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sans doute cet usage. Les volontaires sont traités aujourd'hui par l'ennemi qui les fait prisonniers, comme s'ils

commerce (voir, sur ce décret, G. DUFOUR, Traité général de Dr. admin. appliqué, t. VII, note 2, p. 7 et suiv.). Si, par le décret du 21 novembre 1806 sur le blocus des Iles-Britanniques, dit décret de Berlin, Napoléon fulmine l'interdiction du commerce anglais, c'est pour appliquer à ce pays les usages qu'il avait consacrés dans sa législation maritime, « jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu que le droit de la guerre est un et le même sur terre que sur mer, qu'il ne peut s'étendre ni aux propriétés privées, quelles qu'elles soient, ni à la personne des individus étrangers à la profession des armes » (Voir les observations de M. Wolowski dans la discussion indiquée plus haut; G. DUFOUR, libr. cit., t. VII, p. 8 et suiv.). Ces différentes tentatives sont demeurées sans résultat, et jamais la course ne se fit avec plus d'acharnement que dans les guerres de la Révolution et du premier Empire. Mais les idées ont marché depuis. Une longue paix, en passant sur l'Europe, a créé des relations nouvelles entre les peuples, et fondé une solidarité d'intérêts que les développements de l'industrie tendent tous les jours à consolider. Aussi, dans les guerres qui ont marqué ces dernières années, les belligérants ont-ils renoncé aux armements en course. Dès le commencement de la guerre d'Orient, en 1854, la France et l'Angleterre ont accordé un délai de six semaines aux navires de commerce russes pour sortir des ports français et anglais. Elles ont déclaré en même temps qu'on ne saisirait sur les bâtiments neutres que la contrebande de guerre, et qu'on ne délivrerait pas de lettres de marque pour autoriser les armements en course. Enfin, après la conclusion de la paix, les plénipotentiaires qui avaient signé le traité de Paris du 30 mars 1856 ont, dans une déclaration du 16 avril suivant, qui restera célèbre, posé, en tête des principes de droit public que leurs gouvernements s'engageaient à faire prévaloir, l'abolition de la course maritime. Ce nouveau droit des gens, mis ainsi en rapport avec les progrès de la civilisation, a été déclaré exécutoire en France par le décret du 25 avril 1856. Presque toutes les nations de l'ancien et du nouveau continent ont adhéré à cette déclaration, à l'exception de l'Espagne, du Mexique et des États-Unis de l'Amérique du Nord. Par une dépêche du 28 juillet 1856, M. Marcy, ministre des États-Unis, a fait connaître au gouvernement français que son gouvernement serait prêt à adhérer, s'il était ajouté à l'énoncé de l'abolition de la course, que la propriété privée des sujets ou citoyens des nations belligérantes serait exempte de saisie sur mer, de la part des marines militaires respectives. Un vœu semblable à celui des États-Unis a été émis par le Brésil, dans une note du 18 mars 1858; par les négociants de Brême, le 2 décembre 1859; en

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étaient attachés à l'armée dans laquelle ils combattent. Rien n'est plus juste. Ils s'unissent de fait à cette armée, ils

fin, il a été manifesté dans la Chambre des députés de Prusse, en 1860 et 1861; mais les grandes puissances maritimes paraissent peu disposées à réaliser ce nouveau progrès, qui sera cependant, tôt ou tard, l'une des conquêtes de l'avenir. En attendant l'abolition du droit de prise, le président actuel des États du Nord vient de décréter l'armement de corsaires contre le commerce des États sécessionnistes, en se fondant sur ce que les confédérés, par leurs armements en course, ont rendu ces représailles nécessaires. - La déclaration du 16 avril n'a donc pas atteint la dernière limite du progrès possible; il reste encore à rendre le commerce libre pour les belligérants comme pour les neutres, à préserver des désastres de la guerre les biens privés et les citoyens étrangers à la profession des armes. Quant à l'abolition de la course, elle ne deviendra définitive qu'autant que la renonciation à cette pratique sera le résultat d'un accord unanime de tous les peuples. «Si l'un des belligérants seulement renonçait à la course, dit M. Massé, l'autre augmenterait aussitôt ses armements particuliers, favoriserait par tous les moyens les expéditions de corsaires, et, profitant d'une obéissance irréfléchie à des principes qui ne sont obligatoires qu'autant que tout le monde consent à s'y soumettre, tiendrait renfermés dans leurs ports les bâtiments de la nation trop scrupuleuse, ou les arrêterait facilement en pleine mer s'ils se hasardaient à s'y montrer... C'est donc aux mœurs publiques, à la civilisation, aux intérêts bien entendus du commerce à continuer de faire entendre leur voix, à dominer les passions ou les préjugés des gouvernants et des gouvernés» (Libr. cit., t. I, p. 135). La course maritime tend, d'ailleurs, de nos jours, à devenir de plus en plus impossible. Cette coupable industrie est détruite dans sa racine par le progrès des arts industriels. En même temps que le sens moral du monde civilisé la condamne, le perfectionnement des machines de guerre navale la rend matériellement impraticable. Autrefois, les corsaires montaient des bâtiments très-fins voiliers qui défiaient la chasse des vaisseaux de guerre et même des frégates. Avec la navigation à vapeur, cela n'est plus possible. Il sera facile d'avoir des croiseurs qui captureront assurément les corsaires, parce qu'ils auront une marche supérieure. Un bâtiment corsaire en état d'échapper à ces croiseurs nouveaux serait une spéculation ruineuse. En même temps que l'application de la vapeur aux vaisseaux mettra désormais les flottes militaires en mesure de suffire seules à tous les besoins de la guerre, l'apparition sur les mers de vaisseaux cuirassés et de navires béliers, aura pour effet de réduire le nombre des bâtiments de combat, en augmentant leur force d'action et leur résistance.. Au lieu d'une guerre de détail,

soutiennent la même cause; peu importe que ce soit en vertu de quelque obligation, ou par l'effet d'une volonté libre 1.

dont les rôles se partageaient entre des bâtiments de toute force et de toute grandeur, la guerre maritime, si profondément modifiée depuis quarante ans, n'offrira plus, dorénavant, le spectacle que de luttes décisives, où les navires modernes vomiront en un jour plus de fer et de feu qu'on ne faisait autrefois en vingt batailles. Ajoutons à ces considérations, que si le principe étroit des rivalités commerciales, érigé autrefois en raison d'État, inspirait à la politique d'un autre temps l'inintelligente tactique d'attaquer au cœur la puissance commerciale de l'ennemi, de l'inquiéter, de la compromettre, et, s'il était possible, de l'anéantir; de nos jours, où le commerce fait par l'ennemi est un commerce libre, dans lequel le peuple belligérant lui-même a sa part, la course, instrument de haines jalouses, n'a plus de raisons d'être, et doit rester désormais sans emploi (voir l'opinion de M. Michel-Chevalier dans la discussion citée plus haut, Séances et Travaux de l'Acad. des sc. mor. et polit., t. LV, année 1861, p 136; Revue des Deux-Mondes (15 sept. 1859), La vapeur comme force auxiliaire et comme force de combat;.voir aussi, sur les progrès de l'art naval depuis 1815, les articles de M. X. RAYMOND, dans la Revue des Deux-Mondes (nos 1er et 15 juin, 1er et 15 juillet 1862), et l'article de M. L. REYBAUD, De l'équilibre et de l'état des forces navales en France et en Angleterre (no 1er, oct. 1860); CAUCHY, lib. cit., t. II, p. 400 et suiv.). Quant à la législation de la course et des prises maritimes en France, l'ordonnance de 1681, liv. III, Tit. 9 et 10, sur les prises et les lettres de marque ou représailles, et une déclaration du 24 juin 1778 sur ce qui concerne la course, ont servi de base à l'arrêté des consuls du 2 prairial an XI, qui a été jusqu'à ce jour la loi en vigueur sur cette partie du droit maritime. Son application, qui concerne les prises maritimes et intéresse le droit international, est confiée au Conseil d'État, qui a remplacé, depuis 1814, le Conseil des prises créé en l'an VIII. Le décret du 18 juill.-1er août 1854 avait institué de nouveau un conseil spécial des prises, chargé de statuer sur la validité de toutes les prises maritimes faites dans le cours de la guerre contre la Russie, et dont le jugement devait appartenir à l'autorité française. Mais le traité de paix de 1856 a eu pour résultat de rendre inutile l'existence de ce Conseil. En conséquence, il a dû cesser ses fonctions, en vertu d'un décret du 3-8 mai de la même année. (Voir LAFERRIÈRE, Cours de droit public et administratif, 5o édit., t. I, p. 297 et suiv.; PRADIER FODÉRÉ, Précis de Droit administratif, 5 édit., p. 58 et 59; GAB. DUFOUR, lib. cit., t. VII, p. 13 et suiv.; MASSE, lib. cit., t. I, p. 136 et suiv.; CAUCHY, lib. cit. t. I, p. 297, 343, 345 et suiv., 350 et suiv., t. II, p. 160, 165 à 167.) P. P. F.

1 « L'étranger, dit Pinheiro-Ferreira, qui se procure une lettre de

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De ce que peuvent faire les soldats et les subalternes.

Les soldats ne peuvent rien entreprendre sans le commandement, exprès ou tacite, de leurs officiers; car ils sont faits pour obéir et exécuter, et non pour agir de leur chef; ils ne sont que des instruments dans la main de leurs commandants. On se rappellera ici ce que nous entendons par un ordre tacite; c'est celui qui est nécessairement compris dans un ordre exprès, ou dans les fonctions commises par un supérieur. Ce qui est dit des soldats doit s'entendre à proportion des officiers, et de tous ceux qui ont quelque commandement subalterne. On peut donc, à l'égard des choses dont le soin ne leur est point commis, comparer les uns et les autres aux simples particuliers, qui ne doivent rien entreprendre sans ordre. L'obligation des gens de guerre est même beaucoup plus étroite; car les lois militaires défendent expressément d'agir sans ordre, et cette discipline est si nécessaire, qu'elle ne laisse presque aucun lieu à la présomption. A la guerre, une entreprise qui paraîtra fort avantageuse, et d'un succès presque certain, peut avoir des suites funestes; il serait dangereux de s'en rapporter au jugement des subalternes, qui ne connaissent pas toutes les vues du général, et qui n'ont pas ses

» marque de notre ennemi, espérant pouvoir nous piller impunément à >> l'abri de ce talisman, et celui que nous rencontrerons dans les rangs de » l'armée que nous combattons, ne devront pas être seulement soumis >> aux conséquences fâcheuses du prisonnier pris en bonne guerre, mais >> ils devront subir le sort que les lois du pays ont réservé aux forbans » qui, sans autre motif que celui de leur intérêt particulier, en veulent à >> la fortune et à la vie de nos concitoyens » (Note sur les 229 et 230, p. 443). M. Massé examinant s'il est loisible à un étranger de solliciter et d'obtenir des lettres de marque d'une puissance autre que celle à laquelle il appartient, conclut que l'obtention de lettres de marque étrangères serait inutile, qu'elle pourrait être dangereuse et même coupable dans les cas où elle ne serait pas inutile (Voir, sur cette question, MASSE, Le Dr. commerc. dans ses rapports avec le Dr. des gens, t. I, p. 142 et suiv.). P. P. F.

lumières; il n'est pas à présumer que son intention soit de les laisser agir d'eux-mêmes. Combattre sans ordre, c'est presque toujours, pour un homme de guerre, combattre contre l'ordre exprès, ou contre la défense. Il ne reste donc guère que le cas de la défense de soi-même, où les soldats et subalternes puissent agir sans ordre. Dans ce cas, l'ordre se présume avec sûreté; ou plutôt le droit de défendre sa personne de toute violence appartient naturellement.à chacun, et n'a besoin d'aucune permission. Pendant le siége de Prague (a), dans la dernière guerre, des grenadiers français, sans ordre et sans officiers, firent une sortie, s'emparèrent d'une batterie, enclouèrent une partie du canon, et emmenèrent l'autre dans la place. La sévérité romaine les eût punis de mort. On connaît le fameux exemple du consul Manlius (*), qui fit mourir son propre fils victorieux, parce qu'il avait combattu sans ordre. Mais la différence des temps et des mœurs oblige un général à tempérer cette sévérité. Le maréchal de Belle-Isle réprimanda en public ses braves grenadiers; mais il leur fit distribuer sous main de l'argent, en récompense de leur courage et de leur bonne volonté. Dans un autre siége fameux de la même guerre, au siége de Coni (b), les soldats de quelques bataillons logés dans les fossés, firent d'eux-mêmes, en l'absence des officiers, une sortie vigoureuse, qui leur réussit. Le baron de Leutrum fut obligé de pardonner cette faute, pour ne pas éteindre une ardeur qui faisait toute la sûreté de sa place. Cependant il faut, autant qu'il est possible, réprimer cette impétuosité désordonnée; elle peut devenir funeste. Avidius Cassius punit de mort quelques officiers de son armée, qui étaient allés sans ordre, avec une poignée de monde, surprendre un corps de 3,000 hommes, et l'avaient taillé en pièces. Il justifia cette rigueur en disant, qu'il pou

En 1742.

(a) Note de l'éditeur de 1775.
(*) TIT.-LIV., lib. VIII, cap. VII.
(b) Note de l'éditeur de 1775. — En 1744.

D.

D.

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