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La doctrine de M. de Cambrai n'étoit enfeignée publiquement dans aucune Eglife; & dans toutes les Eglifes on la condamnoit hautement.

X I.

XXIX. Relation

compofée par

M. Phelip

peaux.

On a donné au Public il y a vingt-deux ans une Relation curieufe du Quiétifme, compofée par M. Phelipeaux, Docteur de du Quiétifme Sorbonne, qui avoit toute la confiance de M. de Meaux, & qui fe trouvant à Rome dans le tems que l'Archevêque de Cambrai y porta lui-même l'affaire de fon Livre, fut chargé de pourfuivre conjointement avec M. l'Abbé Boffuet, depuis Evêque de Troies, le jugement du Saint-Siége für la doctrine de ce même Livre qui avoit caufé en France un foulévement général. Il a été témoin de toutes les intrigues & de toutes les manœuvres que les amis de M. de Fénelon mirent en ufage, pour fouftraire à la Cenfure les maximes fauffes & pernicieuses renfermées dans le Livre de ce Prélat. L'Editeur de cette Relation dit dans un Avertiffement, ce qui n'eft que trop vrai, que le Quiétifme n'a jamais été abfolument éteint.On donne pour preuve le foin que l'on a pris de faire imprimer dans les païs étrangers depuis les Decretst d'Innocent XI & d'Innocent XII, tout ce

que

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Madame Guion a écrit. On allégue encore pour preuve la vie de Marie Alacoque qui a été fi fort goûtée par les partisans de M. de Fénelon. On fait d'ailleurs que ce parti eft accrédité, & qu'il a malheureusement de très-puiffans protecteurs.

M. Phelippeaux a écrit en forme de Jour nal tout ce qui s'eft fait à Rome dans l'exa

xxx.

Motifs qui

ent détermi né à la publier dans ces der

niers tems.

Avertiff.

bien

men du Livre de M. de Cambrai. Il est entré dans un détail fi curieux, que l'on peut donner à fa narration le titre d'Anecdotes. C'eft une portion importante de l'Histoire Eccléfiaftique du dix-feptiéme fiécle, qui méritoit d'être confervée à la Postérité. Ón voit, en la lifant, que l'Auteur n'a eu pour but que de rapporter les faits avec fimplicité, & de raconter avec la plus fcrupuleuse exactitude toutes les circonftances de cette grande affaire. Outre la vûe générale que l'on a en publiant cette hiftoire, qui eft de faire connoître le Quiétifme pallié & déguisé, tel que l'étoit celui de Madame Guion & de M. de Fénelon; on a eu une vûe plus particuliere qui intéreffe l'honneur du grand Prélat, à qui l'Eglife eft principalement redevable de la condamnation d'un Livre dont les dangereufes maximes pouvoient avoir de grandes fuites, fi la cabale qui le foutenoit fût venue à bout d'en empêcher la flétriffure. Cette vûe plus particuliere a été de faire fentir les infidélités de l'Hiftoire de l'Eglife de Meaux, par D. Touffaint du Pleffis de la Congrégation de S. Maur. M. Phelippeaux avoit composé une histoire Latine de la même Eglife, qui s'étant trouvée en 1725 à la mort d'un frere qu'il avoit à Meaux, Tréforier & Chanoine, M. le Cardinal de Biffi en demanda à fa famille la communication, pour la faire traduire & la donner au Public Il jetta les yeux fur D. Touffaint, qui avec ce fecours a donné l'hiftoire qui a paru. il n'a pu éviter de parler de l'hiftoire de M. Phelippeaux, qui a été le fond fur lequel il a travaillé ; & il femble qu'il auroit pû le faire avec moins de réserve, & marquer de

meilleure grace fa reconnoiffance. Il a crit même devoir avertir qu'il s'en étoit écarté en plufieurs endroits. Peut-être en la fuivant plus religieufement, n'auroit-il pas donné fujet à plufieurs perfonnes de fe plaindre du peu d'exactitude de fon histoire, où la vérité fe trouve altérée dans des points importans.

Mais ce que l'on ne peut pardonner à ce Bénédictin, c'est que voulant parler du différend de M. Boffuet avec M. de Fénelon à l'occafion du Livre des Maximes des Saints, il ait pris pour guide, ou plutôt copié mot à mot un Auteur auffi décrié & auffi partial, que celui des Mémoires hiftoriques & chronologiques fur l'Hiftoire Eccléfiaftique du dix-feptiéme fiécle, qui eft un Jefuite. Il n'a point paru de livre de ce genre où l'on ait plus lieu d'être bleffé de la licence d'un Auteur. Jamais on ne respecta moins la vérité : les calomnies les plus conftantes ne lui coutent rien. Ce ne font que déguisemens & altérations des faits les mieux connus. Partout on trouve reproduites fans pudeur des accufations qu'il ne peut ignorer avoir été réfutées cent & cent fois. Enfin c'eft un Auteur qui paroît n'avoir eu d'autre but dans tout fon Ouvrage, que de donner à fes Lecteurs de fauffes idées de tous les points d'hiftoire ou fa Compagnie fe trouve intéreffée. On en peut juger par ce qu'il dit touchant les cérémonies Chinoifes. On eft étonné de voir un Prêtre & un Religieux ne pas rougir de renouveller contre un Prélat vénérable, ( M. l'Evêque de Conon,) des calomnies qui ont été réfutées fans réplique dans des Ecrits célebres que tout le monde a lus, & qui

XXXI.

Protection

feront à jamais l'opprobre des Jefuites. II veut parler de la réponse de Meffieurs des Miffions étrangeres à la proteftation de ces Peres. L'Auteur des Mémoires chronologiques a confervé le même caractere, en rapportant la difpute qui a été entre M. de Meaux & M. de Cambrai. Il n'a ofé prendre la défense ouverte d'un livre condamné par le Saint-Siége; mais à cela près, il ne tient pas à lui que l'on ne regarde M. de Cambrai comme aïant eu tout l'avantage dans cette fameufe conteftation, & qu'on ne croie que M. Boffuet n'a écrit contre ce Prélat que par une baffe jaloufie, & même qu'il a donné prife fur lui à son adversaire touchant la doctrine. C'eft cependant cet Auteur infidele & partial, ennemi déclaré de la gloire du grand Boffuet, que D. Touffaint n'a pas eu honte de copier dans une hiftoire de l'Eglife de Meaux, dont M. Boffuet est le plus grand

ornement.

Voici de quelle maniere M. Phelippeaux Plan de l'Ou- annonce sa Relation du Quiétisme dans une vrage de M. Préface qui fe trouve à la tête. « Je crois, Phelippeaux. dit-il, devoir laiffer à la postérité une relafinguliere de tion fimple & exacte de ce qui s'eft paffé en Dieu fur fon France & à Rome touchant le livre & la doc. Eglife dans la trine de Meffire François de Salignac Fénetion du Quié- Ion, Archevêque, Duc de Cambrai. Cette

condamna

tilme.

contestation a fait trop d'éclat, & le fuccès en a été trop glorieux à l'Eglife, pour n'être pas un jour un monument précieux de l'Hiftoire Eccléfiaftique de ce fiécle: ainfi elle mérite qu'on prenne foin d'en conserver la mémoire. Elle a commencé à Paris fous mes yeux; & dans le tems de l'examen & de la condamnation du Livre, j'étois à Rome, ou

le defir de vifiter les tombeaux des faints Apôtres, & la curiofité de voir ces fameux reftes de l'Antiquité païenne m'avoit conduit, avant que le trouble arrivât. J'ai eu quelque part dans la follicitation de cette affaire, & je n'ai rien épargné pour être informé des moindres particularités. J'écrivois chaque jour ce qui fe paffoit dans les Congrégations, dont j'étois bien averti, malgré la rigueur du filence qu'on impofe. Quoique j'aie follicité l'affaire en faveur des Evêques qui s'étoient déclarés contre M. de Cambrai, on ne doit pas me foupçonner d'avoir altéré la vérité des faits que j'avance. J'ai toute ma vie fait profeffion d'une exacte fincérité. Je n'écris que pour rendre un témoignage autentique de la protection que Dieu a donnée en cette occafion à fon Eglife. J'ai connu fi vifiblement les effets de fa Providence, que je n'ai plus befoin de la révélation ni du fecours des faintes Ecritures pour en être plei

nement convaincu.

On s'efforçoit d'introduire dans l'Eglife par de belles expreffions, & fous l'apparence d'une haute & fublime perfection, une nouvelle spiritualité qui ruinoit en même tems l'intégrité de la foi & la pureté des mœurs. Ces nouveaux Myftiques retranchoient de la priere les demandes & les defirs qui en font les parties les plus effentielles. Sous prétexte de rendre la charité plus pure & plus défintéreffée, ils banniffoient de l'état des parfaits non-feulement la crainte, mais encore l'efpérance. Un abandon outré & une affreuse indifférence pour le falut étoit le fond de leur fpiritualité. Ils propofoient aux ames fidéles comme un facrifice héroïque, l'ac

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