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leurs auteurs, doit prendre place dans la législation de tous les peuples civilisés ;

2o Les auteurs d'œuvres de littérature et d'art doivent jouir, durant leur vie entière, du droit exclusif de publier et de reproduire leurs ouvrages, de les vendre, faire vendre ou distribuer, et d'en céder en tout ou en partie la propriété ou le droit de reproduction. Le conjoint survivant doit conserver les mêmes droits, également durant toute sa vie, et les héritiers ou ayants cause de l'auteur doivent en jouir pendant cinquante ans, à partir, soit du décès de l'auteur, soit de l'extinction des droits du conjoint;

3° Quant au droit de traduction, l'auteur aura pendant dix ans, à partir de la publication de la traduction, le droit exclusif de traduire on de faire traduire son œuvre dans toutes les langues, à la condition d'exercer ce droit avant l'expiration de la troisième année de la publication de l'œuvre originale. Si, à l'expiration de la troisième année, l'auteur n'a pas fait usage de ce droit, chacun pourra l'exercer concurremment, excepté dans le pays d'origine. Après l'expiration des dix années, quoique l'auteur ait usé de son droit, chacun pourra traduire l'œuvre originale, excepté dans le pays d'origine ;

4o Le Congrès demande l'abolition des droits de douane sur les livres et les œuvres d'art, ou du moins la réduction de ces droits au taux le plus modéré, et leur simplification là où le tarif établit des droits différents par catégorie pour les productions littéraires des beaux-arts.

Vous voyez, messieurs, que les quatre grands principes du Congrès sont la reconnaissance universelle et de plein droit de la propriété des œuvres de littérature et d'art; une garantie sérieuse et durable des droits d'auteur; une garantie suffisante et équitable du droit de traduction; la liberté des échanges et de la circulation de pays à pays des livres et des œuvres d'art.

J'ai tout lieu de croire et d'espérer que ces principes seront favorablement accueillis par les gouvernements. Le principe de la reconnaissance universelle des droits d'auteur, sans condition de réciprocité, avait été généreusement proclamé en France, par le décret du 28 mars 1852, et les dispositions de ce décret, étendues aux colonies françaises par celui du 9 décembre 1857, ne tarderont pas à former le droit commun de toutes les contrées civilisées. Déjà de nombreuses conventions littéraires ont consacré la réciprocité sur des bases à peu près uniformes, et depuis la fermeture du Congrès, le roi de Danemark, exprimant une pensée élevée et posant un acte remarquable, a rendu, sous la date du 6 novembre 1858, une ordonnance motivée sur l'existence du décret du 28 mars 1852, et portant que les ouvrages publiés en France, sont placés dans le Danemark, sous la garantie des lois qui punissent la contrefaçon.

Cette noble initiative d'un monarque éclairé, qui avait envoyé un dé

légué officiel au Congrès, marque un progrès dans l'application de la réciprocité en matière de droits d'auteurs.

La fixation de la durée de ces droits a été faite largement au sein du Congrès le comité d'organisation avait proposé le terme de trente ans, à partir du décès de l'auteur et de sa veuve; le Congrès a porté ce terme à cinquante ans ; il a, en cela, adopté la disposition des lois espagnole et russe qui, de toutes les législations, fixent la durée la plus longue. En votant cette résolution après un débat approfondi, tant en sections qu'en assemblée générale, le Congrès a très expressément condamné le principe de la perpétuité du droit d'auteur et de l'assimilation de la propriété littéraire à la propriété foncière et mobilière.

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Avant le Congrès, dans les travaux préparatoires qui ont été communiqués au comité d'organisation; pendant la tenue du Congrès, dans de remarquables débats qui ont été conservés; depuis la formation du Congrès, dans de nombreux écrits et dans les discussions de corps savants, le principe de la pérennité et celui de la limitation de la propriété littéraire, ont été mis en présence; les partisans de chacun d'eux ont vivement et savam ment argumenté; ils ont répandu de plus en plus la lumière sur la grave question mise en débat, et, partisan du droit temporaire, je dois dire avec conviction et avec satisfaction que le principe contraire à celui que je professe ne me paraît pas s'être fortifié dans la lutte.

L'influence de la résolution du Congrès sur ce point apparaîtra prochainement dans notre pays : le Roi a nommé une commission que j'ai l'honneur de présider, et qui est chargée de préparer un avant-projet de loi sur la propriété littéraire; le roi de Sardaigne a formé, sous la présidence de son délégué au Congrès, M. le sénateur baron Jacquemoud, une commission dans le même but; le Portugal, qui a élaboré un projet sur la même matière, a attendu les résolutions du Congrès pour confier la rédaction définitive de la loi à son délégué officiel, M. da Sylva Ferrão, ancien ministre et membre de la cour suprême; le roi de Danemark vient d'entrer dans la voie, et annonce assez son intention de faire profit des travaux du Congrès, sous l'inspiration de son délégué officiel, M. Schiern; enfin, dans une réunion récente, et qui a reçu une large publicité, M. Victor Foucher, le savant rapporteur de la deuxième section du Congrès, a déclaré que le gouvernement français se préoccupe des résolutions de cette brillante assemblée, et veut compléter l'œuvre que S. M. l'Empereur a si libéralement commencée par son décret du 28 mars 1852. »

Ainsi, messieurs, dès à présent, plusieurs gouvernements vont refaire ou compléter les lois qui régissent les droits d'auteurs, et cette révision se fera, tout permet de le croire, dans le sens des résolutions du Congrès c'est vous dire que, pas plus dans les lois futures que dans les lois aujourd'hui en vigueur, le principe de la pérennité n'est destiné à

triompher. Je le répète, je ne me crois pas appelé à discuter aujourd'hui ce principe devant vous, je ne suis que narrateur; mais je ne puis assez engager ceux d'entre vous qui veulent connaître à fond les arguments des deux opinions, à consulter les ouvrages et les écrits qui ont paru récemment en France, et particulièrement le compte rendu du Congrès et le rapport de M. Foucher.

Quant au droit de traduction, la résolution du Congrès consacre une transaction qui paraît équitable : dans son pays, l'écrivain conserve un droit de traduction égal à son droit d'auteur; à l'étranger, il doit traduire ou faire traduire son ouvrage dans les trois années, à peine de déchéance, et s'il a fait traduire dans ce délai, le droit de traduction ne dure que dix années. On a pensé qu'il ne fallait pas priver trop longtemps les pays étrangers de la connaissance d'un ouvrage utile ou remarquable, et qu'une restriction du droit de l'auteur à l'étranger était commandée dans l'intérêt du progrès des lettres.

Le dernier vœu fondamental du Congrès se rapporte à la suppression des droits de douane sur les livres et les œuvres d'art. Tout le monde, sans exception, sans hésitation, s'est rallié au sein de l'assemblée à ce vœu spirituellement développé et motivé par le rapporteur de la cinquième section. Nous voyons une première formule de cette liberté réciproque de circulation dans la convention littéraire qui vient d'être conclue entre les Pays-Bas et la Belgique, et qui est aujourd'hui soumise avec de remarquables exposés des motifs à la sanction des chambres législatives des deux pays; l'art. 11 de cette convention porte : « Pendant la durée de la présente convention, l'importation licite en Belgique ou dans les Pays-Bas, des livres publiés dans l'un ou l'autre des deux pays, aura réciproquement lieu en franchise de tout droit. » Puisse cette disposition, étendue aux œuvres d'art, faire le tour de l'Europe, et le principe de libre circulation triompher partout comme corollaire de la jouissance universellement reconnue des droits de l'auteur !

Vous connaissez maintenant, messieurs, les résolutions fondamentales du Congrès. Leur importance et leur libéralité n'échapperont à personne; on peut en apprécier l'équité large et la justesse philosophique. Je suis heureux de montrer quel prix les publicistes, les écrivains, les éditeurs attachent à ces résolutions, et l'immense mouvement qui se fait partout autour d'elles. Je suis fier, pour mon pays, de voir que les vœux formulés dans une assemblée qui a accepté la Belgique comme champ clos de ses nobles et savants débats, vont être accueillis comme des maximes supérieures et comme des principes de lois par les gouvernements les plus éclairés. Le Congrès de Bruxelles aura ainsi contribué à supprimer de plus en plus les derniers vestiges de ce vieux droit d'aubaine, qui affligeait et opprimait l'Europe il y a un petit nombre d'années, et qui, depuis la grande réforme de 1789, disparaît successivement des diverses séries de lois où il conservait, sa funeste influence.

A l'aubaine s'est substituée la réciprocité, à la réciprocité succédera bientôt l'universalité des droits et des jouissances et l'uniformité des lois et des pratiques. J'applaudis du cœur et des mains à ce progrès qui n'est, en résumé que la plus large application de la tolérance, cette fleur de toute philosophie, de toute croyance et de toute politique; cette garantie de tout progrès, de toute paix et de toute justice.

FIN DU TOME SECOND ET DERNIER.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE SECOND VOLUME.

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Propriété des œuvres de sculpture.

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Code penal de 1810. .

Arrêté-loi du 23 septembre 1814 sur la propriété littéraire .

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Loi du 25 janvier 1817, établissant les droits qui peuvent être exercés
dans les Pays-Bas, relativement à l'impression et à la publication
d'ouvrages littéraires et de productions des arts.
Décret du 21 octobre 1830, décrétant l'entière liberté d'élever des
théâtres, d'y faire représenter des pièces de tous genres, et consacrant
les droits de propriété des auteurs et de leurs héritiers

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