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tendrait à faire juger par eux la diminution de valeur que pourrait causer à des propriétés voisines, la formation d'un établissement autorisé par une ordonnance qui aurait prononcé sur ces questions ».

Cette dernière phrase fortifie ce que nous venons d'avancer, que pour les établissemens autorisés, l'appréciation des dommages de moins value, a été censée faite lors de l'instance suivie pour l'autorisation. Nous devons même ajouter que pour les établissemens de deuxième et de troisième classe, les voisins n'auraient point à demander des dommagesintérêts, sans avoir, au préalable, épuisé tous les moyens que la loi leur concède pour faire rapporter

l'acte du Préfet.

Si l'établissement n'avait point été autorisé ce ne serait plus une action en dommages que les voisins auraient à intenter. Ils devraient simplement deinander au Préfet la fermeture de l'établissement.

SECTION II.

Du conflit (1).

Le conflit est positif ou négatif.

Le premier s'exerce dans le cas où le juge ordinaire, se trouvant saisi d'une affaire de nature administrative, en est dessaisi par la revendication qui en est faite au nom de l'Administration.

Ce conflit est dans le domaine exclusif des Préfets dans les départemens, et du Préfet de Police à Paris, pour les affaires de son ressort (ordonnance royale du 18 décembre 1822). Ils peuvent l'élever

(1) L'ordonnance royale du 1er juin 1828, règle tout ce qui concerne le conflit.

soit d'office, soit sur la réquisition du Procureur du Roi, soit sur l'invitation du Ministre.

La connaissance des conflits élevés par les Préfets, appartient au Conseil d'état.

Le conflit négatif, a lieu, lorsque le juge ordinaire et le juge administratif refusent chacun de connaître de l'affaire qui lui est présentée, comme sortant de son ressort respectif.

Il faut bien remarquer que les Préfets ne peuvent revendiquer autrement que par la voie du conflit, les affaires administratives pendantes devant les tribunaux (Macarel ).

Nous devons observer en outre, que suivant un arrêt du 4 novembre 1801, le conflit de juridiction ne peut être élevé par le Conseil de préfecture.

SECTION III.

De la compétence des tribunaux de simple police, en ce qui concerne les contraventions aux arrêtés rendus sur les établissemens classés.

Nous avons fait connaître les formalités que doivent remplir les entrepreneurs d'établissemens classés, pour obtenir l'autorisation qui leur est nécessaire. Nous avons exposé, en outre, les pouvoirs, que les réglemens sur la matière confèrent aux Préfets. Mais l'exercice de ces pouvoirs n'est pas toujours facile. Les ateliers classés sont souvent exploités contrairement aux réglemens; souvent les fabricans refusent, soit de demander l'autorisation, soit de remplir les conditions qui leur sont imposées, soit de fermer leur établissement lorsque l'autorisation leur a été refusée.

Dans l'un ou l'autre cas, l'autorité doit forcer les contrevenans à cesser leurs travaux. L'intérêt de la sa

lubrité et de la sûreté publique, que les réglemens. ont pour objet de garantir, celui de l'exécution de ces mêmes réglemens, justifient suffisamment une semblable mesure. Autrement, ils tomberaient promptement en désuétude, car la situation des industriels, qui s'y conformeraient, serait infiniment plus défavorable que celle de leurs confrères, qui s'en joueraient impunément.

Mais comment l'administration parviendra-t-elle à faire exécuter ses ordres? Fera-t-elle fermer les ateliers par mesure administrative, ou traduira-t-elle le fabricant devant le tribunal de simple police, seul. compétent, aux termes de la loi du 24 août 1790, pour connaître des contraventions aux réglemens de police?

Tout en reconnaissant aux Préfets le droit d'agir d'office en cette circonstance, puisqu'ils répriment eux-mêmes toute infraction à leurs arrêtés et ordonnances (Voir pag. 89), nous n'hésiterons pas à conseiller de poursuivre l'affaire devant le tribunal, sauf toutefois les cas où le danger serait imminent. Elle y est jugée publiquement et les faits qui donnent lieu à la poursuite étant établis par les débats entre la partie intéressée et l'administration, par l'organe du ministère public, et reconnus constants, le jugement reçoit pour son exécution, une force morale dont serait évidemment privée la décision du Préfet, prise sur rapports et sans publicité.

Ainsi donc, lorsque le fabricant refusera de fermer l'établissement pour lequel l'autorisation lui aura été refusée, soit par une ordonnance royale, soit par un arrêté du Préfet, sommation lui sera faite de cesser ses travaux, par l'organe du Maire ou du Commissaire de police; si, à l'expiration de ce délai, la sommation n'a pas été exécutée, un procès-verbal

de contravention sera dressé, et transmis par les soins du Préfet, au tribunal de simple police du canton dans le ressort duquel est situé l'établissement, à l'effet de faire prononcer une amende contre le délinquant, et, en outre, la fermeture de l'établissement.

Cette manière de procéder est la même lorsqu'il s'agit de faire exécuter un arrêté ordonnant la fermeture de l'établissement, pour lequel le propriétaire n'a point rempli les conditions imposées par l'arrêté ou par l'ordonnance royale d'autorisation.

Cette marche est constamment suivie par la Préfecture de Police, et elle ne s'en écarte que dans les cas d'une extrême urgence, notamment relativement aux machines à vapeur pour lesquelles on n'a point adopté les précautions prescrites dans l'intérêt de la sûreté publique ( Voir chapitre 7 ).

Cependant quelques tribunaux de police se sont déclarés incompétens pour prononcer des amendes contre les contrevenans, sous le prétexte du défaut de pénalité attachée aux réglemens sur la matière ; d'autres ont prononcé des amendes, mais se sont refusés à prescrire la fermeture de l'établissement.

Mais la cour de cassation, à laquelle ces jugemens ont été dénoncés, les a constamment annulés; les discussions auxquelles ces procès ont donné lieu, jettent un trop grand jour sur la question qui nous occupe pour que nous ne rapportions pas ceux qui présentent le plus de développemens, et à l'occasion desquels les questions de compétence des tribunaux de simple police, ont été traitées à fond.

Au mois de mars 1822, le Préfet de Police, averti que des eaux lessivielles provenant des buanderies formées dans la commune de Vaugirard, couvraient une partie de la voie publique, au point de com

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promettre d'une manière grave la circulation, invita le sous-Préfet de Sceaux, par une lettre en date du 1er avril suivant, à charger le Maire de Vaugirard, d'enjoindre à tous les blanchisseurs qui n'étaient pas autorisés, de fermer leurs établissemens, en leur laissant toutefois le temps nécessaire pour se procurer de nouveaux locaux.

La plupart se conformèrent à cet ordre, mais l'un d'eux, le sieur Auger, établi depuis trois ans seulement, sans aucune permission, et dans un local étroit, qui ne pouvait convenir à cette destination, refusa d'obéir. Il fut traduit, en conséquence, devant le tribunal de police du canton de Sceaux, qui le condamna à une amende et aux frais, mais ne voulut pas ordonner la fermeture de l'établissement, requise par le ministère public, et sur ce chef, renvoya l'affaire devant le Préfet; «Attendu, disait le jugement, qu'aux termes du décret du 15 octobre 1810 et de l'ordonnance royale du 14 janvier 1815, cette fermeture ne pouvait être ordonnée que par l'autorité administrative ».

Le Préfet de police crut devoir dénoncer ce jugement au Procureur-général près la cour de cassation; ce magistrat adoptant les principes sur lesquels s'appuyait l'administration, prit un réquisitoire dans lequel il s'exprimait en ces termes :

<< La police municipale, dont le Préfet exerce les droits à Paris, a essentiellement, dans ses attributions, le soin de veiller à la salubrité publique

<< La buanderie dont il s'agit compromet cette salubrité, eu égard au local où elle est établie ».

« Ainsi nul doute que l'injonction faite au sieur Auger de cesser ses travaux dans le local qu'il occupe aujourd'hui, ne fut une chose licite et nécessaire ».

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