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sérieuses à la loi du 31 mai. Je repousse donc, dit l'orateur, le projet qui ne se borne pas à modifier, à corriger notre loi, mais qui tend à l'abroger purement et simplement. Plein d'une respectueuse reconnaissance pour les services immenses que le Président de la République a rendus depuis trois ans à la cause de l'ordre, pour ceux qu'il lui rend chaque jour encore, je ne me crois pas obligé de le suivre dans les erreurs de son jugement. Mais je me crois encore moins obligé de l'imiter. Je ne veux pas répondre à sa faute par d'autres fautes. Après avoir repoussé sa proposition, je ne m'associerai à aucune des mesures qui auraient le caractère de représailles, qui alarmeraient le pays déjà trop inquiet, et qui retourneraient contre l'Assemblée l'opinion qui s'est prononcée en sa faveur.

Le 13 novembre, 353 voix contre 347 décidèrent qu'il n'y avait pas lieu de passer à une seconde lecture.

PROPOSITION DES QUESTEURS

RELATIVE A LA DÉFENSE DE L'ASSEMBLÉE.

Le 17 novembre 1851, l'Assemblée discuta la proposition des questeurs (MM. le général Le Flo, Baze et de Panat), relative à l'exercice du droit qu'avait l'Assemblée, en vertu de l'article 32 de la Constitution, de disposer des forces militaires établies pour sa sûreté.

Cette proposition, amendée par la commission dont M. Vitet était rapporteur, et vivement combattue par le général de Saint-Arnaud, ministre de la guerre, au nom de la discipline militaire et de l'unité du commandement, prescrivait de faire afficher dans toutes les casernes un décret du 11 mai 1848, qui attribuait au Président de l'Assemblée le droit de requérir directement la force armée et tous les officiers, commandants ou fonctionnaires, à l'effet de veiller à la sûreté de l'Assemblée.

M. de Montalembert, de concert avec M. le duc de Broglie et M. Daru, proposa un ordre du jour ainsi conçu :

« Attendu que les articles 32 et 68 de la Constitution confient à l'Assem<< blée tous les droits et tous les pouvoirs nécessaires à sa sûreté, l'Assem« blée ne prend pas en considération la proposition. »

Cet amendement ne put être ni développé ni discuté dans cette séance orageuse qui se termina par le rejet de la proposition des questeurs à la majorité de 408 voix contre 300.

RESPONSABILITÉ DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET DES AGENTS DU POUVOIR EXÉCUTIF.

22 novembre 1851.

Peu de jours après le vote de l'Assemblée sur la proposition des questeurs, le conseil d'État renvoya à l'Assemblée le projet de loi organique sur la responsabilité du Président de la République et des agents du pouvoir exécutif. M. Pradié y avait présenté un amendement tendant à ce que les ministres et tous les agents de l'autorité publique pussent être accusés comme auteurs ou complices du crime de haute trahison, s'ils mettaient obstacle au droit de l'Assemblée, déterminé par l'article 32 de la Constitution, qui l'autorisait à fixer l'importance des forces militaires établies pour sa sûreté, et à en disposer.

M. de Montalembert combattit dans le dixième bureau l'opportunité du projet. Voici le résumé de son opinion:

M. de Montalembert dit qu'il ne peut partager l'opinion qui donne un caractère essentiellement pacifique et purement administratif au projet du conseil d'État; ce corps n'est pas à l'abri des passions politiques; ce qui vient de se passer à l'occasion du projet dont l'Assemblée est saisie prouve trop clairement que la détestable organisation du conseil d'État le soumet à l'action des partis politiques, et c'est une des raisons qui militent, entre tant d'autres, pour la révision de la Constitution.

Depuis vingt-neuf mois, dit l'orateur, le projet de loi sur la responsabilité des agents de l'autorité dormait en paix au conseil d'État, et voici qu'au milieu de la crise douloureuse. et dangereuse que nous traversons, on vient le lancer dans

nos délibérations, comme un brandon de discorde, pour alimenter nos dissensions, sous prétexte de trancher la question la plus douteuse et la moins pressée de notre législation. C'est une mauvaise action politique je ne crains pas de le dire en réponse au brevet d'innocence délivré à ce corps. A mes yeux, la présentation du projet n'est qu'un épisode de la guerre qui a éclaté depuis un an entre les deux pouvoirs; elle est une suite de la proposition des questeurs. L'empressement qu'on met à le discuter a pour motif le désir de prendre une revanche du vote récent sur cette proposition. Or, je suis convaincu que la durée de cette lutte entre les deux pouvoirs, que la campagne entreprise et poursuivie contre le pouvoir exécutif, est odieuse au pays, odieuse à tous les gens tranquilles, à tous les bons citoyens, et particulièrement périlleuse pour la dignité et la force de l'Assemblée.

Tous les commissaires nommés étaient favorables au projet que le coup d'État empêcha de voter.

COUP D'ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE.

Le 2 décembre 1854, à la suite de la dissolution de l'Assemblée par les ordres du Président de la République, M. de Montalembert rédigea et signa, avec M. Léon Faucher et soixante-trois autres représentants faisant partie de la réunion dite des Pyramides, la protestation suivante, dont l'original fut déposé le surlendemain entre les mains de M. Dupin, président de l'Assemblée.

Dans l'impossibilité de se réunir au palais de l'Assemblée, les soussignés << représentants du peuple à l'Assemblée législative déclarent protester contre << la dissolution de l'Assemblée nationale et sa dispersion par la violence. »

M. de Montalembert fut nommé à son insu membre de la commission consultative créée par décret du 2 décembre. Il déclara qu'il ne pouvait accepter ces fonctions en présence de la détention d'un grand nombre de ses collègues. Il ne consentit à faire partie de la commission qu'après la mise en liberté des représentants qui avaient été arrêtés à la mairie du dixième arrondissement.

On sait que cette commission ne fut consultée sur rien, et ne se réunit que pour vérifier les chiffres du scrutin sur le plébiscite du 20 décembre.

Le 22 janvier 1852 parurent les décrets par lesquels le Président de la République confisquait le patrimoine des princes de la maison d'Orléans. M. de Montalembert adressa aussitôt au ministre d'État. M. de Casabianca, la lettre suivante, qu'aucun journal français n'eut la permission de reproduire :

Monsieur le ministre,

Paris, 23 janvier 1852.

En présence des décrets qui ont paru ce matin, je remplis un devoir impérieux en vous priant de vouloir bien faire agréer au Président de la République ma démission des fonctions de membre de la commission créée le 2 décembre dernier.

Bien que cette commission n'ait été consultée sur aucun des actes du pouvoir, il n'en existe pas moins, aux yeux du

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