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Napoleon from Paterloo

PENDANT LES CENT JOURS

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Dans la soirée du 20 juin, les députés apprirent simultanément la terrible défaite de Waterloo et le retour de l'empereur à Paris. Ils comprirent que si Napoléon était accouru dans la capitale, avant d'avoir rallié les débris de son armée, c'est qu'il voulait se faire revêtir de la dictature. Telle était en effet la pensée de l'empereur; il croyait encore qu'en redevenant le maître sans contrôle, il pourrait arrêter l'invasion. Cette confiance étrange dans son propre génie qui avait fait sa grandeur et sa perte lui fut, en définitive, profitable; car la France, à laquelle il avait tant coûté, lui pardonna beaucoup parce qu'il n'avait jamais douté du salut, et l'histoire a été plus indulgente pour l'homme qui, du fond de l'Elysée, réclamait un dernier effort en faveur de la patrie, que pour les députés qui s'agitaient dans les couloirs du palais Bourbon, sans pouvoir se dégager de l'obsession des partis.

Bien des espérances avaient surgi, depuis que la ruine militaire de Napoléon était certaine; les uns voulaient reprendre la tradition de 92 et rêvaient déjà le relèvement de la république; les autres, c'étaient les plus nombreux, mais les moins hardis, voulaient substituer les d'Orléans aux Bourbons; quelques-uns fondaient leur fortune sur la proclamation de Napoléon II et l'installation d'une régence; seulement ils n'étaient pas d'accord sur le

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choix du régent, et se divisaient selon les promesses faites par les divers aspirants. Enfin un petit groupe, conduit par Fouché, duc d'Otrante, travaillait silencieusement à rétablir Louis XVIII; il avait la minorité dans l'Assemblée et dans le pays, mais l'arrivée prochaine de Blücher et de Wellington devait lui faire une majorité.

Travaillée par tant d'intrigues, la Chambre des représentants ne put organiser une résistance efficace; chacun ne songea qu'à se défendre contre l'empereur, afin de garder entières les chances de son parti. On vota à l'unanimité une proposition de Lafayette qui impliquait l'abandon du gouvernement; la Chambre se déclara permanente; les ministres furent invités à se rendre à sa barre pour recevoir ses ordres; le ministre de l'intérieur fut chargé d'armer les gardes nationales pour assurer l'inviolabilité des représentants; toute tentative faite pour dissoudre la Chambre fut déclarée crime de haute trahison. L'empereur était passé sous silence. Saisie de cette résolution, la Chambre des pairs l'adopta avec des modifications de détail qui n'en altéraient pas le caractère.

Devant ces votes, Napoléon se sentit plus complétement perdu que sur le champ de bataille de Waterloo. Il fit néanmoins une dernière tentative, et envoya Lucien Bonaparte porter aux représentants un message dans lequel il affirmait son inten

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tion de renouveler des négociations avec les puissances alliées; il recommandait l'union, l'attachement à sa personne « pour préserver la patrie de retourner sous le joug des Bourbons ou de devenir, comme la Pologne, la proie de l'étranger ». Il concluait, en demandant que les deux Chambres nommassent des commissions chargées de se concerter avec ses ministres sur les mesures de salut public, et sur les moyens de négocier la paix avec les coalisés.

Ce message dans lequel Napoléon reparaissait comme chef de l'Etat dérangeait toutes les combinaisons; M. Jay, parent et complice de Fouché, se fit l'organe des inquiétudes de la Chambre et réclama nettement l'abdication. « Retournez vers votre frère, répondit-il à Lucien; dites-lui que l'Assemblée des représentants du peuple attend de lui une résolution qui lui fera plus d'honneur dans l'avenir que de nombreuses victoires; dites-lui qu'en abdiquant le pouvoir, il peut sauver la France; dites-lui que dans un jour, dans une heure peut-être, il ne sera plus temps. » Ces paroles furent accueillies par d'avides applaudissements. Lucien Bonaparte était un homme de résolution; il l'avait prouvé au 19 brumaire, et il défendit son frère avec énergie. « Je vous en conjure, citoyens, s'écria-t-il, au nom sacré de la patrie, ralliez-vous autour du chef que la nation vient de replacer so

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Two Committees to welt
K's Ministers

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lennellement à sa tête! Songez que notre salut dépend de votre union, et que vous ne pouvez vous séparer de l'empereur et l'abandonner à ses ennemis, sans perdre l'Etat, sans manquer à vos serments, sans flétrir à jamais l'honneur national. >>

Ces derniers mots étaient de trop; ils autorisèrent la Chambre à se déclarer offensée et fournirent à Lafayette l'occasion d'une riposte demeurée célèbre « Avez-vous oublié que les ossements de nos fils attestent partout notre fidélité, dans les sables de l'Afrique, sur les bords du Guadalquivir et du Tage, sur les rives de la Vistule et dans les déserts glacés de la Moscovie? La France a perdu trois millions de ses enfants sacrifiés à l'ambition d'un seul homme qui veut lutter encore aujourd'hui contre l'Europe; mais c'en est assez, et notre devoir est maintenant de sauver la patrie. »

Cependant la Chambre n'osa pas voter la déchéance; elle désigna même, comme l'avait demandé l'empereur, une commission chargée de s'entendre avec les ministres; mais elle la composa de son président et de ses quatre vice-présidents, c'est-àdire des membres les plus déterminés à arracher l'abdication. La commission choisie par la Chambre des pairs, ne fut pas plus fidèle à Napoléon, et dès la première réunion, on décida que « les deux Chambres nommeraient une commission chargée de négocier directement avec les puissances coa

Abdication

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lisées (1) ». L'empereur était officiellement écarté; il n'essaya plus de lutter, proclama son fils sous le titre de Napoléon II, et signa un acte d'abdication dans lequel il introduisit de durs reproches pour les pouvoirs publics : « En commençant la guerre pour soutenir l'indépendance nationale, dit-il, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés et le concours de toutes les autorités nationales. » Saisie de cette pièce, la Chambre des représentants s'empressa d'envoyer son bureau à Napoléon « pour lui exprimer, au nom de la nation, la reconnaissance et le respect avec lesquels elle acceptait le noble sacrifice qu'il faisait à l'indépendance et au bonheur du peuple français ». Quant à Napoléon II, il n'en fut pas question. On décida qu'une commission de cinq membres, dont trois pris dans la Chambre basse et deux dans la Chambre haute, serait chargée d'exercer provisoirement les fonctions du gouvernement. La Chambre des pairs adhéra à cette résolution. Les députés nommèrent Carnot, Fouché et le général Grenier.

Mais avant que les pairs procédassent à l'élection des membres de la commission exécutive,

(1) Lafayette fut envoyé en effet avec quatre de ses collègues au-devant des souverains qu'il rencontra trop tard pour épargner à Paris une humiliante capitulation.

1813

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