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vait se faire qu'il y eût une embuscade dicens evenire potuisse ut essent insidiæ (*).

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232. Si l'État doit dédommager les sujets des pertes qu'ils ont souffertes par la guerre.

L'État doit-il dédommager les particuliers des pertes qu'ils ont souffertes dans la guerre? On peut voir dans Grotius (**), que les auteurs se sont partagés sur cette question. Il faut distinguer ici deux sortes de dommages, ceux que cause l'État, ou le souverain lui-même, et ceux que fait l'ennemi. De la première espèce, les uns sont causés librement et par précaution, comme quand on prend le champ, la maison, ou le jardin d'un particulier, pour y construire le rempart d'une ville, ou quelque autre pièce de fortification; quand on détruit ses moissons, ou ses magasins, dans la crainte que l'ennemi n'en profite. L'État doit payer ces sortes de dommages au particulier, qui n'en doit supporter que sa quote part. Mais d'autres dommages sont causés par une nécessité inévitable: tels sont, par exemple, les ravages de l'artillerie, dans une ville que l'on reprend sur l'ennemi. Ceux-ci sont des accidents, des maux de la fortune, pour les propriétaires sur qui ils tombent. Le souverain doit équitablement y avoir égard, si l'état de ses affaires le lui permet; mais on n'a point d'action contre l'État pour des malheurs de cette nature, pour des pertes qu'il n'a point causées librement, mais par nécessité et par accident, en usant de ses droits. J'en dis autant des dommages causés par l'ennemi. Tous les sujets sont exposés à ces dommages; malheur à celui sur qui ils tombent! On peut bien, dans une société, courir ce risque pour les biens, puisqu'on le court pour la vie. Si l'état devait à la rigueur dédommager tous ceux qui perdent de

(*) Vulcatins Gallican, cité par GROTIUS, liv. III, ch. XVIII; 1, note 6. (**) Liv. III, ch. xx, 8.

cette manière, les finances publiques seraient bientôt épuisées; il faudrait que chacun contribuât du sien, dans une juste proportion; ce qui serait impraticable. D'ailleurs ces dédommagements seraient sujets à mille abus, et d'un détail effrayant. Il est donc à présumer que ce n'a jamais été l'intention de ceux qui se sont unis en société.

Mais il est très-conforme aux devoirs de l'État et du souverain, et très-équitable par conséquent, très-juste même, de soulager autant qu'il se peut les infortunés que les ravages de la guerre ont ruinés, de même que de prendre soin d'une famille dont le chef et le soutien a perdu la vie pour le service de l'État. Il est bien des dettes sacrées pour qui connaît ses devoirs, quoiqu'elles ne donnent point d'action contre lui (*).

CHAPITRE XVI.

DE DIVERSES CONVENTIONS QUI SE FONT DANS LE COURS DE

? 233.

LA GUERRE.

De la trève et de la suspension d'armes.

La guerre deviendrait trop cruelle et trop funeste, si tout commerce était absolument rompu entre ennemis. Il

(*) C'est en général un devoir indispensable pour tout souverain, de prendre les mesures les plus efficaces pour empêcher que ses sujets qui sont en guerre n'en souffrent que le moins possible, bien loin de les exposer volontairement à de plus grands maux. Pendant les guerres des Pays-Bas, Philippe II défendit de rendre ou d'échanger les prisonniers de guerre. Il défendit aux paysans, sous peine de mort, de payer des contributions pour se racheter de l'incendie et du pillage, et il interdit sous les mêmes peines les sauvegardes. Les États-Généraux opposèrent de très-sages mesures à cette barbare ordonnance. Ils publièrent un édit dans lequel, après avoir représenté les suites funestes de la barbarie espagnole, ils exhortaient les Flamands à penser à leur conservation, et menaçaient d'user de représailles contre ceux qui obéiraient au cruel édit de Philippe. Par là ils mirent fin aux horreurs qu'il avait causées.

reste encore, suivant la remarque de Grotius (*), des commerces de guerre, comme Virgile (**) et Tacite (***) les appellent. Les occurrences, les événements de la guerre, obligent les ennemis à faire entre cux diverses conventions. Comme nous avons traité en général de la foi qui doit être gardée entre ennemis, nous sommes dispensés de prouver ici l'obligation de remplir avec fidélité ces conventions, faites pendant la guerre; il nous reste à en expliquer la nature. On convient quelquefois de suspendre les hostilités pour un certain temps; si cette convention est faite seulement pour un terme fort court, et pour quelque lieu en particulier, on l'appelle cessation d'hostilités ou suspension d'armes. Telles sont celles qui se font pour enterrer les morts après un assaut ou après un combat, et pour un pourparler, pour une conférence entre les chefs ennemis. Si l'accord est pour un temps plus considérable, et surtout s'il est général, on l'appelle plus particulièrement trève ou armistice. Plusieurs se servent indifféremment de l'une ou de l'autre de ces expressions.

234. Elle ne finit point la guerre.

La trève, ou la suspension d'armes, ne termine point la guerre; elle en suspend seulement les actes.

8 235. — La trève est particulière ou générale.

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La trève est particulière ou générale. Dans la première, les hostilités cessent seulement en certains lieux, comme entre une place et l'armée qui en fait le siége. La seconde les fait cesser généralement et en tous lieux, entre les deux puissances qui sont en guerre. On pourrait encore distinguer des trèves particulières, par rapport aux actes

(*) Liv. III, chap. XXI, 2 1. (**)

Æneid., X, v. 532.

Belli commercia Turnus Sustulit ista prior. —(***) Annal., lib. XIV, cap. xxxi.

d'hostilité, ou aux personnes; c'est-à-dire que l'on peut convenir de s'abstenir pour un temps de certaine espèce d'hostilités, ou que deux corps d'armée peuvent arrêter entre eux une trève ou suspension d'armes, sans rapport à aucun lieu.

2 236. Trève générale et à longues années.

Quand une trève générale est à longues années, elle ne diffère guère de la paix, sinon en ce qu'elle laisse indécise la question qui fait le sujet de la guerre. Lorsque deux Nations sont lasses de la guerre, sans pouvoir convenir sur ce qui forme leurs différends, elles ont recours à cette espèce d'accord. C'est ainsi qu'il ne s'est fait communément, au lieu de paix, que des trèves à longues années entre les chrétiens et les Turcs; tantôt par un faux esprit de religion, tantôt parce que ni les uns ni les autres n'ont voulu se reconnaître réciproquement pour maitres légitimes de leurs possessions respectives 1.

237. Par qui ces accords peuvent être conclus.

Pour qu'un accord soit valide, il faut qu'il soit fait avec un pouvoir suffisant. Tout ce qui se fait à la guerre est fait en l'autorité de la puissance souveraine, qui seule a le droit et d'entreprendre la guerre et d'en diriger les opérations (§ 4 et 223). Mais il est impossible qu'elle exécute tout par elle-même; il faut nécessairement qu'elle communique

Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 293, p. 274; Klüber, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 8 277, 278, p. 351 et suiv.; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. II, 19, p. 59 et suiv.- La Porte ottomane, dit Klüber, croyait autrefois, en vertu des principes de l'islamisme, ne pouvoir former que des armistices avec les puissances chrétiennes... Mais aujourd'hui elle conclut aussi des traités de paix à perpétuité.. (Libr. cit, 278, note b, p. 352). Depuis que la Porte ottomane est entrée dans le concert européen, ce qui n'était présenté par Klüber et d'autres publicistes que comme une exception, est devenu la règle (Voir aussi MARTENS, libr. cit., t. II, § 293, note d, p. 275). P. P. F.

une partie de son pouvoir à ses ministres et officiers. Il s'agit de savoir quelles sont les choses dont le souverain se réserve la disposition, et quelles on présume naturellement qu'il confie aux ministres de ses volontés, aux généraux et autres officiers à la guerre. Nous avons établi et expliqué ci-dessus (liv. II, 2 207) le principe qui doit servir ici de règle générale. S'il n'y a point de mandement spécial du souverain, celui qui commande en son nom est censé revêtu de tous les pouvoirs nécessaires pour l'exercice raisonnable et salutaire de ses fonctions, pour tout ce qui est une suite naturelle de sa commission; le reste est réservé au souverain, qu'on ne présume point avoir communiqué de son pouvoir au delà de ce qui est nécessaire pour le bien des affaires. Suivant cette règle, la trève générale ne peut être conclue et arrêtée que par le souverain lui-même, ou par celui à qui il en a expressément donné le pouvoir. Car il n'est point nécessaire, pour le succès des opérations, qu'un général soit revêtu d'une autorité si étendue. Elle passerait les termes de ses fonctions, qui sont de diriger les opérations de la guerre là où il commande, et non de régler les intérêts généraux de l'État. La conclusion d'une trève générale est une chose si importante, que le souverain est toujours sensé se l'être réservée. Un pouvoir si étendu ne convient qu'au gouverneur ou vice-roi d'un pays éloigné, pour les États qu'il gouverne; encore, si la trève est à longues années, est-il naturel de présumer qu'elle a besoin de la ratification du souverain. Les consuls et autres généraux romains pouvaient accorder des trèves générales pour le temps de leur commandement; mais si ce temps était considérable, ou s'ils étendaient la trève plus loin, la ratification du Sénat et du peuple y était nécessaire. Une trève même particulière, mais pour un long temps, semble encore passer le pouvoir ordinaire d'un général ; il ne peut la conclure que sous réserve de la ratification.

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