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prise. Il n'y a là

aucune raison qui puisse dispenser le souverain de la remettre dans ses droits, dans son premier état.

8 215.

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Et à l'égard de ce qui est cédé à l'ennemi.

Mais tout ce qui est cédé à l'ennemi par le traité de paix, est véritablement et pleinement aliéné. Il n'a plus rien de commun avec le droit de postliminie, à moins que le traité de paix ne soit rompu et annulé.

216.

Le droit de postliminie n'a plus lieu après la paix.

Et comme les choses dont le traité de paix ne dit rien restent dans l'état où elles se trouvent au moment que la paix est conclue, et sont tacitement cédées de part ou d'autre à celui qui les possède, disons en général que le droit de postliminie n'a plus lieu après la paix conclue. Ce droit est entièrement relatif à l'état de guerre 1.

8 217.

Pourquoi il a toujours lieu pour les prisonniers. Cependant, et par cette raison même, il y a ici une exception à faire en faveur des prisonniers de guerre. Leur souverain doit les délivrer à la paix (§ 154). S'il ne le peut, si le sort des armes le force à recevoir des conditions dures et iniques, l'ennemi, qui devrait relâcher les prisonniers lorsque la guerre est finie, lorsqu'il n'a plus rien à craindre d'eux (§ 150 et 153), continue avec eux l'état de guerre s'il les retient en captivité, et surtout s'il les réduit en esclavage (§ 152). Ils sont donc en droit de se tirer de ses mains s'ils en ont les moyens, et de revenir dans leur patrie tout comme en temps de guerre, puisque la guerre continue à leur égard; et alors le souverain, qui doit les protéger, est obligé de les rétablir dans leur premier état (§ 205).

1 Voir, suprà, liv. III, 3 209 et 212, et WHEATON, Éléments du droit international, II, p. 212. P. P. F.

2 218.

Ils sont libres même, s'ils se sauvent dans un pays neutre.

:

Disons plus ces prisonniers, retenus après la paix sans raison légitime, sont libres, dès qu'échappés de leur prison ils se trouvent en pays neutre. Car des ennemis ne peuvent être poursuivis et arrêtés en pays neutre (§ 132); et celui qui retient après la paix un prisonnier innocent persiste à être son ennemi. Cette règle doit avoir et a effectivement lieu entre les Nations, chez lesquelles l'esclavage des prisonniers de guerre n'est point reçu et autorisé.

8 219.

Comment les droits et les obligations des prisonniers subsistent.

Il est assez clair, par tout ce que nous venons de dire, que les prisonniers de guerre doivent être considérés comme des citoyens qui peuvent revenir un jour dans la patrie; et lorsqu'ils reviennent, le souverain est obligé de les rétablir dans leur premier état. De là il suit évidemment que les droits de ces prisonniers, et les obligations auxquelles ils sont astreints, ou les droits d'autrui sur eux, subsistent dans leur entier, et demeurent seulement suspendus, pour la plupart, quant à leur exercice, pendant le temps de la prison.

? 220. Du testament d'un prisonnier de guerre.

Le prisonnier de guerre conserve donc le droit de disposer de ses biens, et en particulier d'en disposer à cause de mort; et comme il n'y a rien dans son état de captivité qui puisse lui ôter l'exercice de son droit à ce dernier égard, le testament d'un prisonnier de guerre doit valoir dans sa patrie, si aucun vice inhérent ne le rend caduc.

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Chez les Nations qui ont rendu le mariage indissoluble, ou qui l'établissent pour la vie, à moins qu'il ne soit dissous par le juge, le lien subsiste malgré la captivité de l'un

des conjoints et celui-ci, de retour chez lui, rentre dans tous ses droits matrimoniaux, par droit de postliminie 1.

222.

De ce qui est établi, par rapport au droit de postliminie, par les traités, ou par la coutume.

Nous n'entrons point ici dans le détail de ce qui est établi, à l'égard du droit de postliminie, par les lois civiles de quelques peuples. Observons seulement que ces règlements particuliers n'obligent que les sujets de l'État, et n'ont aucune force contre les étrangers. Nous ne touchons pas non plus à ce qui est réglé dans les traités : ces conventions particulières établissent un droit pactice, qui ne regarde que les contractants. Les coutumes introduites par un long et constant usage lient les peuples qui y ont donné un consentement tacite, et doivent être respectées quand elles n'ont rien de contraire à la loi naturelle. Mais celles qui donnent atteinte à cette loi sacrée, sont vicieuses et sans force. Loin de se conformer à de pareilles coutumes, toute Nation est obligée de travailler à les faire abolir. Chez les Romains, le droit de postliminie avait lieu, même en pleine paix, à l'égard des peuples avec lesquels Rome n'avait ni liaisons d'amitié, ni droit d'hospitalité, ni alliance (*). C'est que ces peuples-là, ainsi que nous l'avons déjà observé, étaient regardés en quelque façon comme ennemis. Des mœurs plus douces ont aboli presque partout ce reste de barbarie.

Les propositions soutenues par Vattel dans ces derniers paragraphes ne peuvent plus faire question dans le droit public moderne. P. P. F. (*) Digest., lib. XLIX, de capt. et postlim., Leg. V, § 2.

CHAPITRE XV.

DU DROIT DES PARTICULIERS DANS LA GUERRE.

223.

Les sujets ne peuvent commettre des hostilités sans ordre du souverain.

Le droit de faire la guerre, comme nous l'avons montré dans le chapitre 1er de ce livre, appartient uniquement à la puissance souveraine. Non-seulement c'est à celle-ci de décider s'il convient d'entreprendre la guerre, et de la déclarer; il lui appartient encore d'en diriger toutes les opérations, comme des choses de la dernière importance pour le salut de l'État. Les sujets ne peuvent donc agir ici d'euxmêmes, et il ne leur est pas permis de commettre aucune hostilité, sans ordre du souverain. Bien entendu que la défense de soi-même n'est pas comprise ici sous le terme d'hostilités. Un sujet peut bien repousser la violence même d'un concitoyen, quand le secours du magistrat lui manque ; à plus forte raison pourra-t-il se défendre contre l'attaque inopinée des étrangers.

8 224. Cet ordre peut être général ou particulier.

L'ordre du souverain, qui commande les actes d'hostilité, et qui donne le droit de les commettre, est ou général, ou particulier. La déclaration de guerre, qui commande à tous les sujets de courir sus aux sujets de l'ennemi, porte un ordre général. Les généraux, les officiers, les soldats, les armateurs et les partisans, qui ont des commissions du souverain, font la guerre en vertu d'un ordre particulier. Source de la nécessité d'un pareil ordre.

225.

Mais si les sujets ont besoin d'un ordre du souverain.

pour faire la guerre, c'est uniquement en vertu des lois essentielles à toute société politique, et non par l'effet de quelque obligation relative à l'ennemi. Car dès le moment qu'une Nation prend les armes contre une autre, elle se déclare ennemie de tous les individus qui composent celleci, et les autorise à la traiter comme telle. Quel droit aurait-elle de se plaindre des hostilités que des particuliers commettraient contre elle sans ordre de leur supérieur? La règle dont nous parlons se rapporte donc au droit public général plutôt qu'au droit des gens proprement dit, ou au principe des obligations réciproques des Nations'.

? 226.

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Pourquoi le droit des gens a dû adopter cette règle. A ne considérer que le droit des gens en lui-même, dès que deux Nations sont en guerre, tous les sujets de l'une peuvent agir hostilement contre l'autre, et lui faire tous les maux autorisés par l'état de guerre. Mais si deux Nations se choquaient ainsi de toute la masse de leurs forces, la guerre deviendrait beaucoup plus cruelle et plus destructive; il serait difficile qu'elle finît autrement que par la ruine entière de l'un des partis. Et l'exemple des guerres anciennes le prouve de reste: on peut se rappeler les premières guerres de Rome, contre les républiques populaires qui l'environnaient. C'est donc avec raison que l'usage contraire a passé en coutume chez les Nations de l'Europe, au moins chez celles qui entretiennent des troupes réglées ou des milices sur pied. Les troupes seules font la guerre, le reste du peuple demeure en repos. Et la nécessité d'un ordre particulier est si bien établie, que lors même que la guerre est déclarée entre deux Nations, si des paysans commettent d'eux-mêmes quelques hostilités, l'ennemi les traite sans ménagement, et les fait pendre, comme il ferait des voleurs ou des brigands. Il en est de même de ceux

'Voir, suprà, liv III, la note du 3 72, et infrà, la note du? 229. P.P.F

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