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DE

L'ASSEMBLÉE NATIONALE

COMPTE-RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES

ANNEXES

TOME II - Du 20 Mars au 12 Mai 1871

PARIS

IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE DU JOURNAL OFFICIEL

A. WITTERSHEIM & Cie, QUAI VOLTAIRE, 31

1871

DE

L'ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉANCE DU 20 MARS 1871

SOMMAIRE.

Lecture du procès-verbal: MM. Laserve et Flye Sainte-Marie. - Allocution de M. le Président. Proposition de M. Jules de Lasteyrie, tendant à nommer une commission de quinze membres pour se concerter avec le pouvoir exécutif sur les mesures à proposer à l'Assemblée en raison des événements.

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Présentation par M. le ministre de l'intérieur d'un projet de décret tendant à déclarer le département de Seine-et-Oise en état de siége: MM. de Kerdrel et le ministre de l'intérieur. Retrait de l'Assemblée dans les bureaux. Reprise de la séance publique. Excuses Lettres de MM. Varroy, René Brice et Claude portant retrait de leur démission de représentants de la Meurthe et des Vosges. Dépôt, par M. Clémenceau, d'une proposition relative à l'élection d'un conseil municipal pour la ville de Paris. Demande d'urgence MM. le ministre de l'intérieur et Tirard. Dépôt, par M. Lockroy, d'une proposition relative à l'élection des officiers de la garde nationale. Dépôt, par M. Millière, d'une proposition tendant proroger de trois mois les délais accordés par la loi du 10 mars pour le payement des effets de commerce. Demande d'urgence: MM. le ministre des finances et Vente. Rapport, par M. Antonin LefèvrePontalis, au nom de la commission chargée d'examiner le projet de décret relatif à la mise en état de siége du département de Seine-etOise: MM. Louis Blanc, le général Trochu, Clémenceau, Langlois. Adoption du décret.- Incident MM. Turquet, le ministre de l'intérieur et Langlois. Fixation de l'ordre du jour : MM. de Kerdrel, le général Martin des Pallières, le marquis de Castellane, Arthur Legrand, le général Ducrot.

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PRÉSIDENCE DE M. GRÉVY.

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En conformité de l'ajournement qu'elle s'est donné à Bordeaux le 11 de ce mois, l'Assemblée nationale se réunit à Versailles aujourd'hui 20 mars.

A deux heures un quart, M. le président Grévy, monte au fauteuil.

Sont présents au banc du gouvernement: MM. Thiers, chef du pouvoir exécutif, président du conseil des ministres; Jules Favre, ministre des affaires étrangères; Dufaure, garde

ANNALES. -T. I.

des sceaux, ministre de la justice; Picard, ministre de l'intérieur; Pouyer-Quer tier, ministre des finances; l'amiral Pothuau, ministre de la marine; de Larcy, ministre des travaux publics, et Lambrecht, ministre de l'agriculture et du commerce.

M. le président. L'un de MM. les secrétaires va donner lecture du procès-verbal de la dernière séance tenue par l'Assemblée à Bordeaux.

M. de Rémusat, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance du 11

mars.

M. le président. Il n'y a pas d'observation sur le procès-verbal ?...

M. Laserve. Pardon, monsieur le président! Je demande la parole.

M. le président. Vous avez la parole.

M. Laserve. Dans un annexe au procèsverbal de la séance du 10 mars, on a publié les noms des députés qui ont pris part au vote sur l'amendement, présenté par l'honorable M. Louis Blanc en faveur de la translation immédiate de l'Assemblée à Paris.

Je suis porté au nombre des députés qui ont voté pour cet amendement; mais, en même temps, mon nom figure parmi ceux des membres qui n'ont pas pris part au vote.

La vérité est que, non-seulement j'ai voté pour l'amendement de M. Louis Blanc, mais que je l'ai signé.

Je demande que la rectification soit faite. M. Flye Sainte-Marie. Je demande aussi la parole pour une rectification au procèsverbal.

M. le président. Vous avez la parole. M. Flye Sainte-Marie. Le procès-verbal de la même séance me porte comme m'étant abstenu dans le vote qui tendait à transférer l'Assemblée nationale à Paris.

J'ai voté pour la translation à Paris, et, plus que jamais, je tiens à maintenir mon vote. (Mouvement.)

Quelques voix. Très-bien !

M. le président. Rectification sera faite.
Il n'y a pas d'autres observations?...
Le procès-verbal est adopté.

Messieurs, il semblait que les malheurs de la patrie fussent au comble. Une criminelle 1

insurrection qu'aucun grief plausible, qu'aucun prétexte spécieux ne saurait atténuer, vient de les aggraver encore.

Un gouvernement factieux se dresse en face de la souveraineté nationale dont vous êtes seuls les légitimes représentants. (Très-bien! très-bien!) Vous saurez vous élever avec courage et dignité à la hauteur des grands devoirs qu'une telle situation vous impose.

Que la nation reste calme et confiante, qu'elle se serre autour de ses élus: la force restera au droit. (Mouvement. Oui! oui! Très-bien ! très-bien !)

La représentation nationale saura se faire respecter... (Oui! oui!) et accomplir imperturbablement sa mission en pansant les plaies de la France et en assurant le maintien de la République, malgré ceux qui la compromettent par les crimes qu'ils commettent en son nom. (Applaudissements.)

L'ordre du jour appelle le tirage au sort des bureaux.

M. Jules de Lasteyrie. Pardon, monsieur le président je demande la parole.

M. le président. Vous avez la parole.

M. Jules de Lasteyrie. Messieurs, je ne viens pas faire un discours; je viens demander à l'Assemblée de faire des actes. (Mouvement d'adhésion). Je viens demander à l'Assemblée, qui a l'honneur de représenter la nation française, d'agir en représentant du peuple. (Très-bien ! très-bien !)

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Je crois que dans les circonstances actuelles, il est de notre devoir impérieux, car c'est notre droit, et droit implique devoir, il est de notre devoir impérieux d'affirmer notre souveraineté... (Approbation) et d'appuyer, non pas d'une manière indirecte et implicite, mais d'une manière directe et explicite le pouvoir exécutif, qui défend l'ordre et les lois. (Nouvelle et vive approbation.)

Je propose donc à l'Assemblée, sans plus de phrases, de se réunir immédiatement dans ses bureaux, et de nommer une commission qui puisse résumer en elle toutes les pensées de l'Assemblée, les faire connaître au pouvoir exécutif, s'entendre avec lui, et agir comme il convient d'agir en face des événements qui se produisent. (Assentiment unanime.)

Nous devons le faire pour la France tout entière dont nous sommes les réprésentants, pour la France tout entière, qui nous a confié la mission de sauvegarder son indépendance et sa liberté; nous devons le faire pour la ville de Paris, qui, d'ici à peu de jours, peut être exposée aux plus grand dangers... (Mouvement. -C'est vrai!) nous devons le faire pour l'armée qui nous garde et pour qu'elle entende, par la bouche des représentants de la patrie mutilée, les paroles du droit et du devoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Je demande que l'Assemblée se réunisse sans délai dans ses bureaux.

Plusieurs membres. Les anciens bureaux ! Autres membres. Oui, oui, les anciens bureaux!

M. Jules de Lasteyrie. Qu'elle se réunisse dans ses anciens bureaux pour aller plus vite.

Je demande que la commission, quelle que soit la gravité de la mission qui lui sera confiée, ne soit composée que de quinze membres,

car une commission de trente membres serait trop nombreuse pour délibérer promptement. (C'est vrai ! c'est vrai!)

Cette commission s'entendra avec le pouvoir exécutif, et, aujourd'hui même, pourra apporter à l'Assemblée les dispositions qui devront être votées. (Très-bien! très-bien!)

Voix nombreuses. Les anciens bureaux! les anciens bureaux!

M. le président. Je donne la parole à M. le ministre de l'intérieur.

M. Ernest Picard, ministre de l'intérieur. Messieurs, le Gouvernement ne s'oppose pas à la proposition qui est faite; il en remercie l'Assemblée. (Très bien !) Avec son accord, avec son concours, la force, comme on l'a dit, de meurera au dreit. (Oui! oui! — Très-bien !)

Et maintenant, messieurs, je vous demande de voter d'urgence un projet de loi dont je vous prie de me permettre de vous donner lecture au nom du Gouvernement. (Lisez ! lisez!)

L'Assemblée, issue du libre suffrage de la nation, seul pouvoir régulier en France, voit ses droits méconnus, le siége de ses délibérations menacé par une insurrection qui profite des malheurs de la patrie pour lui porter les derniers coups.

L'Assemblée nationale doit être protégée; elle seule peut assurer le salut de la France; et, bien que son existence ne puisse dépendre d'un coup de force, il est du devoir du Gouvernement de prendre les mesures qu'exigent les circonstances. (Marques d'assentiment.)

Le Gouvernement vous propose de mettre le département de Seine-et-Oise en état de siége.

L'état de guerre est flagrant. La déclaration d'état de siége n'est donc pas dictée par des considérations politiques, mais par des nécessités de défense. (C'est vrai! - Très-bien!)

Elle ne peut rassurer les populations et contribuer à hatia fin d'une crise qui cause tant de ruines et semble faite pour préparer la domination de l'étranger. (Sensation marquée.) « L'Assemblée nationale décrète :

Article unique. Le département de Seine-etOise est mis en état de siége.

Tel est le projet pour lequel l'Assemblée pourra nommer des commissaires immédiatement, si elle déclare l'urgence... (Oui! oui !), et sur lequel elle pourra voter aujourd'hui même. (Assentiment.)

Un membre. Votons tout de suite!

M. le ministre de l'intérieur. L'Assemblée ne peut voter sur un projet de loi avant que des commissaires aient été nommés et lui aient fait un rapport; elle ne le peut pas, alors même que l'urgence est déclarée. (C'est vrai!). Du reste, un rapport peut être présenté aujourd'hui même.

M. le président. L'Assemblée entend maintenir, je pense, au moins jusqu'à demain ou après-demain, les anciens bureaux? (Oui! oui !)

Il n'y a pas d'opposition?... (Non! non!) Le tirage des bureaux, qui devait être fait aujourd'hui, aura lieu ultérieurement.

M. d'Aboville. Je demande, pour amender ou compléter la proposition de l'honorable M. Jules de Lasteyrie, que, non-seulement le département de Seine-et-Oise, mais aussi le département de la Seine soit mis en état de siége.

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