouvement de décomposition du régime ancien et de constitution d'un régime nouveau, eût voulu et qu'elle eût pu s'en tenir au système du moyen âge sous le rapport de la croyance et des idées générales, pour la conception et l'explication du monde et de l'homme, pour le gouvernement des âmes ou pour la religion, alors qu'elle se

proposait de renouveler, de régénérer toutes les institutions; ne pouvant ignorer, d'ailleurs, l'inévitable relation, la connexité naturelle qui existe partout entre la théorie et la pratique, entre les idées et les organisations diverses qui en sont comme le revêtement extérieur, et surtout entre la religion et la politique.

D'autant mieux que l'ensemble des réformes, en 1789, se présentait comme une tentative de rénovation totale, de « régénération universelle », c'est-à-dire pour le genre humain au complet, selon que l'avait essayé précédemment le catholicisme dans l'Occident de l'Europe et l'islamisme pour l'Orient.

On se proposait de réaliser, cette fois, l'unité humaine d'après le concept le plus élevé de la philosophie du siècle : opération qui supposait la disparition du « double despotisme des prêtres et des rois », inscrite sur le drapeau de la transformation politique et sociale bien avant l'ouverture des États-généraux1.

En effet, les deux grands mouvements de décomposition et de recomposition sociales, connexes et simultanés, que n'ont point aperçus tant d'historiens, constituent certainement, depuis cinq ou six siècles, le processus même de la civilisation, sa marche naturelle et spontanée, l'histoire vivante, réelle, de la transformation des dernières générations du moyen âge en cette société occidentale et surtout française de 1789, désabusée du passé, ayant perdu l'ancienne foi et prête à toutes les innovations. Et c'est bien à la convergence de ces deux tendances profondes, critique et organique, destructrice de l'ancien régime et reconstructrice du nouveau système social, que l'on doit la préparation moderne ou le changement dans les opinions, les traditions et les mœurs, accompli du xìo au xvш° siècle, que caractérise la dernière génération de 89, et qui seul peut expliquer la soudaineté de la transformation de notre pays après le 14 juillet et au 4 août de cette mémorable année, comme après le 10 août 1792, enfin les déterminations anti-théologiques de 1793 : l'idée précédant partout ici l'application ou la pratique.

Aussi ne fut-il rien de cette prétendue abdication théorique, de cette inattention, de cette crainte, relatives à la réforme religieuse, en un mot, de ce défaut d'émancipation et d'intervention philosophique que d'aucuns, ne voyant pas ou ne voulant pas voir, imputent de nos jours à la Révolution.

Elle se préoccupa toujours, même au milieu des crises écono

1. Voyez Secrets, causes et agents des révolutions de France; Coblence (sic), 1791.Les Eleutheromanes, par Diderot, avec un commentaire historique; Paris, Ghio, 1884. — De l'influence de la Maçonnerie sur la Révolution française, par Victor Janvrot; Angers, 1884.

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