Page images
PDF
EPUB

ANNALES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. Victor Luro. Je pourrais mettre sous ses yeux certains écrits de la nature la plus odieuse, dont quelques-uns de ces magistrats sont vraiment responsables, quoiqu'ils n'en soient pas les auteurs, parce qu'ils émanent de publications dont ils sont les fondateurs, dont ils restent les associés, parce qu'ils émanent de certaines feuilles dont il a été impossible jusqu'à ce jour de les détacher. (Mouvements divers.)

Aussi, lorsque M. le garde des sceaux nous donnait dans une des dernières séances lecture de la ferme et éloquente circulaire par laquelle il indiquait aux procureurs généraux leurs devoirs contre ceux qui, en ce moment, se font les propagateurs des doctrines qui ont mis les armes aux mains des insurgés de Paris, je me disais qu'il y en avait beaucoup, oui beaucoup, qui seraient dans l'impossibilité d'écouter les paroles de M. le garde des sceaux et de lui obéir, parce qu'il y avait des liens étroits qui les engageaient dans des groupes qui n'étaient que l'écho de ce qui se passait à Paris. Quelques voix. C'est vrai !

M. Victor Luro. En voulez-vous une preuve? Non! non!) (Oui! oui!

Je ne sais si quelques-uns d'entre vous ont lu un détestable article emprunté, par le journal que je tiens à la main, par le Réveil de Lot-et-Garonne, à un autre journal non moins détestable qui s'intitule a les Droits de l'Homme ». Cet article, qui porte en titre « les Comptes de la majorité rurale, » contient ce que voici :

Voici ce que doit la France à la majorité rurale, à sa lâcheté devant l'étranger, à son ineptie, à ses menées contre la République :

La cession à perpétuité de l'Alsace moins Belfort et de la Lorraine allemande plus Metz;

« Cinq milliards à payer à la Prusse en cinq

ans;

« L'hostilité plus ou moins ouverte de l'Italie insultée dans son plus illustre citoyen et menacée dans la possession de Rome capitale;

Une loi sur les échéances qui a dû être dé. chirée par ses propres auteurs, et qui, si elle eût été executée tene quelle, eùt entrainé pour le commerce français une faute generale.

[ocr errors]

M. Tirard. Pour ce point-là, c'est vrai ! M. Victor Luro. « La revolut on du 18, et la mort des génécontinue le journal, raux Clément Tuomas et Lecomte... »

Ainsi c'est à vous, messieurs, qu'on impute la révolution du 18 et la mort des generaux Lecomte et Clement Thomas !

...

Le mouvement de Lyon, de SaintEtienne, de Marseille, de Toulouse et de Narbonne et la stagnation des affaires qui en est la suite;

« L'extension de l'état de siége du départe-
ment de la Seine au département de Seine-et-
Oise ;

La mise du département des Bouches-du-
Rhône en état de guerre;

«La restauration des magistrats qui, sans
respect pour leur robe, s'etaient faits en 1851
les exécuteurs des hautes et basses œuvies
d'un président en rupture de serment;

«La création enfin de 87 bataillons de vohomlontaires de la monarchie, à 1 fr. 50 par

me, soit une charge quotidienne de 150,000 fr.
au minimum. »

« DEVRA la France à l'Assemblée dite na-
se mettait pas en
tionale, si l'opinion ne
travers de ces velléités usurpatrices et ne l'o-
bligeait pas à se retirer de la scène, la guerre
civile et la ruine complète et immédiate de
notre malheureuse patrie. »

M. de Marcère. Quel est est le magistrat
qui a écrit cela ?

M. Victor Luro. Ce journal publie tous les jours des articles qui ne sont pas moins violents que celui-là. J'en trouverais même qui le sont davantage.

M. de Marcère. Les rédacteurs sont-ils magistrats?

M. Victor Luro. Savez-vous ce que c'est que ce journal? C'est un journal fondé par un substitut du procureur général... (Exclamations diverses); c'est un journal qui se publie dans un centre politique, lequel se groupe autour d'un premier avocat général...

M. Le Royer. Ayez donc le courage de les dénoncer nominativement. C'est abominable!

M. Victor Luro. Ce journal, professant des
doctrines politiques qui se caractérisent par le
seul article dont je viens de vous donner con-
naissance, a publié une liste de candidats pour
les dernières élections municipales, et dans cette
liste se trouvent portés, précisément, ces deux
membres du parquet. C'est ainsi que je justifie
de l'intimité qui existait et qui existe encore à
l'heure présente, entre les hommes qui ont
écrit ces abominations, et ceux qui seraient
chargés de les faire juger.

M. Emmanuel Arago. Vous dénoncez à la
tribune un des magistrats les plus honorables
et les plus sages que je connaisse! (Approbation
à gauche. Vives réclamations à droite.)
M. Victor Luro. Voilà, messieurs, pour
Non! non!
les parquets!... (Assez ! assez ! -
Parlez!)

Je finis en abordant les juges de paix.
Il est très-difficile d'établir le compte des
juges de paix révoqués. On en chercherait vai-
neinent le détail dans le Journal officiel; ce
Journal n'y pouvait suffire. On a bien publié
les premières révocations, mais il a été un mo-
ment où le flot qui les apportait était tellement
gros qu'il a fallu renoncer à toute publicité of-
ficielle Les destitutions des juges de paix,
demandées par dépêches télégraphiques, sont
en grande partie arrivées de même.

Eiles ont été décidées tantôt par lettres, tan-
tot par arrêtés dont il n'est même pas resté mi-
nute. De telle façon que ce n'est qu'avec une
grande difficulté, avec des calculs qui doivent
porter sur une foule de points différents et de
départements divers qu'on a pu arriver, appro-
ximativement, à déterminer le nombre des vic-
times faites parmi les juges de paix. J'ai pres-
que honte de le dire, non pour moi, mais pour
d'autres, il y en a eu 1,600.

Un membre. 1,800!

M. Victor Luro. L'honorable M. Picard me reprochait l'autre jour d'avoir appelé cela une hécatombe. Une hécatombe! Je me trompais, en effet, ce n'est pas une hécatombe, c'est seize qu'il fallait dire. (Rires.)

Ici, messieurs, tout comme pour les autres fonctionnaires, on remarque de grandes inégalités entre les départements. Il y a

[ocr errors]

deux manières de les expliquer sur lesquelles je passe rapidement.

Il y a d'abord l'humeur personnelle des préfets qui y était pour beaucoup, d'autant qu'elle ne pouvait ni être stimulée ni contenue par le Gouvernement qui ne la dirigeait pas, mais se laissait diriger par elle.

Il y a aussi, messieurs, les candidatures préfectorales. Or il faut remarquer que là où il y a eu des candidatures préfectorales, les juges de paix ont été traités avec une rigueur impitoyable. C'est là que se sont produites les plus grandes immolations. Et, messieurs, cela se comprend. Sous l'Empire on disat: « Les juges de paix font les élections! » Cela était vrai quelquefois. Eh bien, les agents du pouvoir dictatorial ont voulu aussi faire leurs élections; seulement, il y a eu cette difference que l'Empire ya trop souvent réussi, et que heureusement pour nous, les préfets nouveaux, quand ils ont voulu se servir des juges de paix comme agents électoraux, ont toujours échoué. De telle façon, que ce qui s'est passé à cet égard ne fait nullement honneur à la vigueur de l'autorité administrative, car, dans ce moment-là, on vantait beaucoup la vigueur révolutionnaire; mais ce n'est pas à elle qu'il faut faire honneur de ce qui s'est passé dans cette circonstance; j'en fais hon neur à la probité, à la droiture et au bon sens du pays. (Très-bien !)

Voilà, messieurs pour les juges de paix.

Quant aux nominat ons faites par le Gouvernement à l'effet de porter remède à ces excès dont vous avez maintenant la mesure, je dois dire que j'ai constaté 110 nominations environ à côté de 1,800 révocations arbitraires. 100 sur 1,800, ce n'est pas assez!

M. Pagès-Duport. Tout ne peut pas être fait tout de suite. La plupart des pièces se trouvent au ministère de la justice à Paris.

M. Victor Luro. Evidemment l'œuvre de justice, l'œuvre de bonne administration de la part du Gouvernement, n'est pas achevée; je suis convaincu que M. le garde des sceaux apportera à l'Assemblée des paroles qui, à cet égard, of friront toutes garanties et la rassureront complétement.

Je suis convaincu que le Gouvernen.ent rendra justice à ceux d'entre nous qui, poussés par le sentiment du devoir, poussés par les instances réitérées de nos électeurs, demandent chaque jour qu'un prompt remède soit apporté à une situation aussi déplorable. Nous sommes confus d'obséder journellement les membres du Gouvernement sur un sujet pareil. Mais, enfin, nous sommes obligés d'obéir à l'impuls on de nos électeurs; car, il faut le dire, dans nos départements on est surpris, on est péniblement surpris de voir qu'en cela justice n'est pas rendue; on est Surpris de voir que l'autorité est encore, à l'heure qu'il est, représentée par des hommes dont on a repoussé l'influence, dont on a én rgiquement répudié les conseils, alors qu'on a voté pour ceux qui font la majorité de cette Assemblée.

Un dernier mot:

En réclamant devant vous, messieurs, les rectifications nécessaires pour remédier aux excès de pouvoir que je vous ai dénoncés, je n'ai nullement eu l'intention d'entraver en quoi que ce soit la libre action du Gouvernement.

Surtout je ne voudrais point lui laisser penser que nous n'avons pas en lui une confiance entière pour l'œuvre de justice et de bonne administration que nous attendons. Seulement, qu'il me permette de lui dire, en descendant de cette tribune, que nous sommes loin d'avoir obtenu ce que notre confiance nous portait à espérer. (Mouvements en sens divers." Approbation et applaudissements sur plusieurs bancs à droite )

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dufaure, garde des sceaux, ministre de la justice. Messieurs, je n'ai aucune compétence pour répondre aux reproches que l'honorable orateur a adressé au Gouvernement de la délégation pour tout ce qui s'est passé dans le doma ne de la justice depuis le 4 septembre jusqu'au 8 février, et si quelqu'un des membres de l'Assemblée avait voulu prendre la parole pour s'expliquer sur les révocations et sur les nominations qui ont été faites dans cet intervalle, je lui aurais pour le moment cédé la tribune.

La seule chose qui me concerne, ou plutôt qui concerne le Gouvernement dout j'ai l'honneur de faire partie dans les interpellations de M. Luro, c'est cette question qu'il m'a adressée « Pourquoi n'avez-vous pas révoqué les fonctionnaires nommés par le Gouvernement de la défense nationale, et pourquoi tardezvous à replacer les fonctionnaires qui avaient été nommés par l'Empire et que le Gouvernement de la défense nationale a révoqués? (Très-bien! très-bien! Applaudissements à gauche.)

M. Victor Luro. Je déclare que je proteste, monsieur le ministre! Telle n'est pas ma pensée.

M. le garde des sceaux. Permettez-moi, mon honorable collègue, de dire qu'il est impossible de traduire autrement vos paroles. (Tres-bien à gauche.)

Vous aviez dit l'autre jour, et vous avez terminé votre discours en répétant: « Pourquoi ne s'empresse-t-on pas de replacer les magistrats qui ont été revoqués pa. le Gouvernement de la défense nationale? »

Avez-vous dit cela?

Plusieurs membres à gauche. Parfaitement! M. Victor Luro. J'ai voulu parler de ceux qui en sont dignes.

M le garde des sccaux. Par qui les magistrats que le Gouvernement de la défense nationale a révoqués avaient-ils été placés?

Il n'y a qu'une réponse : par l'Empire. (Mouvements divers.)

J'ai donc traduit exactement les paroles que vous avez prononcées, et je conteste à tout membre de l'Assemblée, même à vous, mon honorable contradicteur, le droit de mettre en doute la fidélité de ma traduction. (Approbation à gauche. Exclamations à droite.)

[ocr errors]

Je réponds à cette interpellation, et, messieurs, permettez-moi d'y répondre tranquillement, car l'interpellation que l'on m'a adressée l'a été, pour ce qui concerne le Gouvernement actuel, dans un langage courtois et 'mudéré, je m'empresse de le reconnaitre, et c'est avec la même modération que je demande à répondre. (Très-bien!)

J'ai dit: en ce qui concerne le Gouvernement, car je ne veux pas exagérer ma responsabilité

mi me donner une importance que je n'ai pas.

[ocr errors]

Mes senuments ont été partagés, daus les actes de mon administration, par meg honorables collègues. Il n'y en a pas un qui soit disposé à les désavouer. Nos actes, pour une partie, sont faits en conseil, après délibération. Pour l'autre partie, ils peuvent être faits entre le ministre compétent et le chef du pouvoir exécutif. Mais ils sont inspirés, je m'empresse de le déclarer, par un esprit qui nous est commun et qui par conséquent, nous permet de nous associer, tous. aux ac es émanés de chacun de nous. (Très-bien! très-bien!)

Messieurs, en réduisant ainsi mon rôle à ce qu'il doit être et en ne repoussant, sous aucun rapport, la responsabilité qui m'appartiendrait plus qu'à tout autre, car c'est moi qui étud e et qui propose en cette matière, je vais donner à P'Assemblée les explications qu'on me demande relativement à ce qui s'est passé dans le département de la justice.

Nous mettrons de côté, si vous le voulez bien, toute la partie du personnel judiciaire qui est revêtue du caractère de l'inamovibilité.

Pour celle-là, je n'avais qu'une chose à faire: demander à 1 Assemblée de rendre le privilége de l'inamovibilité à ceux qui, même par un motif avouable, en avaient été momentanément dépouillés. Je me suis empressé de le faire à l'une de nos premières réunions, et par conséquent, sous ce rapport, l'honorab ́e orateur n'aurait rien à me demander.

Quant à la partie du personnel qui n'est pas inamovible, qui a pu être remuée et changée à volonté par le gouvernement qui nous a précédés, que devais-je faire? qu'ava t-on à faire?

Si nous avions été systématiques, nous aussi, oh! noue rôle aurait été bien facile: nous aurions fait ce qu'on a fait après le coup d'Etat de 1851; nous aurions fait ce que la délégation du Gouvernement de la défense nationale a fait, d'après l'honorable interpellateur; nous aurions systématiquement repoussé ou l'une ou l'autre classe de ces fonctionnaires

Remarquez, au contraire, la difficulté trèssérieuse qui se présentait pour nous: quel était notre but? que cherchions-nous?

Lorsqu'il s'agit de donner à la France les administrateurs judiciaires les plus sages, les plus impartiaux, les plus ferines, les plus capables de rétablir dans le pays cet ordre légal que demandait l'honorable M. Luro lui-même à la place du désordre révolutionnaire, que devions-nous faire?

Je vais dire une chose banale, mais l'Assemblée me le pardonnera. Nous devions, au milieu des candidats sans nombre qui se levaient de toutes parts, rechercher celui qui pouvait le mieux s'identifier avec lesprit de la justice, celui qui, d'une opinion réfléchie et ferme, -car je e demande vas les indifférents,- serait en même temps calme et impartial, et ne troublerait pas de ses passions politiques le cours serein de la justice

Voilà la recherche laborieuse que nous devious faire.

Mais vous me dites : Pourquoi ne pas dépla cer tous les magistrats plus ou moins politiques que la délégation avait nommes?

Messieurs, je ne puis pas les déplacer et lisser leurs siéges vacants. Je dois au même instant m'occuper de les remplacer. Et quels sont

[blocks in formation]

les premiers remplaçants qui s'offrent à moi ? Ceux mêmes qui ont été révoques au 4 septemire. Mais attendez: puis-je les accepter sans contrôle ?

Qu'a-t-on reproché à beaucoup de magistrats qui étaient en fonctions le 4 septembre 1870? On leur a reproché d avoir été des agents politiques du gouvernement de cette époque. Estce vra? Oui! oui!)

Que reprochez-vous à ceux qui les ont remplacés? et je ne dis pas que votre repro che soit injuste, vous leur reprochez d'avoir été des agents politiques du gouvernement nouveau institué sous le nom de délégation de Tours ou de Bordeaux. No s voilà donc en présence d'un magistrat actuel trop politique remplaçant un magistrat qui lui-même bien souvent a été un magistrat trop politique.

M. de Gavardie. Je demande la paro.e.

M. le garde des sceaux. Que ferons-nous done? Nous rechercherons avec scin ceux qui, aux deux époques, quelle que soit le ir origine, Ont échappé à cette influence désastreuse pour la magistrature, qui se sont fait remarquer par leur mérite plos que par leur zèle, qui ont été noblement infidèles au mandat que l'on voulait peut être leur donner, qui, enfia, ont su garder au milieu de la triste epoque que nous avons travers e un caractère ferme, di ne, honorable, tel qu'il convient aux fonctions judi caires. Il fallait chercher, il fallait chois r; nous n'avions pas cò é des deux personnels que je viens de vous indiquer, nous n'avions pas toujours un troisième personnel à leur substituer, et quand il s'est présenté à nous, nous ne l'avons pas accepté sans examen.

Que l'honorable M. Luro veuille bien pour moment et pour toujours, s' le désire (Rires), pren Ire la place que j'occape...

un

M. Victor Luro. Vous l'occupez trop bien, monsieur le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux Qu'il veuille bien la prendre, qu'il se mete en présence de ces d ffic Ités, qu'il me dise ce qu'il fera. Je te lui demande croira-t-il le premier qui viendra réclamer une position occupée! Non, il fera examiner, car les fonctions judiaires sont d'une trop haute importance pour les déférer ainsi au hasard et sur l'examen d'un momentil cherchera, il consultera, il regardera, et tant que la lumière ne se sera pas faite pour lui, il s'abstiendra,

Il ne faut pas croire qu'on puis-e, en un jour, connaître le cara tère, les antécédents d'un magistrat qui est en fonction ou qui y a été avant le 4 septembre. C'est un travail redoutable et difficile, messieurs.

Est-ce que je puis connaître, est-ce que M. Lore lui-même connaitrait tous les juges de paix répandus sur toute la surface du pays, et n'aurait-il pas besoin d'interroger, de question

ner?

Permettez-moi de vous citer un exemple: T'honorable M. Luro a parlé d'un département qui a été particulièrement agité dans son personnel judiciare, du département du Gers. S'il a été particulièrement agité, que l'Assemblée me perme te de le lui dire, le véritable motif n'en a pas été donné par M. Luro. Vorei où il est C'est que le département du Gers avait été, avant le 4 septemb e, sous l'empire d'une dictature politique et bonapartiste...

101

M. Ducuing et plusieurs membres à gauche. Oui! oui! C'est cela !

M. le garde des sceaux. ... et que, depuis le 4 septembre, la réaction y a été juste ce qu'avait été l'action: elle y a répondu. Plus il y avait eu de politique dans les choix faits avant le 4 septembre, plus il y en a eu, par une conséquence nécessaire, dans les choix faits après le 4 septembre.

-

Eh bien, messieurs, pour ce département, qui en a été malheureux, si vous voulez, mais qui m'a rendu malheureux moi-même... (Hilarité générale), - pour ce département, j'ai eu besoin de faire des recherches plus encore que pour les autres.

Si je vous ai apporté cette masse de papiers, ce n'est pas pour vous en fatiguer... (Nouvelle hi arité. Applaudissements à gauche), c'est afin de vous donner une idée du travail auquel le ministre de la justice est obligé de se livrer pour arriver à cette chose importante à mes yeux, qui ne doit être faite qu'en pleine sécurité de conscience: la nominatien d'un magistrat, depuis le plus petit jusqu'au plus grand.

Je considère que c'est la un des grands actes qu'un gouvernement puisse accomplir. Qu'ai-je dù faire? Demander leur avis aux honorables chefs de la magistrature. Ces renseignements, je ne les ai pas encore tous reçus; mais j'ai reçu d'un très-honorable magistrat, le premier président de la cour d'Agen, sur le personnel des parquets et des juges de paix, les documents que voici (l'orateur montre un volumineux dossier), et je les ai reçus, les uns le 19 avril, et les autres datés, à Agen, du 1er mai, mais qui ne me sont parvenus que le 3 mai.

Voilà comment, pour le département du Gers en particulier, j'ai reçu les renseignements que je demandais, et l'honorable membre vient me dire que je suis en retard pour apporter dans la magistrature du Gers tous les changements qu'il faudrait y apporter. (Sourires.)

M. Victor Luro. Je n'ai pas parlé du dédépartement du Gers seulement; j'ai parlé de tous les départements.

M. le garde des sceaux. Je vous demande pardon; je ne réponds qu'à ce que vous m'avez dit; je ne puis pas répéter les expressions, mais certainement c'est la pensée. L'Assemblée en jugera.

Tout le tort du Gouvernement est, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, d'attacher une extrêne importance à la nomination des magis

trats.

L'honorable membre a fait la distinction de la République révolutionnaire et de la République légale. Eh bien, la République révolutionnaire bouleverse en un jour toute la magistrature d'un ressort; la République légale examine, étudie, s'éclaire, et ne prononce qu'après avoir été pleinement éclairée. (Très-bien! trèsbien! - Applaudissements sur un grand nombre de bancs.)

Soyez convaincus, messieurs, que pour tout ce qui touchera à la magistrature, c'est ainsi que le Gouvernement, dont j'ai l'honneur de faire partie, agira. Ayez-en pour garantie le sentiment de la responsabilité que nous avons, et que j'ai plus particulièrement envers vous. Ayez-en encore une garantie que je me permets de dire plus élevée, c'est le sentiment

[blocks in formation]

M. le président. M. Silva a demandé la parole.

M. Silva. Messieurs, je n'apporte à cette tribune ni l'autorité de M. le garde des sceaux, ni un manuscrit capable de lutter avec celui de l'honorable M. Luro. (On rit.) J'y apporte la conscience d'un citoyen, la conscience d'un membre de cette Assemblée.

Je viens, non pas répondre à M. Luro, mais protester de toute mon énergie contre les paroles qu'il a prononcées ici.

J'estime, moi qui ne vois que la dignité de cette Assemblée, que jamais question n'a été posée dans des conditions si inopportunes. (Murmures à droite.)

Ce n'est pas le moment, vous le savez, de faire de la réaction et une réaction quelconque. Nous n'avons tous qu'un même sentiment, qu'un seul but travailler à la pacification de notre malheureux pays. Nous ne devons pas avoir d'autre préoccupation en ce moment.

Et quand on vient parler de république, quand on prononce ce mot qui fait vibrer mon coeur, je sais me taire; car, entre nous, il y a eu un compromis d'honneur... (Mouvement): nous nous sommes dit que nous ajournerions toute discussion sur cette question. Travaillons donc, travaillons ensemble au salut commun.

Voilà ce que j'avais à dire sur la question d'opportunité.

Et maintenant au fond, pour moi, le Gouvernement de la défense nationale est couvert par son titre même. (Réclamations au centre et à droite.)

Il fut le Gouvernement de la défense nationale il a fait tout ce qu'il était humainement possible de faire pour sauver la fortune et l'honneur de la France. Je répète qu'il est couvert par son titre... (Nouvelles protestations.)

M. Louis de Saint-Pierre. J'estime, moi, qu'il nous a laissés complétement à découvert!

M. Silva. Vous êtes libre de ne pas partager ma manière de voir, mais c'est ainsi que je pense...

M. de la Rochethulon. Mais non: il a manqué à son titre !

M. Silva. Au fond, les mesures qu'on demande, ou plutôt les interpellations qu'on adresse au Gouvernement sont-elles fondées ?

Il n'y a qu'un instant, l'honorable M. Luro vous disait que la république serait le meilleur gouvernement, n'était la révolution. Mais il me semble que c'est un révolutionnaire décidé, que M. Luro... (On rit), car ce qu'il demande n'est rien moins qu'une révolution complète, puisqu'il s'agit de déplacer tout un personnel et de le remplacer par un autre; je ne connais pas de révolution plus accentuée que celle-là.

M. Victor Luro. Ce serait une révolution dans le sens de la justice.

M. Silva. Et d'ailleurs, ce n'est pas moi qui chercherai jamais à attaquer nos magistrats et nos fonctionnaires. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de venir nous déprécier aux yeux de l'Europe. Il faut savoir tenir compte

ANNALES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

au Gouvernement de la défense nationale de ce qu'il a fait. (Réclamations et murmures à droite.)

On a dit qu'il avait choisi dans un milieu d'agitateurs. A cela je réponds que c'est lui qui a nommé les Leblond, les Le Royer et tous ces citoyens qui, après avoir honore la robe de l'avocat et celle du magistrat, honorent encore cette Assemblée au sein de laquelle ils siégent. (Très-bien ! très-bien! à gauche.)

Je proteste donc au nom du pays; je proteste en mon nom comme Français et comme Savoyard... (Rires et mouvements divers). oui, comme Savoyard, contre les paroles de l'honorable M. Luro. (Applaudissements à gauAux voix! aux voix - La clôture!) che. Plusieurs membres. L'ordre du jour ! l'ordre du jour!

M. Baragnon. Nous proposons un ordre du jour motivé.

M. Cochery. Nous demandons, nous, l'ordre du jour pur et simple et il doit toujours avoir la priorité.

Un membre. Parlez, monsieur Baragnon ! D'autres membres. Oui! oui! Parlez! parlez!

M. le président. Voulez-vous me permettre de présider?

Je donnerai la parole à M. Baragnon quand je devrai la lui donner, c'est-à-dire pour l'ordre du jour motivé qu'il propose; mais, avant, je dois mettre la clôture aux voix.

(La clôture est mise aux voix et prononcée.) M. le président. Maintenant, M. Baragnon a la parole.

M. Baragnon. L'Assemblée pensera peutétre, comme moi, qu'il ne convient pas qu'une discussion aussi importante et qui a amené M. le garde des sceaux à la tribune, soit ordre du clôturée autrement que par un jour motivé... (Interruptions et mouvements divers), et s'il existait un texte qui pût satisfaire les collègues qui m'interrompent, un ordre du jour dégageant dans les interpellations qui viennent d'avoir lieu ce qui doit être notre pensée commune, et ralliant ainsi l'immense majorité de l'Assemblée, cet ordre du jour motivé serait utilement produit à la tribune.

Eh bien, comment a-t-on répondu à M. Luro? Souvent en méconnaissant ses intentions... (Réclamations à gauche), ou du moins en les poussant jusqu'à un point où, pour ma part, je ne pouvais pas les suivre.

Un membre. Lisez votre ordre du jour motivé!

M. Baragnon. On me demande de lire l'ordre du jour motivé... (Oui! oui!)

Le voici.

Je le justifiais en quelques mots avant; je le justifierai après, si sa lecture ne suffit pas.

« L'Assemblée, convaincue que le Gouvernement n'hésiterait, en aucun cas, à révoquer les fonctionnaires dont le maintien serait un danger pour l'ordre public... »

M. le garde des sceaux. Oh! cela, je l'accepte! (On rit.)

M. Baragnon. Permettez !

... ou dont l'attitude impliquerait la méconnaissance de la souveraineté nationale dont l'Assemblée est investie, passe à l'ordre du jour. »

827

Je demande à l'Assemblée la permission de dire...

[ocr errors]

M. le président. Permettez, monsieur Baragnon! La discussion est close.

M. Cochery. Nous demandons l'ordre du jour pur et simple! Il doit avoir la priorité.

M. le président M. Baragnon propose un ordre du jour motivé.

D'un autre côté, l'ordre du jour pur et simple est demandé et a la priorité. Je mets donc aux voix l'ordre du jour pur et simple.

(L'ordre du jour pur et simple est mis aux voix et adopté.)

M. le président. Voici maintenant l'ordre
du jour de demain :

A deux heures séance publique:
Discussion sur la prise en considération :
1o De la proposition de M. Vétillard, relative

à la convocation des conseils généraux;

2o De la proposition de M. le général Martin des Pallières, relative au recrutement de l'armée.

Première délibération sur la proposition de MM. Bompard et Lefèvre-Pontalis, tendant à appliquer l'article 69 du règlement aux cas d'urgence.

Il n'y a pas d'opposition?...

Un membre. Nous demandons que la séance
publique ne commence qu'à trois heures.
M. le président. On demande que la séance
· Ap-
n'ait lieu qu'à trois heures. (Oui! oui!
puyé !)

La séance publique de demain est fixée à
trois heures.

(La séance est levée à cinq heures.)

Le directeur du service sténographique,
CELESTIN LAGACHE.

Annexe no 191.

(Séance du 4 mai 1871.)

RAPPORT fait au nom de la 2 commission d'initiative parlementaire sur la proposition de M. Courbet-Poulard, tendant à déterminer la réduction du privilége des propriétaires d immeubles affectés à une destination industrielle ou commerciale, lorsque l'industriel ou le commerçant qui les occupe tombe en faillite, par M. Théry, membre de l'Assemblée.

Messieurs, votre 2 commission d'initiative parletaire a été saisie d'une proposition, présentée par M. Courbet-Poulard, ayant pour objec de modifie, au cas d'un locataire tombé en faillite, la dispo sition de l'article 2102, n° 1, du code civil.

Cet article consacre dans son no 1 le privilége du propriétaire sur le prix de tout ce qui garnit la maison louée, pour tous les loyers échus et pour tout ce qui est à échoir si le bail est authentique ou si, étant sous seing privé, il a date certaine; dans le cas contraire, le privilége n'existe que pour une année, à partir de l'expiration de l'année courante.

Les créanciers reçoivent en échange des loyers payés par anticipation le droit de relou la maison et de faire leur profit des baux, à la charge de payer au propriétaire tout ce qui lui serait encore dû.

Cette dernière partie de la disposition du code n'est, à proprement parler, qu'une application d'un principe posé dans les articles du code civil et 444 du code de commerce, à savoir que le fait de la déconfiture ou de la faillite d'un débi

« PreviousContinue »