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« Article 1er. Les caporaux, sergents et officiers jusques et y compris le grade de capitaine, seront élus au suffrage direct par les gardes nationaux.

Art. 2. Les chefs de bataillon et portedrapeaux seront élus par les officiers du bataillon et par des délégués nommés dans chaque compagnie en nombre égal à celui des officiers.

a Art. 3.- Les colonels et lieutenant-colonels, seront élus par les capitaines et les chefs de bataillon.

« Art. 4. Le général en chef des gardes nationales de la Seine sera élu par les colonels, les lieutenants-colonels et les chefs de bataillon. «Art. 5. Le général nomme son état-major. Les colonels nomment également leur état-major. Les chefs de bataillon nomment les capitaines adjudants-majors et les adjudants sousofficiers. »

Signé Louis Blanc, Peyrat, Schoelcher, Brunet, Tolain, Clémenceau, Tirard, Martin Bernard, Millière, Brisson, Lockroy, Edgard Quinet, Langlois, Farcy, Greppo, Cournet, Floquet, Marc Dufraisse."

-

M. Millière. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée une proposition relative à des modifications à apporter à la dernière loi sur l'échéance des effets de commerce.. Je commence par déclarer, bien que les événements qui viennent de se passer, aient, selon moi, peut-être été aggravés par la situation qu'a faite cette loi au commerce, commence par déclarer que ce ne sont pas ces événements qui m'ont déterminé à présenter ma proposition; car je tiens à vous faire comprendre, messieurs, qu'elle est indépendante des circonstances actuelles.

je

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Le représentant du peuple soussigné propose à l'Assemblée nationale d'adopter, d'urgence, le projet de loi suivant :

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Article unique. Les délais accordés par la loi du 10 mars, pour le payement des effets de commerce qui y sont désignés, sont prorogés de trois mois. Signé: MILLIÈRE. »

J'ai énoncé, dans les considérants, une idéo sur laquelle je demande la permission d'insister et qui justifie l'urgence que je réclame pour ma proposition.

Vous le savez, messieurs, le plus grand inconvénient qu'une loi puisse avoir, c'est de ne pas être exécutée. Or, par la force même des choses, la loi sur les échéances des effets de commerce n'est pas exécutée en ce moment, et laisse tout à l'arbitraire que vous avez voulu éviter. Par conséquent, je crois qu'il y a nécessité d'y pourvoir immédiatement dans l'intérêt des affaires et du commerce qui souffrent beau

coup de cette situation, sans profit pour la Banque, à laquelle, seule, la loi dernière au rait pu profiter et à laquelle elle n'a pas profité. Un membre à droite. Ce qu'il y a de plus urgent, c'est de devenir sage!

Un autre membre. Oui! (Exclamations et bruit.)

M. Dufaure, garde des sceaux. Je déclare accepter l'urgence proposée par M. Millière.

M. Lambrecht, ministre de l'agriculture et du commerce. Je l'accepte également.

M. le président. M. le garde des sceaux et M. le ministre du commerce déclarent accepter l'urgence demandée par M. Millière. Je mets aux voix la déclaration d'urgence. (La première partie de l'épreuve a lieu.) M. Vente. Je demande la parole.

M. Pouyer-Quertier, ministre des finances. Je demande laparole, monsieur le président, pour expliquer, en deux mots, les motifs qui déterminent le Gouvernement à accepter l'urgence. Sur divers bancs. Non! non! On ne parle pas entre deux épreuves. M. Vente. Monsieur le président, j'avais demandé la parole!

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M. le président. Vous avez eu tort, monsieur, de ne pas la demander avant le commencement de l'épreuve. M. le ministre des finances la demande aussi, en ce moment, et je dois également la lui refuser le règlement m'y oblige. (Très-bien très-bien !)

Voici la position de la question.

M. Millière, demande l'urgence pour sa proposition, et le Gouvernement se rallie à cette demande.

M. Cochery. Le rapporteur de la commission aussi, d mande l'urgence.

M. le président. Il est évident que la proposition en elle-même est urgente, sauf à être rejetée ou approuvée, puisqu'elle touche à des événements actuels.

M. Pouyer-Quertier, ministre des finances. L'Assemblée veut-elle me permettre de lui dire les motifs qui font accepter l'urgence par le Gouvernement ?

Voix diverses. C'est inutile! lez! parlez!

Si! si! Par

M. le ministre des finances. A raison des événements et de l'occupation de l'armée étrangère, à raison du non rétablissement des relations entre Paris, Versailles et beaucoup de nos départements, à raison de la non réouverture des succursales de la Banque sur lesquelles nous avions compté, toutes causes qui ne permettent presque pas de transactions commerciales et qui s'opposent à l'escompte dans la plupart de nos grandes villes, les négociants qui ont à faire face aux échéances arrivées par suite de la loi nouvelle ne peuvent se procurer de fonds.

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Le Gouvernement, par ces motifs, ne s'oppose pas à l'urgence, et il croit que, dans les circonstances actuelles, il y a quelques modifications à introduire dans la loi récemmeut votée. (Très bien. Aux voix! aux voix !)

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M. le président. L'Assemblée va voter sur l'urgence.

M. Vente. Je demande la parole pour appuyer la proposition d'urgence, non pas au nom de réclamations dont je ne suis pas chargé, mais en vertu de renseignements venant d'une de nos grandes villes du Nord, où se trouvent de grands industriels et beaucoup de négociants.

Le principe de la loi est approuvé, il est trouvé excellent; seulement on regrette que l'amendement qui proposait de rejeter au 31 mars la première échéance n'ait pas été adopté. On a été obligé d'en venir à des transactions de telle nature, que la loi n'est vraiment pas exécutée.

Les renseignements que je donne à l'Assemblée me paraissent devoir justifier la demande qui lui est soumise, en ce moment, sur le fond et sur l'urgence. (Assentiment sur plusieurs bancs.)

M. le président. Je mets la question d'urgence aux voix.

(L'Assemblée, consultée, prononce l'urgence.) M. le président. La proposition sera renvoyée demain à l'examen des bureaux.

La parole est à M. le rapporteur du projet de loi sur la mise en état de siége du département de Seine-et-Oise.

Mes

M. Antonin Lefèvre - Pontalis. sieurs, la commission a pris connaissance du projet de loi destiné à mettre en état de siége le département de Seine-et-Oise; elle est unanime pour en reconnaitre la nécessité.

L'Assemblée nationale s'étant transportée à Versailles, il s'agit de l'y rendre inviolab'e, en opposant un cercle infranchissable à l'insurrection criminelle qui a éclaté à Paris et qui a l'audace de menacer les pouvoirs des élus de la nation.

La loi n'est pas une mesure de défiance contre les populations de Seine-et-Oise, dont l'attachement à l'ordre ne peut être suspecté. L'Assemblée sait qu'elle peut se fier en toute sécurité à l'hospitalité qui lui est donnée par la ville de Versailles.

Ce sont les fauteurs et les complices de l'émente parisienne que la loi est destinée à atteindre et à décourager, en permettant de les surveiller, de les écarter, de les arrêter et de les punir sans ménagement ni délai.

C'est la France qu'il s'agit de sauver, en mettant à l'abri de toute atteinte l'Assemblée qui seule la représente, et en sachant empêcher qu'elle ne subisse le joug des factions.

M. le président. La commission conclut à l'adoption pure et simple du projet de loi. L'Assemblée entend-elle passer immédiatement à la discussion?

Voix nombreuses. Oui! oui!

M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article unique du projet de loi? (Non! non!)

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, et j'en donne de nouveau lecture:

Le département de Seine-et-Oise est mis en état de siége. »

Que ceux qui sont d'avis d'adopter l'article veuillent bien...

M. Louis Blanc. Je demande la parole. (Non! non! Il est trop tard!)

M. le comte de Chambrun. M. Louis Blanc a demandé la parole avant le vote.

Voix nombreuses. Il est trop tard! l'épreuve est commencée.

M. le président. Il est incontestable que, si l'Assemblée ne veut pas faire dérogation à son règlement, M. Louis Blanc ne peut pas obtenir la parole, l'épreuve étant commencée. Plusieurs membres. Il l'a demandée avant. ANNALES.-T. I

M. le président. L'Assemblée veut-elle entendre M. Louis Blanc ? (Oui! oui! - Non !) Quelques voix. Il n'insiste pas!

M. le président. Je mets aux voix le projet de loi.

Voix diverses. Laissez parler M. Louis Blanc ! - Non! non!

M. le président. Il est certain que s'il y a des oppositions nombreuses dans l'Assemblée... (Interruption.) Laissez

Quelques membres. Il n'y en a pas! parler!

M. le président. L'Assemblée consent-elle à entendre M. Louis Blanc? (Oui! oui!) Monsieur Louis Blanc, vous avez la parole. (Oui! oui ! Parlez! parlez ! Non! non!)

(M.. Louis Blanc se dirige vers la tribune.) M. le président J'engage M. Louis Blanc à ne pas prendre la parole s'il rencontre de l'opposition.

Voix nombreuses. Parlez! parlez ! monsieur Louis Blanc.

M. Jules Favre, ministre des affaires élrangères. Consultez l'Assemblée, monsieur le président.

Un membre à droite. On doit garder les règles pour que les règles nous gardent ! (Bruit et rumeurs diverses.)

M. le président. L'observation est au moins inutile, le président ayant dit qu'il n'accorderait la parole à M. Louis Blanc que s'il n'y avait pas d'opposition dans l'Assemblée. (Aux voix! aux voix !)

Quelques membres. Il l'a demandée avant.

M. le président. Je mets aux voix le projet de loi. (Non! non!)

M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères. Consultez l'Assemblée pour savoir si elle veut, oui ou non, accorder la parole à M. Louis Blanc. (Mouvements en sens divers.)

M. de Tillancourt. Il y a un fait certain et qui met fin à toute discussion. M. Louis Blanc à demandé la parole au moment même où M. le président mettait aux voix le projet. (Oui! oui !) Il y a eu simultanéité entre la demande de parole et le vote de l'Assemblée; par conséquent il y a un doute qu'on doit interpréter en faveur de l'orateur. (Oui! oui !)

M. le président. M. Louis Blanc a-t-il demandé la parole avant l'épreuve commencée ? (Oui! oui !)

Dans ce cas la parole est à M. Louis

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M. le président. Veuillez donc garder le silence.

M. Louis Blanc. Au nom de cet esprit de calme, qui est si nécessaire dans les circonstances tragiques où nous sommes...

Un membre. Au nom de ceux qui commettent des assassinats!

M. le président. Veuillez écouter! Je rappellerai à l'ordre les interrupteurs.

M. Louis Blanc. Les assassinats! Il n'y a personne dans cette Assemblée qui les désavoue et les réprouve aussi énergiquement que

nous.

Un membre. Il faut les punir!

M. Louis Blanc. Et j'ajoute qu'il n'y a personne qui soit plus intéressé que nous à les réprouver, parce que la liberté... (Exclamations à droite) fut toujours compromise par le désordre et l'anarchie. (Approbation.)

Un membre. Il ne s'agit pas seulement de réprouver les assassinats, il faut les punir!

M. Louis Blanc. Je répète que dans ce moment, vu la disposition d'esprit de Paris, vu la situation de la France, vu ce fait déplorable que nous avons encore l'ennemi sur notre territoire, il faut, coûte que coûte, éviter la guerre civile... (Rumeurs sur plusieurs bancs), parce que la guerre civile, ce serait la mort de ce pays.

Eh bien, messieurs, le meilleur moyen de l'éviter, c'est de ne pas provoquer... (Exclamations.) Laissez-moi finir, messieurs, vous ne connaissez pas ma pensée.

M. le président. Laissez l'orateur achever l'expression de sa pensée.

M. Louis Blanc Je vais m'expliquer.

M. de Juigné. C'est vous qui avez contribué aux journées de juin et c'est vous qui avez contribué encore à celles qui viennent d'avoir lieu. (Exclamations sur plusieurs banes.)

Plusieurs membres. A l'ordre! à l'ordre!

M. le président, s'adressant à M. de Juigné. Monsieur, veuillez garder le silence. Si vous continuez à adresser des interpellations outrageantes à l'orateur, je Vous rappellerai à l'ordre, que vous troublez. (Mouvement.)

M. de Juigné. Je serai charmé d'être rappelé à l'ordre et que mes paroles soient consignées au Journal officiel.

M. le président. Eh bien, monsieur, je vous rappelle formellement à l'ordre, puisque vous le bravez! (Très-bien!)

M. de Juigné. Je vous en remercie. (Bruit.) M. Louis Blanc. Messieurs...

M. Jules Favre. Ne répondez pas aux interruptions.

M. Louis Blanc. La différence de nos opinions est couverte ici, ce me semble, par la communauté de nos intérêts, et un jour peutêtre, vous qui m'interrompez, vous comprendrez qu'en combattant votre opinion je plaida's votre propre cause. (Exclamations sur plusieurs bancs à droite.)

M. de Juigné. Je n'en crois rien !

M. Louis Blanc. La situation de Paris est très-grave, plus grave peut-être que quelquesuns de vous ne le soupconnent. (Oh! oh!) Je dis donc qu'il est très-important de ne pas appeler la résistance par l'emploi précipité de la force. (Interruptions)

Je ne suis pas certes contre les mesures d'énergie, quand le salut du pays les réclame. Mais c'est précisément parce que dans ma con

viction profonde le salut du pays réclame aujourd'hui une politique d'apaisement... (Nouvelles interruptions), que je vous conjure, au nom de notre patrie commune et de nos commons intérêts, d'éviter tout ce qui pourrait amener des collisions dont les conséquences sont incalculables.

M. Wilson. Les collisions existent.

M. le ministre de l'intérieur. L'état de siége est défensif et non pas agressif.

Un membre. Je demande la parole, et je demande...

M le président. Vous ne pouvez interrompre l'orateur pour parler; vous parlerez après lui.

M. Louis Blanc. On me dit que l'état de siége est une mesure défensive.

M. le ministre de l'intérieur. En ce moment.

M. Louis Blanc. En ce moment? Mais l'état de siége déclaré dans ce moment a cela de très-grave, suivant moi, qu'il peut être considéré comme l'indication d'une politique de force.

Voix à droite. 'Oui! oui! en effet, c'est ce qu'il faut.

M. Antonin Lefèvre-Pontalis. Il faut employer la force contre la violence.

M. Louis Blanc. Mais, mon Dieu! messieurs, si j'étais convaincu que la politique de force peut sauver mon pays, est-ce que je parlerais comme je parle? Ah, messieurs, consultons l'histoire; elle nous apprend à quels résultats aboutissent quelquefois des déclarations comme celle-ci : « Le roi ne rendra pas son épée! » Souvenez-vous de ce qui s'est passé avant hier. Est-ce que vous n'avez pas vu, avant-hier, comment il arrive que la force quelquefois est un instrument qui se brise dans les mains de ceux qui l'emploient?(Exclamamations à droite

Je cite un fai n'est pas contestable. A quoi donc nous servira l'expérience si elle ne sert pas à nous apprendre que la force n'est pas, dans toutes les circonstances possibles et imaginables, un moyen de salut?

Un membre. Il faut que la force reste à la loi.

M. Louis Blanc. Quant à moi, je suis convaincu que la vraie politique est celle qui amènera les esprits à se rapprocher en vue des dangers qui nous menacent tous. Réprimons ce qui est à réprimer: les assassinats! vouonsles à l'infamie; mais, au nom du ciel, ne provoquons pas, sans le vouloir, l'hostilité de cette partie de la population qui ne demanderait pas mieux que de se grouper autour de vous, si elle n'était pas victime... (Interruptions.)

Mais oui! Je parle de cette population qui se compose d'hommes qui, comme vous, sont intéressés à l'ordre, qui le veulent, et dont l'indifférence, en présence des excès qui ont eu lieu à Paris, s'explique par des malentendus qu'il est en votre pouvoir de dissiper.

M de Lorgeril. L'Assemblée est bien mécl ante quand on l'attaque elle se défend. (Rumeurs diverses.)

M. Louis Blanc, J'en appelle à tous ceux qui m'écoutent, ai-je attaqué cette Assemblée? (Non! non!) Ai-je dit un seul mot dont on puisse inférer que je veuille l'attaquer? (Non! non!) Au contraire, ce sont ses intérêts que je

défends, ses intérêts qui sont les miens, qui sont ceux de tout le monde, qui sont ceux de Paris, dont l'intérêt après tout est identifié à celui de la France.

Ne croyez pas qu'il n'y ait à Paris que des insurgés, que des gens qui veulent le sang et le pillage. Ne croyez pas cela.. (Non! non!) Eh bien, si vous ne croyez pas cela, rattachez à vous les hommes d'ordre.

Un membre. C'est ce que nous voulons faire ! Nous prenons leurs intérêts!

M. Louis Blanc. Rattachez-vous les hommes d'ordre par des sentiments de conciliation et d'apaisement. Voilà ce que je vous demande.

Je me résume en disant que notre politique doit être celle qui serait formulée par ces mots, que mes amis et moi écrivions au bas d'une proclamation adressée aux habitants de Paris pour y ramener le calme: l'ordre dans la liberté et par la liberté !

Voilà pourquoi je m'oppose à la proposition qui nous est faite. (Très-bien! à gauche.)

M. le général Trochu. Je demande la parole.

(Mouvement d'attention et profond silence). M. le général Trochu. Messieurs, la loi sur l'état de siége, la loi de 1849, votée par la république, n'est pas une loi de force, c'est une loi de protection. (Très-bien! sur un grand nombre de bancs.)

Mais je trouve inouï qu'à propos de cette loi, à propos des deux discussions qui ont eu lieu antérieurement, les noms du général Lecomte et du général Clément Thomas n'aient été prononcés par personne. (C'est vrai! - Assentiment sur un grand nombre de bancs.)

Pendant le siége de Paris, je ne parlerai pas de moi, soyez-en sûrs, pendant le siége de Paris, l'ennemi était à la fois au dehors et au dedans. (Oui! oui! C'est vrai!)

Au dedans, il y avait une officine prussienne à laquelle était annexée une fabrique de thalers, et il y avait même une officine française qui pénétrait partout et qui nous attaquait par derrière alors que nous faisions le possible pour nous défendre par devant; il y avait des scélérats... (Mouvement) qui recevaient de toutes mains, qui avaient pour but de paralyser et de déshonorer nos efforts, et qui avaient le meurtre pour moyen. (Profonde sensation et applaudissements.) Et c'est vainement qu'aujourd'hui les meneurs de cette guerre civile parricide veulent en décliner la responsabilité et la solidarité. (Très-bien! - Bravos.)

Ce sont eux qui, dix fois, pendant le siége, je l'atteste devant le pays, ont failli amener les Prussiens dans Paris et ce sont eux qui vont les y ramener. (Nouveaux bravos.)

M. de Tillancourt. Espérons que non! M. le général Trochu. Messieurs, le général Lecomte, sorti de l'Ecole militaire, était père de six enfants. Accablé par des charges de famille, il avait sollicité et obtenu un emploi sédentaire au prytanée militaire; il l'a quitté pour s'associer aux efforts de la guerre; c'est un martyr du devoir et une grande victime. (Bravos et applaudissements prolongés.)

Quant au général Clément Thomas, je ne puis parler de lui sans la plus profonde émotion. (Mouvement.) Le général Clément Thomas, messieurs, avait consacré sa vie à la République... (C'est vrai!); il avait souffert pour

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M. le général Trochu. Je demande à l'Assemblée nationale de déclarer par un vote solennel que le pays adopte la famille du général Lecomte... (Très-bien! très-bien! - Applaudissements), et que le meurtre du général Clément Thomas est un deuil public auquel elle appelle la France entière à s'associer. (Acclamations sympathiques et applaudissements prolongés.)

M. Clémenceau. Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire. Je suis maire de Montmartre. J'étais dans mon cabinet; on est venu me dire « Si vous n'accourez pas, les généraux Lecomte et Clément Thomas vont être fusillés. » Je me suis élancé dehors, j'ai couru sans m'arrêter jusqu'aux buttes; mais je suis arrivé trop tard.

Ce que je tiens à constater, c'est que j'ai fait mon devoir et au péril de ma vie, et que j'ai fait tous les efforts possibles à un honnête homme pour sauver les deux généraux. (Très bien! très bien !)

Un membre. Personne n'en doute!

M. le président. La parole est à M. Langlois.

M. Langlois. Messieurs, je voulais prendre la parole sur le projet de loi, lorsque le général Trochu, dans une inspiration très-heureuse, à laquelle nous nous sommes tous associés... (Très-bien!), est venu flétrir et condamner des assassins! Nous sommes les ennemis des assassins; nous ne savons pas de plus grands ennemis de la civilisation, de l'ordre, de la société, et nous sommes des hommes d'ordre, nous républicains, tout autant que personne. (Applaudissements.)

J'ajoute que quand mon honorable ami, M. Clémenceau, est venu vous dire ce qu'il avait fait, il ne vous a pas dit qu'il avait exposé sa vie! Si vous aviez vu comme il a traité les assassins, si vous aviez vu cela, vous auriez peine à comprendre comment il n'a pas été fusillé, car c'est presque un miracle que vous l'ayez au milieu de vous. (Mouvement.)

Messieurs, je reviens au projet de loi. (Non! non! Parlez!)

Permettez! c'est là la seule question.

Messieurs, vous avez fait deux bonnes choses tout à l'heure, en votant l'urgence de deux projets de loi nécessaires, l'un social, communal, industriel, l'autre politique.

Ce sont des choses qui apaisent, ce sont là de grandes forces morales.

C'est par la force morale qu'on domine, c'est par la force morale qu'on est vainqueur. (Rumeurs.) Croyez-moi ! A quoi vous sert ce

décret sur l'état de siége?

Un membre. A nous garder.

M. Langlois. Messieurs, défiez-vous des lois d'état de siége. Ce sont des lois d'exception, qui s'appliquent par des tribunaux d'exception, et c'est avec cela, messieurs, qu'on voile la statue de la Liberté... (Murmures), de

la Liberté que nous devons tous adorer, parce qu'elle est notre seule sauvegarde. (Sensations diverses.)

Les lois d'exception, cela ne sert absolument à rien. En ce moment, il y a l'état de siège à Paris. A quoi cela sert-il? - Il y a dans ce moment-ci des maires, des adjoints qui n'ont rien, pas d'armes, pas de fusils, mais qui en auront, et qui en auront bientôt, dans quelques heures, par cette force morale que vous leur avez donnée, en votant l'urgence des deux propositions de loi, et cela sans effusion de sang.

Dans le département de Seine-et-Oise, qu'avez-vous besoin de l'état de siége? Je vous en supplie, messieurs, revenons aux principes. Nous voulons le triomphe de l'ordre dans toute la France; nous voulons que la loi triomphe, mais la loi ordinaire, et non pas des lois d'exception. (Applaudissements à gauche. - Aux

voix ! aux voix !)

M. le président. Je mets aux voix le projet de loi dans son article unique ainsi conçu : «Le département de Seine-et-Oise est mis en état de siége. »

(Le projet de loi, mis aux voix, est adopté.) M. le président. Quant à la proposition que l'honorable général Trochu a faite incidemment à la tribune, et qui a été acceptée d'acclamation par l'Assemblée entière, pour la régulariser, je le prierai de la déposer sur le bureau, après l'avoir écrite. On l'affranchira des formalités ordinaires, ce qui est précisément l'effet de l'urgence, et elle pourra être votée très-rapidement. Adhésion.)

Il n'y a plus rien à l'ordre du jour...

M. Edmond Turquet. Je demande la parole. M. le président. La parole est à M. Turquet.

M. Edmond Turquet. Permettez-moi de me présenter devant vous dans le costume que je porte. Je sors de prison, et j'ai tenu à vous dire sans retard dans quelles circonstances deux représentants du peuple, le généra IChanzy et moi, avons été arrêtés avant-hier.

Voici le récit exact des faits: je tiens à le faire à cette tribune, parce que plusieurs récits contradictoires et erronés ont paru dans les journaux de Paris; je ne vous dirai que la vérité, la vérité vraie, la vérité complète et sans phrases.

Vendredi dernier, 18 mars, vers cinq heures du soir, le train venant de Tours entrait dans les murs de Paris lorsqu'il se vit brusquement arrêté par un peloton de gardes nationaux armés qui requirent le chef de train de stoper et d'ouvrir les portières. Je voyageais avec une partie de ma famille; nous occupions un wagonsalon. Le seul fait de la présence d'un wagonsalon dans le train suffit pour attirer l'attention de ces hommes armés.

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Aussitôt le wagon fut envahi, les portes ouvertes à coup de crosse, et l'on me demanda Où est le général Chanzy? » général Chanzy n'est pas ici, répondis-je. Alors on m'adressa une série d'injures que je ne répéterai pas à cette tribune; on me rejeta au fond du wagon et l'on me dit : « Vous nous trompez; le général est là, et vous êtes son aide de camp. »

Je n'ai pas l'honneur d'être son aide de camp; mais j'ai celui d'être son collègue à l'As

semblée nationale. S'il était ici, il verrait ce

qu'il devrait vous répondre; mais en tout cas, vous n'arriveriez pas à porter la main sur lui avant de m'avoir tué. (Bravo!)

Immédiatement les gardes nationaux pénétrèrent dans le wagon, fouillèrent tout à coups de crosse et de baïonnette, convaincus que le général était caché dans un des petits cabinets qui sont au fond d'un wagon-salon.

Quand, enfin, les gardes nationaux eurent pu s'assurer qu'il n'y avait plus personne dans le compartiment, ils en sortirent t visitèrent successivement tous les wagons du train. Arrivés au dernier wagon, ils y découvrirent le général Chanzy, qui ne se cachait nullement, puisqu'il était en tenue de général en campagne, avec la plaque de la Légion d'honneur sur la poitrine.

Aussitôt que le général aperçut ceux qui le cherchaient, il leur demanda ce qu'ils lui voulaient. Au nom de la loi, répondit un garde national, je vous arrête!... (Exclamations sur un grand nombre de bancs.)-Au nom de quelle Au autorité? demanda le général Chanzy. nom du comité de la garde nationale! (Nouvelles exclamations.)

M. le ministre des affaires étrangères. Voilà ce qu'on appelle la liberté.

M. Edmond Turquet. Alors le général dit: Je m'incline devant la force, et je descends!

Lorsque je vis le général Chanzy, mon collègue, entraîné par un groupe de gardes nationaux, je me précipitai vers lui et je le suppliai de me faire l'honneur de me permettre de l'accompagner. (Très-bien! très-bien!)

Le général résista. Je lui dis: Acceptez, mon général, vous pouvez être en danger de mort; il est bon qu'un membre de l'Assemblée nationale reste à côté de vous; peut-être n'osera-tTrèson pas en tuer deux! (Mouvement. bien! très-bien!) Le général consentit alors à ce que je l'accompagnasse.

Nous fumes amenés au milieu d'un groupe de gardes nationaux, qui, je dois le dire, ne nous malmenèrent et ne nous injurièrent pas.

Mais il en fut tout autrement d'une foule diverse qui vint nous entourer, foule composée surtout de femmes et d'enfants. « A mort le général Ducrot! » disait cette foule. A mort le traitre! Alors je répondis: Le général Ducrot n'est point ici, c'est le général Chanzy; le général Chanzy n'a pas à répondre aux insultes et aux outrages que vous adressez au général Ducrot.

La foule, me prenant alors à partie, s'écria: Je suis blond A mort le petit Prussien ! » et j'avais pour mon malheur... (On rit.) Messieurs, c'est la vérité que je vous rapporte. (Très-bien! - Parlez! parlez !)... J'avais, pour mon malheur, sur la tête, une petite calotte d'officier bavarois qu'un de mes amis m'avait donnée et qui avait été prise dans une bataille aux environs de Paris.

Je répondis alors: Je ne suis point Prussien; je suis Français; je me suis battu avec vous pendant le siége de Paris. Je crois avoir Vous êtes fait mon devoir de bon citoyen. un Prussien-Français, c'est encore pis! » s'écria la foule. Nous continuâmes notre chemin au milieu des huées. La foule grossissait, mais heureusement nous arrivions dans un lieu de protection: c'était la mairie du XIIIe arrondissement.

Là nous montȧmes au premier étage et nous

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