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XLIV.

Devoirs des neutres sur terre.

Réserves brésiliennes.

CINQUIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE. 1

S. Exc. le Baron Marschall de Bieberstein: Au début des travaux de la Conférence la Délégation allemande avait déposé le projet d'un règlement relatif au traitement des personnes neutres dans les territoires des belligérants. Ce projet contenait une codification à peu près complète des règles à appliquer par les États belligérants aux ressortissants des États neutres. En élaborant ce projet, nous nous étions inspirés d'un double principe, qui a été très justement défini par notre éminent rapporteur. Le projet tendait, par l'adoption de règles précises, à faire cesser l'incertitude, qui règne actuellement, et qui a été trop souvent la source de différends entre les belligérants et les États neutres. Le projet partait de l'idée que les neutres, sur le territoire des belligérants, doivent demeurer, autant qne possible, en dehors de la guerre. Ils n'y prendront pas part, ils n'en subiront les effets, que dans la mesure de ce qui ne peut être évité.

Le projet qui tendait ainsi à créer “une situation speciale" aux personnes qui par le lien de l'indigénat sont liés à un État neutre, était divisé en trois chapitres, dont le 1er contenait la définition de la personne neutre, le deuxième et le troisième des dispositions relatives aux services rendus par les personnes neutres et au traitement de leur propriété.

Ce projet a été soumis, au sein de la 2ème Sous-Commission de la 1ème Commission, à un examen approfondi, qui à été continué dans 1 Le 7 septembre 1907.

cette Commission même. Il a donné lieu à des discussions très intéressantes, qui cependant, dès le commencement, faisaient voir une divergence complète sur les principes.

On a opposé à notre principe, visant à créer une situation spéciale aux sujets neutres, le principe contraire, d'une assimilation entière des sujets neutres aux ressortissants de l'État belligérant.

Le résultat de ces travaux nous est présenté aujourd'hui sous la forme d'un "arrangement concernant les neutres dans les territoires des belligérants," arrangement qui a trouvé l'approbation de la majorité de la Commission.

Je tiens à expliquer les raisons du vote négatif, que je vais exprimer au sujet de presque tous les articles de cet arrangement.

Il est vrai que le rapport mentionne encore les trois chapitres. Le premier en a même conservé, aux termes près, sa forme originaire. Il nous apprend quelles sont les personnes neutres et les causes qui leur font perdre le caractère de neutralité. On a, donc, conservé la tête. Mais il ne reste presque rien du corps. Les dispositions du deuxième chapitre, concernant les services rendus par les neutres, ont, du moins, le mérite d'être complètes. On ne saurait dire le même du troisième chapitre, qui, à en croire le titre, régle le régime de la propriété des neutres, mais qui, en fait, ne traite que du matériel des chemins de fer et des bateaux.

Nous nous sommes demandés si les quelques dispositions, qui restent du deuxième et du troisième chapitre, peuvent justifier encore l'existence du premier chapitre, qui, en définissant la notion de la personne neutre, en forme, pour ainsi dire, la préface, et n'a de raison d'être qu'en tant que les droits et les devoirs de ces personnes sont établis par les dispositions qui suivent.

A cette question nous aurions répondu par l'affirmative, si l'ensemble des chapitres 2 et 3 était pour nous acceptable, ou si, du moins, les objections à élever ne portaient que sur un détail de moindre importance.

Malheureusement, c'est le contraire.

Un des principes fondamentaux de notre proposition, et dont nous ne saurions nous départir maintenant, était celui-ci: Les personnes neutres ne peuvent être requises de rendre des services de guerre dans les armées des belligérants. Or, l'article 64 de l'arrangement porte: Les parties ne pourront requérir des neutres des services ayant trait à la guerre.

Cependant, l'article 65 porte que la disposition de l'article 64, alinéa 1, n'est pas applicable aux personnes appartenant à l'armée d'un État belligérant en vertu de la législation de cet État.

Nous voilà donc vis-à-vis de deux stipulations, une portant qu'on ne peut requérir des sujets neutres des services militaires, l'autre reconnaissant comme légitime de forcer les neutres à porter les armes en vertu d'une loi de l'État belligérant.

Nous ne pourrions admettre l'application de ce principe à un ressortissant allemand.

Nous avons donc songé à faire une réserve, qui ne se rapporterait qu'à cet article. Cependant, toute réflexion faite, cela n'a pas paru suffisant. En effet, cela conduirait à un état de choses contraire au principe de la réciprocité, qui gouverne les relations entre États souverains.

Il en résulte que nous ne pouvons accepter le chapitre relatif aux services rendus par les neutres. Nous avons pris en considération, en outre, que sept grandes Puissances ont fait des réserves à l'égard de l'article 67, et six d'entre elles, de même, au sujet de l'article 68, de sorte qu'un accord général ne puisse s'établir sur ces deux articles. Il ne reste donc, dans les dispositions relatives aux droits et devoirs des neutres. que l'article 66, concernant le matériel des chemins de fer.

Dans ces circonstances nous nous sommes arrêtés à l'opinion qu'on ne devrait pas maintenir une préface, qui, dans la forme d'une série d'articles, statue un principe, sans en tirer aucune conclusion pratique.

Ce n'est pas sans un vif regret que nous voyons aboutir à si peu le travail de longues semaines.

Nous croyons, cependant, qu'il vaut mieux de laisser à l'avenir le soin d'aplanir les difficultés maintenant, et de préparer la voie à une entente internationale sur l'important sujet dont il s'agit.

S. Exc. M Drago: La Délégation de la République Argentine s'abstiendra de voter les articles 64, 66 et 68.

S. Exc. M. Beernaert: Comme Président de la Seconde-Commission, je n'ai pu prendre part à la discussion dont nous venons d'entendre l'écho, et je n'ai pas l'intention de le faire en ce moment. Mais je crois devoir faire remarquer que le règlement des neutres a donné lieu à une discussion longue et approfondie, et qu'il serait vraiment à déplorer que tout ce travail fût perdu.

L'esprit de conciliation, dont tous les membres de cette assembléé n'ont cessé de faire preuve, me fait espérer qu'il n'est pas impossible de trouver un terrain d'entente au prix de quelques concessions.

M. le Colonel Borel donne lecture de l'article 61,

S. Exc. M. Hagerup: Je crois devoir rappeler que la Seconde Commission avait décidé de remplacer le mot ,,ressortissants" par celui de,,nationaux".

M. le Colonel Borel observe que c'est une erreur typographique, qui sera rectifiée. Il donne ensuite lecture des articles 62, 63, 64, 65. Son Exc. le Comte Tornielli: La Délégation d'Italie fait ses réserves au sujet du IIème alinéa de l'article 65.

Son Exc. M. de Hammerskjöld: La Délégation de Suède fait les mêmes réserves que celles de l'Italie.

S. Exc. M. Léon Bourgeois: La Délégation de la République française fait les mêmes réserves.

S. Exc. de Martens: La Délégation de Russie fait les mêmes réserves.

S. Exc. M. Rangabé: La Délégation de Grèce fait les mêmes réserves.

S. Exc. M. de Bustamante: La Délégation de Cuba fait les mêmes réserves.

S. Evc. le Général Grouïtch: La Délégation de Serbie fait les mêmes réserves,

S. Exc. M. Mérey de Kapos-Mére: La Délégation d'Autriche-Hongrie fait les mêmes réserves.

S. Exc. M. Ruy Barbosa: La Délégation du Brésil fait les mêmes réserves.

S. Exc. M. Tcharykow: La Délégation du Monténégro fait les mêmes réserves.

S. Exc. Samad Khan Momtas-es-Saltaneh: La Délégation de Perse fait les mêmes réserves.

S. Exc. M. le Baron Marschall de Bieberstein: Je vois que de tous côtés des réserves sont faites sur le second alinéa de l'article 65. Je propose, dans ces conditions, de le renvoyer à l'examen de la Seconde Commission, qui peut-être pourra trouver un accord.

La Conférence a délibéré le renvoi de tout le projet à la Deuxième Commission.

XLV.

Cour internationale de Prises.

Attitude brésilienne.

Première Commission.

DEUXIÈME SÉANCE 1

On délibère sur le rapport des travaux de la seconde souscommission, qui propose l'adoption du projet concernant l'établissement d'une Cour internationale de prises.

S. Exc. M. Barbosa s'exprime dans les termes suivants:

Nous nous sommes appliqués avec la plus sérieuse et la plus sympathique attention à l'examen de ce projet, en l'approfondissant de tous les côtés, comme l'on voit dans nos procès-verbaux concernant les séances du 4 et 11 juil. let, à la deuxième Sous-Commission de cette Commission, ainsi que celles du 12 et 17 août, au Comité d'examen. Nous avons applaudi à l'institution d'une Cour de Prises, dont nous avons seulement regretté que l'on n'élargisse pas le ressort, en y comprenant aussi la première instance, au lieu de le borner à celle d'appel. Nous avons été des premiers à demander pour cette création le caractère de permanence, qui aboutit par triompher de l'opinion contraire. Nous nous sommes déclarés même, ouvertement, pour le principe de la classification des États, en

1 Le 10 septembre 1907.

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