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SUPPLÉMENT

Contenant des moyens pour rétablir promp tement l'ordre dans les Colonies Françaises.

LA déclaration des droits de l'homme est un monument éternel qui servira de charte au genre-humain; et tout homme juste devrait Favoir gravée dans le cœur. Mais malheureusement il est des êtres égoïstés pour qui le moi est tout et les nations rien.

Cette maxime criminelle doit s'adapter particulièrement à ces colons qui n'ont vu dans la révolution française que leur bonheur seul, fondé sur l'oppression et la tyrannie qu'ils ont cru exercer impunément et perpétuellement sur des hommes, dont le salut est pareillement attaché à la régénération des français. L'apperçu que je vais donner sur les colonies convaincra le lecteur de cette vérité.

Aussi-tôt que le cri de liberté eût rétenti dans le nouvel hémisphère; qu'on y eût appris le. renversement de la bastille, la fuite, la terreur

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des ennemis du bien public, la mort de quelques tyrans, dont les têtes ont été proscrites et abattues par le peuple; en un mot, tous les grands traits qui ont caractérisé la révolution française; les insulaires, entousiasmés, brûlant de prendre part à cet événement mémorable, arborèrent aussi-tôt la cocarde tricolore; détruisirent l'ancien gouvernement; établirent le nouveau; firent des fêtes civiques et on se crût heureux.

Mais dans les colonies, comme en France, tous les esprits engoués, agissant sans réflexion, ne prévirent point les privations qu'exige le bien public, les maux inévitables qu'entraîne une révolution. D'abord on fût presque tous d'accords, on semblait n'avoir qu'une même âme; c'était un peuple de frères, unis pour le même bien, la liberté. Mais bien-tôt l'orgueil, l'intérêt vinrent porter la discorde les opinions se heurtèrent, chacun fit consister la liberté dans son bonheur individuel, et on porta des atteintes au bien commun.

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Les colons blancs crurent devoir se donner des lois eux-mêmes, sans y faire participer les gens de couleur libres. Ceux-ci voulurent partager ce droit sans penser aux esclaves. Les esclaves eux-mêmes, frappés des insurrections indis

crettés qu'on fesait en leur présence, crurent trouver dans la révolution leur liberté (1).

De la division, de l'agitation, de la fermentation des esprits est né des troubles et des malheurs.

Si l'assemblée constituante se fût pressée de fixer l'état des personnes dans les colonies; de leur donner des lois sages et claires, telles que les circonstances et les localités l'exigeaient, et qu'elle les eût faites exécuter ponctuellement et promptement, elle aurait évité tous les désastres qui ont désolé et désolent encore ces riches contrées : cette vérité va se vérifier par un simple exposé des lois relatives à l'état politique des colons.

Le décret du 8 mars 1790, portant que. tous les contribuables étaient citoyens actifs, les gens de couleur contribuables crurent exercer comme les blancs leur droit de citoyen. Mais les blancs ayant soutenu qu'on n'avait rien

(1) Cependant là comme ici, il en est qui ont vù dans ce nouvel ordre de chose, la portion de bonheur que chacun doit espérer dans l'état où les circonstances nous placent, c'est-à-dire la justice et la protection que tous les individus ont droit d'attendre du gouvernement.

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Stué sur l'état des personnes, l'assemblée rendit le 12 octobre un second décret, dans le considérant duquel il est dit qu'elle a déja annoncé sa ferme volonté de ne rien statuer sur l'état des hommes des colonies.

Cette dernière phrase ne devait sans doute s'adapter qu'aux hommes non libres et non aux hommes libres; c'est ce que fîrent entendre tous les défenseurs de l'humanité. Mais les par tisans des colons blancs, c'est-à-dire des planteurs orgueilleux persistèrent dans leurs prétentions, que les gens de couleur n'avaient pas acquis le droit de citoyen.

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Cependant l'assemblée nationale touchée du tableau déchirant des malheurs des gens de couleur, tableau fait à la barre par l'un d'eux, M. Raimond, lequel dans un discours énergi-que, clair et précis, confondit ceux qui avaient soutenu que cette classe d'hommes, n'ayant aucune aptitude pour les sciences, ne pouvait se représenter elle-même. Ayant ainsi levé le voile de l'imposture et réduit ses adversaires. au silence, l'asssemblee rendit, le 15 mai 1791, un décret qui accorde la qualité de citoyen á tous les hommes nés de pères et mères libres.

Quoique ce décret bien formel fût une modi

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fication de celui du 8 mars, les gens de couleur restèrent dans le silence, espérant une justice entière du tems. Mais vint enfin le décret du 23 septembre qui porte, que les lois concernant l'état des personnes non libres et l'état politique des hommss de couleur et nègres libres seront faites par les assemblées coloniales, et portées à la sanetion du roi sans qu'aucun décret antérieur puisse porter obstacle au plein exercice du droit conféré par le dit article aux assemblées coloniales.

Tels sont les décrets rendus sur l'état des personnes, décrets tantôt confus, tantôt clairs; décrets incohérents, contradictoires; inconttitutionnels et attentatoires au droit du pouvoir législatif et au droit politique des hommes.

C'est en vain que les Pétion, les Grégoire, les Robespierre, les Roederer, les Bouchotte, les Prieur, et autres membres de l'assemblée constituante, dont les noms seuls font l'éloge, ont réclamé, persisté contre les partisans de l'inégalité des droits. C'est en vain. que les Brissot (1), les Claviere (2) et autres amis de

(1) V. les nombreux écrits de ce patriote. Par-tout ily porte la sagesse, la lumière et la conviction.

(2) V. l'adresse importante de la société des amis

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