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M. Ducuing. On a créé des commissions où l'on donne aux juges de paix, qui ne jugent en dernier ressort que jusqu'à 150 fr., une compétence souveraine sur les loyers de 25,000 et 40,000 fr. Voilà ce que vous nommez le droit commun!

M. le président. C'est la discussion générale reprise sous forme de dialogue.

Monsieur Martel, veuillez continuer sans répondre aux interruptions.

M. Martel. Je ne réponds pas aux interrup tions, pour me conformer au dé ir de notre honorable président; mais ce que j'ai à dire va suffisamment les réfuter.

A

Qu'ai-je proposé? Que la ville de Paris soit autorisée à faire remise totale de trois termes aux locataires d'appartement de 400 francs et au-dessous. Pourquoi ai-je indiqué ce chiffre de 400 francs? Je ne l'ai pas fixe arbitrairement, mais d'après une donnée certaine : c'est qu'à Paris tous les loyers de 400 francs et audessous sont affranchis du payement de la contribution mobilière et personnelle.

Lors donc qu'on vous disait tout à l'heure : Vous faites une loi de charité, » on avait parfaitement raison.

La ville de Paris, depuis longtemps, a jugé que tous les ménages, tous les pères de famille, que toutes les personnes qui ne peuvent pas supporter un loyer supérieur à 400 francs, que ces personnes sont tellement voisines de la pauvreté, qu'il faut les assister en ne leur imposant pas le payement de la cote personnelle et de la cote mobilière.

C'est donc, je le répète, une loi de bienfaisance que vous faites pour les personnes de cette catégorie qui n'ont pas un loyer supérieur à 400 francs.

Maintenant, à l'égard des propriétaires, quel est le sens de mon amendement ?

taires, et vous aurez dans Paris ce danger considérable pour la sécurité publique, de voir un grand nombre de ménages jetés hors de leurs logements par, je ne dirai pas la dureté des propriétaires, mais par la nécessité où ceux-ci se trouveront de se débarrasser de locataires qui ne les payent pas.

Voilà le sens de mon amendement; il vient tout à la fois au secours du locataire et au secours du propriétaire; il ne porte aucune atteinte au droit commun, car tout cela ne peut être fait que si les propriétaires y consentent; tout cela est soumis à leur bonne volonté. S'ils ne veulent pas y consentir, ils ront devant les juges spéciaux; mais, s'ils entendent bien leur intérêt, et il n'en faut pas douter, ils accepteront la transaction qui leur est proposée et qui leur permettra de recevoir quelque chose de leurs locataires qui, autrement, ne pourraient rien leur payer.

Tel est le sens de l'amendement que j'avais déposé. La commission a cru devoir, tout en l'acceptant, le modifier. Elle a porté le chiffre des loyers de 400 à 600 francs. Je ne puis pas accepter le chiffre de 600 francs, parce que ce chiffre est arbitraire. Pour le chiffre de 600 fr. il n'y a pas cette base que j'ai trouvée pour le chiffre de 400 francs, à savoir que, dans ce cas, on est dispensé de payer la contribution personnelle et la contribution mobilière.

La commission a, en outre, encore étendu mon amendement. Voici comment:

Je le bornais à la ville de Paris, la commission l'a étendu à tout le département de la Seine. Je trouve à cette seconde extension un inconvénient, c'est qu'on arrive ainsi à faire payer à Paris une somme très-considérable. En effet, d'abord la commission, au lieu de prendre le chiffre de 33 0/0 que j'entends donner comme indemnité aux propriétaires, a pris celui de 50 0/0; ensuite, étendant jusqu'aux propriétaires du département de la Seine la faculté de donner quittance de tous leurs loyers en se contentant de recevoir une indemaitė, la commission est arrivée à ce résultat que cette indennité s'èlèverait à 45 millions environ. Or Paris représente les 6/7es du département de la Seine.

Les propriétaires qui ont des loyers à receyoir dont le prix n'est pas supérieur à 400 fr., de l'avis de tout le monde, à Paris, sont ruinés, parce qu'il leur est impossible de se faire termes qui leur sont dus. Eh bien, a l'égard de payer les ces propriétaires, vous venez encore faire une loi de charité. Vous dites à ces propriétaires : Vous allez, pour trois termes qui sont exigibles, donner quittance à vos locataires, mais vous recevrez un terme sur trois à la condition que vous laisserez les locataires dans les loge-jet, au contraire, ne va qu'a 20 ou 25 milions ments qu'ils occupent jusqu'au 15 juillet prochain.

Pourquoi ai-je indiqué le terme du 15 juillet prochain? c'est parce que, quand l'amendement a été déposé, il y a trois semaines, nous avions l'espoir que le terme du 15 avril au 15. juillet aurait pu s'écouler au milieu de l'ordre dans Paris, qu'il aurait été possible à ces locataires d'arriver par leur travail et leurs économies à payer le terme d'avril à juillet, et mon amendement avait ce double but de permettre aux propriétaires de recevoir une indemnité sur les loyers qui leur sont dus, et aussi de ne pas permettre qu'un très-grand nombre de locataires fussent à partir du 15 avril jetés dans les rues de Paris. Car si vous ne faites rien pour les propriétaires, si vous ne leur assurez pas un terme de loyer sur les trois termes qui sont échus, et si vous ne leur garantissez pas qu'ils pourront trouver le terme du 15 avril au 15 juillet, les propriétaires congédieront leurs loca

Vous voyez que, pour cette ville, ce serait un
chiffre d'indemnité très-considérable. Mon pro-

tout au plus. Je crois, messieurs, qu'il ne faut
pas étendre ce chiffre. Cest quelque chose en-
core qu'une différence de 20 millions sur une
somme de 40 millions que la commission vou-
drait faire payer aux propriétaires de Paris et
de la banlieue.

Du reste, tout cela est subordonné au vote
de la ville de Paris. Non-seulement les proprié-
taires ne seraient pas contraints à accepter
l'offre qu'on leur fait, mais encore, pour que la
ville de Paris puisse emprunter, elle ne pour-
rait le faire, d'après mon amendement, que
dans les conditions suivantes :

«La ville de Paris est autorisée à émettre, pour pourvoir aux payements i-dessus indiqués, des obligations jusqu'à concurrence de 25 millions, dont le montant, les intérêts et le remboursement, seront fixés par décision du conseil municipal légalement institué. »

M. le comte de Douhet. Ne fixez pas de chiffre.

M. Martel. Soit. Le chiffre de 25 millions me parait d'ailleurs beaucoup trop élevé.

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Je vous fais remarquer, messieurs, que l'emprunt à faire par la ville de Paris consistera en obligations, dont le montant, les intérêts et le remboursement seront fixés par décision d'un conseil municipal légalement institué, c'est-àdire que, si mon amendement avait été voté, je faisais savoir à la ville de Paris, il y a trois semaines, qu'il faudrait qu'elle eut un conseil municipal legalement institué, par conséquent qu'il faudrait que l'insurrection eût cessé pour que les propriétaires et les petits locataires pussen't bénéficier des avantages que mon amendement leur réservait (Très-bien! sur divers bancs.)

M. le rapporteur. Il y a vraiment si peu de différence entre l'amendement présenté par M. Martel et la rédaction qui a été adoptée par la commission qu'il me será facile d'être trèsbref.

Néanmoins, il y a un point qu'il est important de préciser pour qu'il n'y ait pas d'erreur dans l'application de la loi."

M. Martel a été conduit à indiquer la catégorie des locations de 400 francs et au-dessous par ce fait que c'est une catégorie de locations dont les locataires sont exemptés, à Paris, de la contribution personnelle et mobilière.

་། ་

En effet, cet impot, qui est un impôt de répartition est prélevé sur les autres locations, selon une échelle qui est variable, qui n'est pas la même pour 1871 que pour 1870, qui imPose dans une certaine proportion les loyers de 1,500 fr., dans une proportion plus élevée les loyers supérieurs, et qui conduit à remplacer la perception absente de l'impôt sur les foyers de 400 francs et au-dessous par un prélèvement sur l'octroi. Mais il faut remarquer que, dans l'habitude de la commission des répartiteurs de Paris, les loyers sont évalués à un certain taux, au taux de la valeur probable et diminués pour l'application, dans la proportion de 25 pour cent.

Donc, quand on parle des loyers de 400 fr., en disant que c'est la même catégorie que la Catégorie dont on se sert pour l'exonération, on dit une chose qui n'est point tout à fait exacte. Les loyers exonérés à Paris sont les loyers d'une valeur réelle de 500 francs, et par conséquent, il y'a encore moins de différence qu'il ne semblait y en avoir entre notre projet de loi et celui de M. Martel, puisque les foyers auxquels s'applique l'article 8 sont des loyers. de 600 francs, valeur réelle. C'est bien de 600 francs, valeur réelle, que nous avons entendu parler dans l'article, et si l'Assemblée vote cet article, avec 600 francs, il sera entendu qu'il s'agit du loyer de 600 francs, valeur réelle, prix réel que le locataire paye au propriétaire. Ainsi, entre le chiffre fixé par l'honorable M. Martel et le nôtre, il n'y a pas la différence de 200 fr., qui semblait ressortir du discours de M. Martel, mais une différence seulement de 100 francs. Nous avons cru qu'il était intéressant d'atteindre un niveau supérieur, parce que, des renseignements qui nous ont été fournis il résultait que nous comprendrions dans la catégorie de ceux qui profiteraient de la loi un très-grand nombre de locataires, un chiffre qui a pu être évalué à quelque chose comme 90,000 pour l'ensemble du département, puisque pour

Paris seulement il y avait 90,000 locataires en plus si on allait jusqu'à 750 fr. Nous arrêtant 600 fr. et prenant tout le département, nous avons pensé qu'il y aurait une masse de près de cent mille personnes qui profiteraient du bénéfice de la lói.

Maintenant, cette première catégorie qui semblait créée, pour ainsi dire, par les usages administratifs, nous n'avons pas pu nous en servir comme nous y aurions été portés d'abord ainsi que M. Martel, parce qu'il était nécessaire de faire une loi qui s'étendit à tout le département de la Seine. Les décrets du Gouvernement provisoire qui ont entamé la question, qui ne nous ont pas laissé sur ce sujet une liberté entière, s'appliquent à la totalitě du département de la Seine."

Or, dans les communes du département de la Seine, cet usage des répartiteurs dont je vous parlais, ou du moins cette exonération qui "a été donnée aux petits locataires de Paris, n'existe pas, et par conséquent la catégorie qui semble une catégorie naturelle pour Paris, ne constitue pas une catégorie administrative naturelle dans les autres communes.

Il en résultait donc qu'à còté de cette catégorie facile à déterminer nous avions à prendre pour les communes suburbaines un chiffre purement arbitraire, et par les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, c'est-à-dire pour atteindre un plus grand nombre de personnes, nous avons été jusqu'à un chiffre de 600 fr. valeur réelle.

Quant à la dépense, je crains que M. Martel n'ait évalué un peu trop bas le chiffre de l'indemnité qui, dans son système, şerait accordée aux propriétaires; nous ne pouvons pas apporter des calculs complets; mais il nous a semblé qu'en rapprochant les explications qui nous avaient été fournies par les principaux agents des contributions directes, nous arriverions à un chiffre de 40 à 42 millions pour tout le département de la Seine.

Et il n'y a pas entre le chiffre de l'exemption accordée aux loyers de 600 francs, et celui de l'exemption qui serait accordée aux loyers de 500 francs, cet écart de 15 millions dont a parlé M. Martel. L'honorable membe a fondé ses calculs sur d'autres données que les nôtres. S'il est dans le vrai avec son ch ffre de 25 millions, nous ne sommes pas dans le vrai ayec notre chiffre de 42 millions, et si nous sommes dans le vrai, c'est lui qui est dans l'er

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loi.

A ce propos, je dirai que la rédaction de l'article a subi quelques modifications. Un amendement de M. Luro nous a été présenté : cet amendement reproduit pour le fond exactement, absolument tout ce que nous avons demandé, mais les termes en sont plus clairs que ceux dont nous nous sommes servis. En conséquence, la commission adhère à l'amendement de M. Laro en ce qui concerne le paragraphe 1er, mais le repousse quant aux deux derniers paragraphes. Néanmoins; dans la partie de la rédaction de M. Luro que nous ad

ANNALES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

mettons, il est dit : « Les loyers dont la valeur
locative n'excède pas 600 francs; » là encore
nous craignons que « la valeur locative » ap-
pliquée aux loyers de Paris ne soit entendue
de la valeur telle qu'elle est évaluée par le comité
des répartiteurs, et nous proposons de dire:
« dont le prix annuel n'excède pas 600 francs » ;
c'est alors du prix réel et non plus du prix éva-
tué par les répartiteurs qu'il s'agit.
Dans ces conditions,
l'Assemblée de repousser l'amendement de M.
nous demandons à
Martel et d'adopter les conclusions de la com-
mission. (Très-bien ! - Aux voix!)

M. Langlois. Il y a dans l'amendement de
M. Martel, en tant qu'il diffère du projet de la
commission, deux points.

Sur le premier point, qui vient d'être discuté par M. le rapporteur, je suis plutôt pour le chiffre de 600 francs que pour celui de 400 francs. Mais il y a une autre question : c'est celle de l'indemnité à payer aux propriétaires. Cette question est très-grave.

Vous allez voter que le conseil municipal de Paris sera autorisé à émettre des titres par cela. Eh bien, si le conseil municipal de Paris a à discuter cet objet, permettez-moi de vous dire qu'il trouvera que vous faites un trop gros cadeau aux propriétaires des petites maisons de Paris.

On a parlé des communes suburbaines; mais dans les communes suburbaines, tous les locataires n'ont pas joui ils ont été tous expulsés, et par conséquent ils ont droit à une résiliation complète, à des annulations complètes de loyer pendant toute la durée du siége.

La question intéresse surtout les loyers supérieurs à 600 francs dans Paris.

A cet égard, il y a une chose qui est connue de tout le monde, c'est que tout autre est la situation des propriétaires de loyers d'une certaine valeur, par exemple de 1,000, 2,000, 3,000 francs, et tout autre celle des propriétaires dont les loyers sont de 2, 3, 4, 5, 600 francs au_plus.

Le petit propriétaire touche un loyer bien supérieur à l'intérêt de l'argent qu'il a dépensé pour acheter sa maison ou pour la faire construire, et cela par une raison très-simple, c'est qu'il court de très-grands risques de non

payement.

Lorsqu'il s'agit d'un loyer de 1,000 francs et au-dessus, il y a dans l'appartement des meubles sérieux qu'on ne déménage pas... (On rit,) si bien que le propriétaire de gros loyers a des garanties; mais le propriétaire de petits logements n'en a pas, parce que, dans ces logements, il y a peu de meubles, qui se déménagent facilement, et qu'en cas de non-payement il ne reste absolument comme garantie que le lit, la paillasse, ou les instruments de travail. Il résulte de cela une chose, c'est que les propriétaires des petits logements, en raison de ce risque, louent très-cher: ils louent non pas à 10 p. 100, mais à 15 et 20 p. 100. Seulement, comme il arrive dans tous les placements aléatoires, ils ne touchent, en réalité, qu'une moyenne de 7 à 8 p. 100. Car même, en temps normal, ils perdent 50 ou 55 p. 100 sur leurs loyers. (Réclamations sur plusieurs bancs.)

Permettez, messieurs! j'ai fait partie d'une commission, et je vous déclare que je sais ce qui se passe ; j'ai causé avec des propriétaires

de petites maisons qui m'ont instruit de ce fait.

Toujours est-il que vous allez leur faire un cadeau énorme. En effet, vous allez leur garantir plus ou, au moins, autant que ce qu'ils ont dans la situation normale. Je dis que c'est excessif. Le conseil municipal trouvera que c'est trop cher, et, très-certainement, il les réduira au moins au tiers.

Voilà mon opinion, et je demande qu'on vote le paragraphe de l'article de la commission en mettant un tirs, 33 p. 100, au lieu de la moitié, c'est-à-dire 50 p. 100.

M. le président. Je mets aux voix l'amendendement de M. Martel.

M. Langlois. Pardon, monsieur le président. Il y a deux parties dans l'amendement de M. Martel; je n'accepte pas le chiffre de 400 fr. pour le taux du loyer...

M. le président. Vous pouvez demander la division.

M. Langlois. Oui, je demande la division.

M. René Brice. On ne peut pas mettre sur la même ligne les loyers dans Paris et dans le département de la Seine; il y a là quelque chose d'anormal. La commission doit exaininer: un logement de 600 fr., qui est à Paris un tout petit logement, a en dehors de Paris une importance double.

graphe de l'amendement de M. Martel :
M. le président. Voici le premier para-

La ville de Paris est autorisée à offrir et à assurer à tous les propriétaires de logements dont le prix de location est de 400 fr. et audessous, le tiers de ce qui leur est dû ou leur sera du sur les termes d'octobre 1870 à avril 1871, sous la double condition qu'ils donneront quittance définitive du surplus et qu'ils maintiendront leurs locataires en possession pour le terme d'avril à juillet prochain. »

M. Pagès Duport. L'article, comme il est présenté, ne peut se diviser. Il faudrait donc en modifier la rédaction.

M. le président. Je ne puis improviser une rédaction nouvelle; ce n'est pas mon role. Je ne peux que mettre aux voix les rédactions qu'on me remet.

Si M. Martel veut modifier sa rédaction, nous pourrions passer, pour lui en laisser le loisir, à la discussion d'un autre amendement et le sien reviendrait tout à l'heure.

M. Martel. Il y a deux différences entre mon amendement et le projet de la commission.

J'indique le chiffre de 400 fr. et au-dessous, la commission indique le chiffre de 600 fr.: première différence.

La seconde différence consiste en ce que je veux accorder 33 p. 100 d'indemnité, tandis que la commission accorde 50 p. 100 aux proprié

taires.

L'honorable M. Langlois déclare qu'il accepte la proposition de la commission, en ce qui concerne le chiffre de 600 francs; mais, en même temps, il voudrait qu'on ne pût donner aux propriétaires que le tiers, au lieu de la moitié, c'est-à-dire 33 p. 100 que je propose, au lieu de 50 p. 100, proposés par la cominis

sion.

Dans ces conditions, si la commission y consent, je veux bien modifier mon amendement :

je proposerai 600 francs, et, pour donner satisfaction aux propriétaires, 33 p. 100 d'indemnité.

M. Langlois. Le tiers?

M. Martel. Oui, le tiers.

M. Bigot. Mais l'amendement a une autre portée il restreint la loi à la ville de Paris, tandis que la commission l'étend au département de la Seine.

M. Martel. La commission accepte-t-elle ma rédaction?

M. le rapporteur. Non! non!

M. Martel. Il est entendu que je vais rédiger mon amendement en ce sens il y aura remise aux locataires de trois termes de loyers, lo rsque le loyer sera de 600 francs et au-dessous, et au lieu de donner aux propriétaires 50 p. 100, on leur donnera 33 p. 100.

M. Germain. Je demande la parole.

M. le rapporteur. Il n'y a plus mainte nant en discussion que la question des 33 p. 100 et celle des 50 p. 100. (Oui! oui!)

La commission insiste pour que la proportion accordée aux propriétaires soit de la moitié et non du tiers, et voici pourquoi :

Le principe qui a été inscrit dans la loi est celui-ci c'est que les locataires seront exonérés aux termes du droit commun, lorsqu'il n'auront pas eu la jouissance matérielle ou industrielie de leurs locaux.

Eh bien, les ouvriers qui occupent les petits locaux n'auraient pas pu se prévaloir du titre d'industriels. En effet, il aurait été très-difficile de considérer comme des industriels les ouvriers de fabrique; et alors ils n'auraient pas pu obtenir le bénéfice résultant de l'interruption de jouissance des locaux industriels ou commerciaux. Mais s'ils avaient eu ce titre, ils n'auraient pu se prévaloir d'une interruption de jouissance que pendant le siége, qui a duré quatre mois et demi. Ce que nous pouvions faire de mieux pour eux, c'était de les assimiler à des industriels ayant perdu quatre mois et demi de jouissance.

La loi que nous vous proposons s'applique à neuf mois; nous avons trouvé que ces quatre mois et demi représentaient justement la moitié, soit 50 pour cent; et voilà pourquoi nous avons pensé que, d'une manière qui pouvait être considérée comme équitable, les propriétaires pouvaient perdre 50 pour cent, pour les autres 50 pour cent, nous avons demandé à la communauté de les prendre à sa' charge.

Vous voyez que le chiffre de 50 pour cent n'est pas improvisé; il répondait, sur les neuf mois dont il est question, à quatre mois et demi d'investissement, et cela aurait pu être juste si on avait pu faire payer les 50 pour cent par les locataires; mais nous pensons qu'il est bon de ne pas les leur demander; il y a au contraire un intérêt politique à ne pas réclamer une dette à laquelle ils ne pourraient suffire, et dont le poids les mettrait incessamdans une disposition d'esprit dangereuse pour la sécurité publique. Maintenant, la différence que M. Brice fait entre les locations suburbaines et les locations de Paris n'est pas aussi grande qu'il l'a indiquée. Il s'agit de petits locaux et non pas de maisons de campagne. Les communes suburbaines sont Vanves, Issy, Saint-Denis, villes tout à fait analogues à Paris. Vous voyez qu'il n'y a pas entre les petits lo

ANNALES.-T. I.

gements de Paris et des communes suburbaines une différence si grande. (Aux voix ! aux voix!) M. Martel. Messieurs, nous avons dit... (Interruptions.)

Un mot seulement, je vous prie...

M. Mortimer-Ternaux. L'honorable M. Martel parle dans le même sens que le préopinant. Je demande qu'on entende avant lui M. Germain, qui a réclamé la parole dans un sens contraire.

M. le président. M. Martel désire répondre au rapporteur de la comm ssion qui a critiqué son amendement l'ordre alternatif est donc bien gardé.

M. Martel. Un seul mot.

Nous avons dit tout à l'heure que vous faites une loi de charité...

Sur quelques bancs à gauche. Non une loi politique!

M. Martel. Eh bien, soit. Vous faites de la charité par politique. (Mouvements divers.)

En fait, les propriétaires ne pourraient rien recevoir de leurs locataires pour les loyers audessous de 600 francs; ces locataires sont tous ruinés. Par conséquent une indemnité du tiers, donnée aux propriétaires, serait suffisante. Pourquoi donc leur en donner une de moitié? (Bruit.)

M. le président. Je vais consulter l'Assemblée.

Plusieurs voix. M. Germain a demandé la parole.

M. le président. M. Germain a demandé la parole sur l'article 8 et non sur l'amende

ment.

M. Mortimer-Ternaux. On discute, en ce moment, deux propositions qui ne diffèrent entre elles que par une simple nuance, et qui portent toutes deux sur l'article 8: la proposition de la commission et la proposition de M. Martel. Si l'une de ces deux propositions était votée, il n'y aurait plus rien à dire, rien à faire, pour ceux qui ne veulent ni de l'une ni de l'autre de ces propositions.

Il faut donc que M. Germain, qui est opposé à toutes deux, exprime son opinion dès à présent, et sans attendre le vote sur la proposition de M. Martel, car, si elle était adoptée, il ne serait plus temps de la combat

tre.

M. Pagès-Duport. On ne peut pas discuter deux amendements à la fois.

M. le président. En ce moment, ce n'est pas l'article de la commission, mais l'amendedement de M. Martel qui est en délibéra

tion.

M. Mortimer-Ternaux. Si l'amendement de M. Martel était adopté, il n'y aurait plus, je le répète, rien à faire pour les personnes qui partagent l'opinion de M. Germain, c'est-à-dire celles qui repoussent l'article 8 de la commission et l'amendement de M. Martel.

M. le président. C'est ce qui arrive toujours pour les amendements qui suivent celui qui est adopté.

M. Mortimer-Ternaux. Je demande seulement que l'opinion de M. Germain et de ceux qui partagent son avis soit exprimée avant qu'on mette aux voix l'amendement de M. Martel, parce que les observations que M. Germain pourrait présenter seraient peut-être de nature à modifier les opinions de l'Assemblée.

81

M. le président. M. Germain demande, je erois, la parole sur l'article de la commis

sion.

M. Mortimer-Ternaux. Et sur l'amendement de M. Martel.

M. le président. La parole et à M. Germain.

M. Germain. Messieurs, je n'avais nulle intention de faire un discours, et si j'ai demandé la parole, c'est parce que j'ai entendu, au sujet des loyers de 600 francs, professer une doctrine qui ne m'a pas fort étonné, je dois le dire, car je ne crois pas qu'on ait changé le véritable esprit de la loi, mais qui a mis en relief le véritable terrain sur lequel nous devons nous placer.

Je prie l'Assemblée de me permettre de lui présenter quelques observations. Si elle est disposée à les entendre... (Parlez! parlez!)

L'honorable M. Langlois, à mon sens, est dans l'esprit logique de la loi. Il a parfaitement raison lorsqu'il dit que nous sommes chargés d'intervenir, comme une providence, entre es locataires et les propriétaires de Paris. Nous allons faire aux uns et aux autres leurs comptes; nous allon- examiner la valeur des lovers; nous allons examiner ce que rendent les immeubles à leurs propriétaires, et lorsque ceux-ci auront des immeubles produisant plus de 5 pour cent, nous déchargerons les locataires de la différence entre le prix qu'ils doivent el ce revenu de 5 pour cent, que nous déclarons seul légal.

Un membre de la commission. Mais non! M. Germain, C'est là ce que vous a dit M. Langlois.

M. Langlois. Mais non, pas du tout!

M. Germain. Voilà la doctrine que vous avez entendue ici, et, pour ma part, c'est la doctrine logique. Or, c'est là le danger, le vrai danger de cette loi, qui crée des categories. Comment, il y aura une catégorie de locataires à 600 fr.? comment, il y aura un droit pour les personnes qui payent 575 francs et un autre droit pour ceux qui payent 625 francs? 1 y aura un droit pour les malheureux qui ne peuvent pas payer leur loyer d'habitation, et un autre pour les personnes qui ne peuvent pas payer leur loyer de boutique? Comment, nous pourrions donner notre approbation à une loi pareille! C'est impossible, et je remercie M. Langlois d'avoir mis en saillie fe caractère vrai de cette loi qu'on vous propose en ce moment. Maintenant, une seule cbservation sur l'utilité de l'article.

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Cet article, en adoptant le système de M. Langlos, est il utile, messieurs? Non au lieu de donner quelque chose, il retient. Lhonorable M. Say vous l'a dit, et nous sommes tous unanimes là-dessus : nous voulons faire quelque chose. Nous ne voulons pas empêcher qu'on fasse quelque chose pour Paris. Eh bien, en votant cet article, donnons-nous plus de facilité à Paris? Pour moi, je crois qu en aura moins.

En effet, quelle est l'autorisation que vous lui donnez? De payer en argent ou en titres

5 pour cent. Mais je ne sache pas que la ville de Paris ait aujourd'hui dans sa caisse de grands trésors; je n'en sais rien, je n'ai pas vu l'état de sa caisse, mais je crains beaucoup

qu'elle ne soit très-vide à l'heure qu'il est. (On rit.)

Vous l'autorisez à payer en titres à 5 pour cent; ma s quel e est l'heureuse ville qui emprunterait aujourd'hui à 5 pour cent? Est-ce que ce n'est pas dérisoire de venir dire à la ville de Paris qu'e 'le ne devra emprunter qu'à un taux fixé d'avance, alors qu'elle est débitrice d'une somme énorme à la Banque de France?

Plusieurs membres. Ce n'est pas cela! -Vous n'avez pas bien compris.

M. Germain. Si, au lieu de limiter son droit, vous la laissiez libre, qu'est-ce qu'elle devrait faire? Venir devant vous et vous dire : Voilà les sommes que je suis dans la nécessité d'emprunter; ma s, pour réaliser ces sommes, J'ai besoin de négocier mes titres à 6, à 7 et même à 8 pour cent. Est-ce que vous lempêcheriez d'avoir recours à l'emprunt même à ces conditions? Sommes-nou- des théoriciens ou des praticies? Qu on emprunte à 5 pour cent, à l'heure qu'il est, cela n'est pas possible. (Mouvements divers.)

Je trouve donc, pour ma part, que non-seulement nous nous engageons sur un terrain difficile, dangereux, ainsi que nous l'a trèsbien montré l'honorable M. Langlois, mais que de plus, nous avons l'air, vis-à-vis de la ville de Paris, de faire un acte dérisoire en la privant d'utiliser son crédit aux conditions actuelles de la place. (Mouvements en sens divers. Aux voix aux voix !)

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M. Langlois monte à la tribune.

M. le président. Permettez, monsieur Langlois! Tout le monde ici dirige la discussion, excepté le président.

A l'occasion de l'amende.nent de M. Martel, et sur l'insistance de M. Ternaux, on vient d'entamer la discussion de l'article 8, alors que l'Assemblée n'avait pas encore statué sur les amendements qui s'y rapportent; il n'est pas possible de laisser continuer le débat de cette manière confuse.

L'amendement de M. Martel est seul en délibération; je vais d'abord le mettre aux voix ; ensuite viendront les autres amendements, enfin l'article 8 de la commission, et c'est alors seulement qu'on pourra, soit attaquer, soit défendre cet article.

M. Langlois. Permettez, monsieur le président!

M. le président. Vous avez demandé la parole sur l'article 8; vous parlerez plus tard sur cet article, lorsqu'il sera mis à son ordre er délibération.

M. Langlois. Je désirerais répondre en quelques mots à M. Germain, qui a attaqué l'amendement de M. Martel.

M. le président. M. Germain a attaqué l'article de la commission. Maintenant, si vous voulez parler sur l'amendement de M. Martel, mais seulement sur cet amendement, je vous donne la parole.

M. Langlois. M. Germain, en attaquant l'article de la commission, c'est-à-dire en demandant la suppression de cet article, a, en même temps, attaqué l'amendement de M. Martel, p isqu'il n'y a qu'un seul mot de difference entre les deux propositions.

En effet, M. Mariel a accepté le chiffre de 600 fr.; seulement il substitue les mots « le

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