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1.

Miffionnai

res Domini

rique.

Hom. illuft. de l'Ord. de S. Dom. par lep.

Touron.

ARTICLE XXXVII.

Etat du Chriftianifme en Amérique & dans l'Orient.

N

I.

Ous avons eu foin en parlant de la dé couverte du nouveau monde, de recains en Amé- marquer qu'on eut beaucoup plus d'avidité pour enlever l'or & les pierreries des Indiens, que de zele pour procurer le falut de leurs ames. Nous avons donné une légere idée des injuftices & des violences que des hommes qui portoient le nom de Chrétiens, exercerent parmi ces nations infideles. C'est ici le lieu d'entrer dans quelque détail fur les Miffions qui fe firent en Amérique dans l cours du dix-feptiéme fiécle, & für l'état ou Je Chriftianifme s'y trouve maintenant.Nous reprendrons les chofes de plus haut, pour fuppléer à ce que nous avons été forcés de trop abréger dans l'hiftoire du feizième fiécle.

Dominique de Mendoza Dominicain Efpagnol, frere aîné du Cardinal de Loayfa, fut un des premiers que le zele du falut des ames fit paffer dans l'Ifle appellée depuis de S. Dominique ou S. Domingue. Etant ap puïé de l'autorité du Pape & de celle du Roi d'Efpagne, après plufieurs converfions il fit bâtir des églifes & le premier Couvent des Dominicains dans la ville de S. Domingue. Il paffa depuis dans les Ifles Canaries, dé

'couvertes dans le quinziéme fiécle par les Portugais, & il y exerça avec fruit les fonctions du faint Miniftere. Il y forma auffi plufieurs Communautés Religieufes. Ce Miffionnaire retourna mourir à Salamanque on re fait en quelle année. C'étoit avant le milieu du feizième fiécle.

II. Julien Gar

dans la nou

pagnols exer

çoient contre les Indiens.

Julien Garcès autre Dominicain Espagnol, fut choifi en 1519 par l'Empereur CharlesQuint, pour être premier Evêque de Tlaf- cès, Evêque cala dans la nouvelle Efpagne. Les Améri- velle Efpacains plongés jufqu'alors dans les ténebres du gne.11 s'oppoPaganifme, reçurent cet Evêque avec de fe aux cruaugrands témoignages de joie. Ils s'attacherent tés que les Efencore plus à lui, quand ils virent qu'il les défendoit contre les injuftices & les violences des Gouverneurs Espagnols. Quoique les habitans de Tlascala euffent toujours été favorables aux Efpagnols, & qu'ils les euffent même aidés à s'emparer du Mexique, ils n'en étoient pas mieux traités par ces Efpagnols qui les pilloient, & vouloient même les rendre leurs efclaves, ou les vendre comme des ennemis qu'on auroit fait prifonniers dans une guerre jufte. Ils prétendoient même que ces pauvres peuples ne devoient avoir aucun commerce avec les Européens & qu'ils étoient indignes d'entrer dans le fein de l'Eglife. Tel étoit l'aveuglement de ces injuftes & cruels Efpagnols. L'Evêque en porta fes plaintes au Confeil Roïal des Indes. Il compola en même tems en faveur des Américains opprimés, un Ouvrage qu'il adreffa au Pape Paul III; & pendant que par fes Ecrits il plaidoit la caufe de fon peuple au tribunal du Pape & de l'Empereur, il s'oppofoit avec beaucoup de fermeté à toutes les entreprises

IH.

travaux.

A

de ceux de fa nation, fans craindre ni leurs violences, ni leurs menaces, ni les mauvais fervices qu'on pouvoit lui rendre par de faux rapports à la Cour de Caftille.

Ce Prélat menoit une vie fort édifiante, inftruifoit fon peuple, le fecouroit par d'a bondantes aumônes, & fe réduifoit lui-même au fimple néceffaire, afin de pouvoir donner davantage. Il mourut en 1547 âgé de 90 ans. Il fut enterré dans l'églife Cathé drale dont il avoit fait jetter les fondemens, & qu'il avoit eu la confolation d'achever avant la mort. Il avoit auffi fait bâtir un Couvent de fon Ordre dans la ville de Tlal cala. Il recommanda à fes freres en mourant, de ne point fe laffer de travailler au falut des Américains, & à leur défense contre les violences de ceux qui ne cherchoient qu'à les opprimer. Les feules richeffes qu'il laiffa, furent les Ouvrages de S. Auguftin, qui fent en effet un tréfor bien précieux.

fut

Ea 1530, fept Miffionnaires de l'Ordre de Nouveaux S. Dominique s'étoient embarqués pour an Miffionnaires noncer l'Evangile en Amérique. Quand ils y envoïés en furent entrés, ils fe difperferent en différen mérique. Les excès des Ef tes Provinces, pour y répandre la femence pagnols em de l'Evangile. Vincent Valveerde, l'un de ces pêchent le Miffionnaires, & nommé Evêque de Panafuccès de leurs ma, ville de l'Amérique Méridionale, témoin de l'indignité avec laquelle le fameux Pizarro, chef des troupes Efpagnoles, traita le Roi du Pérou. Contre la parole donnée, il le chargea de chaînes ; & même au lieu de lui fauver la vie & de lui rendre la liberté, comme il l'avoit folemnellement promis; après s'être emparé de fes tréfors, il ajouta un excès de cruauté à une noire perfi

die, en lui prononçant un arrêt de mort qu'il fit exécuter. Les Efpagnols en violant ainfi toutes les loix de l'humanité, mettoient le plus grand obftacle à la prédication de l'Evangile & à la converfion des Infideles. Ceux des Miffionnaires qui étoient vraiment inftruits de l'efprit du Chriftianifme, voïoient avec douleur que les Chrétiens plus injuftes que les Idolâtres faifoient blafphemer le nom de Jefus Chrift parmi ces nations infideles. Ce mal, dont nous avons eu déja occasion de parler, croiffoit toujours, parce que l'in fatiable avarice des Efpagnols leur infpiroit chaque jour de nouveaux moïens de vexer & de tourmenter en mille manieres ces pauvres peuples. Ils les dépouilloient de leurs biens, deshonoroient leurs femmes, leur ôtoient la liberté, & les faifoient expirer dans les plus cruels tourmers. Cette conduite des Elpagnols, en rendant le nom Chrétien infiniment odieux à tous les peuples de l'Amérique, rendoit en même tems inutiles tous les efforts

que pouvoient faire les Miffionnaires pour perfuader la vérité du Chriftianisme. Comment en effet des gens groffiers, plongés dans les ténebres de l'idolatrie, auroientils été frappés de la fainteté de la vraie Religion; comment auroient-ils pû fe laiffer perfuader que la loi de Jefus-Chrift n'enfeigne rien que de faint & de jufte, & qu'elle défend & condamne toute iniquité, tandis qu'ils voïoient des hommes qui fe difoient Chrétiens, être néanmoins plus déréglés, plus avares, plus injuftes, plus cruels, plus corrompus que les Païens ?

IV.

L'Evêque de Panama comprit aifément que pour annoncer l'Evangile avec fruit, il fal- Travaux &

martyre de rEvêque de

Panama.

V.

foit commencer par lever cet obftacle. Il ef-
faïa de le faire; mais ce fut toujours fans
aucun fuccès. Rien ne fut capable de mettre
des bornes à la cupidité, ni d'adoucir l'hu-
meur féroce & brutale des foldats, dont les
plus grands crimes fembloient être autorités
par les excès encore plus monftrueux des Of-
ficiers. Le Prélat retourna en Espagne, pour
éxpofer à Charles-Quint les cruautés & les
injuftices qui s'exerçoient impunément en
Amérique. Il fut quatre ans à attendre une
éponse favorable. Il l'obtint enfin mais les
Gouverneurs Elpagnols y eurent fort peu d'é-
gard, fachant qu'ils avoient en Cour de puil-
fans protecteurs. Le Prélat für transféré en
*5 38 à l'Evêché de Cufco dans le Roïaume
du Pérou. II tâcha de rappeller les Améri
cains dans leurs anciennes habitations, qu'ils
avoient tous abandonnées pour fe cacher
dans les creux des rochers & des montagnes
ou dans les forêts, parce qu'ils craignoient
encore moins la férocité des bêtes fauvages
que la tyrannie des Efpagnols. En cinq ou
fix années il convertit un affez grand nom
bre de perfonnes; après quoi il entreprit
d'aller dans l'Ile de la Puna, dans la pro-
vince de Quito. Il y conftruifit une petite
Chapelle, y dreffa un autel ; & pendant
qu'il y offroit les faints Myfteres, les Infu-
laires fe jetterent fur lui, le tuerent,
fon corps en pièces, & le mangerent. C'étoit
vers le milieu du feizième siècle.

mirent

Les Américains opprimés ne mettoient Barbarie des point de différence entre Efpagnols & ChréEspagnols à tiens; & ces deux noms qui leur paroiffoient l'égard des A- fynonimes, leur infpiroient une égale hor méricains. reur. C'étoient principalement les Départe

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