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SÉANCE DU 21 AVRIL 1871

SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal : MM. Cochery, René Brice et Delsol. - Excuses. Lettre de M. Lockroy, annonçant sa démission de représentant de la Seine. Lettre de M. de la Borderie, annonçant la mort de M. de Vauguyon, député de la Mayenne. Tirage au sort de la députation chargée d'assister à ses obsèques. Dépôt, par M. Ambroise Joubert et autres, d'une proposition relative à la convocation des conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles. Dépôt, par M. Peltereau-Villeneuve, d'une proposition concernant les conditions d'éligibilité au conseil municipal de Paris. Dépôt, par M. Le Royer, au nom de la deuxième commission d'initiative parlementaire, d'un rapport sommaire sur la proposition de M. Lamy et autres, relative à là révision des services publics. - Prise en considération de la proposition de M. H. Wallon, ayant pour objet une addition à l'article 95 du règlement. Discussion de la prise en considération de la proposition de M. Gaslonde, relative aux réquisitions exercées contre les particuliers, depuis le commencement de la guerre, par les autorités civiles et militaires MM. Gaslonde, Emile Leroux, rapporteur, Henri Fournier. Adoption de la prise en considération de l'article 1er et rejet de la prise en considération de l'article 2. Suite de la discussion du projet de loi sur les loyers. Article 8. Amendements de MM. Reverchon, Mangini et autres, Mortimer-Ternaux, le général Mazure et Ducarre M. Léon Say, rapporteur, Mortimer-Ternaux, Johnston. Retrait de l'amendement de M. Mangini et autres.- Amendement de M. Reverchon MM. Reverchon, Audren de Kerdrel, le rapporteur. Adoption de l'amendement et de 'article 8.- Article 9. Amendement de M. Mortimer-Ternaux: MM. Mortimer-Ternaux, Mettetal, le rapporteur, Gaslonde, Tirard, le garde des sceaux. Rejet de l'amendement." Amendement de M. Honoré Roux: M. Honoré Roux. Adoption. Article 10. Amendement de M. Ducuing MM. Ducuing, Daguenet, Langlois, Tolain. Rejet de l'amendement. Amendement de M. Marcel Barthe. Rejet. Article additionnel de M. Rameau: MM. Rameau, Albert Christophle, Leblond. Adoption de l'article 10 et de l'article additionnel de M. Rameau. - Article 11 (nouveau). Amendement de M. de Lambertèrie: MM. de Lamberterie, le rapporteur. Retrait de l'amendement et adoption de l'article 11. Articles additionnels (12 et 13), présentés par MM. Tallon et Henri Fournier: MM. Henri Fournier, Delsol, Paul Bethmont. Rejet du premier article et retrait du deuxième.. Disposition additionnelle de M. de Lamberterie M. de Lamberterie. Rejet. Amendement de M. Tirard. Retrait. Amendement de M. le comte Jaubert, sous amende par, M. Adnet M. le comte Jaubert, le marquis de Dampierre. Rejet. Article 12. Adoption au scrutin de l'ensemble du projet de loi. Lettre do M. le général Martin des Pallières, portant excuse de son absence, et dépôt d'une proposition relative au recrutement de l'armée. Decôt, par M. Aubry, d une proposition relative à la constatation du domicile en matière électorale.-M. Langlois.

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PRÉSIDENCE DE M. GRÉVY.

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La séance est ouverte à deux heures. M. Johnston, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Cochery. Je demande la parole. M. le président. La parole est à M. Cochery sur le procès-verbal.

M. Cochery. Dans le scrutin de division qui a eu lieu hier sur l'amendement de M. Luro, je suis porté comme m'étant abstenu. J'étais présent et j'ai voté très-ostensiblement pour l'amendement de M. Luro.

M. René Brice. Dans le scrutin qui a eu lieu hier sur l'article 8 du projet de loi, je suis porté, par erreur, comme m'étant abstenu : j'ai voté pour l'adoption.

M. Delsol. Je demande aussi à faire une observation sur le procès-verbal.

Parmi les membres qui sont portés comme ayant voté contre l'amendement de M. Luro, je vois figurer M. de Vauguyon, qui est décédé, et parmi les noms des représentants qui ont voté pour, celui de M. le général Changarnier qui, assurément, n'était pas ici à la séance d'hier.

Il me semble impossible, messieurs, de conserver ces deux votes qui n'ont pas pu être émis valablement.

M. le président. S'il n'y a plus d'autres observations sur le procès-verbal..., le procèsverbal est adopté.

J'ai reçu les lettres suivantes dont je donne connaissance à l'Assemblée :

« Monsieur le président,

« M. le président Mallevergne me charge de vous faire connaitre que, depuis trois jours, il est retenu au lit par une maladie sérieuse.

« La même cause l'empêchera, certainement, plusieurs jours encore, d'assister aux séances de l'Assemblée nationale.

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Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de mes sentiments respectueux.

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<< Versailles, avril 1871. Hôpital civil.

Monsieur le président,

«Ma démission, parait-il, ne vous est point parvenue, j'étais donc encore député lorsque j'ai été conduit en prison. » (Mouvement d'attention.)

<< Comme moi, monsieur le président, vous verrez, je l'espère, avec douleur, combien ce titre est peu respecté aujourd'hui. » (Exclamations diverses.)

« J'ai l'honneur de vous donner ma démission de membre de l'Assemblée nationale.

Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de mon profond respect et de ma considératiou la plus parfaite,

Signé Edouard LOCKROY. » Cette démission sera transmise à M. le ministre de l'intérieur.

« Versailles, le 21 avril 1871.

• Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer de la perte douloureuse que je viens de faire en la personne de mon beau-frère, M. de Vauguyon, membre de l'Assemblée nationale, décédé hier, 20 avril, à Versailles, rue de la Paroisse, no 2.

Je vous prie de vouloir bien en faire part à

l'Assemblée et d'agréer, monsieur le président, l'assurance de mon respect.

:

« Signé DE LA BORDERIE, député
d'Ille-et-Vilaine.

La cérémonie funèbre aura lieu demain samedi, 22 avril, à dix heures du matin, en l'église de Versailles. »

Je serai, messieurs, le fidèle interprète des sentiments de l'Assemblée en exprimant le douloureux regret qu'elle éprouve de la perte de notre honorable collègue M. de Vauguyon. (Mouvement sympathique.)

Il va être procédé au tirage au sort de la députation qui assistera aux obsèques de M. de Vauguyon.

(Le tirage au sort amène, pour la composi tion de la députation, la désignation de MM. Gayot, Carnot fils, le comte de Brettes-Thurin, Gouvion Saint-Cyr, Courbet-Poulard, le marquis de Bridieu, Lestourgie, Lanel, Cunit, Flye Sainte-Marie, Prax-Paris, Descat, Tirard, de Vinols, de Rambures, le général du Temple, Monnet, Monnot-Arbilleur, Daguenet, Lallié, Dufournel, Lalize, de Valady, Anisson-Duperron, Amy.)

M. le président. MM. Ambroise Joubert, de Méridec Carré Kérisouët, de Cumont, de La Rochefoucauld ont déposé sur le bureau une proposition relative à la convocation des conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles.

La proposition sera renvoyée à la commission d'initiative parlementaire.

M. Peltereau-Villeneuve. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée une proposition de loi concernant les conditions d'éligibilité au conseil municipal de Paris.

M. le président. La proposition sera renvoyée à la commission d'initiative.

M. Le Royer. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée, au nom de la 2o commission d'initiative parlementaire, un rapport sommaire sur la proposition de MM. Lamy, Turquet, Delorme, et plusieurs autres de nos collègues, relative à la révision des services publics.

Le rapport conclut à ce que la proposition ne soit pas prise en considération.

M. le président. Le rapport sera imprimé et distribué.

L'ordre du jour appelle la discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Henri Wallon, ayant pour objet une ad tition à l'article 95 du règlement, concernant les pétitions.

La commission d'initiative conclut à la prise en considération.

Je consulte l'Assemblée sur les conclusions de la commission.

(L'Assemblée adopte les conclusions de la commission.)

M. le président. La commission d'initiative conclut également à la prise en considération de la première partie de la proposition de M. Gaslonde, relative aux réquisitions exer cées contre les particuliers.

Je consulte l'Assemblée sur les conclusions de la commission...

M. Gaslonde. Je demande la parole sur la deuxième partie de ma proposition, qui n'a pas été adoptée par la commission d'initiative.

Un membre. C'est inutile! il n'y a pas d'opposition.

M. Gaslonde. Un mot seulement sur la seconde partie de ma proposition. pas été adoptée par la commission.

M. le président. Vous avez la parole.

M. Gaslonde. Je demande la prise en considération de la deuxième partie, et je vais dire pourquoi. Il s'agit des intérêts de l'agriculture.

La deuxième partie de ma proposition portait qu'à dater du 1er avril il cesserait d'être fait des réquisitions par l'administration militaire; c'était à Bordeaux que j'avais déposé ma proposition. Je ne pouvais pas prévoir les déplorables événements qui se sont accomplis à Paris. En présence de ces événements, j'ai déclaré à M. le rapporteur que je retirais la seconde partie de ma proposition

Mais aujourd'hui on continue les réquisitions sur une plus large échelle que pendant la guerre contre la Prusse. Elles accablent les cultivateurs de la Normandie. Je viens de communiquer à M. le ministre de l'agriculture des bons de réquisition qui ont pour objet le transport aux gares du chemin de fer des planches non employées aux camps ou bien provenant de la démolition des baraquements des lignes de défense de la presqu'ile du Cotentin. Il n'y avait à cela aucune urgence, et dans un pays comme la France, qui possède de grandes administrations militaires permanentes, n'est-il pas regrettable que quand on n'est pas en face de l'ennemi, que quand il n'y a pas d'urgence, au lieu de recourir aux moyens dont ces administrations peuvent disposer, elles procèdent par voie de réquisition au préjudice de l'agriculture.

Et savez-vous ce qu'on dit dans la presqu'île du Cotentin avec le bon sens normand qui caractérise nos cultivateurs?

:

On dit ceci Puisque nos chevaux, à nous cultivateurs, font la besogne des chevaux du train, des équipages et de l'artillerie, nous espérons bien que les chevaux du train, des équipages et de l'artillerie feront nos travaux agricoles.

Maintenant, quant à l'article 2 de ma proposition, si M. le ministre de la guerre était ici, je m'en rapporterais à son appréciation, et je n'insisterais pas pour sa prise en considération.

M. le rapporteur s'expliquera sans doute pourquoi je reviens aujourd'hui sur une concession faite précédemment, et il me pardonnera d'avoir exposé à l'Assemblée les doléances de notre agriculture.

Je m'en remets à M. le ministre de la guerre du soin d'y faire justice.

M. Emile Leroux, rapporteur. L'honorable M. Gaslonde avait reconnu vis-à-vis de la commission, ou du moins avait dit au rapporteur qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la seconde partie de sa proposition. La commission a partagé cette opinion; elle a pensé que dans les circonstances malheureuses où nous étions placés aujourd'hui, on ne pouvait pas ôter au ministre de la guerre le droit de faire des réquisitions.

Je ne comprends pas l'insistance que M. Gaslonde apporte actuellement au maintien de sa proposition tendant à faire cesser le droit de réquisition.

La commission, quant à elle, persiste dans son opinion.

M. Henri Fournier. La commission d'initiative conclut à ce que la proposition de M. Gaslonde soit renvoyée à la commission de soixante membres que vous avez déjà nommée et qui est chargée d'examiner les traités passés avec l'Etat. Je crois que mieux vaudrait renvoyer devant une commission spéciale.

Il n'y a, en effet, entre les propriétaires, les pariculiers réquisitionnés et les industriels qui ont passé des marchés avec l'Etat, aucune espèce de similitude. Les industriels ont traité volontairement; les propriétaires, au contraire, ont été obligés de se dessaisir des choses dont ils avaient besoin ils n'ont reçu en payement qu'un morceau de papier, et en échange de ce morceau de papier, malgré leurs réclamations incessantes, ils ne peuvent obtenir le numéraire dont ils ont besoin pour remplacer les objets qui leur ont été enlevés.

Je crois que dans les départements que vous représentez les choses se passent comme dans le mien. Lorsque nos troupes, à la suite des malheureux désastres que nous avons subis, ont été dispersées dans les campagnes, les fournisseurs ne délivrant pas à l'armée les choses qui lui étaient nécessaires, on a vu alors des officiers de tout grade réquisitionner dans les fermes, le bois, la paille, le fourrage, l'avoine, toutes les choses qui étrient indispensables à l'alimentation de ces fermes et qui leur font aujourd'hui défaut. Eh bien, depuis plusieurs mois que ces réquisitions ont eu lieu, les particuliers ne sont pas payés.

M. Gaslonde demande que les bons qu'ils ont reçus, bons plus ou moins réguliers, soient par eux déposés dans les sous-préfectures. Ce dépôt fait, les sous-préfectures pourront dresser un état des sommes qui sont dues à chaque localité, après quoi, le Gouvernement avisera. Il payera en numéraire, s'il le peut, ou bien peutêtre, sera-t-il obligé de recourir à une mesure déjà prise sous la Restauration, celle des bons de liquidation. Je ne sais pas, je ne préjuge rien; seulement ce que je demande, c'est le règlement, et cela le plus promptement possible, parce que, je le répète, nous n'avons pas vis-àvis de nous des industriels qui ont poursuivi un lucre et qui ont traité volontairement avec l'Etat, nous avons en face de nous des particuliers qui ont été dessaisis des objets de première nécessité pour eux; nous avons en face de nous des fermiers auxquels on a enlevé les fourrages qui leur sont indispensables, et ils ne peuvent pas aujourd'hui s'en procurer, parce que la plupart d'entre eux n'ont pas les fonds nécessaires, n'étant pas payés par l'Etat, pour acheter à nouveau ce qui leur manque. Il importa que leur situation soit réglée promptement, et, pour cela, je demande que vous ne renvoviez pas devant la cominission que vous avez déjà chargée d'examiner les marchés passés avec l'Etat. Il y a là une situation toute différente. Il faudrait qu'elle tut examinée par une commission spéciale. La commission de soixante membres à une lourde besogne. Elle a beaucoup à faire; elle ne parviendra qu'avec peine

et avec beaucoup de temps à suffire à sa tâche. Renvoyez donc devant une commission spéciale, parce que la question est urgente, extrė

mement urgente.

Dans les départements envahis, les proprié taires et les particuliers réquisitionnés seront payés d'une autre façon; dans les départements qui n'ont pas connu l'invasion ennemie, mais qui ont nourri nos armées il y a beau coup de souffrances parce qu'on manque de choses qui sont indispensables.

Je demanderais qu'une commission mixte s'occupât spécialement de ces choses, qu'une commission pouvant nous apporter une prompte solution fût chargée d'examiner la proposition de l'honorable M. Gaslonde, et je voudrais qu'à cause des intérêts en jeu, l'Assemblée votat immédiatement l'urgence de cette proposition.

M. Emile Leroux. La commission persiste dans son opinion. Elle croit que la proposition de l'honorable M. Gaslonde ne doit pas faire l'objet d'un examen par une commission spéciale. Cette proposition se rattache aux travaux de la commission des marchés. Nous persistons à demander le renvoi à cette commission.

M. le président. La proposition comprend deux articles. La commission d'initiative parlementaire est d'avis de prendre le premier seulement en considération.

Je lis le premier de ces deux articles :

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Art. 1er. Les porteurs de bons de réquisitions, délivrés depuis fe commencement de la guerre par les autorités civiles et militaires, devront, dans le délai de trois mois, à partir de la date du présent décret, à peine de déchéance de leurs droits et actions contre le Trésor, faire le dépot desdits bons à la sous-préfecture de l'arrondissement dans lequel les réquisitions ont été exercées, avec l'état indicatif des sommes réclamées et les pièces justificatives. Il leur en sera donné récépissé. »

(L'article 1er de la proposition de M. Gastonde est mis aux voix et adopté.)

M. le président. La proposition comprend, en outre, l'article suivant:

Art. 2. A partir du 1er avril 1871, le droit de réquisition cessera d'être exercé contre les particuliers pour l'entretien des troupes et pour tous autres objets relatifs à la défense nationale. »

La commission d'initiative propose de ne pas prendre en considération cet article 2 de la proposition.

Je mets aux voix cette seconde partie des conclusions de la commission.

(Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.)

M. Garnier. A qui renvoie-t-on ? à la commission déjà nommée ou à une commission spéciale?

M. le président. Si vous ne demandez pas le renvoi à la commission déjà nommée, la proposition sera renvoyée dans les bureaux pour la formation d'une commission spéciale.

M. Garnier. Le rapport conclut au renvoi à la commission déjà nommée,

M. le rapporteur. Le rapport conclut; en effet, au renvoi à la commission des marchés, parce que cola parait rentrer dans l'ordre spécial de ses travaux.

M. le président. J'ai mis aux voix les

conclusions de la commission et, puisqu'elles
ont été adoptées, le renvoi se trouve ordonné.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de MM. Jozon, Lamy et Oscar de Lafayette, relative à l'éligibilité des préfets et sous-préfets.

M. le garde des sceaux. J'avais demandé, monsieur le président, que la loi sur les loyers fût mise à l'ordre du jour avant toute autre.

Si la discussion s'engage sur toutes ces propositions, la loi sur les loyers ne pourra pas être terminée aujourd'hu. (C'est vrai!) M. le président. Vous avez raison, sieur le garde des sceaux.

mon

J'appelle alors immédiatement la suite de la discussion sur les loyers qui était, par le fait, en tête de l'ordre du jour de la séance.

Il a été déposé sur le bureau quatre amendements destinés à remplacer l'article 8 du projet de la commission. Je vais en donner lecture afin que l'Assemblée puisse décider auquel des quatre elle veut donner la priorité.

M. Reverchon propose la nouvelle rédaction suivante qui, je crois, est acceptée par la commission:

« Dans le cas où le département de la Seine, qui y est d'avance autorisé, consentirait à payer à tous les propriétaires de logements dont le prix annuel est de 600 fr. ou moins, le tiers de ce qui leur restera dù par les locataires sur les termes échus en octobre 1870, janvier et avril 1871, sous la double condition que les propriétaires donneront quittance définitive du surplus et maintiendront leurs locataires en possession pour le terme d'avril à juillet prochain, l'Etat participera pour un tiers à ces payements, sans que cette participation puisse dépasser 10 millions. »

Le surplus comme au projet de la commis

sion.

MM. Mangini, Flotard, Francisque Rives, Germain et Johnston proposent également de remplacer l'article 8 du projet de la commission par l'article suivant :

« L'Etat accorde aux communes du département de la Seine une indemnité de 10 millions dans le but de faciliter l'acquittement des loyers d'une valeur annuelle de 500 francs et au-dessous pour Paris, et de 300 francs et au-dessous pour les autres communes.

« Cette indemnité est accordée aux conditions suivantes :

« Les communes payeront, en argent ou en titres semblables à ceux que la ville de Paris a émis dans son dernier emprunt, aux propriétaires de logements dont la valeur annuelle est de 500 francs ou moins pour Paris et de 300 fr. ou moins pour les autres communes, le tiers de ce qui leur restera dù par les locataires sur les termes échus en octobre 1870, janvier et avril 1871; dans ce cas, les propriétaires devront donner quittance définitive du surplus et maintenir leurs locataires en possession pour le terme d'avril à juillet prochain. Ceux-ci, de leur côté, devront acquitter exactement le montant de ce dernier terme à son échéance, sous peine d'expulsion sans congé préalable et sur simple ordre du juge de paix.

« L'indemnité de 10 millions accordée par l'Etat sera ainsi répartie: 8 millions 500 mille francs seront accordés à la ville de Paris; 1 mil

lion 500 mille francs seront répartis entre les
communes, proportionnellement
qu'elles auront dépensé. »>
au chiffre

MM. Ternaux et Léon Clément proposent : « Seront considéré comme devant participer au bénéfice des dispositions relatives aux locations industrielles et commerciales, les locataires dont le loyer annuel ne dépasse pas 600 francs, quelle que soit d'ailleurs leur profession. »

M. le général Mazure propose de remplacer les deux premiers paragraphes de l'article 8 de la commission par le paragraphe suivant :

<< Dans le cas où, pour faciliter les transactions entre propriétaires et locataires, le conseil municipal de la ville de Paris, élu conformément à la loi du 15 avril 1871, accorderait des indemnités aux propriétaires sous certaines conditions les sommes ainsi allouées seront comprises dans le compte général des pertes et dommages éprouvés dans toute l'étendue du territoire par le fait de la guerre et pour la réparation desquels l'Etat serait autorisé à intervenir dans une certaine mesure. »

Il m'est remis à l'instant une cinquième ré-
daction. (On rit.)

Celle-ci est de MM. Ducarre et Le Royer.
En voici le texte :

« Une indemnité de 25 pour 100 en argent
ou en titres remboursables au pair en dix ans
au moins, et dans vingt ans au plus, avec inté-
rêts à 5 pour 100 l'an, sera payée par la ville
de Paris, qui s'en remboursera, par annuités,
sur les sommes qu'elle perçoit pour le compte
de l'Etat dans ses recettes d'octroi, à tous les
propriétaires de logements dont les loyers sont
de 600 francs et au-dessous, sur les sommes
restant dues par leurs locataires pour les ter-
mes d'octobre 1870, janvier, avril et juillet
1871, à charge par eux de donner quittance to-
tale à leurs locataires. »

Le reste comme au projet de la commission.

Demande-t-on la priorité pour une de ces cinq rédactions?

M. Léon Say, rapporteur. Je demande la parole sur l'ensemble de ces amendements.

M. le président. M. le rapporteur a la parole.

M. Léon Say, rapporteur. Messieurs, je vous demanderai la permission de vous dire quelques mots, avant que vous n'abordiez la question de priorité à l'égard de ces amendements. Je dois vous rendre compte, d'abord, du travail auquel la commission s'est livrée, à la suite du vote d'hier.

Nous avons dû examiner si la suppression des articles 8 et 9 n'entraînait pas certaines modifications dans ce qui a été voté et si nous ne devions pas vous proposer en conséquence quelque article additionnel. Voici la situation dans laquelle nous nous trouvons.

L'un des articles que l'Assemblée a votés donne à des jurys spéciaux le droit d'accorder une diminution du prix des loyers dans le cas où le locataire serait un industriel ou un commerçant, pour la privation qu'il aurait éprouvée de la jouissance industrielle. Et alors, il y a une élasticité d'appréciation qui rend possible pour un assez grand nombre de commerçants et d'industriels d'obtenir une réduction sur le taux des loyers.

Le même article 5, auquel je faisais allusion, a dit que, dans le cas où le locataire ne serait ni commerçant ni industriel, il n'aurait droit à aucune réduction, à moins qu'il n'ait été privé matériellement de la jouissance des lieux. Ainsi un locataire qui ne sera ni commerçant ni industriel ne pourra, devant les jurys spéciaux, obtenir de réduction sur le prix de son loyer, que si la maison qu'il habite a été bombardée ou que s'il a été obligé de quitter son habitation par suite de l'invasion ennemie ou de réquisitions de l'autorité.

Il en résulte que l'article 5 s'applique à un grand nombre de logements des communes suburbaines, mais à un très-petit nombre de logements de l'intérieur de Paris, et la loi, ainsi qu'elle a été votée, quant à l'article 5, et en admettant la suppression des art. 8 et 9, aboutit à dire ceci : les petits locataires de 600 francs et au-dessous, n'auront aucun moyen d'obtenir des réductions de loyer. C'est bien cela qui a été voté; si la loi n'est pas modifiée, c'est bien comme cela que la loi sera appliquée: des réductions pour les gros locataires qui passent pour être dans une situation plus aisée, et aucune réduction pour les petits locataires qui sont dans une situation précaire. Voilà la loi telle qu'elle résulte des votes d'hier.

Nous nous sommes demandé, en conséquence, si nous ne répondrions pas au sentiment de l'Assemblée en proposant quelque article additionnel.

D'un autre côté, nous ne pouvions oublier que certains propriétaires ont eu, par le fait des décrets du Gouvernement de la défense nationale, une obligation très-lourde à supporter; cette obligation a pesé surtout sur les propriétaires de petits logements, qui ont du garder des locataires qui ne payaient pas. II en résulte que si nous ne trouvons pas un moyen de compléter la loi, elle créera, consolidera une injustice au détriment des propriétaires sans donner une satisfaction que nous avons trouvée légitime, aux petits locataires.

Nous avons pensé, nous mettant à un point de vue politique, que cette loi dont vous voulez faire une loi d'apaisement serait tout le contraire, que vous alliez, en un mot, jeter de l'huile sur le feu... (Oh! oh!), ce qui est contraire à votre idée.

Il y a donc lieu de voir s'il n'y a pas quelque chose à faire.

L'honorable M. Mortimer-Ternaux a proposé de modifier les dispositions de l'article 5, et d'accorder pour les petits logements d'ouvriers des réductions de loyers au profit des locataires. Mais il résulterait, suivant nous, de cette modification une atteinte aux droits des propriétaires qui peuvent bien se soumettre à une réduction de loyers quand il y a eu un trouble dans la jouissance industrielle, mais que nous ne sommes pas autorisés à priver d'une partie du produit de leurs loyers, dans le cas où il n'y aurait pas eu trouble dans la jouissance des lieux.

Ces considérations s'étant présentées à notre pensée, nous avons dù, successivement, examiner les différents amendements qui nous ont été proposés pour sortir de la difficulté.

L'amendement de l'honorable M. MortimerTernaux ne nous a pas paru suffisant, comme je viens de le dire, parce que s'il donnait sa

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tisfaction à ces petits locataires, il lésait considérablement les contrats et portait une atteinte évidente aux droits des propriétaires

Alors nous nous sommes demandé si l'Assemblée, dans son vole d'hier, n'avait pas été mue surtout par ce sentiment: que nous n'avions pas le droit d'administrer les finances de la ville de Paris.

Si tel est le sentiment de l'Assemblée, et si son vote d'hier veut bien dire que tel est son sentiment, nous pensons que ce serait entrer dans l'esprit du vote d'hier que de présenter un amendement qui, par une certaine intervention de l'Etat, accorderait une sorte de subvention au département de la Seine.

Il est certain que vous avez cette faculté de puiser dans la bourse de l'Etat, qui est la vôtre. La question est donc de savoir si vous le voulez ou si vous ne le voulez pas; mais vous en avez le droit.

Plusieurs de nos honorables collègues nous ont fait remarquer qu'il y avait, dans les droits perçus à l'octroi de Paris, des sommes trèsimportantes perçues au profit de l'Etat ; c'est le droit d'entrée sur les vins. Le droit d'octroi est de 20 fr. environ par hectolitre, dont 11 au profit de Paris et 9 au profit de l'Etat. L'Etat perçoit donc de ce chef une somme qui, ajoutée aux droits sur les alcools, représentait en 1868 une somme d'environ 45 millions de francs. Cette perception est pour ainsi dire proportionnelle à la consommation de Paris, et le sera par conséquent à la situation que l'avenir doit faire à Paris. Si donc vous obteniez, par une loi politique, un résultat qui permette à Paris de se développer plus vite, de reprendre sa vie, l'Etat serait à même de retrouver par l'augmentation de l'impôt une partie de ce qu'il abandonnerait de ce chef; nous avons cru que cela pourrait justifier, jusqu'à un certain point, une intervention financière de l'Etat.

Mais faut-il, comme M. Ducarre le propose, obtenir ce résultat en affectant à l'indemnité des propriétaires la perception même de l'Etat?

Nous avons pensé que cela n'était point nécessaire; la somme de 45 millions est plus élevée qu'il n'est nécessaire, car dans la supposition que nous avons faite le total de la depense n'excéderait pas cette somme, et alors nous nous sommes rallié à l'idée qui avait été émise par MM. Johnston et Mangini, puis présentée sous un autre forme par M. Reverchon.

L'Etat peut bien, en effet, en adoptant une loi qui parait devoir amener un certain apaisement, faire sur une recette plus considérable un sacrifice de 10 millions de francs; mais si vous consentez à faire ce sacrifice de 10 millions de francs, vous pouvez imposer les conditions qui vous paraîtront le plus équitables et dire que vous ne consentez au sacrifice en faveur de la ville de Paris qu'à la condition qu'elle intervienne entre les locataires et les propriétaires. Ce système permettrait d'arriver à une concession qui parait nécessaire en ce qui concerne les petits loyers.

Tel est l'ensemble des amendements qui ont été proposés. Un certain nombre de membres, dont M. Ternaux s'est fait l'interprète, sont frappés de ce fait, que par votre loi il n'y a rien pour les petits loyers, et qu'il faudrait, à cet égard, corriger l'article 5.

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