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I.

Ordre des Travaux.

Quatrième Commission.

PREMIÈRE SÉANCE. 1

Le Président, parlant de l'organisation du travail, hésite à recommander dès maintenant le partage en sous-commissions; il n'est pas difficile de subdiviser le programme de la quatrième commission, mais il faut savoir auparavant quelle sera la direction, que la commission donnera aux différentes questions qui lui sont soumises. La discussion du programme doit se faire en séance plénière, mais cette discussion doit forcément avoir ses limites et ne donner lieu à ancun malentendu. Le Président propose en conséquence un questionnaire comprenant quatorze questions, à l'égard desquelles il ne suggère aucune réponse. Elles seront discutées en séance plénière de la commission, où chacun pourra exprimer ses opinions. Il y aura lieu ensuite de voir s'il convient d'établir soit des sous-commissions, soit plutôt un comité d'examen pour préparer un texte devant servir de base à l'élaboration du texte définitif.

1) Première séance, le 24 juin 1907. Le texte du procès-verbal que l'on réproduit ici, constate la première intervention de Mr. Ruy Barbosa dans les travaux de la Conférence. On tient à fixer ici ce petit épisode, quelque effacé et indifférent qu'il soit dans la version oflicielle de la séance, parceque l'on y a voulu rattacher, quelque part, la première origine de l'incident survenu dans une date postérieure, le juillet, entre Mr. Ruy Barbosa et Mr. de Martens, le président de la commission. On verra bien qu'il ne peut pas y avoir eu aucun rapport entre cette circonstance et celle dont on présente ici le compte rendu.

Le procès-verbal ne donne qu'un aperçu très insuffisant du premier fait. Mais on n'y saurait trouver la moindre source d'un ressentiment contre le premier délégué du Brésil. Mr. de Martens avait mis dans l'ordre du jour un questionnaire de quatorze articles indistinctement. On se demandait quel ordre garderait-on dans leur examen. Du moment que l'on n'établissait pas cette distribution successive, en déterminant qu'ils seraient discutés les uns après les autres, les membres de la commission pourraient initier le débat, chacun, à son gré, comme il leur plairaît. La confusion serait inévitable. Tout le monde la prévoyait. Ce fût alors que Mr. Ruy Babosa insinua la convenance de ranger ces questions d'après leur convergence autour de chaque idée, en les inscrivant par leur ordre successif dans les travaux de la commission. C'était bien simple, bien inoffensif; personne n'y était fondé à voir rien, qui pourrait froisser le respectable président de la commission.

La méthode de travail proposée par le Président, ne rencontrant aucune objection de la part de la commission, est adoptée. Le Président propose, en conséquence, de remettre à la séance prochaine la discussion du questionnaire.

S. Exc. M. Léon Bourgeois, Délégué de France, se propose d'examiner le questionnaire et demande, qu'il soit permis d'y ajouter d'autres questions.

S. Exc. Sir Edward Fry s'associe aux paroles de S. Exc. M. LEON BOURGEOIS.

M. le Président acquiesce à cette demande, en faisant observer que les questions proposées doivent rentrer dans le programme de la commission.

S.Exc. M. Ruy Barbosa, Délégué du Brésil, approuve le système que M. le Président a proposé au sujet de l'ordre de la procédure; il fait observer toutefois que, pour éviter la confusion dans les discussions, il serait peutêtre utile de diviser les questions par séances, afin qu'elles soient étudiées par la Commission dans leur ordre successif. Chaque séance devrait avoir son ordre du jour déterminé à l'avance et comprenant un certain groupe de questions.

Le Président déclare que son intention est en tous points conforme aux observations de S. Exc. le Premier Délégué du Brésil; il demeure entendu que les questions seront soumises à l'examen de la Commission dans l'ordre du questionnaire, à moins que la discussion conduise à le modifier; il propose en conséquence de consacrer la prochaine séance à l'examen des premières questions du questionnaire.

II.

Abolition de la Capture.

Quatrième Commission.

DEUXIÈME SÉANCE. 1)

S. Exc. M. Ruy Barbosa, Premier Délégué des États-Unis du Brésil, prend la parole dans ces termes:

Monsieur le Président,

L'interrogation que Vous avez formulée au troisième énoncé de votre questionnaire, en nous demandant s'il faut conserver ou abolir la pratique actuellement en vigueur, concernant la capture et la confiscation des navires de commerce sous pavillon ennemi, n'est pas un appel, me semble-t-il, à la doctrine, mais plutôt une question d'ordre pratique, adressée aux gouvernements et aux hommes d'État, en face des résultats de l'expérience, des leçons de l'histoire, de la tradition de chaque pays et de la tendance générale de l'opinion au sein des nations modernes.

Je ne méconnais pas, sans doute, le rôle considérable que la doctrine est appelée nécessairement à remplir dans la solution de ce problème. Mais c'est à d'autres, c'est aux maîtres, aux guides reconnus de l'enseignement juridique, aux grands représentants de la culture du droit, qu'il appartient de fixer les principes, de les dégager

1) Le 28 juin, 1907.

dans toute leur force et leur influence lumineuse, bien que, dans ce terrain, la matière nous paraisse épuisée, tant on a dépensé de raison, d'autorité et d'éloquence dans ce débat de plus d'un siècle, soit de la part de ceux qui acclament la réforme, soit de celle de ceux qui la condamnent.

Pour ce qui touche, donc, à ce côté de nos travaux, mon contingent serait trop faible, sinon tout à fait inutile, et je ne risquerais pas la témérité de prendre à d'autres une place, à laquelle je ne me reconnais aucun droit. Mais l'attitude historique de mon pays envers l'idée dont on vous conseille l'adoption dans la proposition américaine déjà soumise à votre examen, m'impose le devoir de prendre la parole pour une déclaration qui, en rappelant notre passé international dans ce litige, définisse clairement et solidement l'attitude brésilienne dans la question. Notre place est assez modeste, nous le savons bien, au concert des nations, où les grandes puissances pèsent de toute la majesté de leur prépondérance. Mais nous n'en prisons pas moins notre cohérence et le respect de nos traditions, en nous honorant de notre fidélité aux bons souvenirs nationaux, quand il se trouve que le temps et les intérêts n'ont fait que les maintenir et les enraciner, avec de plus en plus de force, et de plus en plus d'actualité.

'A ce point de vue, par rapport à la condamnation du droit de capture, soit qu'il s'exerce par la course, soit qu'il devienne un privilège des marines de guerre, rien de plus remarquable que l'exemple des États-Unis, dont le langage dans la proposition soumise aux Conférences de la Paix en 1899 et 1907 ne fait que reproduire une thèse contemporaine du berceau de la grande république, où elle a été défendue en 1783 dans ses négociations avec la Grande Bretagne, en 1785 dans le traité avec la Prusse, en 1823 dans le projet de convention avec la Russie, en 1854 dans la réponse de Buchanan à Lord Clarendon, à propos de la guerre de Crimée, et, de 1856 à 1858, dans son refus d'accéder aux déclarations du congrès de Paris.

Dès cette époque là, c'est à dire depuis le premier moment où la question nous a été posée, le gouvernement brésilien a adhéré au principe de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer. Comme vous savez, Messieurs, les Etats-Unis ont refusé de souscrire à l'abolition de la course, en la considérant inconséquente, inique et, comme telle, inadmissible, si l'on ne l'associait à la règle absolue de l'inviolabilité de la propriété privée dans la guerre maritime. Jamais, depuis le dix-huitième siècle, la République Nord-Américaine n'avait cessé de soutenir l'inséparabilité entre les deux aspirations libérales de la suppression de la course et de l'extinction du droit de capture. En s'opposant par ce motit à l'article 1er de la Déclaration de Paris, qui abolissait simplement la course, le cabinet de Washington adressa, le 5 novembre 1856, une note à celui de Rio de Janeiro, dans laquelle il l'invitait à l'accompagner sur les deux points. Son langage était le même de M. Buchanan, deux années avant, à Lord Clarendon et du président Pierce, le 4 décembre 1854, dans son message au Congrès.

,.Si les principales puissances de l'Europe", disait ce président,,,s'accordent à proposer, comme principe de droit international, d'exempter la propriété particulière sur l'Océan de toute saisie, par les croiseurs armés par un Etat, de même que par les corsaires, nous sommes prêts à nous rencontrer avec elles sur ce large terrain."

Pareillement dans la note sus-mentionnée, deux ans après, le ministre américain dans la capitale brésilienne disait au gouvernement impérial: ,,Le soussigné a reçu du président l'ordre de proposer au gouvernement du Brésil d'entrer dans une entente pour acquiescer aux quatre principes de la déclaration du Congrès, moyennant la modification du premier de ces principes specitiée dans la note de M. Marcy, du 28 juillet 1858, au comte de Sartiges. Sans cette modification le président sera tenu, par plusieurs raisons importantes, dont quelques-unes s'y

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