Page images
PDF
EPUB

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

situation est difficile, et nous devons tous réfléchir murement, avant de faire un acte législatif, it avoir des conséquences dangereuses. orable M. de Broglie a rendu justice à la pensée comme au principe de l'amendement de M. Léon Say.

Je vous prie de remarquer, messieurs, que vous discutez une loi d'urgence, c'est-à-dire que, dans cette discussion, une Assemblée unique et souveraine s'est dépouillée de la seule garantie qu'elle possède pour se préserver contre les entrainements de la séance et la nécessité de trois délibérations successives.

La loi, a-t-on dit, est une loi transitoire. Je n'ai pas mission de parler au nom de l'honorable M. Léon Say, mais je dois dire qu'après avoir entendu l'honorable duc de Broglie, je suis un peu effrayé de la responsabilité que j'ai encourue par le discours que je viens de prononcer. Je le dis franchement, comme un homme qui comprend la situation, et qui, en la comprenant, veut mesurer ses actes en proportion de la situation que nous avons en face de nous... (Très-bien! très-bien!) Dans ces conditions, je ne puis persister à soutenir l'amendement de M. Léon Say; tout ce que je pourrais demander, c'est que, dans l'article 4, on indiquât que le statut électoral qu'on y établit est provi

Une Assemblée unique et souveraine est déjà, par sa constitution même, bien exposée aux entrainements. Contre elle-même elle a pris dans son règlement la garantie d'une seconde et d'une troisième délibération, c'est-à-dire le temps de la réflexion.

soire.

Plusieurs membres. Mais la loi est provisoire! M. Paul Bethmont. Oui, la loi est provisoire; mais j'aura's voulu que cette pensée fùt indiquée dans l'article. Je le demande sans insister.

Je demande s'il est prudent, au milieu de tant de pas-ions agitées et sur une proposition qui peut être discutée à tant de points de vue différents, qui prête à tant d'objections diverses, qui peut avoir même tant de conséquences imprévues de ses auteurs mêmes, s'il est prudent, dis-je, de faire une innovation qui demain serait inscrite au Bulletin des lois avec une portée irréparable? Je demande si cela est prudent pour la proposition elle-même, pour son sort, pour son avenir; si vous y avez bien réfléchi; si vous ne courez pas risque de la compromettre dans l'opinion publique par quelque fausse interprétation que vous n'aurez pas prévue ou par quelque erreur de rédaction qui vous serait échappée ; je demande si cela est prudent comme habitude et comme précédent

y

une Assemblée souveraine comme la notre ?

pour

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement ne peut garder le silence dans cette question.

L'Assemblée comprendra qu'il approuve tout d'abord le besoin de remercier ses collègues de ce concours de bons sentiments et de bonnes intentions qui viennent rendre plus facile la tâche si lourde qui lui est imposée.

Déjà on a fait passer, dans une loi dont on a déclaré l'urgence, un amendement improvisé sur les conseils généraux, et je m'accusede l'avoir voté. Tous les jours

rais presque

on

nous propose d'autres lois avec le mème caractère d'urgence. Allons-nous réformer le pays par des lois votées d'urgence? (Très-bien!

très-bien!)

[ocr errors]

La loi posait le principe même qui a été développé d'une manière si brillante à cette tribune, puisque, ne s'attachant pas au terme de six mois qu'exige la loi pour les élections politiques, elle demandait un domicile d'une année pour les élections municipales. Par là elie reconnaissait un principe qui sera, j'en suis certain, fécond en conséquences prochaines.

Cest l'unique considération que je présente ceux qui aiment et appuient la proposition. la présente, je le répète, dans l'intérêt même de cette proposition, pour qu'elle ne soit pas compromise par un vent de fausse et injuste impopularité ou par quelque regrettable malentendu de l'opinion publique. (Vives et nombreuses marques d'approbation.)

Mais le Gouvernement vous demande, par les considérations si sages qui étaient exposées tout à l'heure avec tant d'autorité par l'honorable duc de Broglie, de songer qu'en ce moion d'opportunité prime toutes

M. Paul Bethmont. Je suis profondément ému des considérations qui viennent d'être développées par l'honorable M. de Broglie. La

[ocr errors]

les autres, et d'entrevoir quelles seraient les conséquences d'une disposition comme celle-ci, introduite inopinément dans la loi, quant aux élections prochaines et que nous voulons faire le plus prochaines possible, et cela avec les listes qu'il sera déjà très-difficile de dresser à l'heure voulue et qui seraient bien plus difficiles encore si elles étaient dressées sur cette base nouvelle.

Que se produirait-il si vous n'aviez pas égard à ces considérations?

Un grand nombre d'électeurs seraient écartés du scrutin, sans pouvoir se rendre compte suffisamment des motifs de cette exclusion; et dans cette crise suprême, tous ceux qui vous ont donné leurs suffrages, qui viendraient accourir encore pour vous défendre et consacrer votre mandat, se demanderaient comment, au lendemain de votre arrivée dans l'Assemblée, vous avez exigé des conditions de naissance, exigé un droit électoral nouveau qui serait imposé et qu'ils ne comprendraient pas. (Très-bien! très-bien !)

Voilà les considérations qui frapperont des esprits aussi sages que les vôtres. Et nous déclarerons, si vous voulez, et dans notre pensée nous n'avons aucune raison de ne pas le faire, que la loi est provisoire. Elle l'est, en effet, non pas seulement par notre déclaration, elle l'est par sa nature même, elle l'est par les circonstances dans lesquelles elle se produit. Sur ce point, nous serions disposés à reprendre la d sposition première que nous n'aurions abandonnée que dans une pensée de transaction, que nous reprendrons peut-être d'accord avec la commission, car notre plus vif désir est de faire tout d'accord avec vous. Nous ne voulons pas soulever d'inutiles questions et d'inutiles conflits quand nous sommes tous, en présence de crises si redoutables, animés de sentiments patriotiques, tous prêts à nous dévouer, sous toutes les formes, pour notre pays! (Vives marques d'approbation et applaudissements.)

M. Léon Say. Je me trouve en ce moment dans une situation que je dois expliquer à l'Assemblée.

Et d'abord, lorsque j'ai introduit la question dont il s'agit, j'ai considéré que la création d'un droit municipal et communal particulier était justement la négation de la loi du 31 mai, qu'on m'accuse de ce côté-ci (la gauche) de vouloir faire revivre. Si le droit d'élection dans la commune n'était pas le même que 'e droit d'élection pour l'Assemblée nationale, on ne pourrait pas, en effet, tirer un précédent de ce que nous ferions dans la commune. Mais, en même temps, quoique je sois bien convaincu que le principe que je défends est le vrai, quoiqu'il semble résulter de la discussion qui s'est produite ici que l'Assemblée est d'accord sur ce principe avec moi, et que les divergences d'opinion ne naissent que de l'opportunité, je dois dire que les raisons qui ont été apportées à la tribune par M. le duc de Broglie et par M. Picard me paraissent sufusantes pour m'engager à retirer mon amendement, à la condition toutefois que la question que j'ai posée en ce moment-ci soit mise sérieusement à l'étude et qu'elle nous revienne dans un délai très-rapproché, soit par un projet dû à l'initiative privée, soit par un projet dû à l'initiative du Gouvernement. (Très-bien! très-bien !)

M. Savary. Messieurs, j'avais l'intention de soutenir, de mon côté, un amendement qui n'était, à vrai dire, qu'une disposition additionnelle à celui qui vous a été présenté par M. Léon Say. Pour les raisons qu'il vient de vous énumérer, je déclare retirer cet amendement. (Très-bien!)

M. le président. MM. Léon Say et Savary déclarent retirer leurs amendements.

M. Reverchon a proposé sur l'article 4 un amendement ainsi conçu :

« Sont électeurs tous les citoyens, de vingt et un ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, n'étant dans aucun des cas d'incapacité prévus par la loi et de plus ayant, depuis deux ans au moins, leur domicile dans la commune. »

M. Reverchon a la parole.

M. Reverchon, Je ne veux pas insister; seulement, je dois dire, en répons à une objection qu'on a faite à mon amenden ent et à un amendement analogue, que j'avais puisé le principe de cette proposition dans un fait très

actuel et qui appartient à un pays dont nous devons désirer d'imiter la constitution et la sagesse, c'est à dire la Suisse. Je ne persisterai pas dans mon amendement, mais je veux qu'on sache bien que c'est parce que je me rattache à l'idée de M. Léon Say et de tous ceux qui veulent faire de cette question une étude trés-sé

rieuse.

Toutefois, pour bien montrer qu'il n'y a rien là ni d'antirépublicain ni d'anti-démocratique, je vais vous lire un article de la loi fédérale suisse.

Plusieurs voix. C'est inutile!

M. Savary et quelques autres membres. Oui! Oui! - Lisez! lisez!

M. Reverchon. Voici :

«En s'établissant dans un autre canton, le Suisse entre en jouissance de tous les droits des citoyens de ce canton, à l'exception de celui de voter dans les affaires communales et de la participation aux biens des communes et des corporations. >>

Je me borne à ces quelques mots pour faire voir que, si dans notre passé les libertés communales ont été très-utiles et si nous les avons trop sacrifiées, nous pouvons actuellement, chez des peuples excellents républicains en pratique comme en théorie, trouver des exemples qui prouvent bien que nous ne voulons pas retourner en arrière, mais au contraire consolider les institutions les plus libérales possibles.

Ces considérations exposées, je retire mon amendement; car, au point de vue politique comme au point de vue de l'opportunité, le délai de deux ou trois ans ne constitue pas une diffé

rence.

Nous ne voulons pas introduire subrepticement la réforme que nous proposons et je crois que la meilleure forme à donner à la pensée qui nous anime se trouve dans l'abréviation des pouvoirs à donner aux conseils municipaux en vertu de la loi provisoire actuelle. (Trèsbien !)

M. le président. M. Reverchon retire son amendement.

M. Bidard déclare retirer aussi le sien, par les considérations qui ont déterminé M. Léon Say.

Reste celui de MM. Rouveure et Tailhand... M. Rouveure. En présence des sentiments manifestés par l'Assemblée, et bien que je croie que mon amendement fùt plus pratique que celui de M. Léon Say, je n'hésite pas à le retirer. (Très-bien !)

M. le président. Il n'y a plus d'amendement sur le paragraphe 1er de l'article 4 de la commission.

J'en donne une nouvelle lecture:

«Sont électeurs tous les citoyens français âgés de vingt et un ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi et, de plus, ayant, depuis une année au moins, leur domicile réel dans la commune. »

Je mets aux voix ce premier paragraphe. (Le premier paragraphe est mis aux voix et adopté.)

M. le président. Sur le second paragraphe, relatif à l'éligibilité, MM. d'Aboville et Savary proposent l'amendement suivant:

«Sont éligibles dans la commune les citoyens qui ont le droit d'y prendre part aux élections

municipales et tous ceux qui y payent des contributions directes.

. Néanmoins le nombre de ces derniers ne pouria excéder le quart des membres du conseil municipal. »

M. Savary a la parole.

M. Savary. Messieurs, notre amendement se référant, dans notre pensée, à un ensemble de dispositions qui étaient toutes relatives aux principes poses par l'honorable M. L'on Say.

Remarquant que dans l'amendement primitivement déposé par M. Léon Say, les conditions d'éligibilité étaient les mêmes que les conditions de l'électorat, il nous avait semblé que, peut-être, il était excessif de refuser absolument aux électeurs le droit de voter pour un candidat au conseil municipal qui payerait un somme considérable de contributions directes, avant que ce candidat eût acquis une résidence de trois années. Mais, en présence de la décision que vient de prendre l'Assemblée, et par les mêmes considérations qui ont fait abandonner tous les amendements antérieurs, nous déclarons retirer le nôtre, dont la rédaction ne pourrait, d'ailleurs, concorder avec le paragraphe 1er qui vient d'être voté par l'Assem-blée. (Très-bien! très bien !)

M. le président. Reste un dernier amendement présenté par M. Peltereau-Villeneuve et ainsi conçu :

Sont éligibles au conseil municipal d'une les électeurs réunissant les commune, tous conditions prévues par le paragraphe précédent, sauf les cas d'incapacité et d'incompatibilité prévus par les lois en vigueur et l'article 5 de la présente lui.

Toutefois, il pour être nommé au conseil municipal d'une commune, sans la condition de domicile, un quart des membres qui le composeront, à la condition de payer dans ladite commune une des quatre contributions di

rectes. »

M. Peltereau Villeneuve. Messieurs, le système de la commission consiste à déterminer quelles sont les garanties pour lesquelles peut être accordé le droit d'élection communale, et elle a pensé que ce dru t, une fois bien établi entre les mains des électeurs, suffirait pour assurer le meilleur choix possible des élus.

Je crois, messieurs, que ce système est téméraire et peut compromettre, jusqu'à un certain point, les véritables intérêts communaux.

Quelles sont les garanties qu'exige la commission pour l'électorat? Elles sont au nombre de deux seulement :

1° L'âge de vingt eten ans accomplis;
2 Un domicile du

année.

Et pour l'éligibilité, qu'exige-t-elle? Une seule garantie: L'âge de vingt et un ans, sans aucune condition de domicile dans la commune.

Ainsi, messieurs, il suffira d'être électeur dans une commune quelconque de France pour avoir droit à fire noinmé membre d'un conseil municipal; d'où il s'ensuit que si, par des circonstances que je ne veux pas prévoir, aucun des élus d'un conseil municipal n'avait de domicile dans la comm, aucun ne payant un centime de contributions dans la commune, cette commune serait représentée par des hom mes qui n'auraient aucun intérêt communal. (Mouvements divers.)

Messieurs, croyez-vous, alors qu'il s'agit de

-

--

nos plus chers intérêts, de ces intérêts qu'on a
si bien indiqués et définis; alors qu'il s'agit de
l'administration de tout ce qui touche aux
questions religieuses l'église, le presbytère,
le temple, de tout ce qui touche à l'éduca-
tion, la maison d'école, la bibliothèque, les
subventions, de tout ce qui touche à la po-
lice municipale et rurale, de tout ce qui touche
à la propriété communale; alors qu'on songe,
et j'appelle votre attention là-dessus,
entrer dans des modifications législatives nou-
velles, à restreindre le principe de la centralisa-
tion pour nous décentraliser; alors, par consé-
quent, que les conseils municipaux vont pou
voir, sans le contrôle de l'administration supé-
rieure, acheter, vendre, hypothéquer, aliéner
et compromettre peut-être, par tous ces actes,
l'avenir d'une commune, croyez-vous, dis-je,
que ce soit bien le moment d'introduire dans
une loi ce principe que, sans garantie de domi-
cile ni d'impôts payés dans la localité, des
représentants d'intérêts communaux pourront
disposer de tout ce qui touche aux intérêts mo-
raux et matériels d'une association commu-
nale? Je ne le crois pas! (Très-bien! très-
bien !)

Je crois que ce serait une grande imprudence. Je n'accuse ici en aucune façon votre commission: elle a été entraînée par cette doc. trine à laquelle beaucoup de personnes rendent hommage, à savoir, qu'il suffit qu'un conseil nommé présente des garanties par le corps électoral dont il est l'émanation, pour qu'il ui soit permis de faire tout ce qu'il voudra sans frein, sans limite, sans condition de garanties pour la société. Je n'admets pas ce principe. (Très-bien! très-bien !)

Je crois qu'il est utile, — dans une certaine mesure que j'ai indiquée dans mon amende ment, - je crois qu'il est utile d'opposer une limite à cette liberté excessive qui pourrait compromettre tout ce que nous avons de plus cher au monde : nos communes et leur avenir. (Vives et nombreuses marques d'assentiment.)

Messieurs, je n'invente rien; ce n'est pas une législation nouvelle que je vous propose; c'est une législation qui a fait ses preuves à diverses époques, et je vais la remettre sous vos yeux.

Des lois antérieures, dans le sens que j'indique, j'en ai pour tous les goûts, j'en ai pour tous les régimes; toutes et toujours arrivent au même résultat; c'est une preuve qu'elles n'ont pas rencontré de grandes difficultés dans leur application, et qu'elles ne blessent aucun sentiment communal ni aucun sentiment politique.

Voici, messieurs, ce que dit l'article 5 de la loi du 21 mars 1831, sous un régime parlementaire :

Les membres du conseil municipal sont tous choisis sur la liste des électeurs communaux... » — à cette époque c'étaient les plus imposés,... et les trois quarts au moins parmi les électeurs domiciliés dans la com

[blocks in formation]

domiciliés, parce qu'ils ne représentent pas l'intérêt communal. »

Je n'ai pas été aussi loin, messieurs, dans mon amendement; je demande qu'il y ait un quart de non domiciliés, et je vous en dirai le motif.

Je passe à une loi qui a été faite sous l'empire d'une autre situation; c'est la loi du 3 juilet 1848.

La révolution de 1848 avait eu lieu; on légiférait alors sous l'empire d'un autre courant; on était entraîné par des sentiments qui prenaient naissance dans un autre ordre d'idées; cependant la loi du 3 juillet 1848 s'exprime ainsi :

...

« Sont éligibles au conseil municipal les citoyens inscrits sur les listes électorales de la commune âgés de vingt-cinq ans... » J'accepte vingt et un ans. « et les citoyens du même âge, non domiciliés, y payant une contribution directe. Néanmoins, d'après l'article 15 de la loi du 21 mars 1831, le nombre de ces derniers ne pourra dépasser le quart. »

J'arrive à l'époque actuelle.

Dans une proposition sur les conseils généraux, proposition très-bien faite, étudiée avec soin, soumise à l'attention de l'Assemblée par deux de nos honorables collègues, MM. Bethmcnt et Magnin, je lis un article 6, ainsi conçu:

Nul n'est éligible au conseil général s'il ne paye pas un impot direct dans le département. Le nombre des conseillers généraux non domiciliés ne pourra dépasser le quart du nombre des conseillers du département. »

Ainsi, messieurs, à quelque époque que je me reporte, je trouve toujours des lois dans lesquelles existe un courant d'idées comme celui que je rencontre, je crois, dans la plus grande partie de l'Assemblée. (Assentiment sur plusieurs bancs.) Jamais, tout en reconnaissant qu'il fallait accorder beaucoup à l'émancipation des classes diverses de la société, jamais on n'a perdu de vue, pour le département l'intéré départemental, pour la commune l'intérêt communal. A ces conditions-là, messieurs, on pourra concilier, à la fois, ce qu'on est convenu d'appeler le progrès, et ce qu'on doit considérer comme la conservation des intérêts les plus chers de notre pays. (Très-bien ! trèsbien !)

Messieurs, je n'insisterai pas davantage; je Vous supplie d'accepter mon amendement, parce qu'il me semble offrir une garantie considérable pour les intérêts communaux.

Au surplus, je me range parfaitement à l'avis de la commission, en ce qui concerne l'électorat conféré à vingt et un ans et après un an de domicile; mais je vous supplie, messieurs, en ce qui concerne l'éligibilité, d'exiger le domicile ou l'impôt, si petit qu'il soit, pour les membres des conseils municipaux, sauf pour un quart de ces membres, afin que les administrateurs de la commune, ou tout au moins les trois quar's d'entre eux, aient une attache, un intérêt véritable dans l'association communale. (Trèsbien! Appuyé! appuyé!)

L'honorable rapporteur, avec lequel j'en ai conféré, m'a fait une objection. Il m'a dit : Mais s'il y a quelque difficulté pour la nomination du quart non domicilié, comment la juger, la définir?

Je ne vois à cela aucune difficulté, en ce qui

concerne les communes. Il y a à nommer douze conseillers municipaux; je suppose qu'au lieu de trois, qui forment le quart, les électeurs en nomment quatre; la loi me semble extrêmement facile à appliquer, et un paragraphe de mon amendement décidait la question; les trois candidats qui ont le plus de voix sont nommés, le dernier ne l'est pas.

En ce qui concerne les conseillers généraux, il s'est présenté des difficultés, je le sais, parce que le vote ayant lieu par cantons, il pouvait arr ver que, relativement au nombre des électeurs dans chaque canton, le dernier nommé dans celui-ci pouvait avoir relativement plus de voix que le premier nommé dans celuilà; mais, en ce qui concerne les élections municipales, s'il y a quelques difficultés, et quelle est la loi qui atteint la perfection, difficultés sont bien loin d'être insurmontables, puisque nous avons traversé quarante années, pendant lesquelles les lois que je rappelais tout à l'heure ont été appliquées, bien qu'elles prescrivissent précisément ce que je demande aujourd'hui.

ces

Il faut, avant tout, que l'élément communal soit largement représenté dans les conseils municipaux, et toute question de procédure me paraît bien mesquine en comparaison du grand intérêt général que je défends ici. (Vive approbation.)

M Batbie, rapporteur. La rédaction qui a été proposée par la commission n'est autre chose que la consécration de la législation actuelle sur ce point.

Les dernières lois en vigueur, sur l'organisation municipale, n'exigent, pour être éligible aux élections municipales dans la commune, aucune condition de domicile. On peut changer, si l'on veut, et revenir à la législation de 1831.

N. Peltereau-Villeneuve. Ce n'est pas la portée de mon amendement.

M. le rapporteur. Je vous demande pardon. Je sais parfaitement quelle est la portée de votre amendement, et vous avez été assez clair pour qu'elle n'ait échappé à personne. M. Peltereau-Villeneuve propose que, pour être éligible dans une commune, on y soit domicilié, ou qu'on y paye une contribution directe si on n'y est pas domicilié.

Je dis que la législation actuelle, dont le projet de la commission n'est que la reproduction sur ce point, n'exige, pour l'éligibilité, dans une commune, aucune condition de domicile, ni, par conséquent, aucune condition d'inscription au rôle des contributions directes.

M. Peitereau-Villeneuve, qui connait parfaitement nos lois, reconnaitra que le projet de la commission est conforme à la législation en vigueur et que son amendement est un retour à une législation antérieure. Il n'y a pas dissentiment sur ce point. Eh bien, permettez-moi de dire que le projet de la commission est beaucoup plus conservateur. (C'est évident! Exclamation de M. Peltereau-Villeneuve.) Je m'attendais à votre étonnement; vous devez comprendre. qu'y étant préparé, je me suis préparé à justifier ma proposition. (On rit.) Je dis que le projet de la commission, est plus conservateur que votre amendement, et en voici la preuve.

Pourquoi se présente-t-on aux élections mu

nicipales? On ne peut avoir pour cela que deux raisons. A moins de supposer des personnes agissant sans motif sérieux, on ne se préSente aux élections municipales que pour deux Causes : ou parce qu'on est domicilié dans la Commune, ou parce qu'on y paye des contributions directes, c'est-à-dire parce qu'on y a des intérêts...

M. Peltereau-Villeneuve. Ou parce qu'on est un intrigant, ce qui arrive très-souvent. Plusieurs membres. C'est vrai! c'est vrai! Vous avez raison!

M. le rapporteur. Un interrupteur me fait observer qu'il y a une troisième hypothèse, qu'on se présente aussi aux élections parce qu'on est un intrigant. Eh bien, je crois que ce troisième motif peut se confondre avec les deux autres. (Rires et réclamations.)

J'ai entendu dire, messieurs, pour relever un mot que je n'aurais pas voulu jeter moi-même dans la discussion, que cette troisième catégo

rie

de candidats se recrute dans toutes les classes et tous les rangs, de parle du fait général, car c'est le fait général qui doit préoccuper le législateur.

Je répète qu'on se présente aux élections municipales pour l'un ou pour l'autre de ces motifs ou parce qu'on est domicilié dans la commune, ou parce qu'on y a des intérêts, intérêts qui sont manifestés par l'inscription aurôle de l'une des quatre contributions di

rectes.

M. le marquis de Mornay. Je demande la parole.

M. le rapporteur. Eh bien, messieurs, dans le système de M. Peltereau-Villeneuve, les forains, ceux qui ne sont pas domiciliés, ceux qui payent des contributions directes dans la commune, ne peuvent se trouver au conseil municipal qu'en nombre restreint, puisque leur nombre ne doit pas dépasser le quart; il sera donc dominé par l'élément qui est purement domicilié, par celui qui ne présente pas la ga rantie de l'inscription au rôle des contributions directes. Dans le système de la commission, l'élément forain, représenté par l'inscription au role des contributions directes, peut dominer et même absorber le conseil tout entier si les électeurs le veulent.

J'ai donc raison de dire que l'amendement est moins conservateur que notre article. (Réclamations sur plusieurs bancs.)

Mais vous niez l'évidence.

La question se réduit cependant à des termes bien simples. D'après l'amendement, les personnes éligibles comme payant une contribution directe, ne doivent pas dépasser la propor

tion du

cet é

données quart, et peuvent être complètement par l'élément purement don cilié qui ne paye pas de contributions directes. Au con. traire d'après la rédaction de la commission, télément, s'est en possession de la confiance des électeurs, peut dominer, et même comprendre le conseil tout entier. Je dis, pour ja troisième fois, que le système de la cominison tait plus conservateur que celui de l'amendeen Mouvements en sens divers.)

M. le marquis de Mornay. Messieurs, à l'heure avancée où nous sommes, je ne veux dire qu'un seul mot.

Je tiens beaucoup à ce qu'avant de voter, ous veuillez bien comprendre que, dans le

ANNALES. -T. I.

système de la commission, ce qu'on nous pro pose, c'est tout simplement ceci qu'un électeur, je demande pardon à l'honorable M. Langlois de me servir de cette expression,

qu'un électeur de Carpentras puisse parfaitement être nommé conseiller municipal dans une ville du nord de la France.

Véritablement, je ne puis admettre qu'un projet de loi comme celui-là puisse répondre aux besoins et aux aspirations de restauration de nos communes. (Très-bien ! Aux voix ! aux voix!)

M. de Marcère. Je ne retiendrai pas longtemps l'attention de l'Assemblée.

J'avais eu l'honneur de présenter un amendement analogue à celui de M. PeltereauVilleneuve, et je m'en rapporterais bien volontiers aux considérations qu'il a fait valoir à l'appui de cet amendement; mais M. le rapporteur les a combattues par des raisons qui, selon moi, n'ont rien de péremptoire.

Il a dit que le projet de la commission reproduisait exactement l'ancienne législation. Eh bien, cela n'est pas tout à fait exact.

La loi de 1831 et celle de 1848 n'exigent, en effet, aucune condition de domicile pour l'éligibilité. Tout homme pouvait être élu membre d'un conseil municipal sans être domicilié dans la commune. Mais cette condition de domicile n'existant pas; on avait cherché une autre condition, et la loi de 1831, comme la loi de 1848, avait imposé alors pour l'éligibilité la condition du payement d'une contribution di

recte.

Aujourd'hui, messieurs, on retire cette condition, et on substitue celle-ci : tout électeur, dans quelque commune de France que ce soit, pourra être éligible, non pas électeur dans la la commune où se fait l'élection; mais tout électeur, pourvu qu'il exerce ses droits où que ce soit. pourra être éligible dans un conseil municipal. Voilà la condition que la commission actuelle substitue à la condition du payement d'une contribution directe.

On a fait valoir tout à l'heure les raisons très-sérieuses à l'appui de la législation antérieure qui exigeait le payement d'une contribution directe.

M. le rapporteur oppose une objection, il dit: On n'a jamais, pour se présenter à une élection de conseil municipal, que deux intérêts ou un intérêt de domicile, ou un intérêt de propriété; par conséquent, votre amendement n'a pas de raison d'être.

En effet, du moment où il n'y a que cette double raison qui peut engager un citoyen à solliciter le suffrage des électeurs, il n'est pas nécessaire de mettre dans la lo que la condition du payement d'une contribution direct sera imposée par l'éligibilité.

L'honorable rapporteur a oublié qu'il y a d'autres motifs qui peuvent engager un citoyen à solliciter les suffrages des électeurs. L'honorable rapporteur a oublé un autre motif qui peut déterminer un citoyen à solliciter le suffrage des électeurs, et, cet autre motif, c'est l'intérêt politique et quelquefois la passion politique. C'est justement là ce que nous voulons éviter. Nous voulons éviter de mêler des intérêts et des passions politiques aux intérêts communaux et aux intérêts municipaux, et nous pensons qu'en général ce sera une condi

38

« PreviousContinue »