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ABRÉGÉ

DE

L'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE.

SUITE DU DIX-SEPTIEME SIECLE.

ARTICLE XXIX.

Saint François de Sales. M. Nicolas Pavillon, Evêque d'Alet. M. Nicolas de Buzanval, Evêque de Beauvais.

F

I.

RANÇOIS né en 1567 dans le
château de Sales au Diocèse de

1.

Saint Fran

Son éduca

Genève, étoit fils de François çois de Sales. Comte de Sales, & de Françoife tion. Ses étude Sionas, tous deux d'une naif- des. Sa piété fance illuftre & d'une éminente piété. Ils dans fa jeufaifoient d'abondantes aumônes aux pauvres & fur-tout aux Catholiques, qui avoient été Tome XIII.

A

neffe.

dépouillés de leurs biens par les hérétiques. François étant né à fept mois, on eut beaucoup de peine à l'élever, & l'on désespéra plus d'une fois de fa vie; mais avec le tems fon tempérament fe fortifia, & contre l'attente de tout le monde il devint grand & robufte. Dès fes premieres années on le trouva fufceptible de toutes les vertus. La Comteffe fa mere faifoit fon capital de le former à la piété, & avoit la confolation de lui voir faire des progrès qui furpaffoient fon attente. Toutes fes actions & fes difcours étoient accompagnés d'une candeur & d'une modeftie qui charmoient tout le monde. Sa charité pour les pauvres étoit dès-lors finguliere; elle alloit jufqu'à fe priver d'une partie de fa nourriture pour les affifter. On lui fit faire les premieres études à Anneci. De-là il fut envoïé à Paris pour les y continuer. Il ne connoiffoit prefque dans cette grande ville que l'Eglife & le Collége. Son pere l'aïant rappellé de Paris après fix ans d'études, l'envoïa à Padoue, où étoit alors la plus fameufe Ecole de Droit. Dieu permit qu'il y fût exposé à de grands dangers. De jeunes libertins tendirent plus d'une fois des piéges à fa chafteté; mais il en fortit heureufement par le fecours de celui en qui il mettoit toute la confiance. La crainte qu'il cut d'être attaqué de nouveau, lui fit redoubler fes prieres, fon application au travail, fes auftérités. Il en devint malade à la mort, & ne recouvra la fanté que par une espece de miracle. Après avoir achevé les études, & pris le bonnet de Docteur, il voïagea dans I'Italie par ordre de fon pere, & il reçut en quelques rencontres des marques très

fenibles d'une protection particuliere de

Dieu.

Etant retourné en Savoie, il reçut les provifions d'une charge de Senateur. Il dédara à fon pere la réfolution qu'il avoit prife de fe confacrer au fervice de Dieu dans l'état Eccléfiaftique. On vit bien - tôt que Dieu l'y avoit appellé, & qu'il n'y étoit entré que pour fervir l'Eglife aux dépens de fon repos, de fes biens, de fa vie même. Quand il eut été élevé au Sacerdoce, il parut un homme rempli de l'efprit Apoftolique, & tout brûlant de zéle pour le falut des ames. Il alloit dans les villages inftruire les pauvres de la campagne, dont la plûpart vivoient dans la plus profonde ignorance. Le Duc de Savoie, après être rentré en poffeffion du Chablais & de quelques autres païs, penfa à faire inftruire de la Religion Catholique les peuples de ces cantons, que l'héréfie avoit entierement infectés. Il en écrivit à Claude de Granier Evêque de Genève. Ce Prélat, qui ne pouvoit y aller en perfonne à caufe de fon grand âge & de fes infirmités, affembla fon Clergé & propofa cette bonne œuvre. Tout le monde fut effraïé à la vue des périls d'une telle miffion. Mais François s'offrit à l'entreprendre avec un Chanoine de fes parens. Il furmonta tous les obstacles que fa famille voulut mettre à fon zéle, & partit réfolu de fouffrir & de mourir. Etant près d'entrer dans le Chablais avec fon compagnon, il fe jetta à genoux, fit fa priere à Dieu avec beaucoup de larmes, & renvoïa les chevaux & les domeftiques. Il marcha donc à pied, un bâton à la main, n'aïant d'autre équipage qu'un fac, où étoient une

II. Il est élevé au facerdoce.

Ses travaux dans le Chablais.

III.

11 eft fait Coadjuteur de Genève. Il vient à Paris,

où il fait

bien.

Bible & un Breviaire. Il eut à effuïer des fatigues & des contradictions incroïables. On lui refufoit tout, le pain même pour de l'argent ; & les Miniftres Calviniftes apofterent plufieurs fois des gens pout l'affaffiner. Rien ne fut capable de le rebuter: & ce que fes difcours n'avoient pu faire d'abord, fa douceur, fa perfévérance, & les exemples admirables de fa vie le firent peu à peu. On vit en peu d'années dans tout le Chablais & dans la plus grande partie du Diocèfe de Genève une refurrection miraculeuse de la Religion Catholique.

L'Evêque de Genève voulut fe donner pour Coadjuteur un Prêtre fi digne de l'Epifcopat. Aïant obtenu le brevet du Duc de Savoie, il ufa de toute fon autorité pour le faire accepter à François, qui emploïoit beaucoup de toute forte de raifons pour éviter un fi redoutable fardeau. Forcé d'obéir, il fut pénétré d'une douleur qui lui ôta le fommeil, & lui caufa une dangereufe maladie. En 1602 les affaires de la Religion l'appellerent à la Cour de France. Il fit de fi grands biens à Paris, que le Cardinal du Perron difoit, qu'il n'y avoit point d'hérétique qu'il ne fût affuré de convaincre, mais que pour les convertir, il falloit les mener au Coadjuteur de Genève. Henri IV vouloit le retenir en France lui offrant une penfion & le premier Evêché vacant : mais François répondit que Dieu l'aïant appellé malgré lui à l'Evêché de Genève, il fe croioit obligé de suivre fa vocation & de le garder toute fa vie ; quant à la penfion, que le peu qu'il avoit lui fuffifoit, & qu'un plus ample revenu ne ferviroit qu'à l'embarraffer, Le Roi fachant néanmoins

que l'Evêché de Genève étoit d'un très-modique revenu, lui fit expédier le brevet d'une penfion de mille écus. François pria le Roi de trouver bon que l'argent reftât entre les mains du Tréforier de l'épargne, ajoutant qu'il le demanderoit quand il en auroit befoin. Le Roi vit bien que c'étoit un honnête refus, & dit qu'il n'avoit jamais donné de penfion dont il eût été mieux remercié.

I I.

En retournant à Anneci il apprit la mort de l'Evêque de Genève. Il alla fe renfermer trois semaines dans le château de Sales pour fe préparer à fon Sacre, qui fe fit le 3 Décembre de la même année 1602. Auffi-tôt après il exécuta fans délai le plan qu'il avoit dreffé pendant fa retraite pour fa conduite particuliere, pour le reglement de fa maifon, & le gouvernement de fon Diocèle. Il ne porta jamais d'étoffes de foie; mais il étoit vêtu de laine, & auffi fimplement qu'avant d'être Evêque. Sa maison étoit meublée fort fimplement & fans autres ornemens que quelques tableaux de devotion & fans prix. Il fouffrit à peine qu'il y eût deux chambres tapiffées, une pour les étrangers, l'autre pour recevoir les vifites. Il n'avoit point d'équipage, & alloit toujours à pied, même en faifant la vifite de fon Diocèfe, fi ce n'eft lorsque le mauvais temps l'obligeoit de monter à cheval. Sa table étoit frugale, & l'on n'y fervoit que des viandes communes, à moins qu'il ne survînt quelque perfonne de diftinction. On y lifoit l'Ecriture Sainte ou quelque Livre de piété

IV.

Il eft facré Evêque de Ge

nève. kegle

ment de fa maison.

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