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Considérant que la nation française s'était levée en masse en 1789 pour reconquérir, de concert avec son Roi, les droits naturels et imprescriptibles qui appartiennent à tous les peuples; que la jouissance lui en a été assurée par les constitutions qu'elle a librement acceptées en 1791, en l'an 3, et en l'an 8; que la Charte constitutionnelle de 1814 est le développement des principes sur lesquels ces constitutions étaient basées, et son application au système qui s'est établi à cette époque.

Considérant que depuis 1791 tous les gouvernements qui ont méconnu les droits de la nation, ont été renversés, et que nul gouvernement ne peut plus se soutenir en France qu'en suivant très-exactement la ligne des principes constitutionnels.

Que Bonaparte les avait tous méconnus et violés au mépris des serments les plus solennels et les plus sacrés; que, contre l'honneur et l'intérêt de la nation, il avait entrepris les guerres les plus injustes, et sacrifié, pour les soutenir, toutes les ressources de l'État en hommes et en argent; enlevé à toutes les familles, tout espoir de régénération; aux sciences et aux arts, toutes leurs ressources.

Considérant qu'après avoir fait périr dans les neiges de la Russie, la plus belle armée qui ait jamais existé; après avoir sacrifié pour la campagne de 1813, tout ce qui nous restait de moyens de défense, et avoir mis la nation française dans la position la plus fâcheuse où elle se soit jamais trouvée, il refusa de renoncer aux pouvoirs qu'il avait usurpés et de reconnaître les droits de la nation qui lui offrait encore, à cette condition, par l'organe de ses représentants, de le tirer de l'extrême embarras où il s'était mis.

Considérant que par l'effet de son obstination, le territoire français a été envahi en 1814, par des armées innombrables; que la France a été livrée à toutes les horreurs de la guerre ; que dans ces circonstances malheureuses, il fut du devoir

des Représentants de la 'nation de déclarer déchu de tous droits à la gouverner, celui qui l'avait plongée dans un abîme de calamités,

Que Bonaparte reconnut alors lui-même qu'il s'était rendu indigne de la confiance de la nation, et abdiqua, pour lui et les siens, tout droit à la couronne de France.

Qu'un vœu général et spontané a rappelé sur le trône une famille que la France était accoutumée à vénérer, et un Prince qui, à l'époque de notre régénération, avait puissamment secondé les efforts que son auguste frère avait faits pour opérer cette régénération.

Considérant que le serment prêté, il y a deux jours, par Louis XVIII et par son auguste frère, de maintenir inviolablement la Charte constitutionnelle, assure à la nation la jouissance pleine et entière de ses droits, et fait cesser toutes les craintes qu'on aurait pu concevoir pour l'avenir.

Considérant que lorsque la patrie est en danger, tous les citoyens se doivent à sa défense, la Chambre prend la résolution suivante. (Voir la proposition faite par M. le maréchalde-camp Augier).

La Chambre cousultée, arrête qu'elle prend en considération la proposition dont elle vient d'entendre le développement ainsi que l'exposition des motifs faite par le second orateur. Elle renvoie l'un et l'autre travail à l'examen des bureaux, et en ordonne l'impression.

M. LE PRÉSIDENT invite les membres à se réunir à huit heures dans les bureaux. Il remet la séance au lendemain à midi, en comité secret.

Signé : LAINÉ, Président;

CHERRIER, GOULARD, le baron Du FOUGERAIS, Secrétaires.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Seance du 20 Mars 1815.

M. LE PRÉSIDENT, à l'ouverture de la séance, donne communication d'une lettre de M. le Ministre de l'intérieur, laquelle est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

Paris, ce 20 mars 1815.

La défection du corps d'armée de M. le prince de la Moskua, celle de la vieille garde et de plusieurs régiments de l'armée qui est aux environs de Paris, ont décidé tous les officiers et les serviteurs du Roi à solliciter Sa Majesté de s'éloigner de Paris. Elle y a consenti; mais elle n'a point voulu se séparer des Représentants de la nation. Elle m'a ordonné de vous envoyer la proclamation ci-jointe pour la Chambre des Députés. Vous y verrez, Monsieur le Président, que le Roi se confie à cette fidélité dont la Chambre Ini a donné tant de témoignages, et qu'il espère avec elle sauver la chose publique des malheurs dont elle est mena

cée.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Président, avec une haute considération, votre très - humble et très - obéissant serviteur,

Signé : l'abbé de MONTESQUIOU.

Suit la teneur de la proclamation du Roi, dont M. le Président fait aussi lecture.

LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre,

A nos amés et féaux les Pairs de France et les Députés des départements, salut.

La divine Providence qui nous a rappelé au trône de nos pères, permet aujourd'hui que ce trône soit ébranlé par la défection d'une partie de la force armée qui avait juré de le défendre. Nous pourrions profiter des dispositions fidèles et patriotiques de l'immense majorité des habitants de Paris pour en disputer l'entrée aux rebelles; mais nous frémissons des malheurs de tout genre qu'un combat dans ses murs attirerait sur les habitants..

Nous nous retirons avec quelques braves que l'intrigue et la perfidie ne parviendront pas à détacher de leurs devoirs; et puisque nous ne pouvons pas défendre notre capitale, nous irons plus loin rassembler des forces, et chercher sur un autre point de notre royaume, non pas des sujets plus aimants et plus fidèles que nos bons Parisiens, mais des Français plus avantageusement placés pour se déclarer pour la bonne

cause.

La crise actuelle s'apaisera; nous avons le doux pressentiment que les soldats égarés, dont la défection livre nos sujets à tant de dangers, ne tarderont pas à reconnaître leurs torts, et trouveront dans notre indulgence et dans nos bontés la récompense de leur retour.

Nous reviendrons bientôt au milieu de ce bon peuple à qui nous ramènerons encore une fois la paix et le bonheur. A ces causes, nous avons déclaré et déclarons, ordonné et ordonnons ce qui suit:

Article premier.

Aux termes de l'art. 50 de la Charte constitutionnelle, et de l'art. 4 du titre 11 de la loi du 14 août 1814, la session de la Chambre des Pairs et celle de la Chambre des Députés des départements pour 1814, sont déclarées closes; les Pairs et les Députés qui les composent se sépareront à l'instant.

Art. 2.

Nous convoquons une nouvelle séance de la Chambre des Pairs et la session de 1815 de la Chambre des Députés.

Les Pairs et les Députés des départements se rendront, le plus tôt possible, au lieu que nous indiquerons pour le siège provisoire de notre Gouvernement. Toute assemblée de l'une ou l'autre Chambre qui aurait lieu ailleurs, sans notre autorisation, est dès à présent déclarée nulle et illicite.

Art. 3.

Notre Chancelier et nos Ministres, chacun en ce qui les concerne, sont chargés de l'exécution de la présente proclamation, qui sera portée aux deux Chambres, publiée et affichée, tant à Paris que dans les départements, et envoyée à tous les préfets, sous-préfets, cours et tribunaux du royaume.

Donné à Paris, le 19 mars de l'an de grâce 1815, et de notre règne le vingtième.

Par le Roi:

Signé : LOUIS.

Le Chancelier de France,

Signé: DAMBRAY.

M. Le Président déclare que le silence est devenu un de

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