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<et d'encourager les hommes instruits à composer et à écrire des livres utiles, il est ordonné:

« Que les auteurs ou cessionnaires de tout livre publié après le 10 « avril 1710 (1) auront seuls le droit de l'imprimer et de le mettre en vente pour le terme de quatorze ans à dater de la publication, avec prolongation d'un nouveau terme de quatorze années si l'auteur est encore vivant à l'expiration du premier terme.

« Quiconque imprimera un livre dans la période susindiquée, sans le ⚫ consentement du propriétaire, sera puni de la confiscation des livres « contrefaits, et d'une amende d'un denier par chaque feuille ; la moitié de l'amende réservée à Sa Majesté, et l'autre moitié non pas à l'au«teur, mais au dénonciateur (informer). ›

La loi protégeait la propriété, en punissant la contrefaçon de confiscation et d'amende, pour autant qu'il y avait eu une entrée ou inscription régulière sur le registre de la compagnie; le secrétaire de la compagnie était obligé de faire cette inscription moyennant un droit de six deniers. En cas de refus, une insertion dans la Gazette valait inscription.

Toute action devait être intentée dans le délai de trois mois.

Si les livres étaient vendus à un prix déraisonnable, le lord archevêque de Cantorbéry, le lord gardien du grand sceau, le lord évêque de Londres, les lords grands-juges du sceau, les lords grands-juges du banc de la reine et des plaids communs, le lord chef baron de l'Échiquier, les vice-chanceliers des deux Universités avaient droit de recevoir les plaintes faites à ce sujet, et chacun d'eux pouvait régler les prix des livres, à peine d'une amende de cinq livres sterling par exemplaire, pour tout libraire qui désobéirait au règlement. Ce droit a duré en Angleterre jusque sous Georges II.

Ce même statut obligeait les libraires à fournir aux bibliothèques y désignées neuf exemplaires en grand papier de chaque nouveau livre; charge fort lourde quand les ouvrages étaient d'un prix considérable.

On ne trouve dans le statut aucune disposition qui défende l'importation ou la vente des livres grecs, latins, ou en langues étrangères, imprimés hors du royaume.

Quant à l'importation des contrefaçons de livres anglais, dont la fabrication était alors active en Hollande et surtout en Irlande, la peine de la confiscation et d'une amende de 1 penny par feuille, que prononçait l'acte d'Anne, contre les importateurs, n'était point de nature à décourager beaucoup ceux qui se livraient à cette spéculation.

Sous le règne de Georges II, une loi du 14 juin 1739 défendit l'importation de tout livre imprimé en Angleterre dans les vingt années

(1) Pour les écrits publiés avant le 10 avril 1710, la loi donnait aux auteurs un privilége de vingt et un ans, à dater de la publication de la loi.

précédentes, sous peine de confiscation des exemplaires, de cinq livres sterling d'amende, et du double prix de tout exemplaire importé ou vendu. Cet acte arrêta l'importation des contrefaçons irlandaises, mais il n'empêcha pas les Irlandais d'imprimer et de vendre dans leur pays (1), à leur profit, et sans payer les droits d'auteur, tous les livres de leur

convenance.

D'après les renseignements que l'on possède sur les dispositions primitives du projet qui, après avoir subi un assez grand nombre de changements dans la discussion parlementaire, devint ensuite le bill de la huitième année du règne de la reine Anne, chap. 19, l'on est autorisé à supposer (2) que ce projet fut d'abord introduit comme un bill pour protéger à perpétuité le droit de copie d'un auteur, mais que la chambre des communes, ne voulant pas engager la législation d'une manière indéfinie, prit un terme moyen, et, tout en établissant des dispositions pénales pour un temps limité, ne toucha point aux droits que pouvaient posséder les auteurs, en vertu de la loi commune, pour une période plus longue. Il paraît incontestable, d'ailleurs, qu'à cette époque le droit d'auteur était généralement considéré comme existant en vertu de la loi

commune.

Une certaine ambiguïté exista dès lors sur la véritable situation des auteurs à la suite de l'acte de la reine Anne. Déjà en 1735, on voit la cour de chancellerie appelée à statuer sur des difficultés qui se produisirent à cet égard. La question fut examinée à fond, à l'occasion d'une affaire qui eut un grand retentissement, la cause de Millar contre Taylor. En 1729, le libraire Millar achète de Thompson la propriété du poëme des Saisons, qui avait été publié l'année précédente. En 1763, Taylor, le défendeur, imprime une édition des Saisons. Millar l'actionne à fin de dommages-intérêts; non point en vertu du statut (le droit conféré par le statut était périmé depuis 1756 ou 1757), mais en vertu de la coutume, du droit commun.

Il y avait dans ce procès une double question à décider :

1o Existe-t-il un droit véritable de propriété littéraire, qui, suivant le droit commun, puisse être considéré et protégé comme toute autre propriété ?

2o En supposant que ce droit de propriété existe, n'a-t-il pas été limité dans sa durée par le statut 8 de la reine Anne, chap. 19?

Cette affaire donna lieu à des discussions très-étendues. Le texte seul des jugements rendus par la Cour occupe quatre-vingts pages d'une impression serrée (3). Les parties épuisèrent toutes les raisons que

(1) Le statut de la reine Anne ne s'appliquait pas à l'Irlande, qui avait ses lois particulières.

(2) Voir Lowndes, pag. 55.

(3) Répertoire de Burrow, in-8°, vol. 4, p. 2310 à 2407.

l'on fait valoir encore de nos jours pour ou contre la propriété absolue des écrivains sur leurs ouvrages. Trois juges sur quatre se prononcèrent en faveur du plaignant; lord Mansfield, une des gloires de la magistrature anglaise, opina avec la majorité. Toutefois, la question ne tarda point à être résolue dans un sens différent. Dans le procès de Donaldson contre Becket et autres, en 1774, un jugement analogue à celui dont nous venons de parler fut déféré par la partie perdante à la Chambre des lords. Lord Mansfield, qui siégeait au nombre des douze juges, crut devoir s'abstenir selon l'usage, parce qu'il s'était déjà prononcé sur la question. Des onze autres juges, huit émirent l'avis que, d'après le droit commun, les auteurs avaient seuls le droit d'imprimer et de publier leurs écrits; mais, à la majorité de six voix contre cinq, ils décidèrent que ce droit avait été limité par le statut de la reine Anne, et que les auteurs n'avaient plus que les droits spécifiés et déterminés par ledit statut. Blackstone fut au nombre des juges dont l'opinion succomba.

Ce jugement provoqua les plaintes et les réclamations des éditeurs, qui s'adressèrent à la chambre des communes pour lui exposer que la nouvelle jurisprudence changeait entièrement les conditions des opérations qu'ils avaient entreprises sur la foi de l'interprétation donnée, en général, antérieurement à la législation. Un bill fut présenté dans la même année 1774 à la chambre des lords pour améliorer la situation des éditeurs et libraires. Mais ce bill rencontra une forte opposition, et la seconde lecture fut repoussée par 21 voix contre 11. Le statut de la reine Anne fut ainsi reconnu la seule loi de la propriété littéraire.

Voici les actes législatifs qui intervinrent postérieurement sur cette matière.

Le statut 15 de Georges III, chap. 53, reconnut aux deux universités d'Angleterre, aux quatre universités d'Ecosse et aux colléges d'Eton, Westminster et Winchester, la propriété perpétuelle de tous les ouvrages qu'on leur avait donnés ou qu'on leur donnerait à l'avenir pour favoriser les progrès de la science et de l'éducation (1), et protégea ce monopole, qui dure encore aujourd'hui, par les pénalités du statut de la reine Anne.

Le statut 41 de Georges III, chap. 107, du 9 juin 1801, confirma la durée du droit de copie fixée par le statut de la reine Anne, et améliora la condition des éditeurs, d'une part, en appliquant à l'Irlande la loi de la propriété littéraire; de l'autre, en introduisant une procédure plus courte et plus sûre, et en donnant à l'auteur ou à ses représentants une action spéciale, à fin de dommages-intérêts et de condamnation aux frais de l'instance, contre tout contrefacteur et tout vendeur d'édition contrefaite; les livres saisis devaient être mis au pilon, et l'amende par chaque

(1) Le même privilége fut donné au collége de la Trinité de Dublin, par le statut 41 Georges III, c. 107.

feuille saisie fut portée à trois deniers, pourvu, toutefois, que l'éditeur légitime eût fait inscrire son livre sur le registre de la communauté des stationers. L'importation des livres imprimés pour la première fois dans la Grande-Bretagne dans les vingt années précédentes, fut défendue sous peine de confiscation, d'une pénalité de 10 livres sterling, et du payement d'une somme double du prix des livres saisis.

Le statut 54 de Georges III, ch. 156, porta la durée du droit d'auteur à vingt-huit ans, et décida en outre que si l'auteur était vivant à l'expiration de ces vingt-huit années, on lui laisserait la propriété de ses livres jusqu'à sa mort. La contrefaçon fut punie par des dommagesintérêts, la condamnation au double des frais du procès, la confiscation et la destruction des ouvrages saisis, et une amende de trois pence par feuille, moitié pour la couronne et moitié pour le poursuivant. L'inscription de tous les livres, excepté les Magazines (dont il suffit de faire enregistrer le premier numéro), fut exigée sous peine d'une amende de 5 livres sterling, et la valeur de onze exemplaires; mais il fut spécifié que le défaut d'inscription ne ferait point perdre le droit de propriété et exposerait seulement à l'amende.

Sous Guillaume IV, on étendit les dispositions du statut à deux espèces de compositions qui ne semblaient pas comprises sous la protection de la loi: les pièces de théâtre (3, Guill. IV, c. 15) et les leçons publiques (5 et 6 Guill. IV, c. 65).

Le statut 54 de Georges III, ch. 156, avait fait droit également à une réclamation générale des éditeurs, en leur permettant de ne fournir pour les collections publiques, sauf pour le British Museum, que des exemplaires ordinaires, au lieu d'exemplaires sur grand papier (1).

Tel était l'état de la législation lorsque sir Noon Talfourd proposa, en 1837, à la chambre des communes, une motion ayant pour objet d'améliorer la condition des auteurs. Bien que l'auteur de la motion soutînt en principe que le droit des auteurs ne devait pas différer, dans ses effets, du droit de propriété ordinaire, il se bornait à demander que la durée de la propriété littéraire fût de soixante ans après la mort de l'auteur. La chambre fit un accueil favorable à la motion, et sir Robert Inglis, lord Mahon et le lord chancelier furent chargés de présenter le bill, de concert avec l'auteur de la proposition. Le bill reconnaissait des droits, moyennant certaines conditions, aux ouvrages d'auteurs étrangers. La seconde lecture fut votée sans débat ni division, et le bill allait être examiné en comité lorsque la mort du roi vint arrêter toutes les affaires qui n'étaient pas urgentes et amena, après quelques semaines, la dissolution du parlement.

(1) Le nombre d'exemplaires dont le dépôt était requis avait été successivement porté à onze. En 1856, le statut 6 et 7 Guillaume IV, chap. 110, le réduisit à cinq.

Le bill fut de nouveau présenté en 1838; la partie relative au droit international fut, sur la demande de M. Poulett Thomson, abandonnée à l'appréciation du gouvernement. La chambre autorisa la présentation du bill. Une assez vive opposition s'était manifestée dans l'intervalle, de la part des éditeurs. La seconde lecture ne fut admise que par 39 voix contre 35. Le bill subit encore plusieurs vicissitudes dans la session de 1838. Il dut être introduit de nouveau dans celle de 1839, et il fut repris encore en 1840 et en 1841; sir Talfourd montra dans ces diverses occasions un zèle infatigable. Enfin, dans la séance du 5 mai 1841, la seconde lecture du bill fut définitivement repoussée par 45 voix contre 38, à la suite d'un discours de M. Macaulay, qui se montra trèsopposé au bill.

En 1842, lord Mahon fit une motion en faveur de l'extension des droits garantis aux écrivains et aux éditeurs. Son projet, amendé par une commission, est devenu la loi des 5e et 6o années du règne de la reine Victoria, chap. 45.

Voici, en résumé, quels sont aujourd'hui les actes qui régissent la propriété des œuvres de littérature et d'art en Angleterre.

Le droit de propriété littéraire résulte de l'acte susdit des 5o et 6o années du règne de Victoria, ch. 45, lequel révoque trois actes précédents; un acte de la de année du règne d'Anne, ch. 19, un acte de la 41o année du règne de Georges III, ch. 107, et un autre de la 45° année du règne de Georges III, ch. 156. L'acte des 5o et 6o années du règne de Victoria, ch. 45, est amendé quant à ce qui regarde les colonies, par l'acte des 10 et 11° années du règne de Victoria, ch. 95 (1).

Le droit de propriété des œuvres dramatiques résulte d'un acte des 3 et 4° années du règne de Guill. IV, ch. 15, et sections 20, 21 et 22 de l'acte des 5o et 6o années du règne de Victoria, ch. 45, et aussi, en quelque sorte, d'un acte des 6o et 7° années du règne de Victoria, ch. 68, qui règle les théâtres.

Le droit de propriété sur les gravures est établi par l'acte de la 8 année du règne de Georges II, ch. 13, l'acte de la 7o année du règne de Georges III, ch. 38, l'acte de la 17 année du règne de Georges III ch. 57, et l'acte des 6o et 7° années du règne de Guill. IV, ch. 59 (acte irlandais).

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Le droit de propriété sur les œuvres de sculpture et les beaux-arts est établi par un acte de la 38° année du règne de Georges III, ch. 71, et un acte de la 54° année du règne de Georges III, ch. 56, et, de plus, pro

(1) Ce dernier acte se borne à accorder certaines facilités pour l'importation des livres, etc., venant des possessions britanniques où le droit de propriété des auteurs anglais est suffisamment garanti.

TOME II.

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