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nisme, nous sont aussi chères qu'à tout autre Français; mais elles n'ont pas été, comme la liberté, victimes des plus amères déceptions. On peut affirmer sans crainte qu'elles ne courent en ce moment aucun danger.

Depuis soixante ans le mot de liberté figure dans nos constitutions. Il est plus que temps de faire entrer la chose dans nos lois, dans nos mœurs, dans nos cœurs, et de lui imprimer l'irréfragable sanction de la souveraineté nationale exercée dans toute sa plénitude.

Cette liberté, nous la voulons franche, sincère, complète et absolue.

La révolution qui vient de s'effectuer serait la plus honteuse et la plus criminelle des déceptions si elle ne donnait à la France toutes les libertés que nous avons si longtemps et si vainement réclamées.

Jurons donc de n'accorder nos suffrages qu'aux hommes qui nous garantiront toutes les libertés du chrétien et du citoyen :

Liberté de conscience et des cultes.

Liberté de la science et de la pensée.

Liberté de la presse et de la parole.

Liberté du domicile et du foyer domestique.
Liberté d'éducation et d'enseignement.

Liberté du travail et de l'industrie.

Liberté de l'individu et de la propriété.

Liberté d'association et de réunion.

Liberté en tout et pour tous.

Ce sera là, et là seulement, que la société trouvera son port, l'Église sa sauvegarde, la France son honneur et son salut.

CHARLES DE MONTALEMBERT,

Président du comité;

H. DE VATIMESNIL,
Vice-Président du comité;

HENRI DE RIANCEY,

Secrétaire du comité.

DEUXIÈME

CIRCULAIRE DU COMITÉ ÉLECTORAL

DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

Peu de jours après la circulaire précédente, le Comité électoral de la liberté religieuse en publia une seconde à l'occasion des instructions envoyées par le ministre de l'intérieur, M. Ledru-Rollin, aux commissaires du Gouvernement dans les départements, pour leur tracer leur rôle dans les élections :

Paris, ce 15 mars 1848.

MONSIEUR,

Une répulsion calme, mais unanime, a fait justice du langage étrange que M. le ministre de l'intérieur a cru devoir tenir relativement aux élections dans sa dernière circulaire aux commissaires du Gouvernement. Tout le monde a compris que la dernière révolution ne pouvait pas aboutir à une dictature, et à une dictature qui, appliquée aux élections, pèserait dès son début sur l'acte le plus solennel de la souveraineté nationale.

Le Gouvernement provisoire paraît aujourd'hui vouloir rentrer dans la ligne qui lui a inspiré ses actes les plus mémorables. Les bons citoyens puiseront dans ces alternatives un nouveau motif d'accomplir leur devoir électoral avec un redoublement de zèle et d'ardeur. Ils en appelleront, comme nous, à cette Assemblée Nationale qu'ils vont créer, à cette assemblée qui aura pour mission de terminer l'œuvre commencée en 1789; d'asseoir définitivement, s'il se peut, la France sur ses bases naturelles; de lui donner cette sincérité dans les institutions qui lui a trop manqué jusqu'à présent, avec cette unité morale que la liberté seule, la liberté vraie, peut rendre féconde et immortelle.

Cette assemblée ne devra pas seulement consolider les

conquêtes du passé, il faut encore qu'elle fonde pour l'avenir une République régulière, pacifique et durable; et, pour cela, il faut qu'elle établisse l'inviolable liberté du bien à côté de la liberté inévitable du mal, et qu'elle rende désormais impossibles ces attentats contre la conscience, contre le foyer domestique, contre la liberté de la prière et de la charité, qui viennent d'être commis à Lyon et ailleurs, au nom d'une législation empruntée à toutes les tyrannies que la France a tour à tour rejetées.

Que tout homme qui a une conscience et une foi s'occupe donc sans relâche de travailler activement et promptement à l'élection de cette assemblée.

Nous l'avons déjà dit et nous le répéterons encore : le temps est aujourd'hui la force la plus précieuse et celle qui nous manque le plus. Il ne faut pas perdre un moment. Nous sommes en présence d'un double devoir. Il ne s'agit pas seulement de voter aux élections le 9 avril prochain. Il faut encore et surtout s'inscrire sur la liste électorale avant le 26 mars, terme de rigueur.

Nul ne pourra voter sans avoir été inscrit. Nul ne peut compter qu'il sera inscrit s'il ne se donne pas lui-même la peine de veiller à son inscription. De grandes facilités sont données par les instructions du Gouvernement pour opérer cette inscription. Toutes les formalités inutiles ont été écartées. Aucune pièce ne doit être produite, sauf l'extrait de naissance, qui sera délivré gratuitement. Encore cet acte n'est-il indipensable qu'à défaut d'autres pièces ou renseignements qui établiraient l'âge de 21 ans d'une manière suffisante.

La liste est ouverte dans chaque municipalité. Les réclamations sont jugées par le maire de chaque commune, et en appel par le conseil municipal du chef-lieu de canton. Il est à regretter que le Gouvernement ait refusé aux tiers le droit de faire inscrire les citoyens, droit dont ils étaient déjà investis sous le régime de l'électorat privilégié, et qui serait bien plus nécessaire sous le régime du suffrage universel. C'est un motif de plus pour éclairer les citoyens sur l'urgence de cette

formalité, dont l'omission brise entre leurs mains l'exercice de leur souveraineté.

Après l'inscription des électeurs, c'est-à-dire de tout le monde, l'organisation des comités de canton, d'arrondissement et de département, est la première nécessité du moment. Nous joignons à cette circulaire une instruction spéciale sur les fonctions de ces divers comités. Elle sera imprimée et distribuée à tous ceux qui la feront demander.

On comprend que la plus importante de ces fonctions consiste dans la discussion des candidatures. C'est ici que les amis anciens et éprouvés de la liberté civile et religieuse ont le droit et le devoir de démontrer la sincérité de leurs convictions et la pureté de leurs vues. Point d'ostracisme; point d'exclusion; point de récriminations; point de réactions; mais aussi point d'arrière-pensées en faveur d'un passé quelconque! Ce doit être là notre devise, en réponse à ceux qui font de l'intimidation et de l'exclusion le programme de leur politique. Que la France entière soit représentée à l'Assemblée constituante telle qu'elle est. Cherchons nos candidats parmi les honnêtes gens et les esprits libéraux de toutes les classes, de toutes les professions, de toutes les opinions et de toutes les religions. Cela doit nous être d'autant plus facile que nous n'avons pas attendu jusqu'à ce jour pour le dire et le faire. Cette attitude n'est pas chez nous un hommage au soleil levant. Nous le disions hier, nous le répétons aujourd'hui, et, dussions-nous être encore méconnus et opprimés, nous le dirons demain et toujours: Il n'y a de salut pour la France que dans l'intelligence complète et l'application sincère de la liberté. On n'est pas digne de la représenter lorsqu'on ne sait pas puiser dans la rectitude de sa propre conscience le respect de la conscience d'autrui.

CH. DE MONTALEMBERT,

Président du comité;

H. DE VATIMESNIL,
Vice-Président du comité ;
HENRY DE RIANCEY,

Secrétaire du comité.

BREF DU PAPE

(16 mars 1848.)

M. de Montalembert avait adressé au souverain pontife ses discours sur les affaires de Suisse et d'Italie 1. Il en reçut à la fin du mois de mars la réponse suivante :

Pie IX, Pape.

« Cher fils, salut et bénédiction apostolique. Pendant que «nous nous disposions à vous exprimer notre satisfaction de <«<l'hommage par lequel vous avez voulu témoigner votre « dévotion à ce Siége Apostolique, des événements considé«rables et imprévus ont changé la face de la France. Nous << remercions vivement le Seigneur, dans l'humilité de notre «< cœur, de ce que dans ce grand changement aucune injure « n'ait été faite à la religion ou à ses ministres. Nous nous complaisons dans la pensée que cette modération est due «<en partie à votre éloquence et à celle des autres orateurs catholiques qui ont rendu notre nom cher à ce peuple « généreux. Étranger par la grâce de Dieu et l'élévation de « notre ministère à toute ambition humaine, cette popularité « ne peut être une consolation pour nous que quand nos « actes enfantent l'amour et la vénération de notre très-sainte « religion, dont le triomphe est l'unique vœu de notre cœur. 'Voir au tome II, pages 650 et 674.

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