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soumis à un contrôle vigilant de l'autorité. L'inspecteur fait de nombreuses visites; s'il constate la malpropreté du local, il peut confisquer les matériaux et opérer la désinfection aux frais des coupables. Quant aux ateliers qui n'ont pas été enregistrés, les articles qui en sortent doivent porter un signe distinctif. Cette étiquette qui dénonce les conditions d'hygiène défectueuse dans lesquelles ils ont été confectionnés, éveille chez les consommateurs des craintes assez vives pour éloigner d'eux la clientèle. Ajoutons que l'exploitation des ouvriers par les sous-traitants se trouve enrayée par la défense de recéder à un tiers le travail emporté de la fabrique pour être fait chez soi, travail qui doit être exécuté au domicile de celui à qui il a été confié, et aussi par l'obligation où sont les fabriques d'afficher la liste des pièces qu'elles ont données au dehors à façon, des prix payés, et des adresses des ouvriers qui les exécutent.

Tels sont, sommairement exposés, les principaux essais législatifs tentés en vue de porter remède aux maux de l'industrie à domicile salariée. Il est possible, en terminant, d'en dégager quelques points de nature à guider les recherches dans la voie de la réglementation. C'est, tout d'abord, l'obligation de se munir d'une licence délivrée après enquête, préalablement à l'ouverture d'un atelier à domicile; 2o la substitution à la responsabilité du chef d'atelier à domicile, de celle du donneur d'ouvrage et du propriétaire; 3° l'apposition d'une marque spéciale sur les articles dont le mode anti-hygiénique de fabrication menace la santé des acheteurs; 4° la publication obligatoire par le fabricant de la liste des tâches qu'il a confiées hors de la fabrique, du prix qu'il les paye et des adresses des ouvriers à domicile qui en sont chargés; 5o l'application des lois de protection et de l'inspection du travail à tous les ateliers, même à ceux qui n'emploient que les membres de la famille et ne font pas usage de moteur mécanique, et notamment l'extension des règles protectrices du travail des femmes et des enfants employés dans la grande industrie, aux petits ateliers de famille. Ici, sans doute, grandes seraient les difficultés de surveillance. Il serait possible cependant d'arriver à un résultat, surtout au point de vue de l'hygiène; et c'est à ce dernier point de vue d'ailleurs que les progrès à faire sont immenses.

EDGARD ALLIX.

Cet article était déjà rédigé lorsque la publication par le Ministère du Commerce français des Rapports sur l'application pendant l'année 1902 des lois règle

mentant le travail (Imp. Nat., 1903) nous a fourni la satisfaction d'y trouver confirmées plusieurs des idées que nous exposons.

On sait qu'en France, les ateliers de famille échappent complètement à la réglementation du travail, à moins qu'ils ne fassent usage d'un moteur mécanique, auquel cas ils peuvent être visités par les inspecteurs, mais aux seuls points de vue de l'hygiène et de la sécurité. Or, les rapports des inspecteurs constatent qu'en général le travail à domicile prend une extension croissante dans leur circonscription (Limoges. Nancy, Rouen, Marseille, Saint-Étienne) et cela, comme l'observe l'inspecteur de Limoges, non pas fortuitement, mais à dessein, en vue précisément de se soustraire à la loi. On relève l'exemple typique d'industriels qui, après un procès-verbal, substituent au travail d'atelier le travail à domicile. La distribution d'énergie à domicile contribue aussi à développer l'industrie domestique (Saint-Étienne).

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Les inconvénients de cet état de choses, signalés par les inspecteurs, sont la durée excessive de la journée de travail, qui est une cause de surproduction d'où résultent des chômages et un avilissement des salaires, le travail de nuit, le manque d'hygiène, etc. Dans la circonscription de Rouen « une patronne couturière, dit l'inspecteur divisionnaire, à la suite de procès-verbaux réitérés, a remplacé le travail à l'atelier par le travail à domicile. Elle évite ainsi la surveillance de l'inspection, supprime les frais d'un local, du chauffage et de l'éclairage, et augmente enfin ses bénéfices, en payant à forfait. Mais le salaire de l'ouvrière est ainsi moins élevé et les retouches, qui ne sont pas rétribuées, sont d'autant plus nombreuses que la patronne est toute prête à satisfaire les moindres exigences de ses clientes. En travaillant chez elles 12 et 14 heures par jour et souvent une partie de la nuit, les ouvrières capables arrivent à réaliser péniblement un gain maximum journalier de 3 francs qu'elles auraient obtenu à l'atelier pour une durée de 10 h. 1/2 de travail ».

Émue par les faits qu'elle avait sous les yeux, la commission départementale du travail du département de l'Aube a émis, à l'unanimité, un vou intéressant qui concorde avec nos conclusions. Elle demande notamment : 1° la communication par le patron à l'inspecteur d'une liste donnant le nom et l'adresse des ouvriers qu'il fait travailler à domicile, la désignation des locaux où ils travaillent, le nombre et la nature des machines occupées; 2° la suppression de l'exception dont jouissent les ateliers de famille en ce qui concerne les lois qui règlementent le travail; 3o la responsabilité civile du patron pour les contraventions commises par les façonniers, et sa responsabilité pénale, lorsqu'il aura connu la contravention; 4° l'interdiction au patron de donner aux ouvriers occupés à l'usine dans la journée, du travail à faire à domicile, une fois la journée faite.

LA

LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE EN FRANCE

(Suite et fin 1.)

III

Qu'avons-nous en France à opposer à la longue énumération des moyens déjà mis en œuvre de l'autre côté du Rhin pour la lutte contre la tuberculose? Fort peu de chose à coup sûr. En 1902 on comptait en France 15 sanatoriums populaires et 14 payants, mais pour la plupart à l'état de construction ou même de simple projet, une centaine de dispensaires et 6 colonies pour tuberculeux convalescents dont 4 dépendent de l'œuvre des Enfants tuberculeux.

Cette œuvre célèbre est l'ancêtre de toutes les autres : elle a fondé les établissements d'Ormesson (130 lits), de Villiers (220 lits) et de Villepinte (290 lits pour les filles) entièrement gratuits et consacrés aux enfants et adolescents tuberculeux. A sa suite sont venus les hôpitaux marins pour enfants scrofuleux et rachitiques, gratuits ou payants (on en compte 26) et 5 sanatoriums climatiques ou thermaux pour la même catégorie de malades. Ces divers établissements sont dus à la bienfaisance privée en général ou appartiennent à des Communautés religieuses; néanmoins quelques-uns sont la propriété de l'Assistance publique.

Les hospices pour adultes ne sont venus que plus tard et tout récemment. Parmi les premières œuvres qui se soient donné la tâche de construire des établissements pour les tuberculeux indigents et de subvenir aux besoins de leurs familles, il faut citer l'œuvre Lyonnaise des Tuberculeux indigents qui a construit le Sanatorium d'Hauteville (Ain) pour 125 lits. La dépense totale a

1. Voir les Annales de janvier 1904, p. 19.

2. Il faut y joindre l'établissement Alice Fagniez, à Hyères, 30 lits dépendant de Villepinte.

été de 1,200,000 francs et les dépenses de l'année de 163,000 francs, ce qui a ramené la journée de malade à 4 fr. 30. Une autre société s'est fondée à Paris dans le même but, sous la présidence du prince Auguste d'Arenberg, et vient d'achever le sanatorium de Bligny (S.-et-O.) pour 230 malades des deux sexes. Un autre sanatorium parisien dépendant de l'Assistance Publique fonctionne également à Angicourt (Oise) pour 170 malades. D'autres comités poursuivent à Nantes, à Bordeaux, à Lille, à Versailles, à Saint-Quentin, des œuvres analogues, et quelques-uns viennent de se fonder à Nancy, à Orléans, à Rouen, à Clermont-Ferrand, à Marseille pour recueillir des fonds et se livrer à une utile propagande.

Ces résultats sembleront maigres en comparaison de ceux que l'Allemagne peut se vanter de produire; mais ils cesseront d'étonner lorsque l'on apprendra que nous avons un retard de près d'une quinzaine d'années à rattraper sur ce terrain.

Ce n'est que récemment que l'attention des autorités compétentes s'est portée sur ce point: il n'y a pas plus de quatre ans que le professeur Brouardel a donné dans une brochure célèbre le chiffre des décès annuels attribués à la tuberculose: 140,000 environ. « Si cette mortalité », disait-il, « était concentrée sur un point, il disparaîtrait chaque année une ville ayant la population de Toulouse ou une population supérieure à celle du Havre ou de Rouen »>.

Cette pénible constatation coïncidait pour ainsi dire avec les résultats alarmants de notre recensement quinquennal. On se trouvait par ce rapprochement assez vite amené à conclure qu'à défaut de mesures efficaces pour aider au repeuplement on pourrait peutêtre agir avec plus de bonheur dans le but de retarder la dépopulation. Si la société était impuissante à accroître plus rapidement le nombre de ses enfants elle pouvait néanmoins essayer de conserver le plus grand nombre possible de ses membres actifs et d'abaisser celui des non-valeurs. Et si la chose était en son pouvoir, il fallait désormais qu'elle fût considérée comme un devoir impérieux. Mais était-ce possible? L'exemple de l'Allemagne était probant à cet égard, et l'inépuisable Office Impérial de Berlin fournissait amplement toutes les indications nécessaires pour vaincre les dernières hésitations et montrer la nécessité de se mettre à l'ouvrage sans tarder. On pouvait faire avec les renseignements particuliers fournis

1. La mortalité par la tuberculose en France, Rapport présenté à la commission gouvernementale, 1900.

par nos administrations des comparaisons instructives et qui montraient bien que ce n'était pas en vain que l'on avait travaillé pendant dix ans au delà du Rhin.

Sur 100,000 habitants on voyait que Berlin n'en perd pas plus de 2,322 par la tuberculose, tandis que Paris en perd 6,331 et Marseille 6,589. Sur 10,000 habitants la tuberculose en fait mourir 29,3 en Allemagne, 41,2 en France; les villes de plus de 100,000 habitants comptant pour 49,1. Enfin tandis que dans la période de 1880 à 1900, nous avons pu compter 50,000 individus que l'on estime en Allemagne avoir échappé à la mort, nous comptons en France pour le même laps de temps par millions d'habitants une augmentation de 680 décès causés par la tuberculose, ce qui donne 27,000 décès de plus au total'.

C'est ainsi que nous nous trouvons conduits à étudier les moyens que l'on propose afin de mettre en échec la tuberculose sur tous les terrains où elle est susceptible de naître et de se développer. Ces moyens ne procèdent pas d'un plan raisonné il n'y a pas là de vues d'ensemble. Peut-être ne faudrait-il pas s'en plaindre. Avec notre tendance à systématiser, on se trouve parfois amené chez nous à généraliser très tôt les mesures auxquelles l'expérience n'est pas toujours favorable. On risque de s'exposer ainsi à des dépenses. inutiles et, d'un autre côté, personne n'ignore qu'en manière financière des nécessités fort impérieuses nous obligent, à l'heure actuelle, à beaucoup de prudence.

Deux points de vue sont maintenant à envisager. En premier lieu, comment empêcher les gens de devenir tuberculeux, étant donné qu'il y a moins de gens qui sont nés tuberculeux que d'individus qui le sont devenus? En deuxième lieu, comment doit-on procéder à l'égard de ceux qui sont devenus tuberculeux, en dépit des moyens préventifs, soit par prédisposition, soit par accident?

Existe-t-il des circonstances où la tuberculose trouve des facilités de propagation et de développement? L'affirmation ne fait pas de doute. La première, et peut-être la seule cause de la tuberculose, en dehors de toute considération tenant au climat ou à la prédisposition naturelle, réside dans l'agglomération humaine. A ce fait primordial il faut joindre les circonstances accessoires qui dérivent de la manière de vivre et de l'exercice de la profession. Ainsi nous

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