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SA 1175.69

HARVARD UNIVERSITY LIBRARY

AVERTISSEMENT.

J'AI visité les colonies Françaises Espagnoles et Anglaises. -- Affligé des cruautés qu'on exerce sur mes semblables, je m'étais promis de déchirer le voile tissu par la cupidité. -- L'ouvrage que je donne, fini au commencement de 1790, fut présenté à cette époque à un député des colonies; invité à le lui laisser pour y faire des changemens que la vérité et la justice ne permettaient pas, je le communiquai à des hommes éclairés et vertueux, qui approuvèrent l'ouvrage. -- Déjà il était livré à un imprimeur lorsque parut le décret de mars sur les colonies. A cette époque le colon partial tenait pour infâme tous ceux qui écrivaient pour les nègres, la prudence me fit retirer mon ouvrage ; je voulu laisser calmer les esprirs. Une malheureuse expé

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rience a déjà prouvé la nécessité de s'occuper du sort des esclaves.

Aujourd'hui qu'il est essentiel que les nouveaux législateurs soient entièrement instruits sur le régime colonial, je me décide à faire paraître mon ouvrage, tel que je l'avais rédigé. s'il ne renfermoit des faits, des résultats, des moyens, un plan que je n'ai vu nulle part, je me serais borné à faire des vœux pour la régénération de l'espèce

humaine.

Je joins à cet ouvrage un supplément qui m'a paru essentiel dans un moment où les colonies sont dans un danger éminent.

J'ose espérer que le lecteur impartial ne verra en moi qu'un homme qui a desiré être utile à ses semblables et à sa patrie.

RÉGÉNÉRATION

DES COLONIES.

C'EST

EST un spectacle bien horrible et bien. affligeant, pour toute ame juste et sensible, que celui de la traite et de l'esclavage des Africains. Jouets, depuis trois siècles, de la cupidité des Européens, on les a entassé par millions dans une terre arrosée de leur sueur, de leurs larmes et de leur sang.

Vainement a-t-on réclamé les précieux droits de l'humanité, l'avarice a triomphé. Mais bientôt ces tems d'horreurs et de calamités ne seront plus.... Le tocsin de la liberté rétentit de tou-. tes parts.... La vérité déchire le voile épaissi par l'ignorance, et tissu par la cruauté.... La raison enfin, plane au-dessus des mortels.

Depuis que la philosophie a sappé les préjugés, terrassé la superstition; depuis que des sociétés respectables se sont formées dans les deux hémisphères, pour venir au secours des opprimés, on a enfin porté un œil de com

passion sur les malheureux nègres. Vaine pitié que celle qui n'est succédée d'aucun effet! Loin de diminuer les souffrances elle ne fait que les agraver, en rappellant au souvenir ce qui ne peut lui échapper que par l'extinction momentanée du sentiment, sentiment qui s'enflame à la moindre lueur des rayons du bonheur.

Sans doute qu'il est bon de s'occuper à adoucir le sort des infortunés noirs; mais il serait encore mieux de donner des moyens pour extirper à jamais le hideux esclavage.

Il serait absurde, disent tous les Colons irréfléchis et cruels, que l'on puisse proposer une seule mesure conservatrice des colonies, lesquelles, suivant eux, ne peuvent subsister sans esclaves.

Ceux qui ne consultent que la sensibilité de leur coeur, et qui, faute d'expérience locale ne peuvent prévoir des suites dangereuses, réclament pour les noirs une liberté entière sans restriction. C'est ainsi que l'on donne dans les

extrêmes.

Quant à moi, mon systême est d'abolir immédiatement la traite, et de détruire graduellement l'esclavage, en conciliant l'intérêt des

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