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de l'Apologie des Cafuiftes qui venoit d'être condamnée par un grand nombre d'Evêques, Mais il avoit été fait avec trop de précipitation & d'une maniere trop imparfaite, pour être donné au Public tel qu'il étoit forti des mains de l'Auteur. Vers l'an 1686, on le remit entre les mains de M. Arnauld, fuivant le défir de l'illuftre Prélat, qui avoit demandé que fon Ouvrage fût donné à exa, miner à ce célebre Docteur. M. Arnauld après s'être défendu affez long-tems d'y toucher, y fit beaucoup de corrections, coinme on le voit par plufieurs Lettres du s volume. D'autres perfonnes ont encore retouché depuis cer Ouvrage, & c'eft après avoir été ainfi remanié plufieurs fois, qu'il fut imprimé en 1709.

V.

XXVIII.

Henri Litolphi-Maroni, Evêque de Bazas, étoit de la famille des Marquis de Su- M. Litolphi zarre Litolphi-Maroni, originaire de Man- Maroni, Evêque de Bazas. toue, & l'une des plus illuftres d'Italie. Son ses commenpere vint en France fous le Regne d'Henri cemens. III, à qui il amena une compagnie de Gendarmes de la part du Duc de Mantoue, pour Je fervir dans les guerres qui défoloient fon Roïaume. Il lui montra tant de zéle & de fidélité dans un tems où les propres Sujets violoient l'un & l'autre, qu'il eut beaucoup de part à fes bonnes graces. Cette attention du Prince arrêta le Marquis de Suzarre en France. Il s'y maria à une Demoiselle qui defcendoit de la noble famille des Walles d'Angleterre. Il fut Ecuïer ordinaire de la petite écu rie, & Gouverneur des villes de Conches & de Breteuil en Normandie. Henri IV ayang

XXIX.

11 eft fait Evêque.Sa con

duite dans l'Epifcopat. Il fe met fous la conduite de M. Sin glin.

été affermi fur le trône de France, le fit fon Maître-d'hôtel ordinaire; & à la naissance du Dauphin, il le fit premier Maître-d'hôtel de ce jeune Prince. Henri Litolphi-Maroni donna, dès fa première jeuneffe, des marques de fa vertu & de fa vocation au facré Miniftere. Lorfqu'il étoit encore dans les écoles, fon pere voulant découvrir quelle étoit fon inclination, lui envoya un bréviaire & une épée, lui laiffant la liberté de choifir. Le jeune Litolphi, ne voulant rien faire avec précipitation, demanda trois jours pour le déterminer, & il les emploïa à prier Dieu qu'il lui fit connoître fa volonté. On a fçû de lui-même que, pendant trois nuits confécutives, il lui fembla que des Prêtres revêtus de blanc le prenoient dans la nef de l'églife & le portoient fur l'autel. Quelque impreffion que fit fur fon efprit ce fonge, qu'il regarda comme mystérieux, il fe crut obligé de confulter un oracle moins équivoque, c'est-à-dire, fon directeur, qui acheva de le déterminer à l'état eccléfiaftique.

Son pere le fit aumônier du Roi; ce qui l'obligea de paffer quelques années à la Cour, où la vertu parut avec tant d'éclat, que le Roi Louis XIII le nomma à l'Evêché de Ba

zas, fans y être follicité de perfonne. Auffitôt qu'il en eut pris poffeffion, il édifia son peuple par les prédications & par fon exemple. Son zéle ne lui permettoit pas de prendre le moindre repos, & la fin d'un travail étoit le commencement d'un autre. Sa charité lui fit prendre la réfolution de s'appli quer à inftruire les pauvres, & à faire des miffions dans les lieux négligés prefque de tout temps. Il avoit une intrépidité vraiment

Epifcopale, pour s'oppofer aux entreprises des Grands. C'eft ce qu'il montra dans une Affemblée du Clergé tenue à Mante en 1640, où il prit généreufement la défenfe d'un Evêque opprimé par le Cardinal de Richelieu. Peu de tems après il fut touché à la lecture du Livre de la Fréquente Communion de M. Arnauld, & conçut un defir ardent de pratiquer les vérités qu'il venoit d'y apprendre. Il fongea à fe mettre fous la conduite de M. Singlin, qui prêchoit fouvent à Port-Roïal. Il fe préfenta & s'ouvrit à lui. Mais M. Singlin refusa d'abord de diriger la conscience d'un Evêque, & même voyant que M. de Bazas ne cessoit de le venir folliciter, il prit le parti de ne point répondre, quand il favoit que ce Prélat venoit le demander. Mais la perféverance de l'Evêque l'emporta fur l'hu-. milité du Directeur. M. de Bazas dit un jour qu'il ne fortiroit point, qu'il n'eût parlé à celui qu'il demandoit. M. Singlin fut donc obligé de fe montrer ; & d'abord, pour l'éprouver, il lui dit qu'il n'avoit peut-être pas prévu que le premier confeil qu'on lui donneroit, pourroit être de quitter Abbaïe & Evêché. L'Evêque ne répondit rien; mais il revint le lendemain, tenant en main deux actes de démission en bonne forme, l'un pour fon Evêché, l'autre pour fon Abbaïe de S. Nicolas aux Bois, Diocèfe de Laon. Il les remit à M. Singlin avec un plein pouvoir d'en faire tel ufage qu'il voudroit.

XXX. Renouvelle

ment de fer

Le Prélat voulant fe confacrer à la pénitence, fe retira dans la folitude de PortRoïal des Champs. Il étoit le premier à l'office de l'Eglife & à tous les exercices de pié- le dans le Prété. Il animoit à la pénitence les habitans de lat.

veur & de ze

XXXI.

Ses travaux. Sa mort.

ce faint défert, qui en étoient eux-mêmes des modéles. La priere & les faintes lectures faifoient les délices. Mais quelque douceur qu'il goutât dans cette nouvelle voie, on l'obligea de reprendre les travaux apoftoliques, & il emmena avec lui à Bazas M. Manguelein Docteur de Sorbonne, Chanoine de Beauvais, qui venoit de quitter fon bénéfice pour vivre dans une entiere retraite. M. Litolphi, de retour dans fon Diocèse, établit dans fa maison de campagne un Séminaire pour y retirer les jeunes gens deftinés à la Cléricature: c'eft un des premiers Séminaires établis en France. M. Valon de Beaupuis fort jeune alors, eut part à cet établissement. M. de Bazas voulant le rendre folide & durable, rendit au commencement de 164 une Ordonnance, où il en fait voir, avec beau coup de lumière & d'onction, la néceffité & les avantages. Elle a été imprimée chez Vitré In-4°, & fe trouve auffi jointe à la traduc tion des Livres du Sacerdoce de S. Chryfoftome. C'étoit M. le Maitre qui avoit fair cette traduction, à la priere de M. de Bazas.

Pour avoir plus de moïens de fecourir ceux qui avoient befoin de fon affiftance, il retrancha tout ce qui n'étoit pas abfolument néceffaire: il quitta même fa Maison Epifcopale, fe mit en penfion chez fon GrandVicaire, & ne garda qu'un feul domestique, Quand il alloit à fa maison de campagne où étoit fon Séminaire, il y mangeoit au ré fectoire avec les Séminariftes. Les Curés & les autres Eccléfiaftiques y venoient faire des retraites, dont on a vû des effets merveil. leux. Tous y étoient reçus gratuitement. On y voïoit même venir des Religieux pour s'y

renouveller fous la conduite de M. Manguelein, qui en étoit fupérieur. Un Carme Déchauffé entr'autres avouoit depuis, qu'avec toutes les austérités de fon ordre, il n'avoit commencé à connoître la véritable piété, que depuis le féjour qu'il avoit fait au Séminaire de M. de Bazas. Le faint Evêque arrivant à Toulouse le 9 de Mai 1645, pour le rendre à l'Affemblée du Clergé qui devoit bientôt fe tenir à Paris, il fe fentit tout épuifé, tant du jeûne du carême, que des prédications où il s'étoit trouvé engagé, & d'un voiage qu'il avoit entrepris par ordre du Clergé & pour les affaires de l'Eglife. Jugeant lui-même que la mort étoit proche, il fit prier le Pere Reginald Dominicain de le venir voir. Dès qu'il le vit, il lui dic ces pa roles de S. Paul; Ego jam delivor & tempus refolutionis mea inftat. Je fuis fur le point de faire mon facrifice, & le tems de ma mort approche. Il reçut les derniers Sacremens, & mourut le 22 du même mois de Mai. Le 24 Novembre de la même année 1645, M. Godeau prononça fon Oraifon funebre à Paris dans l'églife des Grands Auguftins; & cette piéce fut imprimée l'année fuivante par ordre de l'Affemblée générale du Clergé de France, à qui elle est dédiée.

M. de Bazas avoit toujours montré beaucoup de zéle contre les relâchemens des Cafuiftes. Il avoit aufli réformé son Abbaïe de S. Nicolas. M. le Maitre rapporte une anecdore affez finguliere de ce faint Prélat. Lorfqu'il étoit à Port-Royal des Champs, après la mort de M. de S. Cyran en 1643, il dit aux Solitaires, qu'un grand homme de Dieu lui avoit dit qu'il s'éleveroit une violente

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