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COULOMMIERS

Imprimerie PAUL BRODARD.

DES

SCIENCES POLITIQUES

Revue bimestrielle

Publiée avec la collaboration des professeurs et des anciens élèves
de l'École libre des Sciences Politiques

COMITÉ DE RÉDACTION

M. EMILE BOUTMY, de l'Institut, Directeur de l'École libre des Sciences Politiques;
M. ALFRED DE FOVILLE, de l'Institut, Conseiller maître à la Cour des Comptes;
M. STOURM, de l'Institut, ancien Inspecteur des Finances et Administrateur des
Contributions indirectes;

M. AUGUSTE ARNAUNĖ, Directeur de l'Administration des Monnaies;
M. A. RIBOT, Député, ancien Président du Conseil des Ministres;

M. LOUIS RENAULT, de l'Institut, Professeur à la Faculté de droit de Paris;
M. ALBERT SOREL, de l'Académie française;

M. VANDAL, de l'Académie française;

M. ÉMILE BOURGEOIS, Maître de conférences à l'École normale supérieure.
Directeurs des Groupes de travail,

Professeurs à l'École libre des Sciences Politiques.

RÉDACTEUR EN CHEF :

M. ACHILLE VIALLATE, Professeur à l'École libre des Sciences Politiques.

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LA FRANCE ÉCONOMIQUE DE 1848 A 1870'

Il y a des nations dont la trame historique s'est formée au XIX siècle d'une manière à peu près continue, sans coup d'État, et d'autres dont l'évolution s'est produite pour ainsi dire par saccades, sous l'influence d'événements accidentels qui ont brusquement changé la direction de la politique. Au premier groupe appartiennent l'Angleterre depuis 1789, la Belgique et les Pays-Bas depuis 1830, la Suède et la Norvège, la Russie; au second, l'Italie que la guerre. de 1859 a fait entrer dans une destinée nouvelle, l'Allemagne que les victoires de 1870 ont unifiée, les États-Unis dont la guerre de Sécession a déplacé l'équilibre. La France appartient au second; elle a eu le privilège, médiocrement enviable, d'une suite de révolutions qui ont, par des coups de force, renversé chaque fois un gouvernement pour en installer un autre : 1789-1795; 1799; 1814 et 1815; 1830; 1848; 1870. Aucun de ces gouvernements, avant la troisième République, n'a atteint sa vingtième année et chaque renversement a produit une crise qui, pendant quelque temps, a entravé le développement économique.

Les États généraux s'étant érigés en Assemblée constituante ont mis fin à la monarchie absolue, aboli le régime féodal et posé, par leurs décrets, les bases d'une société française nouvelle, sur le principe politique du gouvernement parlementaire représentant la nation et sur le doublé principe civil de la liberté et de l'égalité des personnes impliquant comme conséquence la plénitude de la propriété individuelle et la suppression de tous les privilèges et celle des entraves à l'exercice du travail agricole, industriel ou commercial. Elle a fait la terre libre, l'homme libre, la France une.

1. Cet article fait partie de la conclusion de l'ouvrage dont M. Levasseur va publier prochainement le second volume Histoire des classes ouvrières et de l'industrie en France de 1789 à 1870. L'importance de la conclusion nous empêche de la reproduire entièrement; nous ne donnons que les fragments qui ont trait à la seconde République et au second Empire.

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La Convention, qui devint un an après maîtresse absolue des destinées de la France, maintint intact le principe fondamental de la liberté et de l'égalité; mais, obéissant à une impulsion autre que celle qui avait dirigé la Constituante, elle subordonna toute sa politique à l'idée de salut public, liée dans son esprit à la défense de la patrie contre l'agression étrangère; croyant la République menacée à l'intérieur par le modérantisme, elle ne fut pas seulement énergique contre les ennemis du dehors, elle fut violente envers les adversaires du dedans et sanguinaire; elle paralysa par le maximum le commerce déjà désorganisé par la dépréciation des assignats; rêvant, par delà l'égalité des droits, une certaine égalité des biens, elle fit sur la bienfaisance et l'instruction des lois qui ne purent pas être exécutées. Elle a laissé une trace plus profonde dans l'histoire et dans les idées sociales que dans les institutions.

Le Directoire, qui, issu de la Constitution de l'an III, devait être le gouvernement régulier de la République, restaura plusieurs parties de l'organisme administratif disloqué par la Révolution; mais il n'eut pas la force de rétablir l'ordre moral et matériel et il périt discrédité par ses propres coups d'État, par l'impuissance financière, par le manque de confiance de la nation qui, rassasiée de révolutions, aspirait au calme nécessaire à la reprise des œuvres économiques.

Le Consulat procura à la nation ce calme. Bonaparte fut d'abord populaire autant pour avoir fait la pacification intérieure que pour avoir vaincu sur les champs de bataille. Mais l'impulsion gouvernementale changea soudainement. La Révolution avait cherché à fonder le droit nouveau sur la souveraineté de la nation. Le dixhuit Brumaire imposa à la nation un maître, et ce maître absolu qui aurait pu, utilement pour son pays, rester Bonaparte, mais qui voulut devenir Napoléon, s'appliqua à rétablir partout l'ordre et la discipline; il n'hésita pas de renouer la chaîne des temps en empruntant à l'ancien régime ses hommes et quelques parties de son administration; sur les assises posées par la Constituante, il a construit ou consolidé le fonds des institutions civiles et le cadre des lois économiques dans lesquelles allait se mouvoir pendant trois quarts de siècle l'activité des Français. L'industrie redevint florissante et la grande industrie commença à s'inspirer de la science; mais, le blocus continental lui communiqua, ainsi qu'au commerce, une vie factice; les difficultés qu'a occasionnées cette conception monstrueuse, enfantée par Napoléon pour contrecarrer les actes

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