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Quelques secondes après, elle s'arrêtait devant la porte de Salvator.

Salvator entra en ouvrant la porte de l'allée avec la clef.

A peine avait-il mis le pied sur la première marche de l'escalier tournant, que l'extrémité supérieure s'éclaira.

Fragola parut une bougie à la main, et pareille à une étoile que l'on voit du fond d'un puits.

tin.

C'est toi, Salvator? dit-elle.

· Oui, chérie.

· Rentres-tu ?

Non, je ne serai ici que demain à huit heures du ma

Fragola poussa un soupir.

Salvator devina ce soupir plutôt qu'il ne l'entendit.
Ne crains rien, dit-il, il n'y a aucun danger.

- Prends toujours Roland.

- Je venais le chercher.

Et Salvator appela Roland.

Comme s'il n'eût attendu que cet appel, le chien bondit par les escaliers et vint jeter ses deux pattes au cou de son maître.

- Et moi? demanda Fragola attristée.

- Viens, dit Salvator.

Nous avons tout à l'heure comparé la jeune fille à une étoile.

Une étoile qui glisse au ciel, et qui, en quelques secondes, parcourt la distance qui s'étend d'un horizon à l'autre, n'y glisse pas plus rapidement que ne fit Fragola le long de la rampe de l'escalier.

Elle se trouva dans les bras du jeune homme.

Là, le sourire calme et l'œil limpide de Salvator la rassurèrent.

- A demain, ou plutôt, à aujourd'hui huit heures ? ditelle.

A aujourd'hui huit heures.

Va, mon Salvator, dit-elle; Dieu est avec toi!

Et elle suivit des yeux le jeune homme jusqu'à ce que la porte fût refermée.

Salvator reprit sa place près de M. Jackal, et, par la portière :

-Suis-nous, Roland, dit-il.

Et, comme si Roland savait où l'on allait, non-seulement il suivit, mais encore il prit les devants en s'élançant dans la direction de la barrière Fontainebleau.

LXXV

Le château de Viry.

Pour ceux de nos lecteurs qui ignoreraient le but de l'ex pédition de Salvator, de M. Jackal et de Roland, nous allons dire quelques mots de ce qui s'était passé la surveille.

Salvator, en voyant le délai fixé par le roi pour le retour de l'abbé Dominique arriver à pas de géant, Salvator était venu trouver M. Jackal et lui avait dit:

Vous m'avez autorisé, monsieur, à venir vous trouver toutes les fois que j'aurais à vous signaler une injustice ou un mal quelconque à réparer.

En effet, mon cher monsieur Salvator, avait répondu M. Jackal, je me rappelle vous avoir dit cela.

Eh bien, je viens vous parler de la condamnation de M. Sarranti.

Ah! vous venez pour me parler de cette condamnation?

Oui.

Parlons-en donc, avait dit M. Jackal en abaissant ses

lunettes.

Salvator continua :

Monsieur, si vous aviez la conviction que M. Sarranti est innocent, feriez-vous pour le sauver tout ce qui est en votre pouvoir ?

Naturellement, cher monsieur Salvator.

Eh bien, vous allez me comprendre alors; j'ai cette certitude.

moi.

Malheureusement, avait fait M. Jackal, je ne l'ai pas,

– Aussi, viens-je chez vous pour vous la donner; j'ai non-seulement la certitude, mais même la preuve de l'innocence de M. Sarranti.

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Vous, cher monsieur Salvator? Ah! tant mieux! Salvator confirma ce qu'il avait dit par un signe de tête.

- Vous avez cette preuve?

Oui.

Eh bien, que ne la montrez-vous, en ce cas?

Je viens précisément vous prier de m'aider à la mettre au jour.

Tout à votre disposition, cher monsieur Salvator; parlez donc vite.

Non, je ne viens point vous parler; les paroles ne sont pas des preuves: je viens pour agir.

Agissons.

Pouvez-vous disposer de la nuit prochaine ?

M. Jackal lança de côté sur Salvator un regard rapide comme l'éclair.

Non, dit-il.

Et de la nuit qui suivra la nuit prochaine? -Parfaitement; seulement, il faut que je sache pour combien de temps vous m'enlevez?

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Pour quelques heures seulement.

Si l'expédition est dans Paris ou hors Paris?
Hors Paris.

A combien de lieues, à peu près?

A quatre ou cinq lieues.

Bien !

· Alors vous serez prét?
Je serai à vos ordres.
A quelle heure?

A partir de minuit, corps et âme.
A après-demain donc, à minuit?
A après-demain, à minuit.
Et Salvator avait quitté M. Jackal.
Il était huit heures du matin.

Sous la voûte, il s'était croisé avec un homme tellement enveloppé dans une longue redingote à collet droit, qu'elle semblait faite exprès pour lui cacher le visage.

Il n'y avait pas fait grande attention.

Les gens qui rendaient visite à M. Jackal avaient quelque. fois de graves raisons pour ne pas rendre les visites à visage découvert.

L'homme était monté chez M. Jackal.

On avait annoncé M. Gérard.

M. Jackal avait laissé échapper une espèce d'exclamation de joie, et la porte s'était refermée sur eux.

La conférence avait duré près d'une heure.

Peut-être saurons-nous plus tard ce qui s'était passé dans cette conférence; mais, pour le moment, nous sommes obligé de suivre sur la route de Fontainebleau Salvator, M. Jackal et Roland.

La route se fit rapidement.

Arrivé devant le pont Godeau, Salvator dit au cocher d'arrêter, et l'on descendit.

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Je crois, dit M. Jackal, que nous avons perdu votre chien; ce serait dommage, car il a l'air d'un animal bien intelligent.

- D'une intelligence extraordinaire, dit Salvator; au reste, vous allez voir.

M. Jackal et Salvator suivirent cette route de pommiers que nos lecteurs connaissent déjà,et qui aboutissait à la grille du parc.

En avant de la grille, ils trouvèrent Roland, qui les attendait, étendu tout de son long au clair de la lune, la tête haute et dans l'attitude des grands sphinx d'Égypte.

-

C'est ici! dit Salvator.

Belle propriété ! dit M. Jackal en relevant ses lunettes et en plongeant son regard à travers la grille dans la profondeur du parc. Et comment pénètre-t-or. là dedans ? -Oh! bien facilement, comme vous allez voir, répondit Salvator. Houp! Brésil !

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Le chien se dressa d'un seul mouvement sur les quatre pattes.

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Je croyais que vous appeliez votre chien Roland, dit M. Jackal.

- A la ville, oui; mais, à la campagne, je l'appel Bro;

c'est toute une histoire que je vous conterai en son lieu et place. Ici, Brésil!

Salvator avait gagné la portion du mur qu'il avait l'habitude d'escalader.

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comme nous

Brésil, sur l'injonction de son maître, s'était approché. Salvator le prit et l'enleva à bras tendus, l'avons vu faire à la première expédition à laquelle nous avons assisté,-jusqu'au chaperon du mur, sur lequel Brésil se cramponna avec ses deux pattes de devant, et, lui posant les deux pattes de derrière sur ses épaules:

Saute! dit-il.

Le chien sauta et retomba de l'autre côté.

Ah! ah! fit M. Jackal, je commence à comprendre; c'est une manière de nous montrer le chemin.

- Justement! A notre tour, dit Salvator en s'enlevant à la force des poignets jusqu'au chaperon du mur, et en s'asseyant à califourchon sur l'arête.

Puis, de là, tendant les deux mains à M. Jackal :

A vous, dit-il.

Ah! dit celui-ci, c'est inutile.

Et il s'enleva à son tour comme avait fait Salvator, avec une agilité que le jeune homme était bien loin de soupçonner chez lui.

Il est vrai que maigre comme il l'était, les mains n'avaient pas un grand poids à porter.

-Alors, dit le jeune homme, je ne m'inquiète plus de

vous.

Et il sauta de l'autre côté du mur.

M. Jackal en fit autant avec une légèreté et une dextérité qui révélaient une grande habitude de la gymnastique.

- Maintenant, dit Salvator tout en contenant Brésil du geste, savez-vous où nous sommes ?

Non, dit M. Jackal; mais j'espère que vous me ferez la grâce de me le dire.

Nous sommes au château de Viry.

- Ah! ah! Viry!... Qu'est-ce que c'est que cela?

-Je vais aider votre mémoire: au château de Viry, chez l'honnête M. Gérard.

Chez l'honnête M. Gérard? Hum !... le nom ne m'est pas inconnu.

-Non, je crois du moins; c'est cette propriété qu'il n'ha

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