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UN MEMBRE rend compte de la nouvelle visite faite hier à l'armée par les commissaires de l'assemblée. Les généraux, les officiers, les soldats étaient dans des dispositions qui font concevoir les plus belles espérances pour l'honneur des armes françaises. Les travaux continuent ; une foule de braves de la garde nationale et des fédérés, viennent aux avant-postes, affronter les périls. Le prince Ministre de la guerre, dans ces circonstances, a écrit à Lord Wellington une lettre conçue en ces termes :

Mylord,

« Vos mouvements hostiles continuent malgré les décla⚫rations que les motifs de la guerre que nous font les sou⚫verains alliés n'existent plus, puisque l'Empereur Napoléon « a abdiqué. Au moment où le sang est sur le point de « couler, je reçois la dépêche télégraphique de M. le duc <d'Albufera, dont je vous transmets copie. Mylord, je garan«tis sur mon honneur cet armistice. Toutes les raisons que << vous auriez de continuer les hostilités sont détruites, < puisque vous ne pouvez pas avoir d'autre instruction de <votre Gouvernement que celles que les généraux autrichiens < tenaient du leur. Je fais à votre seigneurie la demande ◄ formelle de cesser immédiatement toute hostilité, et que << l'on s'occupe d'un armistice en attendant les décisions du « congrès. Je ne puis croire, Mylord, que ma demande res◄ tera sans effet; vous prendriez sur vous une grande res⚫ponsabilité aux yeux de vos nobles compatriotes. Au reste, ◄nul autre motif que celui de faire cesser l'effusion du sang, <et l'intérêt de ma patrie, ne m'ont dicté cette lettre. Si je <me présente sur le champ de bataille avec l'idée de vos

talents, j'y porterai aussi la conviction d'y combattre pour «la plus sainte des causes, celle de la défense de la patrie,

⚫ et quel qu'en soit le résultat, je mériterai, Mylord, votre ◄ estime.

« Agréez, Mylord, l'assurance de ma très-haute considé<ration.

« Signé : Prince d'ECKMUHL.

Si l'enthousiasme de l'armée, continue le rapporteur, a été à son comble en voyant les Représentants du peuple parcourir les rangs et lui parler de la patrie, de la France, de Napoléon II, les acclamations des faubourgs n'ont pas été moins vives.

Le Rapporteur conclut des dispositions unanimes qu'il a remarquées dans le peuple et dans l'armée, qu'il faut que la Chambre se prononce avec vigueur contre la famille qu'on veut ramener sur le trône. Le chef de cette famille voulût-il le bien, au milieu des passions violentes de ceux qui l'entourent, il ne pourrait l'opérer. L'opinant demande que l'assemblée s'explique formellement dans son Adresse au peuple français; il demande aussi que des commissaires pris dans le sein de l'assemblée, soient constamment auprès de l'armée, non pas sans doute pour en diriger les mouvements, mais pour lui faire connaître et lui garantir à chaque moment, les véritables sentiments de la représentation nationale.

La Chambre arrête que le rapport qu'elle vient d'entendre sera imprimé au nombre de six exemplaires par chaque membre, qu'il sera envoyé aux départements et aux armées, et affiché en placards dans la capitale.

Au nom de la Commission chargée de revoir le projet d'Adresse au peuple français, un membre expose que la Commission en a fait l'objet de l'examen le plus attentif, et qu'elle se borne à proposer une simple addition qui, sans doute, remplira les intentions de l'Assemblée.

Le Rapporteur fait lecture de l'Adresse en ces termes :

Français,

Les Puissances étrangères ont proclamé à la face de l'Europe qu'elles ne s'étaient armées que contre Napoléon, qu'elles voulaient respecter notre indépendance et le droit qu'a toute nation de se choisir un Gouvernement conforme à ses mœurs et à ses intérêts.

Napoléon n'est plus le chef de l'Etat ; lui-même a renoncé au trône; son abdication a été acceptée par vos Représentants. Il s'est éloigné de nous. Son fils est appelé à l'Empire par les constitutions de l'Etat. Les souverains coalisés le savent la guerre doit donc être finie, si les promesses des rois ne sont pas vaines.

:

Cependant, tandis que des plénipotentiaires ont été envoyés vers les Puissances alliées pour traiter de la paix au nom de la France, les généraux de deux de ces Puissances se sont refusés à toute suspension d'armes; leurs troupes ont précipité leur marche à la faveur d'un moment de trouble et d'hésitation; elles sont aux portés de la capitale, sans que nulle communication soit venue nous apprendre pourquoi la guerre continue.

Bientôt nos plénipotentiaires nous diront s'il faut renoncer à la paix; en attendant, la résistance est aussi nécessaire que légitime, et si l'humanité demande compte du sang inutilement versé, elle n'accusera point les braves qui ne se battent que pour repousser de leurs foyers le fléau de la guerre, le meurtre et le pillage, pour défendre avec leur vie la cause de la liberté et de cette indépendance, dont le droit imprescriptible leur a été garanti par les manifestes mêmes de leurs ennemis.

Au milieu de ces graves circonstances, vos Représentants ne pouvaient oublier 'qu'ils ne furent point en

voyés pour stipuler les intérêts d'un 'parti quelconque, mais ceux de la nation entière. Tout acte de faiblesse ne servirait, en les déshonorant, qu'à compromettre le repos de la France pendant un long avenir. Tandis que le Gouvernement organise tous les moyens d'obtenir une solide paix, que pouvaient-ils faire de plus utile à la nation que de recueillir et de fixer les règles fondamentales d'un Gouvernement monarchique et représentatif, destiné à garantir aux citoyens la libre jouissance des droits sacrés qu'ils ont achetés par tant et de si grands sacrifices, et de rallier pour toujours, sous les couleurs nationales, ce grand nombre de Français, qui n'ont d'autre intérêt et ne forment d'autre vœu que de jouir d'un repos honorable et d'une sage indépendance.

Maintenant, la Chambre croit de son devoir et de sa dignité de déclarer qu'elle ne saurait jamais avouer pour chef légitime de l'Etat celui qui, en montant sur le trône, refuserait de reconnaître les droits de la nation et de les consacrer par un pacte solennel. Cette Charte constitutionnelle est rédigée, et si la force des armes parvenait à nous impo. ser momentanément un maître......, si les destinées d'une grande nation devaient encore être livrées au caprice et à l'arbitraire d'un petit nombre de privilégiés; alors, cédant à la force, la représentation nationale protestera, à la face du monde entier, des droits de la nation française opprimée.

Elle en appellera à l'énergie de la génération actuelle et des générations futures, pour revendiquer à la fois l'indépendance nationale et les droits de la liberté civile.

Elle en appelle dès aujourd'hui à la justice et à la raison de tous les peuples coalisés.

La Chambre arrête que la présente résolution sera communiquée par un message à la Chambre des Pairs et au Gouvernement.

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La Chambre manifeste de toutes parts son assentiment : la rédaction de l'Adresse est mise aux voix et adoptée.

On demande l'impression de cette Adresse au nombre de six exemplaires, l'envoi aux départements et aux armées, et l'affichage dans la capitale.

UN MEMBRE fait observer que la dernière proposition tend ́ à un acte extérieur qui est dans les attributions du pouvoir exécutif.

UN AUTRE MEMBRE établit qu'une Adresse au peuple français est un acte qu'une seule branche de la représentation nationale ne peut faire sans blesser la Constitution, et les principes d'union qui doivent animer les deux Chambres. I demande, et après une courte discussion, la Chambre arrête, que l'Adresse qu'elle vient de voter sera envoyée à la Chambre des Pairs en forme de résolution.

UN MEMBRE rappelle les propositions faites par le Rapporteur de la Commission envoyée à l'armée; la Chambre passe à l'ordre du jour.

UN MEMBRE de la Commission chargée d'aller visiter les militaires blessés, présente les détails les plus consolants sur l'état et le traitement de ces nouvelles victimes de la guerre.

Hier, les hôpitaux militaires avaient reçu 2,838 blessés : ils pourraient en contenir 5,000, et leur mobilier est complet.

Le Val-de-Grâce et d'autres établissements peuvent encore contenir 6,000 lits. La prévoyance de l'administration et du corps municipal est digne des plus grands éloges. Les dons consacrés au soulagement des blessés sont nombreux. Le pauvre se distingue surtout par un zèle admirable. On voit des familles entières se priver du peu qu'elles possèdent et le porter aux hôpitaux.

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