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2 75.

- Des Consuls, Agents, Députés, Commissaires, etc.

Nous avons parlé des Consuls, en traitant du commerce (liv. II, 34). Autrefois ces Agents étaient une espèce de ministres publics; mais aujourd'hui, que les titres sont multipliés et prodigués, celui-ci est donné à de simples commissionnaires des princes, pour leurs affaires particulières. Souvent même ce sont des sujets du pays où ils résident. Ils ne sont pas ministres publics, ni par conséquent sous la protection du droit des gens. Mais on leur doit une protection plus particulière qu'à d'autres étrangers ou citoyens, et quelques égards en considération du prince qu'ils servent. Si ce prince envoie un Agent avec des lettres de créance et pour affaires publiques, l'agent est dès lors ministre public: le titre n'y fait rien. Il faut en dire autant des Députés, Commissaires et autres chargés d'affaires publiques.

2 76. Des lettres de créance.

Entre les divers caractères établis par l'usage, le souverain peut choisir celui dont il veut revêtir son ministre, et il déclare le caractère du ministre, dans les lettres de créance qu'il lui remet pour le souverain à qui il l'envoie. Les lettres de créance sont l'instrument qui autorise et constitue le

cit., t. II, 191, 200, p. 47 et suiv., et les notes importantes de M. CH. VERGÉ, p. 50 et suiv., 56 et suiv., 72 et suiv., 74 et suiv.; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., & 177, 186, p. 232 et suiv.; CH. DE MARTENS, Le guide diplomatique, t. I, p. 58, 65; Heffter, Le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. Bergson, 201, 208 et suiv.; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 191, et suiv., 8 6; ESCHBACH, Introd. gén. à l'étude du Dr., p. 83, 86, 88. Les ordonnances du 16 décembre 1832 et du 1er mars 1833, ont divisé les missions diplomatiques en quatre classes: les missions qualifiées d'ambassades, et celles dont les titulaires ont le rang de ministre plénipotentiaire, de ministre résident et de chargé d'affaires (Voir la note f sous le ? 179 de Klüber. p. 236; LAFERRIÈRE, Cours de Droit public et administratif, 5e édit., t. I, p 314 et suiv.). P. P. F.

ministre dans son caractère auprès du prince à qui elles sont adressées. Si ce prince reçoit le ministre, il ne peut le recevoir que dans la qualité que lui donnent ses lettres de créance. Elles sont comme sa procuration générale, son mandement ouvert, mandatum manisfestum 1.

1 «Dans cet article, dit Pinheiro-Ferreira, destiné à traiter des lettres » de créance, Vattel aurait dû signaler la différence qu'il y a entre celles >> des ministres des deux premiers ordres, l'ambassadeur et l'envoyé, et >> celles des résidents et des chargés d'affaires.

» Nous l'avons déjà dit: les premiers sont accrédités directement par >> les chefs de leurs gouvernements auprès de celui à qui ils sont adressés; >> les deux derniers ne le sont que par le ministre des affaires étrangères » de leur pays, auprès du ministre des affaires étrangères du pays où ils » vont résider.

>> On voit qu'au fond il n'y a dans ces deux manières de se faire >> accréditer aucune différence essentielle, car un titre n'est pas moins >> authentique que l'autre; les pouvoirs sont les mêmes, et l'importance >> des affaires confiées aux derniers n'est pas inférieure à celle des >> affaires confiées aux premiers.

» Il y a cependant, par le fait, une différence essentielle à remarquer; » c'est que si le chef du gouvernement change, les ambassadeurs et » les envoyés doivent présenter des lettres de créance de celui qui lui » a succédé, tandis que les chargés d'affaires et les résidents continuent » d'exercer leurs fonctions sans qu'il soit besoin de nouvelles lettres de » créance. Quel a pu être le motif d'une différence aussi dénuée de rai» son? C'est que les ministères changeant souvent pendant un même » règne, on a pensé que, d'un côté, il serait incommode d'échanger >> chaque fois des lettres de créance, et, d'un autre côté, on n'a voulu >> voir dans le ministre de qui la lettre de créance est émanée, qu'un » délégué du monarque. Cependant, pour être conséquent, on aurait dù » conclure que, pour cela même, le monarque étant décédé, les pouvoirs >> conférés par ses sous-délégués ne sauraient avoir plus de durée que >> les siens propres » (Note sur le % 76, p. 503).

Les lettres de créance, dit le baron Ch. de Martens, sont une espèce de plein pouvoir général; mais, dans la pratique, elles ne servent qu'à constater le caractère d'un ambassadeur, et ne l'autorisent à aucune négociation particulière. Leur forme varie suivant le rang du souverain qui écrit, et celui du souverain auxquelles elles sont adressées. Elles ne sont reçues qu'après qu'il en a été donné une copie textuelle, et que le protocole a été reconnu conforme aux usages établis; elles sont remises ou censées l'être dans une audience publique ou privée, selon l'usage du 16

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Les instructions données au ministre contiennent le mandement secret du maître, les ordres auxquels le ministre aura soin de se conformer, et qui limitent ses pouvoirs. On pourrait appliquer ici toutes les règles du droit naturel sur la matière de la procuration, ou du mandement, tant ouvert que secret. Mais outre que cela regarde plus particulièrement la matière des traités, nous pouvons d'autant mieux nous dispenser de ces détails dans cet ouvrage, que par un usage sagement établi, les engagements dans lesquels un ministre peut entrer, n'ont aujourd'hui aucune force entre les souverains, s'ils ne sont ratifiés par son principal '.

pays et le caractère officiel de celui qui en est porteur (Le guide di plomatique, t. I, p. 66). Voir: MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 8 202, p. 83, et la note, p. 83 et suiv.; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 8 182, p. 238 et suiv., 193 et suiv., p. 252 et suiv.; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t I, p. 196, 87; ESCHBACH, Introduction générale à l'étude du Dr., p. 87. P. P. F.

1 Les instructions du ministre sont seulement, dit Wheaton, pour sa direction personnelle, et ne doivent pas être communiquées au gouvernement auprès duquel il est accrédité, à moins qu'il n'ait reçu de son propre gouvernement l'ordre de les communiquer in extenso, ou partiellement; à moins encore qu'à son gré il ne juge utile de faire une telle communication (Élém. du Dr. internat., t I, p. 197, 39). La facilité des moyens de correspondance entre les différents États, a développé beaucoup dans les temps modernes l'usage des instructions accessoires aux pleins pouvoirs. On peut affirmer même, après avoir lu les documents diplomatiques publiés annuellement par certains gouvernements de l'Europe (l'Angleterre et la France notamment), que les ministres publics ne se meuvent pas sans avoir reçu une direction particulière. La correspondance échangée entre les agents diplomatiques et leur gouvernement n'est qu'une série d'instructions (voir, par exemple, les documents diplomatiques, publiés par le ministère des relations étrangères de France, sur les affaires de Rome, d'Italie, de Serbie, de Grèce, des États-Unis, du Mexique, de Chine, pendant l'année 1862). Il arrive même quelquefois que le chef du gouvernement adresse personnellement des instructions à des agents de son autorité (voir, par exemple, la lettre de l'empe

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Nous avons vu ci-dessus que tout souverain, et même tout corps, toute personne qui a le droit de traiter d'affaires publiques avec des puissances étrangères, a aussi celui d'envoyer des ministres publics (Voyez le chapitre précédent). Il n'y a pas de difficulté pour ce qui est des simples ministres, ou des mandataires, considérés en général comme chargés des affaires et munis des pouvoirs de ceux qui ont droit de traiter. On accorde encore sans difficulté aux ministres de tous les souverains, les droits et les prérogatives des ministres du second ordre. Mais les grands monarques refusent à quelques petits États le droit d'envoyer des ambassadeurs. Voyons si c'est avec raison. Suivant l'usage généralement reçu, l'ambassadeur est un ministre public qui représente la personne et la dignité d'un souverain, et comme ce caractère représentatif lui attire des honneurs particuliers, c'est la raison pourquoi les grands princes ont peine à admettre l'ambassadeur d'un petit État, se sen

reur Napoléon III au général Forey, du 3 juillet 1862, dans le recueil des documents diplomatiques cité plus haut, p. 190). Quant aux pleins pouvoirs autorisant le ministre à négocier, ils doivent être insérés dans la lettre de créance, mais ils sont plus ordinairement dressés sous forme de lettres patentes. En général les ministres envoyés à un congrès ne sont pas munis de lettres de créance, mais seulement de pleins pouvoirs dont ils échangent réciproquement les copies les uns avec les autres, ou les déposent entre les mains d'une puissance médiatrice, ou d'un ministre président (voir: WHEATON, Élém. du Dr. internat., t I, p. 197, 8). A propos des pleins pouvoirs, Pinheiro-Ferreira fait observer que « les pouvoirs du ministre diplomatique, fût-il ambassadeur, ne >> l'autorisent point à conclure rien de valable. En se réservant le droit >> de ratifier ou de ne pas ratifier ce dont ces agents peuvent être con>> venus, les gouvernements ôtent à ce mandat le caractère de pouvoir, >> et encore plus celui de plein pouvoir » (Note sur le % 77, p. 503). Voir: MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 2204, p. 85, et la note, p. 86; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 177, p. 232 et suiv., 193, p. 252 et suiv., § 196, p. 256 P. P. F.

et suiv.

tant de la répugnance à lui accorder des honneurs si distingués. Mais il est manifeste que tout souverain a un droit égal à se faire représenter, aussi bien au premier degré qu'au second et au troisième; et la dignité souveraine mérite, dans la société des Nations, une considération distinguée. Nous avons fait voir (liv. II, chap. m), que la dignité des Nations indépendantes est essentiellement la même, qu'un prince faible, mais souverain, est aussi bien souverain et indépendant que le plus grand monarque; comme un nain n'est pas moins un homme qu'un géant, quoique, à la vérité, le géant politique fasse une plus grande figure que le nain dans la société générale, et s'attire par là plus de respect et des honneurs plus recherchés. Il est donc évident que tout prince, tout État véritablement souverain, a le droit d'envoyer des ambassadeurs, et que lui contester ce droit, c'est lui faire une très-grande injure, c'est lui contester sa dignité souveraine. Et s'il a ce droit, on ne peut refuser à ses ambassadeurs les égards et les honneurs que l'usage attribue particulièrement au caractère qui porte la représentation d'un souverain. Le roi de France n'admet point d'ambassadeurs de la part des princes d'Allemagne, refusant à leurs ministres les honneurs affectés au premier degré de la représentation, et cependant il reçoit les ambassadeurs des princes d'Italie. C'est qu'il prétend que ces derniers sont plus parfaitement souverains que les autres, ne relevant pas de même de l'autorité de l'empereur et de l'empire, bien qu'ils en soient feudataires. Les empereurs, cependant, affectent sur les princes d'Italie les mêmes droits qu'ils peuvent avoir sur ceux d'Allemagne. Mais la France voyant que ceux-là ne font pas corps avec l'Allemagne, et n'assistent point aux diètes, les sépare de l'empire autant qu'elle peut, en favorisant leur indépendance absolue 1.

1 << L'indépendance d'une nation, dit Pinheiro-Ferreira, n'est mulle» ment mise en question parce qu'on ne veut accorder à ses ministres

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