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où il parle de l'Inquifition: au vingtiémé enfin qui finit en 1414, l'origine, l'état & le relâchement des Ordres Religieux. Voilà tout ce que nous avons de certe Hiftoire. Il fe préparoit à en donner la fuite, lorsqu'il mourut le 14 Juillet 1722 dans fa quatrevingt deuxième année, après avoir été nommé Confeffeur du Roi Louis XV en 1716, & s'être démis de cet important emploi dans le mois de Mars de l'année 1722 à caufe de fon grand âge.

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Idée généragénéra

ARTICLE XXXIV.

Le Quiétifme. Sa condamnation. Progrès de l'irreligion & de l'incrédulité,

L

I.

E but du Quiétiíme, fi l'on en croit fes Docteurs, eft d'élever l'homme à la fou le du Quiétif- veraine perfection. On n'arrive à ce fublime état que par une espece de priere qu'ils apAvert. T. VI. pellent contemplation. Afin que cette priere dur. de foit parfaite, ils prétendeut qu'il faut en

ane.

M. Boff.

fupprimer tous les Actes que l'on a toujours regardés comme effentiels pour nourrir & entretenir la piété ; tels font les Actes réïtérés d'amour de Dieu, les réflexions, les actions de grace, &c. Ces Actes, felon eux, font inutiles, nuifibles même à la fublime perfection: l'ame qui s'eft une fois donnée à Dieu par un amoureux abandon, ne doit plus s'inquiéter de rien; elle aime Dieu pour lui-même fans penfer à fes récompenfes. Elle

laiffe au foin de fa Providence les biens & les maux temporels & éternels, ne craignant point les uns, ne souhaitant point les autres: voilà ce qu'ils appellent l'état de fainte indifference, &, dans le ftyle figuré, la montagne de paix, le repos amoureux, les nôces Spirituelles. L'ame dans cet état eft vraiment. déïfiée: Elle perd, dit-on, l'existence qu'elle avoit auparavant pour être transformée en l'Etre divin; elle est tellement absorbée dans l'Effence divine, que nulle créature ne peut la retrouver. Les Quiétistes ont bien d'autres termes & d'autres figures auffi peu intelligibles pour exprimer cet état fublime de perfection; mais tout ce qu'ils difent eft fi difficile à entendre, qu'on eft tenté de croire qu'ils ne s'entendent pas eux-mêmes.

II.

L'abus de la

Théologie

Mystique a

Doit on s'étonner au refte fi l'obfcurité caractérise leur Doctrine? Le Quiétisme eft une émanation, un rafinement de la Théologie myftique, fcience viaiment mystérieuse, été l'origine abftraite, dont le langage obfcur & les ex- du nouvea preffions hyperboliques conduifent infenfi- Quiétifme. blement à l'illufion les perfonnes qui font affez fimples pour les prendre à la lettre. C'est ce qui fait que pour interpréter en bonne part les expreffions outrées de quelques Myftiques, dont la fainteté & la pureté de la foi ont été avouées par l'Eglife, on s'eft retranché à les regarder comme de pieux excès, de fages emportemens, de faints délires. Il n'eft pas furprenant que les Spirituels modernes qui ont voulu enchérir fur les expreffions des Myftiques, & en pouffer les conféquences, aient donné dans des erreurs plus ou moins pernicieuses, à mesure qu'ils fe font plus ou moins écartés des principes de

III.

tés fauffes &

pernicieules.

la Morale Evangélique & de la faine Théo Fogie. Voilà ce qui a produit cés dogmes fin guliers, dont quelques-uns ont été condamnés comme hérétiques ou approchant de rhéréfie; & d'autres plus extravagans que dangereux ont été rejettés avec mépris comme de ridicules productions d'un cerveau malade, pour la guérifon duquel il ne falloit qu'une nourriture un peu folide.

Il y a eu dès le commencement de l'Eglife Il y a eu dans de ces hommes finguliers, qui ont cru ne tous les tems pouvoir aller à la perfection que par des des fpirituali routes bizarres, extraordinaires; qui peutêtre auffi étoient plus dominés par l'envie de fe fingularifer, que par le defir d'être parfaits. Tels étoient les Gnoftiques Valentiniens, dont S. Clement d'Alexandrie nous raconte les erreurs & les défordres. Au quatriéme fiécle on vit paroître dans l'Eglife Grecque une fecte de dévots contemplatifs, qui fe vantoient d'avoir acquis par la priere une tranquillité d'efprit, qui les affuroit de la plus fublime perfection: fans espérance, comme fans crainte, ils paffoient leur tems dans une indolence mélancolique qui leur fir donner le nom d'Héfychaftes, c'est-à-dire, Quiétiftes. Cette prétendue tranquillité, ce paifible repos dont ils croïoient jouir, n'empêchoient pas cependant que leur imagination ne fût extrêmement agitée : on peut augurer quel en étoit le dérangement par l'expofition qu'ils faifoient eux-mêmes de leur état. Ils prétendoient qu'en mettant le corps' dans une certaine pofition, & en retenant avec attention leur haleine, ils voïoient' quantité de chofes fingulieres. Une lumiere divine les rempliffoit, & cette plénitude

étoit quelquefois fi abondante, qu'ils en faifoient participans ceux qui les approchoient. De cette lumiere provenoit la Quiétude d'efprit dont ils jouiffoient. Il y en avoit parmi eux qui prétendoient voir la fainte Trinité des yeux du corps.

Vers le même tems on vit la même illufion fe répandre auffi dans l'Eglife Latine. Elle y fit beaucoup de ravages à la fin du treiziéme

fiécle. Il fe forma alors une fecte de ces faux Spirituels qui font connus fous le nom de Béguars. Ils furent condamnés comme hérétiques en 1311 par le Concile général de Vienne. Ils foutenoient que l'homme pouvoit dès cette vie acquérir la béatitude finale avec tous les dégrés de perfection dont on jouira dans le Ciel, & que celui qui a atteint cette perfection, n'est point obligé de faire de bonnes œuvres ; que la priere lui eft inutile, & qu'il ne doit pas même adorer le Corps de Jefus-Chrift, lorfque le Prêtre le. montre au peuple dans le faint Sacrifice. Malgré leurs idées de béatitude & de perfection, ils donnoient dans des défordres affreux, qui les rendirent le fcandale de leur fiécle. Quelques Contemplatifs qui ont paru vers le même tems donnerent auffi dans différentes erreurs, fous prétexte de chercher la perfection. Moins fcandaleux que ceux que le Concile de Vienne condamna, leur doctrine étoit auffi pernicieufe; ils n'admettoient aucune occupation du corps ni de l'efprit. Infenfibles au bien comme au mal, ils ne connoiffoient ni compaffion pour les malheureux, ni tendreffe pour leurs amis; ijs regardoient comme foibleffe & imperfection ces fentimens d'humanité que la Reli

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gion commande, & qui font le lien le plas précieux de la fociété.

Ceux qui vinrent dans la fuite, enchérirent fur les opinions de ces derniers. Les uns donnerent dans des vifions extravagantes ; d'autres avancerent des maximes très-pernicieuses pour les mœurs; mais ils s'accordoient tous à faire confifter la fouveraine perfection dans une contemplation indolente, qui, procédant de la pareffe & de l'ignorance, ne pouvoit produire qu'une vaine complaifance en foi-même, fource ordinaire de l'orgueil & de tous les vices. En 1675 on vit paroître à Cordoue en Espagne une fette de gens, qui fe nommoient Alumbrados, c'est-à-dire Illuminés. Ces Fanariques imaginoient que par l'Oraifon-Mentale ils parvenoient à une union fi intime avec Dieu même, qu'ils n'avoient plus befoin de faire de bonnes œuvres ; que les Sacremens étoient inutiles; que tout ce qui pouvoit foutenir & augmenter la piété, ne fervoit de rien. Le vice ne pouvoit les fouiller, parce que rien n'étoit vice pour eux : de- là leur opinion qu'ils ne commettoient pas même le péché le plus léger dans la pratique des actions que l'on regarde comme les plus criminelles. Ce Fanatifme pourfuivi en Efpagne fe répandit en France. Guerin, Curé de S. George-de-Roie en Picardie, adopta les erreurs des Illuminés, & cut des Difciples qui portoient le nom de Guerinets. Plufieurs Myftiques de cette efpece le réunirent à ceuxci, & ils parcoururent bien du païs fous le nom général d'Illuminés. La Justice féculiere fe mit à la fuite de ces Fanatiques, & ils furent bientôt diffipés.

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