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• Monsieur le président,

De douloureuses préoccupations de famille ne me permettent plus de prendre part aux travaux de l'Assemblée nationale.

« J'ai l'honneur de vous adresser ma démission.

« Veuillez, monsieur le président, agréer l'assurance de tout mon respect.

« H. SIMON LEBRUN,
« représentant du Cher. »

M. le général Deligny m'écrit également une lettre ainsi conçue :

Münster, le 13 mars 1871.

« Monsieur le président,

J'ai l'honneur de vous informer que je donne, par cette présente déclaration, ma démission de représentant à l'Assemblée nationale pour le département d'Indre-et-Loire.

«Veuillez agréer, monsieur le président, l'expression de ma respectueuse considération. «Général DELIGNY. »

Ces démissions seront transmises à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bamberger, député de la Moselle, écrit au président, å la date du 21 mars 1871 :

« Versailles, 21 mars 1871.

« Monsieur le président,

« L'Assemblée nationale, dans la séance du 11 mars, a déclaré que les députés des départements cédés à la Prusse continueraient à être considérés comme les représentants de la France.

J'ai l'honneur de vous annoncer qu'à raison de cette manifestation, je crois devoir reprendre ma place.

• Cette conduite m'est d'ailleurs imposée par les événements actuels: je croirais déserter une cause sacrée en n'offrant pas à mes collègues mon faible mais dévoué concours. (Très-bien! très-bien !)

Recevez, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les plus distingués,

• BAMBERGER, député de la Moselle. » Mention de cette lettre sera faite au procèsverbal.

M. le général Trochu a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le texte de la propo

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Cette proposition sera renvoyée à la commission d'initiative parlementaire.

De divers côtés. L'urgence! l'urgence! M. le président. L'urgence étant demandée, je la mets aux voix.

(L'Assemblée, consultée, déclare l'urgence sur la proposition du général Trochu.)

M. le président. La proposition será renvovée demain à l'examen des bureaux.

M. Gaslonde a la parole pour le dépôt d'une proposition.

M. Gaslonde. Proposition relative à la convocation immédiate des conseils généraux:

« Art. 1er.- Le décret de la délégation de Bordeaux, portant dissolution des conseils généraux, est rapporté.» (Mouvement à gauche.) Plusieurs voix. On va faire une loi pour les réélire.

M. Gaslonde. Est-ce que nous avons le temps, alors que les minutes sont des siècles de procéder à l'élection de nouveaux conseillers généraux? (Assentiment à droite.)

Veuillez, au surplus, me laisser continuer.

« Art. 2.- Les conseils généraux se réuniront immédiatement au chef-lieu de leurs départements pour délibérer, de concert avec les préfets, sur les moyens les plus propres à assurer le respect des lois et l'obéissance aux décrets de l'Assemblée nationale et aux ordres du Gouvernement institué par l'Assemblée.

« Art. 3. Les conseils généraux sont autorisés à nommer, avant de se séparer, des commissions composées de trois de leurs membres au moins et de sept au plus, qui, jusqu'au complet rétablissement de l'ordre dans toute li France, prêteraient aux préfets l'assistance de leurs conseils et le concours de leur autorité morale dans toutes les mesures commandées par les événements. »

Je demande l'urgence pour cette proposition. Voix nombreuses à droite. Appuyé! appuyé! M. Ducoux. L'empire est rétabli. (Réclamations sur un grand nombre de bancs.)

M. Villain. Jo demande la parole. M. le marquis d'Andelarre. Je demande la parole.

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Je la demande également.

M. le président. M. Villain a la parole sur la question d'urgence.

M. Villain. J'ai eu l'honneur de demander la parole contre la proposition d'urgence, parce que je crois que ce n'est pas dans le moment

onous allons nous occuper d'une loi qui va comprendre tout à la fois les élections communales et départementales...

M. de Barante. En attendant!

M. Villain. ..... c'est-à-dire l'organisation tout entière de la commune et du département, que nous devons procéder à la réinstallation des conseils généraux.

A gauche. Très-bien!

M. Villain, Je ne sache pas qu'après le coup d'Etat du 2 décembre, qui a jete dehors les conseils généraux, et j'étais alors du conseil général de l'Aisne, il ait été fait de proposition semblable. Eh bien, aujourd'hui, ayons le courage d'attendre encore quelques jours, puisqu'on n'a pas eu celui de protester, à l'époque que je viens de rappeler, contre la mesure prise par une main criminelle, qui chassait les conseils généraux issus du suffrage universel librement consulté.

Je repousse donc l'urgence de toutes mes forces. (Approbation à gauche.)

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. J'ai demandé la parole, monsieur le président. M. le président. M. le ministre de l'intérieur a la parole.

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Messieurs, toutes les questions qui se présentent, en ce moment, à l'Assemblée, ont le caractère d'urgence. Aussi, pas plus qu'hier, je ne soulèverai aujourd'hui ce que j'appelle une question parlementaire, en venant contester l'urgence qu'il peut y avoir à examiner la proposition qui vient d'être faite.

Seulement, je désire que l'Assemblée ne se prononce pas sans savoir deux choses: la première, c'est que les dépêches que nous recevons des départements nous apprennent que, tous, administrateurs, fonctionnaires de tous ordres et représentants des départements, adhèrent à l'Assemblée nationale... (Mouvement.)

Un membre. Le mot « adhèrent » n'est pas assez fort.

M. Gavini. Ils réprouvent les événements de Paris.

M. le ministre de l'intérieur... qu'ils réprouvent les événements de Paris, que plusieurs nous offrent même, spontanément, un concours armé... (Très-bien! très-bien!), et que, l'Assemblée l'apprendra avec satisfaction, sur aucun point du territoire, l'ordre n'a été troublé. (Mouvement de vive satisfaction.)

Cette situation dictera, sans doute, à l'Assemblée ses résolutions, et quelque urgence qu'elle mette à examiner les projets, elle ne cédera à aucun courant d'opinion précipité, en prenant sur de délicates questions des décisions qui ne seraient pas tout à fait mûres.

La seconde chose que je désire faire connaitre à l'Assemblée, c'est que le Gouvernement est disposé à lui proposer, dès demain, un projet de loi...

Plusieurs membres. A la bonne heure!

M. le ministre... qui appelle les électeurs sur toute la surface de la France à renouveler les pouvoirs municipaux et départementaux. (Très-bien très-bien ! Applaudissements.) Les questions qui pourront naître de l'examen des dispositions que nous proposerons devront être discutées et examinées d'ensemble, et la question que soulève la proposition de

l'honorable M. Gaslonde se trouvera, très-certainement, à côté de celles que le Gouvernement, je le répète, vous apportera demain.

Je désirais que l'Assemblée ne se prononcât qu'après avoir appris ces deux choses, et je ne conteste pas, d'ailleurs, la proposition d'urgence qui vous est faite. (Nouveaux applaudissements.)

M. le président. Je consulte l'Assemblée sur la déclaration d'urgence que M. Gaslonde réclame pour sa proposition.

(Une épreuve à lieu par assis et levé.)

M. Emmanuel Arago. Vous croyez que vous allez rétablir l'ordre!... Eh bien, c'est le contraire! (Rumeurs et réclamations sur un grand nombre de bancs.)

M. le président. Veuillez permettre qu'il soit procédé à la contre-épreuve.

Quelques membres à gauche. Le scrutin de division!

Sur un grand nombre de bancs. Non! non! La contre-épreuve !

(Il est procédé à la contre-épreuve.)

M. le président, après avoir consulté les membres du bureau. Le bureau est partagé. (Réclamations à droite.)

Quelques membres. Recommencez l'épreuve ! Autres membres. Le scrutin! le scrutin! M. Albert Desjardins. Nous demandons le scrutin, monsieur le président!

A droite. Oui! oui! le scrutin !

M. le président. Vous mettez donc en suspicion la loyauté ou l'intelligence du bureau ? L'épreuve va être recommencée.. (Une deuxieme épreuve a lieu.)

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M. le président, après avoir de nouveau consulté les membres du bureau. L'urgence est déclarée. (Mouvement prolongé.) '

L'ordre du jour appelle une communication de la commission chargée de se concerter avec le pouvoir exécutif sur les mesures à prendre à

raison des événements.

M. le rapporteur de la commission a la parole.

M. Jules de Lasteyrie. Messieurs, la commission nommée par vous a pensé qu'il ne suffisait pas à l'autorité de cette Assemblée souveraine et à la gravité des circonstances de rédiger une proclamation qui, nous l'espérons, rencontrera votre assentiment unanime.

Elle s'est occupée des mesures qui devaient accompagner cette proclamation et s'est mise d'accord avec le chef du pouvoir exécutif pour porter dans les actes la fermeté et l'union qui sont dans les cœurs. (Très-bien !)

'La tâche de votre commission est loin d'être achevée. Elle persévérera dans ses efforts, mais dès aujourd'hui, dans ce premier rapport, elle peut affirmer qu'elle n'a négligé d'appeler l'attention du pouvoir exécutif sur aucune des mesures qui pouvaient garantir la sûreté de l'Assemblée et fortifier la discipline de l'armée. (Très-bien très-bien!) Chaque heure de la journée d'hier a été employée dans ce but.

Nous sommes heureux de pouvoir vous annoncer que d'après les dépêches reçues par le pouvoir exécutif, toutes les nouvelles venues des départements sont bonnes; elles sont bonnes sans exception. (Marques générales de satisfaction.) Nous n'en avons pas moins pressé les mesures destinées à défendre, dans la

France entière, le droit contre la violence, et notre confiance dans le triomphe de la souveraineté nationale ne nous a pas empêchés de songer à toutes les éventualités.

Vous serez bien aises aussi d'apprendre que le sentiment qni avait fait désirer à un grand nombre d'entre nous de voir l'Assemblée passer en revue ses défenseurs a été, en même temps et presque à la même heure, éprouvé par l'armée. (Approbation.) Ses chefs l'avaient demandé à M. le président du conseil avant que notre proposition à ce sujet lui ait été faite. Il va prendre les mesures nécessaires pour la mettre à exécution. (Très-bien! très-bien !)

Je m'arrête, ne voulant pas retarder la lecture de la proclamation au peuple et à l'armée, que votre commission va vous soumettre.

(M. le rapporteur, descendu de la tribune, s'arrête au banc du Gouvernement et s'entretient quelques instants avec M. le chef du pouvoir exécutif.)

M. le président. La parole est à M. Vitet, membre de la commission, pour donner lecture du projet de proclamation.

M. Vitet paraît à la tribune, mais en descend presque immédiatement pour la céder à M. le rapporteur qui y remonte.

M. Jules de Lasteyrie, rapporteur. Messieurs, le chef du pouvoir exécutif vient de me faire observer que, sur tous les points que je viens d'indiquer, le pouvoir exécutif a devancé le désir de l'Assemblée, et que quand nous nous sommes rendus près de lui, et quand il a bien voulu venir dans le sein de la commission, nous avons été en parfait accord, résolus, comme je le disais tout à l'heure, à l'union et à la fermeté dans les actes. (Très-bien ! très-bien!)

M. Vitet. Messieurs, je vais avoir l'honneur de donner lecture à l'Assemblée du projet de proclamation que votre commission a rédigé :

L'ASSEMBLÉE NATIONALE AU PEUPLE ET A L'ARMÉE.

« Citoyens et soldats,

« Le plus grand attentat qui se puisse commettre chez un peuple qui veut être libre, une révolte ouverte contre la souveraineté nationale, ajoute en ce moment comme un nouveau désastre à tous les maux de la patrie. » (Assentiment.) Des criminels, des insensés, au lendemain de nos revers, quand l'étranger s'éloignait à peine de nos champs ravagés, n'ont pas craint de porter dans ce Paris qu'ils prétendent honorer et défendre, plus que le désordre et la ruine, le déshonneur.» (Nouvel assentiment.) Ils l'ont taché d'un sang qui soulève contre eux la conscience humaine, en même temps qu'il leur interdit de prononcer ce noble mot de République » qui n'a de sens qu'avec l'inviolable respect du droit et de la liberté. » (Trèsbien très-bien ! Nombreux applaudissements.)

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-

Déjà, nous le savons, la France entière repousse avec indignation cette odieuse entreprise. Ne craignez pas de nous ces faiblesses morales qui aggraveraient le mal, en pactisant avec les coupables.» (Marques d'approbation.) « Nous vous conserverons intact le dépôt que vous nous avez commis pour sauver, organiser, constituer le pays, »> (Très-bien !) « ce

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M. le président. Il faut que l'Assemblée émette un vote pour s'approprier cette proclamation.

Que ceux qui sont d'avis d'adopter la proclamation veuillent bien se lever.

(Un très-grand nombre de députés se lèvent.) M. Cochery. Nous demandons un scrutin nominatif.

M. Paul Bethmont. C'est impossible, l'épreuve est commencée.

M. Millière. Je demande la parole. M. le président. Vous n'avez pas la parole.

M. Millière. J'insiste pour avoir la parole dans un but de conciliation et d'esprit de concorde. (Exclamations sur quelques bancs.)

Je ne voudrais pas qu'on jetât de l'huile sur le feu. (Bruit.)

M. le président. Je ne puis vous donner la parole, l'épreuve étant commencée.

(La contre-épreuve a lieu et M. le président proclame l'adoption par l'Assemblée de la proclamation.)

Plusieurs membres. A l'unanimité !

M. le président. Je constate, selon le vœu de l'Assemblée, que personne ne s'est levé à la contre-épreuve et que la proclamation est adoptée à l'unanimité." (Oui! oui ! Bravos et applaudissements.)

La proclamation sera imprimée, distribuée et affichée dans tous les départements.

M. le marquis d'Andelarre. Dans toutes les communes de France!

M. Peyrat. Nous demandons que la proclamation se termine par ces mots : « Vive la France! Vive la République!»

Quelques membres. Non! non! elle est adoptée telle qu'elle était proposée.

M. le président. M. Peyrat demande qu'une disposition additionnelle soit faite à la proclamation qui vient d'être lue et qu'elle se termine par les mots : « Vive la France! Vive la République!» (Non! non!-Longue agitation). Plusieurs voix. C'est voté!

M. Langlois, déposant un papier entre les mains de M. le président. Nous demandons le scrutin sur la proposition.

M. Plichon. On ne peut pas, par voie d'amendement, ajouter à un texte qui est voté.

M. Paul Bethmont. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. M. Bethmont a la parole. (Non! non!- L'ordre du jour! l'ordre du jour! Bruit général.)

M. Paul Bethmont monte à la tribune et ne parvient pas à se faire entendre.

K. Vacherot. Je demande la parole. (L'ordre du jour ! Interpellations diverses.) M. Albert Desjardins. On n'a pas le droit de faire des amendements à une proposition votée. Personne ne doit plus parler. (Bruit croissant.

M. Paul Bethmont. C'est pour un rappel au règlement que je demande la parole.

M. de Chambrun. L'ordre du jour!

M. le président. Il est impossible de rien discerner au milieu de ces interpellations qui se croisent. Que ceux de MM. les représentants qui voudront soumettre à l'Assemblée quelque proposition demandent la parole; je là leur accorderai. Mais je ne puis rien entendre au milieu de ce bruit confus.

M. Millière. J'ai demandé la parole.

M. Paris. L'Assemblée vient de voter une proclamation. Cette proclamation est acquise, on ne peut pas demander d'y ajouter un article additionnel, par la raison fort simple qu'ajouter c'est modifier. (C'est vrai! Trèsbien !)

On ne peut pas plus vous demander de retrancher qu'on ne peut vous demander d'ajouter. La proclamation est faite dans un esprit de conciliation aussi large que possible. Nous devons nous unir tous dans ce grand sentiment qui se traduit par ce seul mot : Vive la France! (Applaudissements.)

Je dis donc qu'au point de vue de la forme comme au point du fond, il n'y a rien à ajouter à la proclamation. Elle est votée : elle doit rester telle qu'elle a été votée. (Vif assentiment.) M. Vacherot se présente à la tribune.

M. Paul Bethmont. J'ai déjà demandé la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole.

M. Paul Bethmont. Il n'y a pas lieu à modification. Nous devons nous en tenir au règlement. On ne peut pas, on ne doit pas modifier une œuvre quand elle est acceptée dans son entier. (Adhésion sur un grand nombre de bancs.) Sans cela, il n'y aurait plus ni Assemblée ni lois. La mesure votée doit rester telle qu'elle est. Elle est inébranlable: il n'y a pas à la modifier. (Oui! oui! - L'ordre du jour ! l'ordre du jour!)

M. le président. On a demandé l'ordre du jour. (Oui! oui !)

M. Millière. Je demande à répondre. (Non! non !)

M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères. Laissez parler M. Millière.

M. le président. L'ordre du jour ayant toujours la priorité, je dois le mettre aux voix.

(Le vote sur l'ordre du jour est commencé.) M. Millière. J'ai demandé la parole, monsieur le président.

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Laissez parler M. Millière !

Plusieurs membres. On ne parle pas entre deux épreuves.

M. Millière. Je n'ai que quelques mots à dire dans un intérêt de conciliation. (Non ! La contre-épreuve ! la contre-épreu

non !

ve!)

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, demande la parole et monte à la tribune.

Sur un grand nombre de bancs. Non! non !Ne parlez pas !

M. le marquis de Mornay. Personne n'a le droit de parler entre deux épreuves. Vous n'avez pas le droit, monsieur le président, de ne pas faire la contre-épreuve.

(M. Thiers descend de la tribune, et la contre-épreuve sur l'ordre du jour a lieu.)

M. le président. L'ordre du jour est adopté. (Applaudissements.)

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Je demande la parole. (Mouvements divers. Rumeurs à droite. Bravos à gauche.)

M. le président. M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, a la parole.

Voix à droite. Pour quoi?

M. le président. Messieurs, lisez votre règlement, et vous saurez qu'un ministre a toujours la parole quand il la demande. (Trèsbien! très-bien! Bruit.)

--

Veuillez faire silence, je vous en prie. La parole est à M. le président du conseil, chef du pouvoir exécutif.

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Messieurs, apparemment vous me faites l'honneur de supposer que ce n'est pas sans un très-grave motif que je vous demande la parole au milieu même de la vive émotion que vous éprouvez.

Je ne serais pas digne d'être investi du pouvoir que vous avez mis temporairement entre mes mains, si je ne savais pas dans certains moments résister même à vos émotions les plus naturelles. (Très-bien ! très-bien!)

Je n'ai pas voulu revenir sur l'ordre du jour, le vote de la proclamation est acquis et il ne faut pas la modifier, même par une addition qui serait légitime. (Réclamations à droite. — Vive approbation à gauche.)

Je dis non pas qui serait légitime, mais qui pourrait être légitime. (Ah! ah!-Mouvements divers.) Mais croyez-bien... (Interruption.) Voix nombreuses. Ecoutez donc !

M. le chef du pouvoir exécutif. Je vous prie de songer à la gravité de la situation. Cette situation, on ne peut la dominer que par le calme, l'union, le respect de toutes les opinions. (Très-bien! très-bien !)

Une voix à droite. Et la fermeté !

M. le chef du pouvoir exécutif. A l'heure qu'il est, si nous sommes unis, quelle sera la situation? Nous aurons avec nous la France tout entière contre le parti du brigandage. (C'est vrai! Bravo! bravo!)

Il ne faut pas,-je ne désigne aucun parti, je les respecte tous,-il ne faut pas que l'Assemblée paraisse dominée par un seul parti; elle ne l'est pas, j'en suis sûr; il ne faut pas que ses ennemis puissent le supposer, ni le dire.

Je connais la situation; mon devoir est de la connaître à fond, et je vous réponds que lorsque je vous adjure de m'écouter un instant, c'est par suite de la connaissance parfaite que j'ai de cette situation.

La France, en ce moment, tout entière répond avec enthousiasme à notre appel: le pays s'unit à nous; mais pour que cette union soit

maintenue, il ne faut pas qu'il y ait dans cette Assemblée un de nous, quel que soit son parti, qui puisse dire qu'il n'a pu ouvrir la bouche et dire sa pensée.

Cette unanimité que vous voulez obtenir et qui serait le plus grand des bienfaits pour le pays, vous la diminueriez en refusant de donner fa parole à n'importe quelle fraction de l'Assemblée nationale.

Sachez que je ne mériterais pas de vous representer et de vous défendre, si je ne savais me faire entendre ici quand il s'agit de l'intérêt général du pays; sachez que je vous rends ici un service bien plus grand que peut-être vous le croyez. Il ne suffit pas de céder soi-même à un sentiment, au sentiment le plus simple, le plus juste, le plus impérieux; il faut en outre savoir tenir compte du sentiment d'autrui... (Très-bien! très-bien! - Applaudissements.)

ne

M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères. C'est la vraie liberté !

M. le chef du pouvoir exécutif. Et si vous voulez avoir sur le pays l'autorité tout entière que vous méritez et qui vous est due... (Bruit.) Veuillez m'écouter, moi qui ne suis quelque chose que par vous et qui n'ai de force que celle que vous me donnez.... car, enfin, je vous ai amenés ici sains et saufs, entourés d'une armée fidèle; je vous ai réservé ce lieu où je pourrai vous défendre et où vous êtes inviolables; tout cela, je ne le puis que parce qu'avec vous je représente l'opinion du pays et que je ne représente nullement des passions. (Très-bien!)

Je ne partage en aucune manière les opinions de M. Millière; il le sait bien, et ce n'est pas la première fois que je le rencontre et que je dois etre en lutte avec lui. Mais vous ne pouvez refuser de lui accorder la parole pour quelques Instants. (Surquoi? sur quoi?)

Messieurs, veuillez m'écouter, je vous en prie."

Je ne sais pas sur quoi veut parler M. Millière; mais, dans un moment où vous avez besoin d'une unanimité non contestée, vous ne pouvez refuser à M. Millière de dire ce qu'il pense. Il ne peut pas parler sur la proclamation, et je ne vous conseillerais pas de lui donner la parole sur ce sujet, après qu'un vote est intervenu... (Interruption.)

Ecoutez-le, messieurs.

Un membre. Et le règlement?

M. Cochery. Est-ce le règlement qui sauve le pays?

M. le chef du pouvoir exécutif. Soyez s que dans le pays vous n'ajoutez pas à votre autorité en interrompant le chef du pouvoir exécutif, et en ne voulant rien entendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Je ne recherche ici que votre intérêt et l'intérêt de la France, je ne recherche les applaudissements d'aucun côté, ils ne me sont pas dus; il n'y a que votre approbation dont j'ai besoin et sur laquelle je compte. Je vous supplie de respecter une autorité qui est la vôtre, que vous nous avez donnée il y a quelques jours, une autorité que vous renverserez quand vous voudrez; le dépositaire vous en remercie a de grand coeur. (Mouvement.) Mais, messieurs, il est toujours fâcheux que l'Assemblée paraisse n'être pas le pays tout entier; il faut qu'elle soit le

pays tout entier, le pays unanime contre les scelerats qui ont versé dans Paris le sang le

plus innocent et le plus pur... (C'est vrai! c'est vrai!) C'est donc dans l'intérêt de notre complète union, que je vous supplie de m'écouter, que je vous supplie d'écouter M. Millière; car j'espère qu'il se a digne, par ses paroles, de la liberté que vous lui aurez laissée. (Mouvements divers. Applaudissements sur plusieurs bancs.)

-

M. le président. Je ne voudrais pas qu'on put croire qu'un membre de c. tte Assemblée ayant demandé la parole n'a pu l'obtenir.

Le jour où je ne pourrai pas accorder et maintenir la parole à tous les membres de cette Assemblée, je descendrai du fauteuil. (Trèsbien !)

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Monsieur le président, j'en descendrai avec vous. (Très-bien! très-bien!)

M. le président. M. Millière n'a pu obtenir la parole du président, parce qu'il l'a demandée entre deux épreuves...(C'est cela!-Très-bien!), et je ne pouvais la lui accorder sans violer le règlement.

J'accorderai toujours, je maintiendrai toujours la parole à tous les membres de l'Assemblée tant que j'aurai l'honneur d'être ici. (Trèsbien! très-bien!) Mais ce que, jusqu'à présent, j'ai été impuissant à faire, c'est d'arrêter et de prévenir les murmures et les interruptions, qui rendent les discussions violentes et tumultueuses et souvent impossibles, et qui sont en tout cas une atteinte à la liberté de la tribune. (Vive et générale approbation.),

Il n'y a rien en discussion... (Bruit.)

Mais, mon Dieu! messieurs, soyez un peu plus calmes. Vous parlez de force: la force est inséparable du calme et de la modération. (Mouvement. C'est vrai! - Très-bien !)

Un membre à gauche. Je demande la parole, M. le président. Vous n'avez pas la parole. Le meme membre. Je la demande.

M. le président. Mais, monsieur, n'interrompez pas le président. Vous aurez la parole tout à l'heure. Ayez la bonté de me permettre d'achever ce que j'ai à dire à l'Assemblée.

Je dis qu'il n'y a rien en délibération et que je ne vois pas sur quel sujet je donnerais la parole à M. Millière. Je ne pourrais le faire que s'il demandait la parole sur un point prévu par le règlement, et qu'avec le consentement de l'Assemblée.

Sur quel point M. Millière demande-t-il la parole? M. Millière. Pour répondre à M. le président du conseil.

M. le président. C'est votre droit. Vous avez la parole.

M Millière. Je commence par remercier M. le président du conseil des paroles qu'il vient de prononcer. I me les avait déjà dites en particulier, et je l'avais remercié de son impartialité et de son esprit de conciliation. J'ai eu d'abord l'intention de parler sur les conclusions de la commission, et, à cet effet, j'avais eu soin de me faire inscrire au secrétariat de la présidence.

Lorsque la lecture de la proposition a été achevée, j'ai demandé la parole; mais dans le tumulte qui s'est produit, quoique je me sois précipité vers la tribune, M. le président a pu, je le comprends, ne pas entendre la demande que je lui ai adressée.

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