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oppriment la capitale, (Bravos et applaudissements prolongés et répétés.)

(L'orateur, en descendant de la tribune, est entouré et félicité par ses collègues du Gouver→ nement et par un grand nombre de représentants.)

M. Langlois monte à la tribune en même temps que M. Verlet.

M. Berlet. Nous demandons au ministre des affaires étrangères quelle conclusion il faut tirer de son discours, au point de vue de la loi en discussion. Nous ne nous payons pas de paroles: il nous faut une solution.

M. le marquis de Mornay. Il faut que Paris se soumette, entendez-vous! Oui, il faut que Paris se soumette! Je demande que mes paroles soient inscrites au compte rendu de nos séances.

M. Berlet. Avez-vous des moyens pour le soumettre?

M. le marquis de Mornay. Nous attendrons qu'il se soumette.

M. Langlois monte à la tribune.

M. Clémenceau, au milieu du bruil. Après le discours provocateur du ministre des affairos étrangères, je déclare, au nom de mes collègues de la gauche comme au mien, que nous retirons notre projet de loi sur le conseil municipal de Paris.

(Un grand tumulte s'élève dans toute l'Assemblée. M. Langlois s'efforce en vain de se faire entendre.)

Plusieurs membres. Attendez le silence!

M. Langlois, avec force. Messieurs, la maison brûle, et vous vous livrez à des conversations particulières !

M. Tirard. Je demande la parole.

Sur plusieurs bancs. Non! -Assez! assez ! M. Tirard. Je demande la parole. J'ai le droit de parler après un membre du Gouverne

ment.

M. le président. M. Tirard demande à user du droit que lui assure le règlement de parler après un ministre; je lui donne la parole. (Bruit.)

Messieurs, veuillez faire silence! autrement nous ne sortirons pas de cet interminable incident.

M. Tirard. Messieurs, j'arrive de Paris. Dans la mairie du deuxième arrondissement, tous les maires se sont réunis ce matin. Une grande partie des mairies sont encore occupées par les maires, les maires réels, et ne sont pas au pouvoir du gouvernement qui siége à l'Hôtel de Ville.

Voir diverses. Comment! le gouvernement?... - Dites les insurgés ! Osez les qualifier !

M. Tirard. Messieurs, je vous en prie, veuillez ne pas m'exciter.. En montant à la tribune, je vous assure que j'ai fait une ample provision de patience et de modération. (Oh! oh! Parlez! parlez!)

Nous sommes à Paris, mes collègues et moi, en face de ces hommes, et je vous prie de croire que nous ne reculons pas devant eux, que nous les tenons en échec. (Très-bien! très-bien !) Je suis dans ma mairie : je ne l'ai quittée que pour venir ici. Je vais y rentrer ce soir, et si demain, doit paraître, comme on l'a dit, un décret portant ma destitution, je n'y resterai pas moins; ils m'y tueront, s'ils le veulent. (Profonde sensation.)

Messieurs, quand on est prêt à faire de actes de cette nature, on a le droit de parler... M. Edouard Lockroy. Qui! quil cent fois. Oui!

M. Tirard...et. on a le devoir de m'écouter. (Parlez parlez !)

Eh bien, je vous l'avoue, j'ai écouté tout à l'heure le discours de l'honorable ministre des affaires étrangères avec une émotion, avec une douleur profondes, et je vais vous dire pourquoi... (Rumeurs sur divers bancs.)

Oh! je ne veux pas critiquer les moments sont trop précieux pour se livrer à des récriminations; mais, je veux le dire en toute sincérité, Paris peut être sauvé d'ici demain, Paris peut être sauvé avec des mesures, je n'ose. pas dire de prudence, je n'ose pas dire de conciliation, mais de conservation.

Quelques membres. C'est cela

M. Tirard. La mesure que nous avons eu l'honneur de vous proposer hier est une de celles-là. Depuis qu'elle a été officiellement annoncée, il s'est produit un revirement immense dans les esprits. Depuis que cet article abominable, odieux, infâme que, tout à l'heure, vous lisait M. le ministre des affaires étrangères a été connu dans Paris, il s'est produit une trans. formation immense, c'est-à-dire que les timides, les lâches, si vous voulez, qui restaient chez eux, sont prêts à sortir et à défendre la France qui est menacée. (Très-bien ! très-bien ! Bravo! bravo!)

En voulez-vous la preuve ?

La garde nationale, la partie saine de la garde nationale est, malheureusement, jusqu'à présent, restée chez elle. J'ai fait venir les chefs de bataillon de mon arrondissement, je leur ai exposé la situation; je leur ai dit: Mes collègues sont à Versailles; ils demandent, tele les et telles choses; il faut en finir; nous no pouvons pas rester comme cela, nous ne pouvons pas être solidaires d'actes pareils.

"

Les chefs de bataillon ont rédigé une afiche qui a été apposée dans tous les arrondissements et tous mes collègues en ont sollicité une ana logue de tous les chefs de bataillon de leur circonscription.

Voici cette affiche, dont je vous donnerai lecture, si vous le désirez.

De toutes parts. Lisez! lisez!
M. Tirard. Je lis:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
< Concitoyens,

Les députés de Paris, unis aux maires et adjoints, ont résolu de défendre la République envers et contre tous en maintenant tout d'abord la tranquillité dans la cité.

La municipalité du 2 arrondissement et les chefs de bataillon, s'associant à cette résolution, ont organisé un service de protection et de surveillance dans l'arrondissement. Tout citoyen dévoué à la République leur doit son concours. Toute abstention dans les circonstances actuelles est un crime civique; nous faisons donc un appel énergique à tous nos camarades pour nous seconder dans l'œuvre de conciliation dont le principe est accepté. « VIVE LA RÉPUBLIQUE! »

Suivent les noms de tous les chefs de bataillon parmi lesquels figure, je dois le dire, l'ho norable commandant du 10e bataillon, qui était mon compétiteur aux dernières élections.

Eh bien, messieurs, les mesures qui ont été annoncées tout à l'heure m'épouvantent, je l'avoue, et voici pourquoi... (Mouvements divers.)

individus, et dont on ne saurait, en bonne justice, rendre solidaire toute une population. Js n'ai pas de journaux pour répondre aux article et aux injures que l'on dirige contre moi e que j'entends répéter autour de moi depuis six mois. Les Parisiens honnêtes, et c'est l'immense, la très-immense majorité protestent contre de pareilles exagérations qui sont faites dans un esprit que je n'ai pas besoin de vous

Je ne suis pas dans le secret des moyens dont dispose le Gouvernement, mais permettez-signaler. moi de vous signaler un fait.

Tout à l'heure, je suis monté en chemin de fer. Il y avait une vingtaine d'hommes armés dans l'intérieur de la gare, qui s'opposaient au départ de certains militaires, de militaires venant ici rejoindre leurs corps, et il y a même eu, à ce sujet, une petite collision. Savez-vous ce que j'ai vu parmi ces hommes ? J'ai vu des soldats, des hommes en pantalon rouge. Et ce qui rend, suivant moi, la situation un peu dangereuse, plus dangereuse qu'elle ne le serait sans le détail que je vais dire, c'est qu'une partie des bataillons de garde nationale est armée de chassepots comme les soldats. Qui est-ce qui les leur a donnés?... L'armée. (Dénégations sur plusieurs bancs.) Messieurs, c'est de l'histoire.

M. le ministre des affaires étrangères. C'est par le pillage des magasins de la guerre qu'on s'est procuré des chassepots.

M. Tirard. Ce n'est pas par suite du pillage des magasins de la guerre qu'il y a des soldats dans les rangs des insurgés, et je vous garantis qu'il y en a considérablement.

M. le ministre des affaires étrangères. C'est vrai!

Un membre. Ce sont des insurgés déguisés en soldats.

M. Tirard. Messieurs, je n'ai aucun intérêt à vous déguiser la vérité. Quel intérêt aurais-je à le faire? (Bruit.)

M. le président. Ne répondez pas aux interruptions.

M. Tirard. Je vous assure que si je sentais le Gouvernement ayant la possibilité de se défendre, j'en serais très-heureux.

Un membre au fond de la salle. Appelons à nous la province !

M. Tirard. Il y a quelque chose dans le discours de M. le ministre des affaires étrangères qui m'a surtout affligé : c'est cet antagonisme qu'on cherche à faire naître entre Paris et la province.

M. le ministre des affaires étrangères. Je voudrais l'effacer, au contraire.

M. Tirard. Permettez-moi de dire que personne n'est plus opposé que nous u démembrement de la France, sous quelque forme qu'il se présente. Quand nous entendons parler de ruraux et d'urbains, quand nous voyons que l'on cherche absolument à établir une distinction entre les différentes contrées dont le pays se compose, nous en sommes profondément affligés.

M. de Larcy, ministre des travaux publics. C'est par les Parisiens que la qualification de « ruraux » a été inventée et appliquée à la province.

M. Tirard. Nous regrettons vivement qu'on se fasse une arme contre toute une population de quelques articles de journaux qui, en définitive, ne représentent que l'opinion de quelques

Messieurs, il se passe des faits, dans Paris, qu'il ne serait peut-être pas prudent de vous faire connaître.

Plusieurs membres à droite. Pourquoi done?
Nous voulons tout savoir? Dites tout!
M. Tirard. Le voulez-vous, messieurs? Eh
bien...

Sur divers bancs. Non! non! ne faites pas cela!

M. de Tillancourt. Nous n'avons pas à vous provoquer. Faites ce que vous voudrez. Vous êtes le seul juge de ce que vous devez dire et de ce que vous devez taire.

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Songez donc à la France, au pays qui nous entend! (Bruit.)

M. le président. N'interpellez pas l'orateur, messieurs! Tout le monde est président aujourd'hui, excepté le président.

M. Tirard. Je ne veux pas rester plus longtemps à la tribune; mais, je vous en adjure, laissez-nous terminer notre œuvre qui est en bon chemin. Nous avons autour de nous toute la population saine, et c'est l'immense majo

rité.

Sur un grand nombre de bancs. C'est vrai ! c'est vrai !

M. Tirard. Tout le monde déplore ce qui se passe, et si nous pouvions apporter à Paris ce projet de loi...

A droite. Ah! ah! Que l'on commence par rendre le général Chanzy!

M. Bethmont. Mais laissez don parler un homme qui expose sa vie tous les jours, et qui connait la situation de Paris.

M. Tirard. Messieurs, permettez!... Nous ne vous avons pas ramené le général Chanzy, mais nous sommes allés le chercher hier matin. Lorsque le frère de M. Turquet est venu m'annoncer que notre collègue était arrêté, je me suis rendu près de celui ci immédiatement, et au risque d'être fusillé, une heure après, j'ai donné l'ordre d'élargissement. (Très-bien! trèsbien!)

Hier soir, messieurs... (Interruptions.)

M. le président. Ne répondez pas aux interruptions.

M. Tirard. Mais on nous attaque constamment, il faut bien que nous répondions.

Hier soir, rentrés à Paris, mon honorable ami Schoelcher et un autre de nos collègues ont été à l'Hôtel de Ville afin de demander l'élargissement du général Chanzy, et quand on va à l'Hôtel de Ville, on sait bien quand on y entre, mais on ne sait pas si l'on en sortira. (Mouvement.) Nous ne nous contentous pas de rester dans un coin en criant: Rendeznous Chanzy! » Nous allons à lui... (Applaudissements), ayant fait d'avance le sacrifice de notre vie. Si nous la perdons eu sauvant le pays, nous ne la regretterons pas. (Nouveaux applaudissements.)

Je me résume, et je donne à mon discours ce que le ministre des affaires étrangères n'a pas donné au sien : une conclusion.

Si vous voulez bien adopter notre projet, je vous assure que la tranquillité renitra dans Paris, et que dans deux ou trois jours, demain peut-être, nous serons maitres de l'Hôtel de Ville et de tous les édifices publics. Si, au contraire, nous revenons les mains v des, soit aujourd'hui, soit demain, je vous avoue franchement que je ne sais pas ce qui pourra se pass r.

Voilà, messieurs, ce qu'il était de mon devoir de vous dire et de vous faire connaitre. (Vits applaudissements sur un grand nombre de bancs. L'orateur en descendant de la tribune est félicité par un certain nombre de ses collègues.)

Plusie: rs voir. La clôture!

M. le président. Je mets aux voix la clôture de l'incident.

(M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, se dirige vers la tribune.)

Quelques membres. M. Thiers désire parler. M. le président. M. le chef du pouvoir exécutif a la parole.

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Messieurs, je ne regrette pas, et vous ne regretterez certainement pas, la longueur de cette discussion... (Non! non!), car je m'aperçois toujours que plus les circonstances sont graves, plus la discussion, en faisant jaillir la vérité, est utile; mais il faut que la discussion se termine par une clarté de parole qui ne puisse laisser aucun prétexte aux mauvaises inten

tions.

La vraie marre d'être conciliants, c'est d'être justes. (Tre bien!) Je remercie l'honorable M. Tirard, et je suis sûr que l'Assemblée le remerciera avec moi, du noble courage qu'il montre tous les jours dans les circonstances difficiles où nous sommes placés. (Oui! oui! - Nombreux applaudissements.)

Lui, M. Schoelcher et M. Clémenceau sont allés demander la liberté du général Chanzy: je les en remercie. En se conduisant ainsi, ils servent la République beaucoup mieux que les scélérats qui versent le sang du général Lecomte et du général Clément Thomas. (Mouvements divers.)

M. Emmanuel Arago. Ne confondez pas les républicains avec les assassins !

M. le chef du pouvoir exécutif. Non, non! Je m'applique à faire cette distinction, ot, depuis que je suis ici, j'ai fait tous mes efforts pour qu'elle fût parfaitement claire : les uns honorent la République; les autres la déshonoreraient, si elle pouvait l'être. (Mouvement.)

M. Ducuing. Ce ne sont pas des républicains qui ont fait cela!

M. le chef du pouvoir exécutif. Maintenant, qu'il soit bien entenda que la France, ici réprésentée, ne déclare pas et n'entend pas déclarer la guerre à Paris, que nous n'entendons pas marcher sur Paris, mais que nous attendons de sa part un acte de raison en applaudissant à tous ceux qui ont leurs efforts pour le provoquer. (Très-bien! très-bien!) Nous serons heureux de les voir réussir.

Paris veut ses droits: nous travaillerons

à les lui rendre, en n'y mettant d'autreréserves que celles qui seront nécessai

res pour que les scélérats qui ont opprimé Paris et ont essayé de le déshonorer n'aient plus en main une force dont ils abusent, pour que la tranquillité de Paris soit assurée en sauvegardant sa liberté, et pour que les droits mêmes qu'il réclame restent dans leur intégrité. (Très-bien ! très-bien !)

La Chambre approuvera cette déclaration que je fais, que nous ne faisons pas la guerre à Paris; que nous sommes prêts au contraire à lui ouvrir les bras, s'il nous les ouvre lui-même.

Je n'en dis pas davantage, mais je le répète pour que Paris ne puisse pas se tromper sur le sens de la discussion qui vient d'avoir lieu. (Très-bien! très-bien! Applaudissements.) M. de Tillancourt. L'ordre du jour!

M. le président. Il a été déposé sur le bureau divers ordres du jour motivés...

Quelques voix. L'ordre du jour pur et simple! M. le président. ...divers ordres du jour motivés dont je vais donner connaissance à l'Assemblée. (Interruptions.) Elle verra si elle veut donner la préférence à l'ordre du jour pur et simple. (Non! non!)

Je vous appelerai, messieurs, à voter sur l'ordre du jour pur et simple, s'il est demandé; mais entendez d'abord la lecture des ordres du jour motivés.

J'en donne communication à l'Assemblée dans l'ordre où ils m'ont été remis.

Le premier est signé par MM. Target, Bozerian, René Brice, Journault, Paul Bethmont. Il est ainsi concu :

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L'Assemblée, résolue, d'accord avec le pouvoir exécutif, à reconstituer dans le plus bref délai possible les administrations municipales des départements et de Paris sur la base des conseils élus, passe à l'ordre du jour. »> (C'est cela! Très bien! sur un grand nombre de bancs.)

Le second, portant la signature de MM. Decazes, Cochery, Wallon, Lambert de SainteCroix, Luro, d'Haussonville, est ainsi conçu :

« L'Assemblée, s'associant aux déclarations du chef du pouvoir exécutif, qui ont reconnu le droit des électeurs de la ville de Paris comme celui de toutes les villes de France à nommer leurs conseillers municipaux, et considérant qu'elle sera appelée à bref delai à statuer sur le projet de loi qui lui a été soumis à cet effet, passe à l'ordre du jour.» (Rumeurs diverses.) Quelques voix. C'est trop long!

M. le président. Un autre ordre du jour, présenté par MM. de Goulard, Tallon, Dufour, Cornelis de Witt, Bottieau, de Rémusat, Albert Desjardins, Perrot, est ainsi formulé :

« L'Assemblée nationale, adhérant aux déclarations formulées par M. le président du conseil, chef du pouvoir exécutif, sur le droit de la ville de Paris d'élire son conseil municipal, passe à l'ordre du jour.»

Plusieurs membres. C'est le meilleur !

M. le président. Enfin, M. Peyrat m'a remis le suivant :

« L'Assemblée donne acte au Gouvernement de la déclaration faite par le chef du pouvoir exécutif que Paris a droit, comme toutes les villes de France, à être représenté par un conseil municipal électif, et considérant qu'il sera présenté, sans délai, une loi ayant pour but de réaliser ce droit, passe à l'ordre du jour. »>(Mouvements en sens divers.)

Plusieurs membres. L'avant-dernier! l'avantdernier!

M. Victor Lefranc. Je demande à dire un mot sur le choix à faire entre les divers ordres du jour, et je dis tout de suite que c'est un peu avec mon concours que le premier a été rédigé. Je demande à expliquer les motifs pour lesquels... (Non! non! Aux voix aux

voix !)

Si vous ne voulez pas m'entendre, je desdescends de la tribune.

M. Cochery. En présence de l'ordre du jour motivé présenté par M. Peyrat, qui nous satisfait, nous retirons le nôtre. (Aux voix ! aux voix !)

Voix nombreuses. Le premier! le premier l M. le président. Demande-t-on la priorité pour un de ces ordres du jour ?

M. Horace de Choiseul. N'importe lequel! ils sont tous semblables.

M. le président. Ils reviennent, en effet, tous au mème ce sont des différences de rédaction qui seulement les distinguent.

Voix nombreuses. Le premier! le premier! M. le président. Je donne de nouveau lecture du premier ordre du jour pour lequel on demandé la priorité :

« L'Assemblée, résolue, d'accord avec le pouvoir exécutif, à reconstituer dans le plus bref délai possible les administrations municipales des départements et de Paris sur la base des conseils élus, passe a l'ordre du jour.» (Oui! oui c'est cela! Aux voix aux voix!)

M. Cochery. Nous demandons une deuxième lecture de l'ordre du jour de M. Peyrat M le président. Le voici :

« L'Assemblée nationale donne acte au Gouvernement... >>

Je ferai remarquer en passant à l'Assemblée que, si elle devait s'arrêter à ce dernier ordre du jour, il y aurait une locution à modifier. L'Assemblée n'a point d'acte à donner au Gouvernement.

M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères. On pourrait dire : « L'Assemblée s'asSociant aux déclarations... »

M. le président : Soit! on dirait alors : « L'Assemblée nationale, s'associant aux déclarations faites par le chef du pouvoir exécutif que Paris a droit, comme toutes les villes de la France... (Interruptions.)

Vous voterez pour l'ordre du jour que vous préférerez, messieurs; mais laissez-moi conti

nuer :

...que Paris a droit, comme toutes les villes de France, à être représentée par un conseil municipal électif, et considérant qu'il sera présenté sans délai une loi ayant pour but de réaliser ce droit, passe à l'ordre du jour.» Je mets aux voix le premier ordre du jour (Réclamations sur quelques bancs.)

M. le comte Jaubert monte à la tribune. M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Voulez-vous me permettre de dire un mot? Je tiens à constater... (Bruit).

M. le comte Jaubert. Messieurs, vous allez vous jeter dans des difficultés de rédaction inextricables. D'après le règlement, l'ordre du jour pur et simple doit avoir la priorité. (Non! - Si! si!)

J'en fais la demande, et j'ajoute que le discours de M. le chef du pouvoir exécutif et

de M. le ministre des affaires étrangères en sont le meilleur commentaire. (Mouvements divers.)

M. le ministre de l'intérieur. Messieurs, l'ordre du jour pur et simple n'aurait pas la clarté que demandait, avec tant de raison, l'honorable président du conseil. Le Gouvernement est en présence de quatre ordres du jour motivés dont le sens est absolument le même, qui reposent sur le même principe. L'Assemblée peut choisir. Le Gouvernement, lui, n'a qu'une chose à désirer: c'est d'avoir à constater, dans une question aussi grave, une complète unanimité. (Très-bien! très-bien!)

M. le président. Je consulte l'Assemblée. M. de Tillancourt. Commencez par le premier déposé, monsieur le président!

Voix nombreuses. Le premier! le premier! M. le duc de Bisaccia. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Vous avez la parole. M. le duc de Bisaccia. Je demande que la Chambre se conforme au règlement et que l'ordre du jour pur et simple soit mis aux voix le premier. Je crois qu'en présence des différentes rédactions proposées l'ordre du jour pur et simple est préférable. (Interruptions diverses.)

M. le président. Je mets aux voix l'ordre du jour pur et simple. (Réclamations.)

M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Non!

non!

M. le président. Puisque l'ordre du jour pur et simple est proposé, je ne puis pas ne pas le mettre aux voix.

M. Jules Favre. Je vous supplie de bien réfléchir, messieurs, que, malgré les paroles qui viennent d'être prononcées par l'un des honorables préopinants, et contrairement sans doute à l'intention de ceux qui voteraient ainsi, l'ordre du jour pur et simple contiendrait le rejet de la pensée des ordres du jour motivés.

Quand il y a accord et accord complet, sur le fond come sur la forme, entre le Gouvernement et l'Assemblée, pour l'adoption d'un des ordres du jour motivés, l'ordre du jour pur et simple serait une déclaration d'hostilité contre le Gouvernement, déclaration qu'il ne pourrait accepter. (Très-bien ! très-bien! - Aux voix ! aux voix !)

M. le comte Jaubert se dirige vers la tribune. (Aux voix ! aux voix!)

M. le président. Monsieur le comte Jaubert, finissons-en d'abord avec l'ordre du jour pur et simple. Y persistez-vous ?

M le comte Jaubert, à la tribune. Messieurs... (Aux voix ! aux voix !)

Messieurs, comme tous les bons citoyens, j'attache une telle importance à notre union intime avec le Gouvernement que je retire ma demande d'ordre du jour pur et simple. (Trèsbien !)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ordre du jour que j'ai lu d'abord, je donne connaissance à l'Assemblée d'une nouvelle rédaction d'ordre du jour motivé. (Interruption.)

Laissez donc le président accomplir son devoir, messieurs! Il faut bien qu'il vous fasse connaitre les ordres du jour déposés sur le bureau. Ce n'est pas lui qui les dicte.

Le nouvel ordre du jour motivé, c'est M. de

Kerdrel qui l'a déposé; il est très-court du

reste :

L'Assemblée nationale, s'associant aux déclarations du chef du pouvoir exécutif concernant la représentation municipale de Paris et des départements, passe à l'ordre du jour. (Mouvements divers.)

M. Audren de Kerdrel. Je demande la priorité pour cet ordre du jour.

M. Edouard Lockroy. Mais non ! faites voter le premier ordre du jour que vous avez lu, monsieur le président! (Oui! oui! Non! non!)

M. le président. M. de Kerdrel demande la priorité pour son amendement.

M. de Tillancourt. On demande la priorité pour l'ordre du jour qui a été déposé le premier M. le président. Je mets aux voix le premier ordre du jour motivé.

En veut-on une dernière lecture? (Oui! oui! Lisez !)

L'Assemblée résolue, d'accord avec le pouvoir exécutif, à reconstituer, dans le plus bref délai possible, les administrations municipales des départements et de Paris sur la base des conseils élus, passe à l'ordre du jour. »

Un membre. Ne pourrait-on pas modifier ces mots: Sur la base des conseils élus? »

M. le président. Nous ne faisons pas de phrases académiques. Si vous trouvez dans cette rédaction la pensée qui vous préoccupe, cela suffira. (Oui! oui! - Aux voix!)

(L'ordre du jour motivé, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.)

M. Cochery. Adopté à l'unanimité !

Plusieurs membres. Quel est l'ordre du jour de demain?

M. le président. L'ordre du jour reste fixé comme il a été dit précédemment.

Le tirage des bureaux aura lieu à l'ouverture de la séance.

(La séance est levée à cinq heures trois quarts.)

Annexe no 64.

(Procès-verbal, séance du 21 mars 1871.) PROPOSITION relative au général Clément Thomas et à la famille du général Lecomte, présentée par M. le général Trochu. (Urgence déclarée)

L'Assemblée nationale, pénétrée de reconnaissance pour les services que les généraux Clément Thomas et Lecomte ont rendus; pénétrée d'horreur pour l'attentat dont ils viennent d'être les victimes; organe de la gratitude du pays et de la conscience publique,

Adopte le projet de loi ci-après :

«Le meurtre du général Clément Thomas est un deuil public auquel l'Assemblée appelle le pays tout entier à s'associer.

La famille du général Lecomte, assassiné à Paris, dans l'accomplissement du devoir professionnel, est adoptée par la nation. »

Annexe n° 65.

(Procès-verbal, séance du 21 mars 1871.) PROPOSITION relative à la convocation immédiate des conseils généraux, présentée par M. Gaslonde. (Urgence déclaréc.)

Article premier. Le décret de la délégation de

Bordeaux portant dissolution des conseils généraux est rapporté.

Art. 2. Les conseils généraux se réuniront immédiatement au chef-lieu de leurs départements pour délibérer, de concert avec les préfets, sur les moyens les plus propres à assurer le respect des lois et l'obéissance aux décrets de l'Assemblée nationale et aux ordres du Gouvernement institué par l'Assemblée.

Art. 3. Les conseils généraux sont autorisés à nommer, avant de se séparer, des commissions composées de trois de leurs membres au moins et de sept au plus, qui, jusqu'au complet rétablissement de l'ordre dans toute la France, prêteront aux préfets l'assistance de leurs conseils et le concours de leur autorité morale dans toutes les mesures commandées par les événements.

Annexe n° 66

(Procès-verbal, séance du 21 mars 1871.) RAPPORT de la commission chargée de se concerter avec le pouvoir exécutif sur les mesures à proposer à l'Assemblée en raison des événements, par M. Jules de Lasteyrie, membre de l'Assemblée.

Messieurs,

La commission nommée par vous a pensé qu'il ne suffisait pas à l'autorité souveraine, et à la gravité des circonstances, de rédiger une proclamation qui, nous l'espérons, rencontrera votre assentiment unanime. Eile s'est occupée des mesures qui devaient accompagner cette proclamation, et s'est mise d'accord avec le chef du pouvoir exécutif, pour porter dans les actes la fermeté et l'union qui sont dans les cœurs

Nous sommes heureux de pouvoir vous annoncer que, d'après les dépêches reçues par le pouvoir exéculif, toutes les nouvelles venues des départements sont bonnes, elles sont bonnes sans exception. Nous n'en avons pas moins pressé les mesures destinées à défendre dans la France entière, le droit contre la violence, et notre confiance dans le triomphe de la souveraineté nationale ne nous a pas empêché de songer à toutes les éventualités.

Vous serez bien aises aussi d'apprendre que le sentiment qui avait fait désirer à un grand nombre d'entre nous, de voir l'Assemblée passer en revue ses défenseurs, a été en même temps et presque à la même heure, éprouvé par l'armée. Ses chefs l'avaient demandé à M. le président du conseil, avant que notre proposition à ce sujet lui ait été faite. Il va prendre les mesures nécessaires pour la mettre à exécution.

Je m'arrête, ne voulant pas retarder la lecture de la proclamation au peuple et à l'armée, que votre commission va vous soumettre.

La tâche de votre commission est loin d'être achevée. Elle persévérera dans ses efforts. Mais dès aujourd'hui, dans ce premier rapport, elle peut affirmer qu'elle n'a négligé d'appeler l'attention du pouvoir exécutif sur aucune des mesures qui pouvaient garantir la sûreté de l'Assemblée et fortifier la discipline de l'armée. Chaque heure de la journée d'hier a été employée dans ce but.

PROCLAMATION

L'Assemblée nationale au peuple et à l'armée.

Citoyens et soldats,

Le plus grand attentat qui se puisse commettre chez un peuple qui veut être libre, une révolte ouverte contre la souveraineté nationale, ajoute en ce moment comme un nouveau désastre à tous les maux de la patrie. Des criminels, des insensés, au lendemain de nos revers, quand l'étranger s'éloignait à peine de nos champs ravagés, n'ont pas craint de porter dans ce pays, qu'ils prétendent honorer et défendre, plus que le désordre et la ruine, le déshonneur. Ils l'ont taché

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