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? 65.

On doit recevoir le ministre d'une puissance amie.

Puisque les Nations sont obligées de communiquer ensemble, d'écouter les propositions et les demandes qui leur sont faites, de maintenir un moyen libre et sûr de s'entendre et de se concilier dans leurs différends, un souverain ne peut, sans des raisons très-particulières, refuser d'admettre et d'entendre le ministre d'une puissance amie, ou avec laquelle il est en paix. Mais s'il a des raisons de ne point le recevoir dans l'intérieur du pays, il peut lui marquer un lieu sur la frontière, où il enverra pour entendre ses propositions; et le ministre étranger doit s'y arrêter il suffit qu'on l'entende, c'est tout ce qu'il peut prétendre 1.

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L'obligation ne va point jusqu'à souffrir en tout temps des ministres perpétuels, qui veulent résider auprès du souverain, bien qu'ils n'aient rien à négocier. Il est naturel, à la vérité, et très-conforme aux sentiments que se doivent mutuellement les Nations, de recevoir avec amitié ces ministres résidents, lorsqu'on n'a rien à craindre de

par un parlementaire ou un ami commun. La guerre n'est pas, par ellemême, un motif suffisant de refuser le sauf-conduit. Voir la note de M. CH. VERGÉ, sur le 2 188 du Précis de MARTENS, édit. cit., t. II, p. 42. P. P. F.

Il n'y a pas obligation, mais simplement convenance ou raison politique pour un État souverain, de recevoir les ministres publics d'une autre puissance; aussi est-il libre de fixer les conditions de leur admission, et de déterminer les droits et prérogatives qu'il leur accordera. Il a le droit également de se refuser à recevoir tel ou tel individu comme ministre d'une autre puissance, sans avoir à rendre aucun compte des raisons personnelles ou politiques qui lui dictent ce refus. Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 2 190, p. 45, et la note de M. CH. VERGÉ, sur le 3 188, p. 42 et 43; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 176, p. 231 et suiv., note b, p. 232, 3 187, p. 244 et suiv., note d, p. 245; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 189,

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leur séjour. Mais si quelque raison solide s'y oppose, le bien de l'État prévaut sans difficulté; et le souverain étranger ne peut s'offenser, si l'on prie son ministre de se retirer quand il a terminé les affaires qui l'avaient amené, ou lorsqu'il n'en a aucune à traiter. La coutume d'entretenir partout des ministres continuellement résidents, est aujourd'hui si bien établie, qu'il faut alléguer de très-bonnes raisons pour refuser de s'y prêter sans offenser personne. Ces raisons peuvent être fournies par des conjonctures particulières; mais il y en a aussi d'ordinaires, qui subsistent toujours, et qui se rapportent à la constitution du gouvernement, à l'état d'une Nation. Les républiques en auraient souvent de très-bonnes de cette dernière espèce, pour se dispenser de souffrir continuellement chez elles des ministres étrangers qui corrompent les citoyens, qui les attachent à leurs maîtres au grand préjudice de la répu blique, qui y forment et y fomentent des partis, etc. Et quand ils ne feraient que répandre chez une Nation, anciennement simple, frugale et vertueuse, le goût du luxe, la soif de l'or, les mœurs des cours, en voilà de reste pour autoriser un magistrat sage et prévoyant à les congédier. La Nation polonaise ne souffre pas volontiers les ministres résidents, et leurs pratiques auprès des membres qui composent la diète n'ont fourni que trop de raisons de les éloigner. En 1666, un nonce se plaignit en pleine diète de ce que l'ambassadeur de France prolongeait sans nécessité son séjour en Pologne, et dit qu'il fallait le regarder comme un espion. D'autres, en 1668, firent instance à ce qu'on réglát par une loi le temps du séjour que les ambassadeurs pourraient faire dans le royaume (*) 1.

(*) Wicquefort, de l'Ambassadeur, liv. I, sect. 1, à la fin.

1 << Nous ne saurions deviner, dit Pinheiro-Ferreira, quelles bonnes >> raisons un gouvernement monarchique ou républicain aurait pu allé»guer pour renvoyer le ministre qu'un autre gouvernement pourrait >> vouloir entretenir auprès de lui, comme auprès d'autres puissances,

67. Comment on doit admettre les ministres d'un ennemi.

Plus la guerre est un fléau terrible, et plus les Nations sont obligées de se réserver des moyens pour y mettre fin. Il est donc nécessaire qu'elles puissent s'envoyer des ministres, au milieu même des hostilités, pour faire quelques ouvertures de paix, ou quelques propositions tendantes à adoucir la fureur des armes. Il est vrai que le ministre d'un ennemi ne peut venir sans permission; aussi fait-on demander pour lui un passeport ou sauf-conduit, soit par un ami commun, soit par un de ces messagers privilégiés

>> du moment que cela ne l'aurait engagé à rien, pas même à la réci>> procité.

>>> La crainte de voir introduire le goût du luxe dans le pays serait tout » à fait puérile; car une telle appréhension devrait l'amener à interdire >> l'entrée à tout étranger riche qui viendrait y vivre avec la magnificence » à laquelle il serait habitué.

» La crainte de voir le ministre étranger fomenter des partis n'est pas >> plus raisonnable; car, plutôt que de faire à ce ministre et à son gou>> vernement l'injure de leur supposer un pareil projet, on devrait avoir » le courage de les attendre à leurs œuvres et de les traiter en consé»quence » (Note sur le 2 66, p. 490).

« Un souverain étranger, dit M. de Chambrier d'Oleires, ne peut s'of» fenser, selon M. de Vattel, si l'on prie son ministre de se retirer quand » il a terminé les affaires qui l'avaient amené, ou lorsqu'il n'en a aucune » à traiter. Mais dès qu'un souverain a admis un ministre, il ne peut plus » l'obliger à s'en aller, à moins d'une rupture de correspondance ou d'un » attentat commis par le ministre. Il peut en demander le rappel, mais » c'est en cas de mécontentement personnel, dont il ne s'agit pas ici; et » à moins qu'un ministre n'ait été envoyé spécialement pour une affaire » particulière, on ne saurait l'obliger à quitter son poste, lors même qu'il » n'aurait plus d'affaire à négocier, puisqu'il est présumé être en place » pour maintenir la bonne harmonie entre les deux États. Si des républi» ques ont eu à regretter d'avoir admis des ministres résidents, c'est une » question politique et de droit public; mais ces ministres une fois reçus » ne peuvent plus être éloignés par la seule volonté de l'État qui les a admis, "sous prétexte qu'ils n'ont rien à faire; et même un ministre qui n'au» rait été admis que pour une affaire particulière, ne peut être éloigné » que quand l'affaire est terminée ou rompue, de manière à ne plus exi» ger son intervention » (Note sur le 2 66, édit. D'HAUTERIVE, t. II).

par les lois de la guerre, et dont nous parlerons plus bas, je veux dire, par un trompette ou un tambour. Il est vrai encore que l'on peut refuser le sauf-conduit, et ne point admettre le ministre. Mais cette liberté, fondée sur le soin que chaque Nation doit à sa propre sûreté, n'empêche point que l'on ne puisse poser comme une maxime générale, qu'on ne doit pas refuser d'admettre et d'entendre le ministre d'un ennemi. C'est-à-dire que la guerre seule, et par elle-même, n'est pas une raison suffisante pour refuser d'entendre toute proposition venant d'un ennemi; il faut que l'on y soit autorisé par quelque raison particulière et bien fondée. Telle serait, par exemple, une crainte raisonnable et justifiée par la conduite même d'un ennemi artificieux, qu'il ne pense à envoyer ses ministres, à faire des propositions, que dans la vue de désunir des alliés, de les endormir par des apparences de paix, de les surprendre.

68. Si l'on peut recevoir les ministres d'un usurpateur,

envoyer.

et lui en

Avant que de finir ce chapitre, nous devons examiner une question célèbre et souvent agitée; on demande si les Nations étrangères peuvent recevoir les ambassadeurs et autres ministres d'un usurpateur, et lui envoyer les leurs? Les puissances étrangères suivent ici la possession, si le bien de leurs affaires les y convie. Il n'y a point de règle plus sûre, plus conforme au droit des gens et à l'indépen- ! dance des Nations. Puisque les étrangers ne sont pas en droit de se mêler des affaires domestiques d'un peuple, ils ne sont pas obligés d'examiner et d'approfondir sa conduite dans ces mêmes affaires, pour en peser la justice ou l'injustice; ils peuvent, s'ils le jugent à propos, supposer que le droit est joint à la possession. Lorsqu'une Nation a chassé son souverain, les puissances qui ne veulent pas se déclarer contre elle et s'attirer ses armes ou son inimitié,

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la considèrent désormais comme un État libre et souverain, sans prendre sur elles de juger si c'est avec justice qu'elle s'est soustraite à l'empire du prince qui la gouvernait. Le cardinal Mazarin fit recevoir Loccard, envoyé par Cromwell, comme ambassadeur de la république d'Angleterre, et ne voulut voir ni le roi Charles II, ni ses ministres. Si la Nation, après avoir chassé son prince, se soumet à un autre, si elle change l'ordre de la succession, et reconnaît un souverain, au préjudice de l'héritier naturel et désigné, les puissances étrangères sont encore fondées à tenir pour légitime ce qui s'est fait ce n'est pas leur querelle ni leur affaire. Au commencement du siècle dernier, Charles, duc de Sudermanie, s'étant fait couronner roi de Suède, au préjudice de Sigismond, roi de Pologne, son neveu, il fut bientôt reconnu par la plupart des souverains. Villeroy, ministre de Henri IV, roi de France, disait nettement au président Jeannin dans une dépêche du 8 avril 1608 Toutes ces raisons et considérations n'empêcheront point le roi de traiter avec Charles, s'il y trouve son intérêt et celui de son royaume. Ce discours était sensé. Le roi de France n'était ni le juge, ni le tuteur de la Nation suédoise, pour refuser, contre le bien de son royaume, de reconnaître le roi qu'elle s'était choisi, sous prétexte qu'un compétiteur traitait Charles d'usurpateur. Fût-ce même avec raison, les étrangers ne sont pas appelés à en juger.

Lors donc que des puissances étrangères ont admis les ministres d'un usurpateur et lui ont envoyé les leurs, le prince légitime venant à remonter sur le trône, ne peut se plaindre de ces démarches comme d'une injure, ni en faire un juste sujet de guerre, pourvu que ces puissances ne soient pas allées plus avant, et n'aient point donné de secours contre lui. Mais reconnaître le prince détrôné ou son héritier, après qu'on a solennellement reconnu celui qui l'a remplacé, c'est faire injure à ce dernier et se déclarer

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